Sutemi-waza

A l’occasion d’une une semaine calme, je propose une rediffusion.

Ils sont l’illustration parfaite du principe de non opposition et de celui de l’utilisation de la force de l’adversaire.

Dans notre langue, nous les appelons les « techniques de sacrifices », en effet, pour les appliquer il faut s’effacer devant l’adversaire en se mettant volontairement au sol, sur le dos ou le flanc : se sacrifier.

De fait les sutemis sont praticables par tous les gabarits et notamment les plus faibles. Par conséquent, une fois « bien maîtrisés », leur efficacité est redoutable. Tomoe-nage la fameuse « planchette japonaise » est le plus célèbre d’entre eux.

Dans leur exécution, non seulement on ne s’oppose pas à la force de l’adversaire, mais on y ajoute la nôtre. Même avec peu de toute puissance, il suffit de « conduire » celle de l’opposant. A partir de là, « tout le monde peut faire tomber tout le monde ». Nous sommes au cœur de l’efficacité du ju-jitsu tel qu’il doit être enseigné et pratiqué.

Certes sans action offensive de l’adversaire, il est impossible d’appliquer ces principes d’addition de force, mais le ju-jitsu (bien présenté) a toujours revendiqué le titre de méthode de défense et non pas d’attaque.

En judo, avec l’avènement de la compétition et des catégories de poids, certaines projections ont dû être adaptées, c’est le cas des sutemis ; dans la mesure où, à technique (presque) équivalente et à poids égal, les principes de base n’ont plus les même effets, y compris celui de la surprise pour la personne qui en agresse une autre et qui n’envisage pas que celle-ci puisse se défendre en utilisant de telles techniques.

Le meilleur exemple d’adaptation, pour lequel on peut presque utiliser le terme de nouvelle technique (apparue à la fin des années 1960), s’appelle tomoe-nage avec l’apparition du yoko-tomoe-nage. Cette dernière forme ne trouvant sa raison d’être que dans le randori et le combat de judo. Il n’existe pas vraiment d’applications en self défense. Une analyse approfondie de cette belle technique pourra faire un beau sujet par la suite.

Il y a donc des différences techniques mais aussi d’utilisation selon que l’on se trouve dans le cadre de la (self) défense ou bien dans celui du judo. Ne serait-ce que dans la rue, sur un sol dur, nous nous placerons sur le dos qu’en dernière analyse, lorsque la poussée est tellement forte que nous sommes déjà en déséquilibre et que l’application de techniques comme hiza-guruma, par exemple, qui nous laisserait debout, n’est plus possible. A l’inverse, en judo les sutemis peuvent être pratiqués directement, comme toute autre technique.

Il existe aussi les « makikomi », ils sont un peu les « cousins » des sutemis. Littéralement, il s’agit de techniques d’enroulement. Le corps de Tori venant au contact de celui d’Uke pour l’entraîner jusqu’au sol. La différence essentielle réside dans le fait que pour les sutemis, il y a séparation des corps durant l’action et que pour les makikomi, c’est l’inverse. L’efficacité se réalisant dans le plus étroit contact entre les deux protagonistes (au profit de Tori, évidemment, qui emmène le corps d’Uke avec le sien dans une synergie rotative). Le point commun étant que dans les deux cas l’idée est d’entraîner l’adversaire au sol en y allant volontairement.

La maîtrise de ces « techniques de sacrifices » requiert de la patience, comme beaucoup d’autres, mais leur parfaite exécution – qui donne l’impression d’agir sans aucun effort et même de façon un peu magique – procure peut-être une joie supérieure à celle ressentie dans la réalisation d’autres projections. C’est en tout cas un sentiment que je ne pense pas être le seul à partager.

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Bilan d’une saison particulière

Une saison s’achève, c’est le moment d’en faire le bilan et de se souvenir des principaux faits qui l’ont marquée.

Après le stage de Soulac en août 2022 et notre retour dans la station balnéaire, une nouvelle aventure commençait.

