Le bon vieux ju-jitsu

Un commentaire sur une de mes vidéos mise en ligne il y a quelques jours, évoquait « Le bon vieux ju-jitsu ». A un moment, j’ai fait un parallèle avec un titre de notre regrettée idole « Le bon temps du Rock’n Roll ». Que l’auteur de ce commentaire se rassure, loin de moi de l’avoir mal pris, au contraire.

Cela m’a inspiré quelques réflexions.

Oui, je suis fidèle à ce ju-jitsu que je pratique et enseigne depuis des décennies, sans jamais le renier, ce qui ne m’a pas empêché, dans le cadre d’une formation professionnelle complète, de pratiquer d’autres disciplines institutionnelles.

Le ju-jitsu a su traverser les siècles et, même s’il a connu des périodes de repli, il a toujours su renaître des ses cendres, il est intemporel, inoxydable. Il sait faire le dos rond face aux assauts de nouvelles méthodes (de toute façon nous avons tous deux bras deux jambes et c’est la façon dont on s’en sert qui fait la différence), il a pour lui la force de sa vérité. Beaucoup d’écoles existent, certaines fantaisistes, d’autres un peu contraires à l’esprit de base, il faut savoir faire le tri.

Cette pluralité de styles existait déjà au temps de Jigoro Kano, quand il a décidé de faire une synthèse pour créer sa propre école qu’il appela « judo ».

Pour ma part, je reste attaché à un style d’une richesse et d’une finesse technique exceptionnelles,  développant un état d’esprit constructif. Tous ces éléments sont autant de raisons qui font que ma fidélité lui est acquise et c’est toujours avec la même passion que je l’enseigne. Et pourquoi renier ce que l’on aime ?

Il n’est pas question d’immobilisme, moi-même, en son temps,  j’ai participé à des évolutions dans ma discipline, mais toujours à partir des mêmes racines techniques, des mêmes principes et du partage des mêmes valeurs. Je n’ai jamais confondu évolution et régression.

L’évolution, par définition, doit se faire dans le bon sens, non pas à rebours. Il y a des principes et des techniques qui doivent être respectés, faute de perte d’identité et de qualités.

Maintenant chacun est libre de pratiquer ce qui lui convient et d’enseigner en fonction de ses aspirations et… de ses compétences. A condition que cet enseignement soit éducatif, et non pas destructif.

Sur ce sujet, je suis inflexible : c’est l’éducation qui prime (éducation physique et mentale). J’ai quelques formules que mes élèves connaissent bien, elles valent ce qu’elles valent, mais elles ont le mérite d’être explicites. En voici quelques-unes : « sur ma carte professionnelle est inscrit éducateur sportif et non pas destructeur sportif ». « On est ici pour apprendre et non pour en prendre ». « Il faut construire un système de défense, plutôt que de se limiter à détruire ». « Apprendre à maîtriser en se maîtrisant ». Ce sont des formules avec des mots, et les mots ont leur importance, surtout lorsqu’il s’agit de transmission au service de l’éducation.

Autre réflexion à propos d’une question récurrente, à savoir « quelle est la méthode de self défense la plus efficace » ?  Si on me pose la question, je ne vais pas répondre que ce n’est pas la mienne. Je répondrais que tout d’abord c’est une méthode qui envisage le plus de réponses possibles à un maximum de formes d’agressions. Ensuite cela dépend évidemment qui l’enseigne et qui la pratique.

Pour ce qui me concerne, j’attache autant d’importance à l’éducation physique et mentale qu’à l’éducation utilitaire. Une bonne condition physique ne nuira pas en cas d’agression, et en plus elle permet de vivre en meilleure santé. Et une éducation mentale dans laquelle on trouvera certaines valeurs, aidera à ne pas faire n’importe quoi, à se maîtriser dans toutes les circonstances, mais aussi à se soumettre à quelques efforts et s’imposer une certaine rigueur dans la pratique, synonyme de résultats dans bien des domaines. Par exemple la recherche du détail, de la finesse technique, sans se satisfaire du minimum.

