« Gardien du temple »

Lors du stage de dimanche dernier à Léognan j’ai reçu un compliment qui m’a particulièrement touché : « Vous êtes un des derniers gardiens d’une pratique traditionnelle qui porte et défend des valeurs qui semblent se perdre». J’ai remercié la personne en insistant sur le fait de ne pas être le seul dans ce cas.

Il est vrai que je ne me reconnais pas dans certaines évolutions.

Être considéré comme un « Gardien du Temple » me convient. Il ne s’agit pas de l’expression d’un conservatisme stérile, mais tout simplement de celle d’une fidélité à des convictions et à une discipline qui m’a tant apporté et qui m’a permis de devenir ce que je suis.

Pourquoi la renierais je ? D’abord elle est on ne peut plus complète techniquement, elle porte des valeurs éducatives dans tous les secteurs et je m’y exprime totalement dans sa pratique et dans sa transmission. En matière de reniement et de trahison, il y aurait encore pire, comme l’enseigner sous un autre nom davantage à la mode.

Certes, je n’ignore pas qu’en ce moment cette mode n’est pas aux disciplines dites traditionnelles, mais je n’ai pas trop d’inquiétude, les modes passent et les traditions, par définition, restent.

Je ne pense pas que s’attacher à certaines traditions signifie appartenir à un autre temps, ou encore être ringard, « has  been ». Au contraire, je pense que tout ce qui tend vers l’éducation est profondément moderne. Surtout quand il est question de lutte contre la violence.

Cette violence qui habite notre quotidien, qui pousse même les portes de certains dojos (qui ne méritent plus ce nom) elle a toujours existé, mais depuis les réseaux sociaux, elle est « véhiculée » de façon permanente. Forcément ce n’est pas sans conséquence. Et c’est là que les éducateurs, en premier ceux qui enseignent nos disciplines, ont un rôle majeur afin de contrebalancer cet état de fait  insupportable.

Ils le peuvent et ils le doivent dans leur programme d’enseignement avec des techniques efficaces mais sécuritaires et avec un discours constructif, une ambiance dépourvue de stress et de mauvaises ondes. On ne doit pas ressortir plus abîmé, mentalement et physiquement, qu’à la suite d’une agression.

Une ambiance qui nous « élève » et non pas qui nous rabaisse ; le mot élève n’est pas né par hasard.

La tradition dans notre domaine, puisque c’est de cela dont il est principalement question dans cet article, ça commence par la politesse, le respect du professeur, du partenaire, des plus hauts gradés comme des débutants (c’est une des missions des gradés que celle de guider un pratiquant qui effectue ses premiers pas sur un tatami), le respect du collectif en essayant de ne pas être en retard, de ne pas parler pendant les explications du professeur et s’exprimer à voix basse avec son partenaire lors des répétitions.

C’est aussi le respect du lieu dans lequel nous pratiquons. Avec les différents saluts, l’observation des règles d’hygiène comme ne pas marcher pieds nus en dehors des tatamis, avoir le corps et la tenue propres. A propos de la tenue, c’est ne pas s’affranchir de celle avec laquelle doivent se pratiquer nos disciplines.

S’émanciper de ces règles mène forcément à la dérive de la société.

Certaines peuvent sembler anodines, même désuètes, mais aucune n’est à négliger. On connaît parfaitement où mènent le relâchement. Et puis, il ne s’agit pas d’efforts démesurés ; il est tout simplement question de faire attention à soi et… aux autres !

Enfin, ces quelques efforts, auxquels ont peut ajouter différentes recherches comme la finesse technique (quand on a la chance de pratiquer un art qui a de l’épaisseur), la perfection, pourquoi pas la beauté du geste et l’expression corporelle et ne pas se contenter du minimum ; cet ensemble permettra de ressentir l’immense satisfaction que seuls connaissent et connaîtront ceux qui auront consenti à ces quelques efforts.

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Incontournables sutemis

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Ils sont l’illustration parfaite du principe de non opposition et de celui de l’utilisation de la force de l’adversaire.

Dans notre langue, nous les appelons les « techniques de sacrifices ». En effet, pour les appliquer il faut s’effacer devant l’adversaire en se mettant volontairement au sol, sur le dos ou le flanc : se sacrifier. Il s’agit de sacrifices utiles, ô combien.

De fait, les sutemis sont praticables par tous les gabarits et notamment les plus faibles. Une fois bien maîtrisés, leur efficacité est redoutable.