En effet, l’opportunité de reprendre mon métier s’est présentée après plus de deux années de disette causée par la crise sanitaire. Deux années durant lesquelles je n’ai bénéficié d’aucune aide, en tout cas pas de la part de ceux qui auraient pu le faire, et où j’ai même dû affronter quelques hostilités et autres bâtons dans les roues.

Aussi, en septembre, grâce à Eve Bourreau, talentueuse karatékate au caractère très affirmé, une porte s’est ouverte à l’IME de Niort. J’ai pu proposer deux cours adultes et deux cours enfants par semaine. Bien évidemment, ce n’est pas suffisant, mais cela permettait de remettre le pied à l’étrier. Dans un autre registre, fin septembre, j’ai eu l’immense joie de retrouver Yannick Viaud avec lequel j’avais passé un an au Bataillon de Joinville en 1973. Nous avons refait le monde le temps d’un repas. Yannick est un judoka d’une technicité remarquable.

En octobre, le fait marquant aura été l’organisation d’une Master Class self défense à Chauvigny dans la Vienne. A l’initiative d’Yves Vanduren, professeur de karaté, j’ai participé à l’encadrement de ce rassemblement qui a réuni plus de soixante stagiaires le temps d’un dimanche. Christian Panatoni pour le karaté-défense et Stéphane Pescher pour le SOG close combat étaient mes deux « collègues » tout au long de cette journée parfaitement réussie.

En novembre deux stages ont été organisés : à Paris où je me rends environ une fois par mois et à Léognan en Gironde, un endroit dans lequel j’ai mes habitudes et où je suis toujours bien reçu par Nicole et Michel Dourthes, les dirigeants emblématiques du club et Christian Walgraeve le professeur.

En décembre, un mois traditionnellement assez calme, un seul stage était au programme, à l’IME de Niort.

L’année se finissait avec la satisfaction d’avoir repris une activité régulière, d’avoir retrouvé mon métier, non sans mal, et de partager mon expérience.

En janvier : un stage à Paris et une première avec un rassemblement dans le magnifique dojo tout neuf du G.R.Kudo à Fontenay-le-Comte.  Merci à Gwen Raguenault pour son accueil.

Février est aussi un mois calme, vacances d’hiver obligent. Juste un stage à Niort au « Club sojjok kwan » que Manuel Baptista avait mis gentiment à notre disposition.

En mars, trois stages au programme : Léognan, Paris et Aire-sur-l’Adour où je me rendais pour la première fois. Ce fût le fait marquant de ce mois de mars. En effet, Michel Perez avait réussi à rassembler une soixantaine de stagiaires venus d’horizons différents, pour une première ce fût une première parfaitement réussie.

Avril et mai ont été particulièrement calmes, vacances et ponts en sont les raisons, exception faite avec un stage le 14 à Paris.

En juin, en plus des rendez-vous de Paris et de Niort, il y a eu une autre première avec le stage de Chevreuse, dans les Yvelines. Là aussi, ce fût une belle réussite. C’était aussi l’occasion de retrouvailles très sympathiques avec Marc Houget, un judoka au palmarès enviable et qui propose un ju-jitsu que je connais bien.

A noter que début juin, un article consacré à l’attitude au dojo à explosé les compteurs de ma page Facebook en termes de « personnes touchées ». Comme quoi rien n’est perdu.

J’en profite pour remercier tous ceux qui m’ont aidé et qui m’ont soutenu après cette terrible crise sanitaire qui ne m’a pas épargné. Il y a encore des gens pour qui l’entraide reste une valeur sûre, des personnes qui ont aussi une mémoire qui n’est pas sélective. Je sais aussi que beaucoup auraient souhaité m’aidez, mais ne savaient pas comment faire, je les remercie aussi, à l’impossible nul n’est tenu. J’ignore tous ceux qui auraient pu me venir en aide et qui se sont abstenus.