Maintenant, cela a été répété à maintes reprises, nous ne sommes pas tous égaux en situation de stress occasionné par une agression. Mais, il n’est pas question de provoquer un affrontement pour se tester. Même si certains prétendent que l’épreuve de la rue est la seule qui vaille !

J’ai raconté plusieurs fois que parmi mes élèves (de tous niveaux), il y a des hommes et des femmes qui se sont sortis de fâcheuses situations, sur des agressions diverses et cela suffit à me convaincre.

Maintenant, même si je connais des personnes qui s’en sont sortis avec peu de pratique, il est incontestable que c’est la régularité  et l’ancienneté qui offriront un maximum de chances.

Et puis, toujours à propos du ju-jitsu, j’aime bien la tenue qu’on appelle familièrement le kimono. Bien que judogi, kekogi, ou tout simplement dogi soient plus corrects. C’est mon « blanc de travail », pratique et hygiénique. Chaque sport a une tenue qui lui est propre et qu’il respecte.

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L’art de la souplesse : “notre histoire”

Comme à chaque période un peu plus calme, j’ai le plaisir de vous proposer un conte japonais qui pourrait s’intituler : « notre histoire » (celle du ju-jitsu) ! Il est issu du merveilleux ouvrage “contes et récits des arts martiaux et du japon”. 
Le cœur de saule
Le médecin Shirobei Akyama était parti en Chine pour étudier la médecine, l’acupuncture et quelques prises de Shuai-Chiao, la lutte chinoise.
De retour au Japon, il s’installe près de Nagasaki et se met à enseigner ce qu’il avait appris. Pour lutter contre la maladie il emploie de puissants remèdes. Dans sa pratique de la lutte il utilise beaucoup sa force. Mais devant une maladie délicate ou trop forte, ses remèdes sont sans effets. Contre un adversaire trop puissant, ses techniques restent inefficaces. Un à un ses élèves l’abandonnent. Shirobei, découragé, remet en question les principes de sa méthode. Pour y voir plus clair, il décide de se retirer dans un petit temple et de s’imposer une méditation de cent jours.
Pendant ses heures de méditation, il bute contre la même question sans pouvoir y répondre : «  Opposer la force à la force n’est pas une solution car la force est battue par une force plus forte, alors comment faire ? »
Or, un matin, dans le jardin du temple où il se promène, alors qu’il neige, il reçoit enfin la réponse tant attendue : après avoir entendu les craquements d’une branche de cerisier qui cassa net sous le poids de la neige, il aperçoit un saule au bord de la rivière. Les branches souples du saule ployent sous la neige jusqu’à ce qu’elles se libèrent de leur fardeau. Elles reprennent alors leur place, intactes.
Cette vision illumine Shirobei. Il redécouvre les grands principes du Tao. Les entences de Lao-Tseu lui reviennent en tête :
Qui se plie sera redressé
Qui s’incline restera entier
Rien n’est plus souple que l’eau
Mais pour vaincre le dur et le rigide
Rien ne la surpasse
La rigidité conduit à la mort
La souplesse conduit à la vie
Le médecin de Nagasaki réforme complètement son enseignement qui prend alors le nom de Yoshinryu, l’école du cœur de saule, l’art de la souplesse, qu’il apprendra à de nombreux élèves.

Professeur et entraîneur

Professeur et entraîneur : ce n’est pas pareil. Les objectifs sont différents, il en est de même pour les qualités indispensables à la fonction et le public auquel on s’adresse n’a pas les mêmes aspirations.

Sans professeur, il n’y aurait pas d’entraîneur, puisqu’on ne peut entraîner qu’une personne qui possède déjà un bagage technique conséquent. Or, parfois on constate que la case professeur est sautée au profit de celle d’entraîneur. En clair, inconsciemment ou pas, certains oublient leur statut de professeurs au profit de celui d’entraîneur.