Tomoe-nage la fameuse « planchette japonaise » est le plus célèbre d’entre eux

Dans leur exécution, non seulement on ne s’oppose pas à la force de l’adversaire, mais on y ajoute la nôtre. Même avec peu de toute puissance, il suffit de « conduire » celle de l’opposant. A partir de là, « tout le monde peut faire tomber tout le monde ».

Nous sommes au cœur de l’efficacité du ju-jitsu tel qu’il doit être enseigné et pratiqué.

Certes sans action offensive de l’adversaire, il est impossible d’appliquer ces principes d’addition de force, mais le ju-jitsu (bien présenté) a toujours revendiqué le titre de méthode de défense et non pas d’attaque.

En judo, ils s’appliquent principalement en contre prise ou en appliquant le principe d’action réaction.  Avec l’avènement de la compétition et des catégories de poids, certaines projections ont dû être adaptées, c’est le cas des sutemis ; dans la mesure où, à technique (presque) équivalente et à poids égal, les principes de base n’ont plus les même effets, y compris celui de la surprise pour la personne qui en agresse une autre et qui n’envisage pas que celle-ci puisse se défendre en utilisant de telles techniques.

Toujours en judo, le meilleur exemple d’adaptation né à la fin des années 1960 et pour lequel on peut presque utiliser le terme de nouvelle technique, s’appelle tomoe-nage avec l’apparition du yoko-tomoe-nage. Cette dernière forme ne trouvant sa raison d’être que dans le randori et le combat de judo. Il n’existe pas vraiment d’applications en self défense. Une analyse approfondie de cette belle technique pourra faire un beau sujet par la suite.

Il existe des différences techniques mais aussi d’utilisation selon que l’on se trouve dans le cadre de la (self) défense ou bien dans celui du judo. Ne serait-ce que dans la rue, sur un sol dur, nous nous placerons sur le dos qu’en dernière analyse, lorsque la poussée est tellement forte que nous sommes déjà en déséquilibre et que l’application de techniques comme hiza-guruma, par exemple, qui nous laisseraient debout, n’est plus possible.

A l’inverse, en judo les sutemis peuvent être pratiqués directement, comme toute autre technique.

Il existe aussi les « makikomi », ils sont un peu les « cousins » des sutemis. Littéralement, il s’agit de techniques d’enroulement. Le corps de Tori venant au contact de celui d’Uke pour l’entraîner jusqu’au sol. La différence essentielle réside dans le fait que pour les sutemis, il y a séparation des corps durant l’action et que pour les makikomi, c’est l’inverse ; l’efficacité se réalisant avec le plus étroit contact entre les deux protagonistes (au profit de Tori, évidemment, qui emmène le corps d’Uke avec le sien, le plus souvent dans une synergie rotative). Le point commun étant que dans les deux cas l’idée est d’entraîner l’adversaire au sol.

La maîtrise de ces « techniques de sacrifices » requiert de la patience, comme beaucoup d’autres, mais leur parfaite exécution – qui donne l’impression d’agir sans aucun effort et même de façon un peu magique – procure peut-être une joie supérieure à celle ressentie dans la réalisation d’autres projections. C’est en tout cas un sentiment que je ne pense pas être le seul à partager.

(Les deux photos d’illustration ont quelques décennies d’écart et… des partenaires différents !)

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Indispensables liaisons

Cette semaine je reviens sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, à savoir les liaisons que l’on trouve en ju-jitsu.

D’abord un rappel technique : le Ju-jitsu propose des techniques de coups, de projections et de contrôles : (l’atemi-waza, le nage-waza et le katame-waza.) L’étude et la maîtrise de ces trois composantes est indispensable, mais ce qui l’est tout autant, c’est la capacité à les enchaîner avec une parfaite fluidité. Exemple : bien maîtriser un coup de pied et une projection  est une chose, bien maîtriser l’enchaînement de ces deux techniques en est une autre. C’est ce qui représente une grande part de l’efficacité de cet art.

Le ju-jitsu n’est pas un « assemblage », c’est-à-dire un mélange de plusieurs disciplines, il est une entité, un bloc. Nous devons être en capacité de nous adapter immédiatement à une situation donnée, que ce soit à distance ou bien en corps à corps et surtout être capable de passer de l’une à l’autre. C’est le principe de ce que j’appelle « la liaison », cette liaison sur laquelle j’insiste et que j’aborde régulièrement dans mon enseignement.