J’en profite pour rappeler que les cours se poursuivront au moins jusqu’au 11 juillet à l’IME. Si des personnes veulent nous rejoindre pour une soirée ou deux, elles seront les bienvenus. Nous devrions reprendre les cours à l’IME la dernière semaine du mois d’août.

N’oublions pas non plus le stage de Soulac-sur-Mer du  13 au 18 août.

A tous, je souhaite un très bel été.

(Ci-dessous,, quelques photos pour retracer une saison. Davantage de photos et de vidéos souvenirs dans les prochains jours)

Le bon vieux ju-jitsu

Un commentaire sur une de mes vidéos mise en ligne il y a quelques jours, évoquait « Le bon vieux ju-jitsu ». A un moment, j’ai fait un parallèle avec un titre de notre regrettée idole « Le bon temps du Rock’n Roll ». Que l’auteur de ce commentaire se rassure, loin de moi de l’avoir mal pris, au contraire.

Cela m’a inspiré quelques réflexions.

Oui, je suis fidèle à ce ju-jitsu que je pratique et enseigne depuis des décennies, sans jamais le renier, ce qui ne m’a pas empêché, dans le cadre d’une formation professionnelle complète, de pratiquer d’autres disciplines institutionnelles.

Le ju-jitsu a su traverser les siècles et, même s’il a connu des périodes de repli, il a toujours su renaître des ses cendres, il est intemporel, inoxydable. Il sait faire le dos rond face aux assauts de nouvelles méthodes (de toute façon nous avons tous deux bras deux jambes et c’est la façon dont on s’en sert qui fait la différence), il a pour lui la force de sa vérité. Beaucoup d’écoles existent, certaines fantaisistes, d’autres un peu contraires à l’esprit de base, il faut savoir faire le tri.

Cette pluralité de styles existait déjà au temps de Jigoro Kano, quand il a décidé de faire une synthèse pour créer sa propre école qu’il appela « judo ».

Pour ma part, je reste attaché à un style d’une richesse et d’une finesse technique exceptionnelles,  développant un état d’esprit constructif. Tous ces éléments sont autant de raisons qui font que ma fidélité lui est acquise et c’est toujours avec la même passion que je l’enseigne. Et pourquoi renier ce que l’on aime ?

Il n’est pas question d’immobilisme, moi-même, en son temps,  j’ai participé à des évolutions dans ma discipline, mais toujours à partir des mêmes racines techniques, des mêmes principes et du partage des mêmes valeurs. Je n’ai jamais confondu évolution et régression.

L’évolution, par définition, doit se faire dans le bon sens, non pas à rebours. Il y a des principes et des techniques qui doivent être respectés, faute de perte d’identité et de qualités.

Maintenant chacun est libre de pratiquer ce qui lui convient et d’enseigner en fonction de ses aspirations et… de ses compétences. A condition que cet enseignement soit éducatif, et non pas destructif.

Sur ce sujet, je suis inflexible : c’est l’éducation qui prime (éducation physique et mentale). J’ai quelques formules que mes élèves connaissent bien, elles valent ce qu’elles valent, mais elles ont le mérite d’être explicites. En voici quelques-unes : « sur ma carte professionnelle est inscrit éducateur sportif et non pas destructeur sportif ». « On est ici pour apprendre et non pour en prendre ». « Il faut construire un système de défense, plutôt que de se limiter à détruire ». « Apprendre à maîtriser en se maîtrisant ». Ce sont des formules avec des mots, et les mots ont leur importance, surtout lorsqu’il s’agit de transmission au service de l’éducation.

Autre réflexion à propos d’une question récurrente, à savoir « quelle est la méthode de self défense la plus efficace » ?  Si on me pose la question, je ne vais pas répondre que ce n’est pas la mienne. Je répondrais que tout d’abord c’est une méthode qui envisage le plus de réponses possibles à un maximum de formes d’agressions. Ensuite cela dépend évidemment qui l’enseigne et qui la pratique.