Chacun son métier et chacun sa mission.

Je n’emploierai ni des mots trop savants, ni des formules trop compliquées pour donner mon humble point de vue.

Le métier de professeur est un des plus beaux métiers du monde mais aussi un des plus difficiles. Pour transmettre les connaissances que l’on possède, il faut de la patience, du bon sens et une bonne « boîte à outils » pédagogique.

Entraîneur, c’est différent, dans la mesure où on s’occupe de personnes qui doivent se surpasser, qui doivent « performer » (pour reprendre un mot « particulier »). Donc on s’adresse à des athlètes qui ont comme but « la gagne ».

Si l’entraîneur se substitue au professeur, il se coupe de la base, de ceux qui sont venus pour une simple pratique physique, pour se défouler, s’amuser ou apprendre à se défendre. Ce qui représente une majorité de personnes mises de coté, ou tout simplement qui ne commencerons pas. Les deux peuvent être compatibles, mais trop souvent l’entraîneur « oublie » le professeur, pourtant indispensable.

Que la compétition puisse être proposée, cela se comprend, mais souvent elle est imposée, même insidieusement avec une forme d’ostracisme involontaire.

Certes, dans l’esprit de certains, il est plus valorisant de s’occuper d’une élite, encore faut-il en avoir les capacités. Un entraîneur doit être un meneur d’hommes et de femmes, doté de qualités psychologiques pouvant s’adapter à chaque athlète. C’est volontairement que j’utilise le mot athlète pour souligner que les personnes qui ont droit à cette appellation appartiennent à une élite qui est forcément coupée de la base. Cette base qui, comme déjà indiqué plus haut, n’a ni les capacités nécessaires, ni  tout simplement l’envie d’appartenir à ce groupe, et qui risque d’être mise sur la touche, si le professeur n’est plus qu’un entraineur.

Cette base qui représente l’immense majorité des pratiquants a besoin d’un professeur, tout simplement. Et si possible un bon professeur. D’où l’importance qui doit être donnée à la formation des futurs enseignants, ne serait-ce que pour éviter cette confusion professeur/entraîneur.

Commencer à entraîner avant d’enseigner, c‘est comme apprendre à plonger sans que l’élève sache nager ! Ou pire, dans une piscine sans eau !

La description faite dans ces quelques lignes n’est pas une règle générale, tant mieux ! Mais il faut être prudent pour qu’elle ne le devienne pas !

Quelques mots sur les grades

Dans les arts martiaux, les grades occupent une place importante. Cependant, il ne faut ni les surévaluer, ni les négliger.
Essentiellement, ils permettent de situer le niveau de maîtrise technique du pratiquant, cela en fonction de la couleur de la ceinture qu’il porte autour de la taille.

Au début, les ceintures de couleur n’existaient pas, seules la blanche, la marron et la noire « tenaient » la veste du judogi. C’est à l’initiative de Maître Kawaishi , lorsqu’au milieu du siècle dernier il prit en main le judo français, que les ceintures de couleur ont fait leur apparition. Il avait bien compris l’esprit européen (et français en particulier) toujours friand de reconnaissances à arborer.

Jigoro Kano, fondateur du judo en 1882, avait tenu à hiérarchiser les valeurs pour l’accession à ces différents niveaux avec le fameux « Shin-Ghi-Tai » ! Ce qui signifie : l’esprit, la technique et le corps. L’ordre établi n’est pas le fruit du hasard. L’esprit (le mental) arrive en premier, il nous habite jusqu’à la fin de notre aventure sur terre.
Ensuite, il avait placé la maîtrise technique, que l’on peut démontrer assez longtemps et enseigner tout le temps.
C’est assez logiquement que le corps (le physique) arrive en dernier ; malheureusement avec l’âge même si on en prend soin, le déclin est inéluctable.