Pour que cette liaison soit possible, certains impératifs doivent être respectés, comme « la garde » par exemple. Une garde trop basse sur les jambes ne permettra pas d’obtenir l’indispensable fluidité dans la liaison d’un coup avec une projection.

Bien  que soient indispensables les répétitions de techniques secteur par secteur, il faudra le plus souvent possible travailler des enchaînements dans lesquels nous trouverons au moins deux des composantes du ju-jitsu. Un coup enchaîné avec une projection, ou avec un contrôle, ou mieux encore, une liaison des trois composantes.

Ces enchaînements peuvent aussi se travailler sous forme d’uchi-komi (des répétitions sans chute) avec un partenaire. Mais aussi seul, « dans le vide ».

J’ai évoqué les liaisons « coups projections », mais les liaisons « debout sol », sont tout aussi importantes (on les retrouve également en judo). Enchaîner le plus vite possible, une projection avec une clef,  sera aussi important que maîtriser chacune des deux techniques en question.

On devra pratiquer régulièrement des enchaînements dans lesquels on recherchera à ce qu’il y ait le moins de temps morts possibles entre la projection et le contrôle.

L’étude et les répétitions d’enchaînements tels que les katas ou des exercices plus récents comme les « 16 techniques » doivent figurer régulièrement au programme des cours et pas simplement à l’approche des passages de grades.

Enfin, il est incontestable que chacun possède ses préférences, pour des raisons intrinsèques, ou par admiration. Cela n’interdit pas d’essayer de s’améliorer dans les domaines pour lesquels les prédispositions naturelles ne sont pas au rendez-vous.

Alors, au travail.

Pour illustrer cet article et en guise d’exemple, les trois premières techniques des « 24 techniques » (en compagnie d’Alain Aden, en 1994.) Extrait du livre « Enchaînements de base et avancés ».

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Les bons vœux

C’est une tradition qui doit être respectée, à condition qu’elle soit sincère et non pas qu’une simple formalité.

Que pouvons nous nous souhaiter ?  D’abord  la santé, sans laquelle rien n’est possible. Ensuite, être à l’abri du besoin, ce qui est préférable, ne serait-ce que pour rester, justement, en bonne santé.

Puis, un vœu quelque peu utopique : que la Paix puisse enfin régner sur le Monde. Certes, ce n’est pas gagné et c’est bien dommage qu’avec les sales guerres qui ont endeuillées les siècles, l’être humain n’est pas acquis davantage de sagesse.

Ensuite, et c’est en lien avec le vœu précédent, que s’épanouissent les sentiments nobles comme l’amitié, l’amour, la concorde, et bien d’autres (l’entraide par exemple…), tout ce qui nous embellit le cœur et ne l’abime pas.

Pour ce qui nous rapproche plus particulièrement, à savoir la pratique des arts martiaux, il faut souhaiter que tous ceux qui commencent ne s’arrêtent pas au premier découragement. Une pratique pérenne ne fait que rendre meilleur, et pas uniquement dans la maîtrise des techniques, mais aussi en révélant des qualités intrinsèques qui nous seront utiles dans notre quotidien, dans nos actions et la qualité de nos relations.

A la condition qu’il s’agisse d’une pratique éducative évolutive qui nous offre la possibilité de nous élever et de nous améliorer techniquement, physiquement et mentalement. Nous sommes dans un dojo pour bâtir, non pas pour détruire. Une pratique sans stress, nous sommes aussi sur les tatamis pour passer de bons moments.

Toujours dans notre domaine, il faut souhaiter la régularité qui est la seule garantie de progrès. Il faudra s’impliquer sérieusement, venir une fois de temps en temps ne sert à rien. Certes, cette régularité dépendra aussi d’un enseignement attractif, motivant et sécuritaire.

Attractif : qui donne envie de commencer.  Motivant : qui donne envie de continuer. Sécuritaire : qui permet d’évoluer en évitant une pratique brutale qui provoque des blessures et qui n’est pas constructive. Une pratique sécuritaire ne signifie pas inefficace, au contraire.

Enfin, que dans les dojos continuent à exister les belles valeurs qui, en plus de la qualité technique, font la richesse et la sagesse de nos ARTS. Sans oublier que nos disciplines doivent conserver leur rôle dans le combat contre une violence qui ne cesse de croître.

Bonne année à toutes et à tous.