Pour ce qui me concerne, j’attache autant d’importance à l’éducation physique et mentale qu’à l’éducation utilitaire. Une bonne condition physique ne nuira pas en cas d’agression, et en plus elle permet de vivre en meilleure santé. Et une éducation mentale dans laquelle on trouvera certaines valeurs, aidera à ne pas faire n’importe quoi, à se maîtriser dans toutes les circonstances, mais aussi à se soumettre à quelques efforts et s’imposer une certaine rigueur dans la pratique, synonyme de résultats dans bien des domaines. Par exemple la recherche du détail, de la finesse technique, sans se satisfaire du minimum.

Maintenant, cela a été répété à maintes reprises, nous ne sommes pas tous égaux en situation de stress occasionné par une agression. Mais, il n’est pas question de provoquer un affrontement pour se tester. Même si certains prétendent que l’épreuve de la rue est la seule qui vaille !

J’ai raconté plusieurs fois que parmi mes élèves (de tous niveaux), il y a des hommes et des femmes qui se sont sortis de fâcheuses situations, sur des agressions diverses et cela suffit à me convaincre.

Maintenant, même si je connais des personnes qui s’en sont sortis avec peu de pratique, il est incontestable que c’est la régularité  et l’ancienneté qui offriront un maximum de chances.

Et puis, toujours à propos du ju-jitsu, j’aime bien la tenue qu’on appelle familièrement le kimono. Bien que judogi, kekogi, ou tout simplement dogi soient plus corrects. C’est mon « blanc de travail », pratique et hygiénique. Chaque sport a une tenue qui lui est propre et qu’il respecte.

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L’art de la souplesse : “notre histoire”

Comme à chaque période un peu plus calme, j’ai le plaisir de vous proposer un conte japonais qui pourrait s’intituler : « notre histoire » (celle du ju-jitsu) ! Il est issu du merveilleux ouvrage “contes et récits des arts martiaux et du japon”. 
Le cœur de saule
Le médecin Shirobei Akyama était parti en Chine pour étudier la médecine, l’acupuncture et quelques prises de Shuai-Chiao, la lutte chinoise.
De retour au Japon, il s’installe près de Nagasaki et se met à enseigner ce qu’il avait appris. Pour lutter contre la maladie il emploie de puissants remèdes. Dans sa pratique de la lutte il utilise beaucoup sa force. Mais devant une maladie délicate ou trop forte, ses remèdes sont sans effets. Contre un adversaire trop puissant, ses techniques restent inefficaces. Un à un ses élèves l’abandonnent. Shirobei, découragé, remet en question les principes de sa méthode. Pour y voir plus clair, il décide de se retirer dans un petit temple et de s’imposer une méditation de cent jours.
Pendant ses heures de méditation, il bute contre la même question sans pouvoir y répondre : «  Opposer la force à la force n’est pas une solution car la force est battue par une force plus forte, alors comment faire ? »
Or, un matin, dans le jardin du temple où il se promène, alors qu’il neige, il reçoit enfin la réponse tant attendue : après avoir entendu les craquements d’une branche de cerisier qui cassa net sous le poids de la neige, il aperçoit un saule au bord de la rivière. Les branches souples du saule ployent sous la neige jusqu’à ce qu’elles se libèrent de leur fardeau. Elles reprennent alors leur place, intactes.
Cette vision illumine Shirobei. Il redécouvre les grands principes du Tao. Les entences de Lao-Tseu lui reviennent en tête :
Qui se plie sera redressé
Qui s’incline restera entier
Rien n’est plus souple que l’eau
Mais pour vaincre le dur et le rigide
Rien ne la surpasse
La rigidité conduit à la mort
La souplesse conduit à la vie
Le médecin de Nagasaki réforme complètement son enseignement qui prend alors le nom de Yoshinryu, l’école du cœur de saule, l’art de la souplesse, qu’il apprendra à de nombreux élèves.