Il est vrai que mis à part les « grades compétitions » décernés à l’issue de combats qui favorisent malgré tout l’aspect physique des candidats, la délivrance des grades techniques est forcément subjective puisque c’est du jugement humain qu’elle dépend.

L’expérience qui m’anime me fait dire qu’il y a deux ceintures très importantes dans la vie d’un budoka : la ceinture jaune et la ceinture noire. La ceinture jaune, tout simplement parce que c’est la première et la ceinture noire parce que, malgré les années et un nombre sans cesse plus important de 1er dan, elle représente toujours un symbole très fort. Une sorte de graal !

Cependant, il ne faut pas oublier qu’elle n’est pas une finalité, simplement une étape très importante. Elle est une belle récompense, la preuve d’une pratique qui s’est inscrite dans la durée, synonyme de rigueur.

Mais elle doit être aussi une sorte de contrat signé avec l’art martial que l’on pratique et… avec soi-même. Un engagement qui signifie, qu’à partir de ce moment-là, s’impose le devoir de ne  jamais abandonner les tatamis, sauf cas de force majeur.

Les grades sont des encouragements à ne pas lâcher la pratique et même à la renforcer dans la dernière ligne droite de chaque préparation.

Certains les assimilent à des hochets et les négligent. (C’est vrai que parfois des questions s’imposent quant à la générosité avec laquelle ils sont distribués : grades de copinage, de soumission, monnayés ou d’entre-soi.)

Cependant nous sommes dans un système où ils existent et nous nous devons de les accepter. Peut-être que leur valeur prend vraiment son sens par rapport à l’organisme ou la personne qui les décernent.

L’obtention d’un grade (mérité) est de toutes les façons une grande satisfaction pour l’ensemble des pratiquants d’arts martiaux.

Dictionnaire, la suite. W comme Waza.

Malgré des circonstances vraiment exceptionnelles – c’est le moins que l’on puisse dire -, je continue à décliner les lettres de ce dictionnaire qui touche bientôt à sa fin. Aujourd’hui, c’est le W qui est mis à l’honneur. W comme Waza.

Waza, voilà un mot couramment utilisé par les pratiquants et enseignants de ju-jitsu. On le traduit communément par «travail », mais utiliser « technique » est plus proche de la vérité et correspond mieux à ce qu’il représente réellement. Il est aussi moins rébarbatif que le mot travail qui, il y a quelques siècles, évoquait un instrument de torture.

Ceci étant, « technique » se traduit également par « jitsu » (ju-jitsu : technique de la souplesse). Le japonais, comme beaucoup de langues, possède plusieurs traductions pour un même mot ; avec sans doute quelques nuances.

Les trois grandes familles « de waza » sont l’atemi-waza : les techniques de coups, le nage-waza : les techniques de projections et le katame-waza : les techniques de contrôles. Ces trois familles se trouvent aussi bien dans le tai-chi-waza (techniques debout) que dans le ne-waza (techniques au sol).

La recherche de la finesse technique sera la quête de chaque pratiquant ; le geste parfait, réalisé avec précision et rapidité, mais aussi, n’en déplaise à certains, avec style et élégance. Personnellement je n’assimile pas le mot technique à ce qui est réalisé avec une unique brutalité.

Chacun des trois grands groupes offre des subdivisions. Dans l’atemi-waza il y a ce qui est pratiqué avec les membres supérieurs (te-waza) et ceux avec les jambes (geri-waza). Pour les projections, les sous-groupes sont nombreux, du koshi-waza qui qualifie les projections réalisées à l’aide des hanches, jusqu’aux techniques de sacrifice (sutemi-waza), en passant par les techniques de jambes (ashi-waza). Quant aux techniques de contrôles, elles réunissent les immobilisations avec l’osae-waza, les étranglements et les clefs avec respectivement le shime-waza et le kantsetsu-waza.

Chaque pratiquant a ses préférences. Il y a deux catégories de techniques que l’on affectionne plus particulièrement, il y a celles que nous faisons bien, nos « spéciaux » et celles qui nous font rêver, peut-être justement parce qu’elles représentent un challenge.