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Entre deux réveillons

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Entre deux réveillons, dégustons une savoureuse petite histoire. Elle est extraite d’un recueil que j’affectionne particulièrement «  Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ».  Les textes proposés nous offrent des leçons de vie, ils nous permettent de réfléchir sur les qualités à acquérir ; la patience par exemple.

La loi de l’équilibre

Ayant l’occasion de séjourner au Japon, au début du siècle dernier un Européen avait décidé d’y apprendre le Jiu-jitsu qui lui paraissait être une méthode de combat redoutable. Il commença donc à suivre les cours d’un Maître renommé.

Mais quelle ne fut pas sa surprise quand, au bout de la troisième séance, il n’avait toujours appris aucune technique de combat ! Il s’était seulement exercé à des mouvements très lents, en décontraction. A la fin de la séance, il décida d’aller trouver le Maître.

« Monsieur, depuis que je suis ici, je n’ai rien fait qui ressemble à des exercices de lutte.

– Asseyez-vous, je vous pris », déclara le Maître.

L’Européen s’installa négligemment sur le tatami et Maître s’assit en face de lui.

« Quand commencerez-vous à m’enseigner le Jiu-jitsu ? ».

Le Maître sourit et demanda :

-« Êtes- vous bien assis ? »

-« Je ne sais pas… Y a-t-il une bonne façon de s’asseoir ? »

Pour toute réponse, le Maître désigna de la main la façon dont il s’était lui-même assis, le dos bien droit, la tête dans le prolongement de la colonne vertébrale.

-«  Mais écoutez, reprit l’Européen, je ne suis pas venu ici pour apprendre à m’asseoir. »

-«  Je sais, dit patiemment le Maître, je sais, vous voulez apprendre à lutter. Mais comment pouvez-vous lutter si vous ne cherchez pas l’équilibre ? »

-«  Je ne vois vraiment pas le rapport entre le fait de s’asseoir et le combat. »

-«  Si vous ne pouvez rester en équilibre quand vous êtes assis, c’est-à-dire dans l’attitude la plus simple, comment voulez-vous garder l’équilibre dans toutes les circonstances de la vie et, surtout, dans un combat ? »

S’approchant de son élève étranger qui restait perplexe, le Japonais le poussa légèrement. L’Européen tomba à la renverse. Le Maître, toujours assis, lui demanda alors d’essayer de le renverser à son tour. Poussant d’abord timidement d’une main, puis en y mettant les deux, l’élève finit par s’arc-bouter vigoureusement contre le Maître, sans succès. Soudain, ce dernier se déplaça légèrement et l’autre bascula en avant, s’étalant de tout son long sur les tatamis.

Esquivant un sourire, le Maître ajouta :

-« J’espère que vous commencez à comprendre l’importance de l’équilibre. »

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Kantsetsu waza, la solution « clef en main »

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Lorsque j’ai débuté le judo, j’étais à l’âge où les clefs sont interdites, avec raison. Nous les appelions les arm lock, nous nous délections d’employer cette appellation disparue en attendant, avec une impatience non feinte, le temps où nous pourrions enfin les pratiquer.

D’autres noms nous fascinaient, comme « la planchette japonaise », ou « le manche de pioche » (il faut deviner de quelles techniques il s’agit).

Revenons au sujet de cet article.

D’abord un rappel : dans les techniques de contrôle (katame waza), on trouve les clés, les étranglements et les immobilisations.

Aujourd’hui intéressons nous aux clefs.

Voilà un domaine passionnant qui demande beaucoup de patience pour qu’il soit parfaitement maîtrisé. La patience n’est-elle pas une des vertus essentielles (entre autres) que doit posséder un pratiquant d’arts martiaux ?

Elles sont pratiquées sur toutes les articulations, aussi bien sur les membres supérieurs que sur les membres inférieurs  : poignet, coude, épaule, hanche, genou, cheville !

On les retrouve debout et au sol. Elles sont utilisées dans la plupart des disciplines de corps à corps et bien évidement en ju-jitsu.

Le principe – expliqué de façon très simple – est de forcer l’articulation dans le sens « qui n’est pas fait pour cela ».

On distingue les clefs en torsion (garami) et les clefs en hyper extension (gatame).

Dans les disciplines (éducatives) où existent des compétitions, certaines sont interdites, à juste titre, parce que trop dangereuses et pouvant laisser de terribles séquelles qui iraient à l’encontre de l’objectif du sport qui est d’améliorer l’être humain. (Construire et non pas détruire !)

Dans les méthodes de self défense, on se doit d’étudier les clefs sur l’ensemble des articulations.