Professeur et entraîneur

Professeur et entraîneur : ce n’est pas pareil. Les objectifs sont différents, il en est de même pour les qualités indispensables à la fonction et le public auquel on s’adresse n’a pas les mêmes aspirations.

Sans professeur, il n’y aurait pas d’entraîneur, puisqu’on ne peut entraîner qu’une personne qui possède déjà un bagage technique conséquent. Or, parfois on constate que la case professeur est sautée au profit de celle d’entraîneur. En clair, inconsciemment ou pas, certains oublient leur statut de professeurs au profit de celui d’entraîneur.

Chacun son métier et chacun sa mission.

Je n’emploierai ni des mots trop savants, ni des formules trop compliquées pour donner mon humble point de vue.

Le métier de professeur est un des plus beaux métiers du monde mais aussi un des plus difficiles. Pour transmettre les connaissances que l’on possède, il faut de la patience, du bon sens et une bonne « boîte à outils » pédagogique.

Entraîneur, c’est différent, dans la mesure où on s’occupe de personnes qui doivent se surpasser, qui doivent « performer » (pour reprendre un mot « particulier »). Donc on s’adresse à des athlètes qui ont comme but « la gagne ».

Si l’entraîneur se substitue au professeur, il se coupe de la base, de ceux qui sont venus pour une simple pratique physique, pour se défouler, s’amuser ou apprendre à se défendre. Ce qui représente une majorité de personnes mises de coté, ou tout simplement qui ne commencerons pas. Les deux peuvent être compatibles, mais trop souvent l’entraîneur « oublie » le professeur, pourtant indispensable.

Que la compétition puisse être proposée, cela se comprend, mais souvent elle est imposée, même insidieusement avec une forme d’ostracisme involontaire.

Certes, dans l’esprit de certains, il est plus valorisant de s’occuper d’une élite, encore faut-il en avoir les capacités. Un entraîneur doit être un meneur d’hommes et de femmes, doté de qualités psychologiques pouvant s’adapter à chaque athlète. C’est volontairement que j’utilise le mot athlète pour souligner que les personnes qui ont droit à cette appellation appartiennent à une élite qui est forcément coupée de la base. Cette base qui, comme déjà indiqué plus haut, n’a ni les capacités nécessaires, ni  tout simplement l’envie d’appartenir à ce groupe, et qui risque d’être mise sur la touche, si le professeur n’est plus qu’un entraineur.

Cette base qui représente l’immense majorité des pratiquants a besoin d’un professeur, tout simplement. Et si possible un bon professeur. D’où l’importance qui doit être donnée à la formation des futurs enseignants, ne serait-ce que pour éviter cette confusion professeur/entraîneur.

Commencer à entraîner avant d’enseigner, c‘est comme apprendre à plonger sans que l’élève sache nager ! Ou pire, dans une piscine sans eau !

La description faite dans ces quelques lignes n’est pas une règle générale, tant mieux ! Mais il faut être prudent pour qu’elle ne le devienne pas !

Quelques mots sur les grades

Dans les arts martiaux, les grades occupent une place importante. Cependant, il ne faut ni les surévaluer, ni les négliger.
Essentiellement, ils permettent de situer le niveau de maîtrise technique du pratiquant, cela en fonction de la couleur de la ceinture qu’il porte autour de la taille.

Au début, les ceintures de couleur n’existaient pas, seules la blanche, la marron et la noire « tenaient » la veste du judogi. C’est à l’initiative de Maître Kawaishi , lorsqu’au milieu du siècle dernier il prit en main le judo français, que les ceintures de couleur ont fait leur apparition. Il avait bien compris l’esprit européen (et français en particulier) toujours friand de reconnaissances à arborer.