A titre personnel, j’apprécie les techniques qui regroupent trois critères : l’efficacité, l’esthétisme et la sécurité dans la pratique en opposition. J’ai un faible pour le nage-waza (les projections) ; quoi de plus beau qu’un uchi-mata parfaitement exécuté, par exemple ?

Certes, dans le combat de rue, lorsque sa vie ou celle d’un tiers en dépend, il n’est pas question de « faire dans la finesse technique », il est question de sauver sa vie ou sa dignité, ou bien celles d’une personne en danger. Mais, d’une part nous ne sommes pas agressés tous les jours et d’autre part la recherche de la perfection dans tous les domaines, y compris celui de l’esthétisme, demande des efforts, lesquels efforts seront forcément générateurs d’efficacité dans l’art et la manière de s’extirper d’une mauvaise situation. « Le beau est plus utile que l’utile » Victor Hugo.

 

Des mots et des maux

Certes nous faisons de substantielles économies. Plus de cafés, plus de restos, plus de cinés, plus d’achats de vêtements, plus de coiffeurs, etc. Bref, plus grand chose, que de l’indispensable, pour ceux qui le peuvent encore ! Je sais que certains achats précités ne sont pas des produits de premières nécessité (même s’ils permettent à beaucoup de gens de vivre) et qu’un nombre important de nos concitoyens ont appris à s’en priver depuis longtemps et bien avant le confinement. Ce qui n’est pas glorieux pour notre société.

D’ors et déjà, pour beaucoup, ces économies imposées depuis plusieurs semaines, se transforment en économies incontournables dans la mesure où d’abord, même si le déconfinement (partiel) se réalise lundi prochain, les secteurs précités (exemption faite pour les coiffeurs) ne lèveront pas le rideau et que lorsque ce sera le cas, beaucoup d’entre nous ne bénéficieront plus des moyens d’en profiter, ni pour les plus généreux de venir en aide aux plus nécessiteux, quand ils n’en grossiront pas les rangs.

Alors espérons un rapide retour sur un chemin qui nous ramènera à une vie (presque) normale, ce qui serait indispensable pour que cesse une altération inévitable de notre santé mentale et physique, avec des séquelles, sinon irréversibles, pour le moins difficilement réparables. Elles pourraient être gravement préjudiciables à l’énergie nécessaire à un rebond salvateur. Surtout que pour certains, il faudra vivre encore avec des carences en relations sociales, amicales et affectives qui pourraient être assassines !

Pour clore avec un soupçon d’espoir, croyons en l’entraide mutuelle, chère à Jigoro Kano, ainsi qu’en l’énergie du désespoir !

« Souvent le désespoir a gagné des batailles ». Voltaire

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Petite histoire…

A l’occasion de cette semaine de vacances un peu écourtée, je me permets de proposer à nouveau un conte particulièrement instructif. Bonne lecture ! (Histoire issue des “Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon” aux éditions Albin Michel.)

Un samouraï se présenta devant le maître zen Hakuin et lui demanda :
— Y a-t-il réellement un paradis et un enfer ?
— qui es-tu ? demanda le maître.
— Je suis le samouraï…
— Toi, un guerrier ! s’exclama Hakuin. Mais regarde-toi. Quel seigneur voudrait t’avoir à son service ? Tu as l’air d’un mendiant. 
La colère s’empara du samouraï. Il saisit son sabre et le dégaina. Hakuin poursuivit :
— Ah bon, tu as même un sabre ? ! Mais tu es sûrement trop maladroit pour me couper la tête. 
Hors de lui, le samouraï leva son sabre, prêt à frapper le maître. A ce moment celui-ci dit : 
—  Ici s’ouvrent les portes de l’enfer.
Surpris par la tranquille assurance du moine, le samouraï rengaina son sabre et s’inclina. 
— Ici s’ouvrent les portes du paradis, lui dit alors le maître…
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Régularité, rigueur et souvenirs…

Davantage que la quantité de cours suivis par semaine, c’est la régularité qui prime pour réaliser des progrès. Un quotidien souvent stressant (notamment pour les citadins) ajouté parfois à une boulimie d’activités diverses ne facilitent pas la mise en place d’un rythme qui pourra pourtant s’avérer bénéfique sur bien des plans.