Comme déjà souligné plus haut, l’apprentissage est parfois long, et certains mettent en cause leur efficacité pour cette raison, ou tout simplement parce qu’ils ne les maîtrisent pas.

Cependant, il serait dommage de faire l’impasse. D’une part elles sont terriblement efficaces dans certaines situations et d’autre part elles ont l’avantage de pouvoir éventuellement « graduer » la riposte, ce qui n’est pas le moindre intérêt, sur le plan de la légitime défense et tout simplement sur celui du respect de la vie et de la lutte contre l’escalade de la violence. Parfois une réponse mesurée et adaptée à certaines situations est préférable à une riposte « définitive ».

Tout comme pour les étranglements, à l’entraînement, le signal qui signifie l’abandon doit être scrupuleusement respecté.

Beaucoup de ces techniques sont appliquées debout (notamment en ju-jitsu traditionnel) et au sol, mais certaines, comme le célèbre juji gatame, ne sont pratiquées qu’au sol. Même si celle-ci possède une opportunité très spectaculaire qui commence debout, appelée (facilement) « flying juji ».

Personnellement, debout j’ai une préférence pour waki-gatame, qui peut aussi se pratiquer au sol et que, justement au sol, juji gatame est loin de m’être étrangère.

Concluons en souriant, en affirmant que le kantsetsu-waza : c’est la solution « clé en main ».

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Retour sur les méthodes d’entraînement

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Un secteur indispensable.

Ce sont des exercices de perfectionnement possédant, chacun dans leur domaine, une spécificité. Ils permettent de renforcer les acquisitions techniques : la vitesse, les automatismes, la tonicité, la forme de corps, le placement, le déplacement, etc. Et cela dans les domaines qui composent le ju-jitsu. Ils existent dans les autres disciplines de combat.

Ils renforcent les qualités indispensables dans le domaine de l’atemi-waza (le travail de coups), du nage-waza (les projections) et dans le ne-waza (le travail au sol). Ils  peuvent se faire seul ou à deux (le plus souvent), mais aussi à plusieurs, statiques ou en déplacement.

Certains consistent à faire des répétitions sans aucune opposition de la part du partenaire,  d’autres se font avec une opposition plus ou moins importante, mais toujours conventionnelle. Un engagement avec le respect le plus absolu du partenaire, des exercices de construction en non pas de destructions

On peut définir deux groupes : le premier dans lequel le partenaire ne produit aucune opposition et le second au cours duquel il offre une certaine résistance qui permet de se renforcer en situation d’opposition relative.

La plus connue de ces méthodes d’entraînement est l’uchi-komi ; elle consiste à répéter une technique de projection sans faire chuter, juste en soulevant le partenaire.

On peut aussi effectuer cette répétition dans le domaine de l’atemi-waza et du ne-waza. Pour certaines techniques, les uchi-komi peuvent s’effectuer dans « le vide », c’est-à-dire tout seul.

On trouve ensuite (dans le domaine des projections) le nage-komi dont le but est de se faire chuter à tour de rôle, ou plusieurs fois de suite, avec un certain rythme, en statique ou en déplacement. Et puis, il y a le randori (qui n’est pas un véritable combat) et qui offre un travail en opposition « mesurée », sur un thème précis, au sol et debout, en atemi-waza et en projections.

On oublie trop souvent des exercices tels que le kakari-geiko et le yaku-soku-geiko.

Le premier (un sur deux attaques) permet à Tori de renforcer son système d’attaque sans la peur de contre prise de la part d’Uke. Celui-ci se contentant d’essayer d’esquiver les initiatives de Tori, l’obligeant ainsi à s’adapter et à trouver d’autres solutions, toujours dans l’offensive.

Le second, le yaku-soku-geiko (les deux attaques), que l’on peut qualifier de « randori souple » offre la possibilité aux deux protagonistes de s’exprimer dans une opposition uniquement axée sur une reprise d’initiative, sans contre prise directe, uniquement en « sen-o-sen. », l’attaque dans l’attaque (pour ce qui concerne les projections).

On pratique également le kakari-geiko (un sur deux attaque) en atemi-waza, on peut utiliser des gants de boxe qui servent de cibles. Uke « appelant » les coups en plaçant les gants sur différentes parties du corps. A lui de diversifier les demandes pour que Tori diversifie ses coups.