Jigoro Kano, fondateur du judo en 1882, avait tenu à hiérarchiser les valeurs pour l’accession à ces différents niveaux avec le fameux « Shin-Ghi-Tai » ! Ce qui signifie : l’esprit, la technique et le corps. L’ordre établi n’est pas le fruit du hasard. L’esprit (le mental) arrive en premier, il nous habite jusqu’à la fin de notre aventure sur terre.
Ensuite, il avait placé la maîtrise technique, que l’on peut démontrer assez longtemps et enseigner tout le temps.
C’est assez logiquement que le corps (le physique) arrive en dernier ; malheureusement avec l’âge même si on en prend soin, le déclin est inéluctable.

Il est vrai que mis à part les « grades compétitions » décernés à l’issue de combats qui favorisent malgré tout l’aspect physique des candidats, la délivrance des grades techniques est forcément subjective puisque c’est du jugement humain qu’elle dépend.

L’expérience qui m’anime me fait dire qu’il y a deux ceintures très importantes dans la vie d’un budoka : la ceinture jaune et la ceinture noire. La ceinture jaune, tout simplement parce que c’est la première et la ceinture noire parce que, malgré les années et un nombre sans cesse plus important de 1er dan, elle représente toujours un symbole très fort. Une sorte de graal !

Cependant, il ne faut pas oublier qu’elle n’est pas une finalité, simplement une étape très importante. Elle est une belle récompense, la preuve d’une pratique qui s’est inscrite dans la durée, synonyme de rigueur.

Mais elle doit être aussi une sorte de contrat signé avec l’art martial que l’on pratique et… avec soi-même. Un engagement qui signifie, qu’à partir de ce moment-là, s’impose le devoir de ne  jamais abandonner les tatamis, sauf cas de force majeur.

Les grades sont des encouragements à ne pas lâcher la pratique et même à la renforcer dans la dernière ligne droite de chaque préparation.

Certains les assimilent à des hochets et les négligent. (C’est vrai que parfois des questions s’imposent quant à la générosité avec laquelle ils sont distribués : grades de copinage, de soumission, monnayés ou d’entre-soi.)

Cependant nous sommes dans un système où ils existent et nous nous devons de les accepter. Peut-être que leur valeur prend vraiment son sens par rapport à l’organisme ou la personne qui les décernent.

L’obtention d’un grade (mérité) est de toutes les façons une grande satisfaction pour l’ensemble des pratiquants d’arts martiaux.

Dictionnaire, la suite. W comme Waza.

Malgré des circonstances vraiment exceptionnelles – c’est le moins que l’on puisse dire -, je continue à décliner les lettres de ce dictionnaire qui touche bientôt à sa fin. Aujourd’hui, c’est le W qui est mis à l’honneur. W comme Waza.

Waza, voilà un mot couramment utilisé par les pratiquants et enseignants de ju-jitsu. On le traduit communément par «travail », mais utiliser « technique » est plus proche de la vérité et correspond mieux à ce qu’il représente réellement. Il est aussi moins rébarbatif que le mot travail qui, il y a quelques siècles, évoquait un instrument de torture.

Ceci étant, « technique » se traduit également par « jitsu » (ju-jitsu : technique de la souplesse). Le japonais, comme beaucoup de langues, possède plusieurs traductions pour un même mot ; avec sans doute quelques nuances.

Les trois grandes familles « de waza » sont l’atemi-waza : les techniques de coups, le nage-waza : les techniques de projections et le katame-waza : les techniques de contrôles. Ces trois familles se trouvent aussi bien dans le tai-chi-waza (techniques debout) que dans le ne-waza (techniques au sol).

La recherche de la finesse technique sera la quête de chaque pratiquant ; le geste parfait, réalisé avec précision et rapidité, mais aussi, n’en déplaise à certains, avec style et élégance. Personnellement je n’assimile pas le mot technique à ce qui est réalisé avec une unique brutalité.