Lorsqu’il est possible de s’imposer une certaine rigueur, par exemple celle de fidéliser son entraînement sur certains horaires , les résultats seront au rendez-vous ; pour progresser, mais aussi tout simplement pour adhérer à une forme de discipline, pour se prouver que nous sommes capables de nous soumettre à quelques efforts qui, finalement, ne sont pas des contraintes, mais qui, au final, nous offriront de belles autosatisfactions. Certains trouveront cela contradictoire dans la mesure où nous sommes aussi dans les loisirs qui devraient, selon certains, donner la liberté de s’entraîner quand bon nous semble.

S’entraîner quand on le veut et s’entraîner quand on le peut, ce n’est pas la même chose. Comme expliqué plus haut, le stress du quotidien lié aux contraintes de certains métiers et aux obligations familiales sont des raisons recevables, mais lorsque l’on va s’entrainer parce que l’on ne sait pas quoi faire, ou que l’on a rien à faire de mieux, c’est regrettable ; certes, nous sommes dans les loisirs mais nous pratiquons des disciplines particulières dans lesquelles « le mental » joue un rôle important, il n’est jamais inutile de le renforcer.

La régularité est bonne pour l’esprit, mais aussi pour le corps. Celui-ci à une mémoire, il se souvient et lui imposer des irrégularités dans une pratique ne fera que semer le trouble, ce qui ne manquera pas de créer des désordres qui ne pourront que s’avérer néfastes.

« Dans le temps », au célèbre dojo parisien de « La rue des Martyrs », il y avait cours de judo tous les soirs. Certains venaient les mardis et vendredis, d’autres les lundis et jeudi, ou encore les mercredis et samedis. Et bien, il ne serait venu à l’idée de personne de manquer une seule de ces séances ou de la déplacer sur un autre soir, sauf nécessité absolue due à un souci de santé. Il ne serait pas non plus venu à l’idée du judoka d’accepter une invitation ou d’organiser une réception lors de ces deux soirs.

A cette époque, ces réactions n’étaient peut-être pas le fruit d’une pleine conscience des bienfaits précités, mais sans aucun doute elles étaient dictées par une forme de respect plus important de la discipline que ça ne l’est actuellement ; ce n’est pas forcément la faute des pratiquants, mais d’une société qui nous abreuve immodérément de produits jetables, de zapping, de tests en tout genre, et puis certaines méthodes qui proposent davantage de violence que de technique et d’éducation n’œuvrent sans doute pas pour le respect que méritent nos disciplines. C’est bien dommage, ce n’est certainement pas la meilleure façon pour s’immerger complètement dans l’art martial.

Finissons par une note positive en déclarant qu’une pratique, même «hachée » est préférable à aucune pratique et qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire et pour s’imposer une petite discipline, dans la mesure de nos possibilités.

La photo d’illustration représente le dojo de la Rue des Martyrs au début des années 1960. 

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Un beau compliment

Il y a quelques temps, à l’issue d’une séance à l’essai, une personne m’a dit qu’elle ne s’inscrirait pas chez moi, parce que : « ce n’était pas assez violent » ! Il s’agissait là d’un des plus beaux compliments qui m’était adressé.

Cette anecdote me permet de faire une suite au précédent article qui traitait de la rentrée coté professeur, avec une situation à laquelle beaucoup d’enseignants ont déjà été confrontés, celle de l’arrivée d’un pratiquant d’une autre discipline enseignée sous la direction d’un autre professeur.