En ne-waza, existent aussi des méthodes d’entraînement, en plus du randori. Une que j’affectionne particulièrement est de définir une  position de départ – par exemple Tori sur le dos et Uke entre les jambes – et à partir de là, Tori a une minute pour aboutir à un résultat, Uke ne faisant que de la défense. Cela permet au premier de travailler son système offensif sans craindre de se faire contrer.

Une autre méthode, purement ju-jitsu (que mes élèves connaissent bien), consiste à répéter une technique de défense sur une situation précise, puis une seconde et ensuite de les enchaîner vite et fort, sans temps d’arrêt ; de même avec une troisième et ainsi de suite, jusqu’à six, ce qui est déjà très bien.

Les katas peuvent aussi être considérés comme des méthodes d’entraînement, puisqu’ils sont le reflet d’un combat. Un combat pré arrangé, certes, mais qui permet d’affûter les techniques et d’acquérir des automatismes, sans risque de blessures.

Enfin, il y a ce que j’appelle le randori de self défense. Uke porte diverses attaques (contrôlées) sans que Tori les connaissent à l’avance, à lui de mettre une riposte appropriée, elle aussi contrôlée.

Les exercices qui se limitent aux séries de répétitions, seul ou avec un partenaire, peuvent parfois sembler ingrats ; la récompense viendra avec les progrès réalisés. Et lorsque les randori sont exécutés avec un partenaire possédant le même état d’esprit, c’est à dire démunie de toute violence et sans brutalité, ils ne sont jamais dépourvus d’un aspect ludique, ce qui n’est pas incompatible avec une pratique sérieuse des arts martiaux.

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Vous reprendrez bien un peu de chutes ?

Dans la plupart des arts martiaux, notamment en ju-jitsu, apprendre à chuter est une nécessité. C’est également utile dans la vie courante. C’est une sorte d’assurance. Certes, nous ne tombons pas à longueur de journée, mais beaucoup de fâcheuses conséquences pourraient être évitées avec un minimum de maîtrise du « savoir tomber » en limitant les dégâts ; sur la neige, la glace ou tout simplement après avoir perdu l’équilibre.

Sur le plan de l’efficacité pure, il est nécessaire de bien savoir chuter sur un tatami, dans la mesure où certaines ripostes imposent des projections, or pour être efficace il faut répéter et pour les répéter il faut que le partenaire sache chuter.

Certains sont réfractaires aux chutes, mais peut-être ont-ils connu de mauvaises expériences avec des apprentissages « rugueux ». Une étude adaptée est indispensable.

Enfin, savoir chuter c’est pouvoir se perfectionner dans le domaine des projections, un domaine efficace (nous l’avons évoqué plus haut) mais grâce auquel on pourra tout simplement s’exprimer physiquement et dans lequel la joie d’une belle expression corporel ajoutera du plaisir à la pratique.

Fiche technique.

On distingue les chutes sur l’arrière et les chutes sur l’avant.

Dans chacune de ces catégories, il y a la chute qui se pratique sur un tatami et celle « en situation », c’est à dire en dehors du dojo, si par malheur elle survient sur un sol dur : accident, maladresse, ou agression. Dans cette dernière situation il faudra tout à la fois se relever sans dommages et être opérationnel immédiatement.

Dans les deux cas de figure (dojo et « situation ») il faut préserver deux parties essentielles, la tête et les articulations des membres supérieurs. Pour la tête il suffira de rentrer le menton dans la poitrine. Pour les bras, sur un tatami, on frappe au sol « bras tendus » paume de main vers le bas, pour protéger les articulations et répartir l’onde de choc, le bras devenant une sorte de paratonnerre. Sur un sol dur on se limite à ce que les bras soient tendus vers l’extérieur, ce qui évitera une luxation et/ou une fracture. Donc, si on est bousculé et que l’on perd l’équilibre sur l’arrière, on essaie de rouler sur une épaule, pour protéger la tête,  en ayant préalablement plié une jambe, ceci afin de se retrouver le plus vite possible debout face à un éventuel adversaire (photo 1).

Concernant la chute avant, il faut se servir du bras avant comme d’une roue et d’un amortisseur. Là aussi, il est indispensable de protéger la tête, et ensuite les articulations et notamment l’épaule. En dojo après avoir roulé, on se réceptionne jambes tendues et parallèles. Dans la réalité, à la réception, on plie une jambe pour se retrouver face à l’endroit d’où l’on vient, face à un agresseur qui nous aurait poussé dans le dos (photo 2).