Chacun des trois grands groupes offre des subdivisions. Dans l’atemi-waza il y a ce qui est pratiqué avec les membres supérieurs (te-waza) et ceux avec les jambes (geri-waza). Pour les projections, les sous-groupes sont nombreux, du koshi-waza qui qualifie les projections réalisées à l’aide des hanches, jusqu’aux techniques de sacrifice (sutemi-waza), en passant par les techniques de jambes (ashi-waza). Quant aux techniques de contrôles, elles réunissent les immobilisations avec l’osae-waza, les étranglements et les clefs avec respectivement le shime-waza et le kantsetsu-waza.

Chaque pratiquant a ses préférences. Il y a deux catégories de techniques que l’on affectionne plus particulièrement, il y a celles que nous faisons bien, nos « spéciaux » et celles qui nous font rêver, peut-être justement parce qu’elles représentent un challenge.

A titre personnel, j’apprécie les techniques qui regroupent trois critères : l’efficacité, l’esthétisme et la sécurité dans la pratique en opposition. J’ai un faible pour le nage-waza (les projections) ; quoi de plus beau qu’un uchi-mata parfaitement exécuté, par exemple ?

Certes, dans le combat de rue, lorsque sa vie ou celle d’un tiers en dépend, il n’est pas question de « faire dans la finesse technique », il est question de sauver sa vie ou sa dignité, ou bien celles d’une personne en danger. Mais, d’une part nous ne sommes pas agressés tous les jours et d’autre part la recherche de la perfection dans tous les domaines, y compris celui de l’esthétisme, demande des efforts, lesquels efforts seront forcément générateurs d’efficacité dans l’art et la manière de s’extirper d’une mauvaise situation. « Le beau est plus utile que l’utile » Victor Hugo.

 

Des mots et des maux

Certes nous faisons de substantielles économies. Plus de cafés, plus de restos, plus de cinés, plus d’achats de vêtements, plus de coiffeurs, etc. Bref, plus grand chose, que de l’indispensable, pour ceux qui le peuvent encore ! Je sais que certains achats précités ne sont pas des produits de premières nécessité (même s’ils permettent à beaucoup de gens de vivre) et qu’un nombre important de nos concitoyens ont appris à s’en priver depuis longtemps et bien avant le confinement. Ce qui n’est pas glorieux pour notre société.

D’ors et déjà, pour beaucoup, ces économies imposées depuis plusieurs semaines, se transforment en économies incontournables dans la mesure où d’abord, même si le déconfinement (partiel) se réalise lundi prochain, les secteurs précités (exemption faite pour les coiffeurs) ne lèveront pas le rideau et que lorsque ce sera le cas, beaucoup d’entre nous ne bénéficieront plus des moyens d’en profiter, ni pour les plus généreux de venir en aide aux plus nécessiteux, quand ils n’en grossiront pas les rangs.

Alors espérons un rapide retour sur un chemin qui nous ramènera à une vie (presque) normale, ce qui serait indispensable pour que cesse une altération inévitable de notre santé mentale et physique, avec des séquelles, sinon irréversibles, pour le moins difficilement réparables. Elles pourraient être gravement préjudiciables à l’énergie nécessaire à un rebond salvateur. Surtout que pour certains, il faudra vivre encore avec des carences en relations sociales, amicales et affectives qui pourraient être assassines !

Pour clore avec un soupçon d’espoir, croyons en l’entraide mutuelle, chère à Jigoro Kano, ainsi qu’en l’énergie du désespoir !

« Souvent le désespoir a gagné des batailles ». Voltaire

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Petite histoire…

A l’occasion de cette semaine de vacances un peu écourtée, je me permets de proposer à nouveau un conte particulièrement instructif. Bonne lecture ! (Histoire issue des “Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon” aux éditions Albin Michel.)