Lorsqu’un nouveau venu se présente au dojo, on lui demande toujours s’il a déjà pratiqué et surtout avec qui ? La réponse rassure (ou pas) ! On est apaisé – en principe – lorsque que l’on connait l’enseignant en question et sa conception des arts martiaux ; attentif et attentiste quand on ne le connait pas et terriblement inquiet si, malheureusement, nous déplorons peu de points communs en termes de « philosophie » à propos des arts martiaux avec l’enseignant en question.

Ce n’est pas forcément que le professeur et la discipline soient mauvais, mais tout simplement que nous n’avons pas les mêmes codes et qu’une telle arrivée n’est pas vraiment souhaitable.

Dans mon enseignement l’aspect éducatif est déterminant, à longueur d’articles je ne cesse de le clamer : l’enseignement se doit d’être éducatif et non destructif; nous sommes là, non pas pour faire mal, mais pour apprendre à ne pas se faire mal.

Je ne revendique pas de détenir la vérité, mais ma conception non-violente de la pratique n’est pas compatible avec son contraire.

Donc, lorsque nous accueillons un pratiquant aux habitudes « très différentes » des nôtres, la tâche n’est pas désespérée, mais ardue ; beaucoup plus que lorsqu’il s’agit d’une personne vierge de tout enseignement.

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U comme Utile

Pour la lettre U de mon dictionnaire c’est le mot Utile que j’ai choisi.

Chaque métier (je préfère ce mot à celui de travail) possède ses utilités ; la première étant de subvenir à nos besoins et à ceux dont on a la charge. Ensuite, il est incontestable que certains métiers ont une utilité plus directe sur le bien être de nos contemporains ou sur celui des générations futures. La médecine et la recherche en sont deux beaux exemples.

De mon point de vue, viennent ensuite ceux qui sont liés à l’éducation. Je pense avoir la chance d’exercer une profession qui n’est pas dénuée de responsabilité, ni d’utilité. Et puis, « Professeur » est un beau titre (même si d’autres noms, plus administratifs que représentatifs remplacent cette belle terminologie). Certains n’ont pas hésité à l’appeler « le plus beau métier du Monde ». Comme dans beaucoup de professions, on ne peut échapper à quelques incompétences et/ou à des usurpateurs pseudo-professionnels.

Dans les arts martiaux nous avons une triple utilité. L’éducation physique, l’aspect « purement utilitaire » (justement) avec la self-défense et enfin une formation mentale et morale.

L’éducation physique, avec des répétitions qui développent de façon harmonieuse les parties de notre corps qui sont aussi nos « armes naturelles ». Ce renforcement s’acquiert de façon plus agréable que par l’intermédiaire de machines inhumaines et austères. Et puis, cette pratique se faisant dans un sens naturel, les risques de blessures sont moins importants que celles provoquées par un développement disons « artificiel ». Nous ne faisons que révéler des qualités et des compétences intrinsèques. On obtiendra de la souplesse, de la tonicité, de la précision et de la vitesse dans l’exécution des techniques et dans l’acquisition des réflexes. Tout cela étant au service de notre « science du combat ».

Cette science, pour ce qui concerne le ju-jitsu, est utile sur un plan purement pratique (c’est son ADN), il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas en convenir ; j’ai consacré un bon nombre d’articles sur le sujet, on peut les retrouver sur mon blog. Les techniques ont été souvent utiles à des personnes lâchement agressées (être agressé lâchement est une sorte de pléonasme).

Enfin, sur le plan mental, ce qui n’est pas le moindre, les bienfaits de l’exercice physique ne sont plus à démontrer. L’étude des arts martiaux (correctement enseignés) inculque des valeurs morales utiles à la vie en société ; enfin, un enseignement sérieux et ludique apporte un bien être général. Ce qui est bon pour la tête est utile et bon pour le corps.

Voilà les principaux bienfaits offerts par une pratique bien encadrée et correctement animée ; ces quelques lignes ne manqueront pas de faire la démonstration du caractère UTILE de ma profession, j’en suis fier.

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