Il existe aussi la chute avant, dans laquelle on se réceptionne face au sol, en se servant des bras uniquement comme amortisseurs.

Tout cela est un peu technique, rien ne remplace la pratique.

(Les photos qui présentent les « chutes en situation » sont extraites du livre « Ju-jitsu-Défense personnelle ». Édition parue en 2000.)

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Bernard Pariset : 20 ans déjà

Il y a vingt ans, le 26 novembre 2004, Bernard Pariset nous quittait.

Il était mon père, mon professeur et mon mentor. Il était un judoka au palmarès exceptionnel, il a marqué les débuts du judo dans notre pays et bien au-delà de nos frontières.  Un père qui possédait aussi des qualités exceptionnelles dans d’autres domaines, nous les évoquerons plus bas.

Ce texte – très personnel –  signifie aussi la nécessité, d’une façon générale, de ne pas oublier ceux qui nous ont tant appris et tant donné. (Je n’ignore pas que certains ont la mémoire courte !)

En 1947 un jeune homme de dix sept ans poussait les portes d’un des premiers dojos installés dans la capitale : le Club Français de jiu-jitsu, situé au 11 de la rue des Martyrs dans le neuvième arrondissement. Roger Piquemal, le maître des lieux, a très vite décelé les qualités de ce jeune homme qui n’était pas doté de capacités physiques exceptionnelles. A ses débuts, c’est davantage son côté « guerrier », dans le sens le plus noble du terme, qui marquait les esprits, il n’était pas embarrassé par la technique, la suite a largement corrigé ce fait.

Très vite il s’est constitué un palmarès exceptionnel à une période où les catégories de poids n’existaient pas : c’était l’époque du « toutes catégories ».  Celle où les petits pouvaient faire tomber les grands, il en a fait sa marque de fabrique, ô combien !

Plusieurs titres de champion de France, en alternance avec son meilleur ami Henri Courtine, un titre de champion d’Europe face à Anton Geesink la légende du judo néerlandais et mondiale et une demi-finale aux deuxièmes championnats du Monde à Tokyo en 1958, tout cela en toutes catégories.

Sa carrière ne s’est pas limitée à cet extraordinaire parcours, il a œuvré, et de quelle manière, au sein de la Fédération de judo ju-jitsu en occupant différentes fonctions, dont celles d’entraîneur national et de directeur des équipes de France.

Il a été l’investigateur de la remise au goût de jour du ju-jitsu, avec la méthode « Atemi ju-jitsu » au début des années 1970, ce qui n’est pas rien. J’en sais quelque chose. Être un judoka hors pair (sans jeux de mots), ne l’empêchait pas de s’intéresser aux autres méthodes de combat. Lors de ses deux années passées au Fort Carré d’Antibes, il a été instructeur en sports de combat.

Avec son ami Henri Courtine, ils ont été les premiers en France à arborer la fameuse ceinture blanche et rouge ; en 1968 ils ont été nommés 6ème Dan par le Kodokan de Tokyo. Ensemble ils ont gravi les dans jusqu’au 9ème. (Henri Courtine obtenant le 10ème un peu après la disparition de mon père.)

En dehors des arts martiaux il avait deux autres passions : la sculpture et l’équitation. Ce don pour la sculpture lui est venu alors qu’il était apprenti ébéniste au moment où il a commencé le judo. Quant à l’équitation, c’est plus tard qu’il a découvert ce qui allait devenir une autre passion et même une communion avec « la plus belle conquête de l’homme ».

Comme il ne faisait jamais les choses à moitié, il a ouvert un centre équestre dans l’Yonne. Le club d’arts martiaux la semaine à Paris, l’équitation le week-end en Bourgogne.

Concernant la sculpture, les plus anciens se souviennent de cette série de magnifiques figurines produites à un moment de sa vie où, fortement impacté par les excès du « toutes catégories », il s’est retranché sur une activité moins physique. Ses créations présentaient des judokas et des samouraïs à pied et à cheval, avec un sens du détail et de la réalité saisissant.

C’était une personne dotée d’un caractère qui ne laissait personne indifférent. Il était très bavard, toujours à bon escient. Ses réflexions et ses appréciations étaient parfois sévères, comme les « ippon » qu’il distribuait sur les tatamis.  Il défendait ce qu’il appelait l’esprit de conquête, il aimait découvrir ce qu’il y avait de l’autre côté de la colline.  C’était un visionnaire doté d’un bon sens surprenant, il n’était pas démuni d’un humour grinçant et la dérision l’habitait, y compris à son égard, il n’était dupe de rien. Il portait parfois sur ses contemporains un regard quelque peu désabusé. Il était tranchant, jamais mièvre, parfois excessif comme dans la manière qu’il a choisi de nous quitter.