Un samouraï se présenta devant le maître zen Hakuin et lui demanda :
— Y a-t-il réellement un paradis et un enfer ?
— qui es-tu ? demanda le maître.
— Je suis le samouraï…
— Toi, un guerrier ! s’exclama Hakuin. Mais regarde-toi. Quel seigneur voudrait t’avoir à son service ? Tu as l’air d’un mendiant. 
La colère s’empara du samouraï. Il saisit son sabre et le dégaina. Hakuin poursuivit :
— Ah bon, tu as même un sabre ? ! Mais tu es sûrement trop maladroit pour me couper la tête. 
Hors de lui, le samouraï leva son sabre, prêt à frapper le maître. A ce moment celui-ci dit : 
—  Ici s’ouvrent les portes de l’enfer.
Surpris par la tranquille assurance du moine, le samouraï rengaina son sabre et s’inclina. 
— Ici s’ouvrent les portes du paradis, lui dit alors le maître…
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Régularité, rigueur et souvenirs…

Davantage que la quantité de cours suivis par semaine, c’est la régularité qui prime pour réaliser des progrès. Un quotidien souvent stressant (notamment pour les citadins) ajouté parfois à une boulimie d’activités diverses ne facilitent pas la mise en place d’un rythme qui pourra pourtant s’avérer bénéfique sur bien des plans.

Lorsqu’il est possible de s’imposer une certaine rigueur, par exemple celle de fidéliser son entraînement sur certains horaires , les résultats seront au rendez-vous ; pour progresser, mais aussi tout simplement pour adhérer à une forme de discipline, pour se prouver que nous sommes capables de nous soumettre à quelques efforts qui, finalement, ne sont pas des contraintes, mais qui, au final, nous offriront de belles autosatisfactions. Certains trouveront cela contradictoire dans la mesure où nous sommes aussi dans les loisirs qui devraient, selon certains, donner la liberté de s’entraîner quand bon nous semble.

S’entraîner quand on le veut et s’entraîner quand on le peut, ce n’est pas la même chose. Comme expliqué plus haut, le stress du quotidien lié aux contraintes de certains métiers et aux obligations familiales sont des raisons recevables, mais lorsque l’on va s’entrainer parce que l’on ne sait pas quoi faire, ou que l’on a rien à faire de mieux, c’est regrettable ; certes, nous sommes dans les loisirs mais nous pratiquons des disciplines particulières dans lesquelles « le mental » joue un rôle important, il n’est jamais inutile de le renforcer.

La régularité est bonne pour l’esprit, mais aussi pour le corps. Celui-ci à une mémoire, il se souvient et lui imposer des irrégularités dans une pratique ne fera que semer le trouble, ce qui ne manquera pas de créer des désordres qui ne pourront que s’avérer néfastes.

« Dans le temps », au célèbre dojo parisien de « La rue des Martyrs », il y avait cours de judo tous les soirs. Certains venaient les mardis et vendredis, d’autres les lundis et jeudi, ou encore les mercredis et samedis. Et bien, il ne serait venu à l’idée de personne de manquer une seule de ces séances ou de la déplacer sur un autre soir, sauf nécessité absolue due à un souci de santé. Il ne serait pas non plus venu à l’idée du judoka d’accepter une invitation ou d’organiser une réception lors de ces deux soirs.

A cette époque, ces réactions n’étaient peut-être pas le fruit d’une pleine conscience des bienfaits précités, mais sans aucun doute elles étaient dictées par une forme de respect plus important de la discipline que ça ne l’est actuellement ; ce n’est pas forcément la faute des pratiquants, mais d’une société qui nous abreuve immodérément de produits jetables, de zapping, de tests en tout genre, et puis certaines méthodes qui proposent davantage de violence que de technique et d’éducation n’œuvrent sans doute pas pour le respect que méritent nos disciplines. C’est bien dommage, ce n’est certainement pas la meilleure façon pour s’immerger complètement dans l’art martial.

Finissons par une note positive en déclarant qu’une pratique, même «hachée » est préférable à aucune pratique et qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire et pour s’imposer une petite discipline, dans la mesure de nos possibilités.

La photo d’illustration représente le dojo de la Rue des Martyrs au début des années 1960. 

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