Il a été mon père, mais aussi mon professeur, et quel professeur ! Je n’avais pas droit à un traitement de faveur, les compliments et les encouragements étaient rares, très rares. Ça n’a pas été tous les jours facile d’être son fils (unique). Mais quitte à avoir un père, autant qu’il s’appelle Bernard Pariset.

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Ci-dessous quelques souvenirs parmi tant d’autres. L’équitation dans l’Yonne, dans les deux sens du terme. Une magnifique figurine représentant un samouraï, les spécialistes, et les autres, apprécieront le sens du détail. Une phase de la finale victorieuse contre Anton Geesink en 1955 à Paris. Un combat au sol arbitré par Maitre Kawaishi. Une technique au sol avec un Uke prestigieux : Jean Paul Coche.

Anatomie des 24 Techniques

Comme promis, une petite présentation de l’enchaînement des 24 techniques.

En 1992 un professeur de judo qui postulait à un « dan » important, butait sur l’unité de valeur ju-jitsu ; celle-ci consistait à présenter une expression libre de plusieurs minutes sur le sujet. Il avait deux mois pour se préparer. Il était venu me demander si je pouvais l’aider.

Devant le peu de connaissance de ce professeur en matière de ju-jitsu et avec un temps de préparation assez mince, je me suis attelé méthodiquement à cette entreprise, partant du principe que rien ne résiste à une bonne organisation.

D’abord il était indispensable de présenter le plus possible de situations d’attaques, à mains nues et armées, à distance et au contact. En terme de ripostes, il était nécessaire de faire état des principales composantes de notre discipline (coups, projections, contrôles) ainsi que des techniques les plus représentatives de chacun de ces groupes. Il fallait également mettre en avant différents schémas d’enchaînements. Enfin, et c’était important, inclure tout cela méthodiquement de façon à ce que la mémorisation s’impose facilement.

J’ai opté pour un classement des attaques par groupes de trois : tentatives de saisies, défenses sur coup de poing, sur coup de pied, etc. Une fois la mission accomplie (l’unité de valeur ayant été validée), j’ai pensé que ce serait dommage de ne pas continuer à utiliser cet enchaînement ; je l’ai donc inclus dans mon programme d’enseignement. Manifestement, il donne satisfaction à bon nombre de pratiquants de tous niveaux. Il y a déjà quelques années, j’ai créé deux supports techniques sur ces « 24 techniques », un livre et un DVD (épuisé).

Sur le plan purement technique, comme spécifié plus haut, on retrouve dans cet enchaînement les composantes du ju-jitsu et dans ces composantes un maximum de grandes techniques.

J’ajoute que cet enchaînement reflète l’indiscutable complémentarité et la parfaite compatibilité entre le ju-jitsu et le judo, ce qui est historiquement et techniquement incontestable.

Cette suite présente un triple intérêt. D’abord l’apprentissage des techniques par elles-mêmes. Ensuite leur enchaînement, mais aussi et surtout la fluidité avec laquelle doit être exécutée chacune d’entre elles.

Pour le professeur c’est un excellent outil de travail dans la mesure où il peut aussi proposer les mêmes attaques et les mêmes schémas de ripostes, mais avec d’autres techniques choisies par les élèves.

La première série est déjà très représentative du ju-jitsu. On y trouve trois situations dans lesquelles est démontré le même schéma de ripostes (coups, projections et contrôles) avec trois ripostes différentes en fonction du fait que la première attaque vient de face, la deuxième de côté et la troisième sur l’arrière. Les trois attaques étant les mêmes : tentatives de saisie.

En conclusion, il s’agit d’un enchaînement dans lequel on travaillera et peaufinera chaque technique, mais aussi l’indispensable fluidité (l’identité du ju-jitsu) dans les liaisons entre chacune d’elle et bien évidemment, ce qui est propre à tout enchaînement, la condition physique, la rapidité et les automatismes. Ce qui confère aux enchaînements de ce type, l’appellation de « méthodes d’entraînement ».

(La photo d’illustration présente la première technique. Issu du livre « Ju-Jitsu enchaînements de base et avancés » 1995 aux éditions SFJAM)

www.jujitsuericpariset.com