Bilan d’une saison particulière

Une saison s’achève, c’est le moment d’en faire le bilan et de se souvenir des principaux faits qui l’ont marquée.

Après le stage de Soulac en août 2022 et notre retour dans la station balnéaire, une nouvelle aventure commençait.

En effet, l’opportunité de reprendre mon métier s’est présentée après plus de deux années de disette causée par la crise sanitaire. Deux années durant lesquelles je n’ai bénéficié d’aucune aide, en tout cas pas de la part de ceux qui auraient pu le faire, et où j’ai même dû affronter quelques hostilités et autres bâtons dans les roues.

Aussi, en septembre, grâce à Eve Bourreau, talentueuse karatékate au caractère très affirmé, une porte s’est ouverte à l’IME de Niort. J’ai pu proposer deux cours adultes et deux cours enfants par semaine. Bien évidemment, ce n’est pas suffisant, mais cela permettait de remettre le pied à l’étrier. Dans un autre registre, fin septembre, j’ai eu l’immense joie de retrouver Yannick Viaud avec lequel j’avais passé un an au Bataillon de Joinville en 1973. Nous avons refait le monde le temps d’un repas. Yannick est un judoka d’une technicité remarquable.

En octobre, le fait marquant aura été l’organisation d’une Master Class self défense à Chauvigny dans la Vienne. A l’initiative d’Yves Vanduren, professeur de karaté, j’ai participé à l’encadrement de ce rassemblement qui a réuni plus de soixante stagiaires le temps d’un dimanche. Christian Panatoni pour le karaté-défense et Stéphane Pescher pour le SOG close combat étaient mes deux « collègues » tout au long de cette journée parfaitement réussie.

En novembre deux stages ont été organisés : à Paris où je me rends environ une fois par mois et à Léognan en Gironde, un endroit dans lequel j’ai mes habitudes et où je suis toujours bien reçu par Nicole et Michel Dourthes, les dirigeants emblématiques du club et Christian Walgraeve le professeur.

En décembre, un mois traditionnellement assez calme, un seul stage était au programme, à l’IME de Niort.

L’année se finissait avec la satisfaction d’avoir repris une activité régulière, d’avoir retrouvé mon métier, non sans mal, et de partager mon expérience.

En janvier : un stage à Paris et une première avec un rassemblement dans le magnifique dojo tout neuf du G.R.Kudo à Fontenay-le-Comte.  Merci à Gwen Raguenault pour son accueil.

Février est aussi un mois calme, vacances d’hiver obligent. Juste un stage à Niort au « Club sojjok kwan » que Manuel Baptista avait mis gentiment à notre disposition.

En mars, trois stages au programme : Léognan, Paris et Aire-sur-l’Adour où je me rendais pour la première fois. Ce fût le fait marquant de ce mois de mars. En effet, Michel Perez avait réussi à rassembler une soixantaine de stagiaires venus d’horizons différents, pour une première ce fût une première parfaitement réussie.

Avril et mai ont été particulièrement calmes, vacances et ponts en sont les raisons, exception faite avec un stage le 14 à Paris.

En juin, en plus des rendez-vous de Paris et de Niort, il y a eu une autre première avec le stage de Chevreuse, dans les Yvelines. Là aussi, ce fût une belle réussite. C’était aussi l’occasion de retrouvailles très sympathiques avec Marc Houget, un judoka au palmarès enviable et qui propose un ju-jitsu que je connais bien.

A noter que début juin, un article consacré à l’attitude au dojo à explosé les compteurs de ma page Facebook en termes de « personnes touchées ». Comme quoi rien n’est perdu.

J’en profite pour remercier tous ceux qui m’ont aidé et qui m’ont soutenu après cette terrible crise sanitaire qui ne m’a pas épargné. Il y a encore des gens pour qui l’entraide reste une valeur sûre, des personnes qui ont aussi une mémoire qui n’est pas sélective. Je sais aussi que beaucoup auraient souhaité m’aidez, mais ne savaient pas comment faire, je les remercie aussi, à l’impossible nul n’est tenu. J’ignore tous ceux qui auraient pu me venir en aide et qui se sont abstenus.

J’en profite pour rappeler que les cours se poursuivront au moins jusqu’au 11 juillet à l’IME. Si des personnes veulent nous rejoindre pour une soirée ou deux, elles seront les bienvenus. Nous devrions reprendre les cours à l’IME la dernière semaine du mois d’août.

N’oublions pas non plus le stage de Soulac-sur-Mer du  13 au 18 août.

A tous, je souhaite un très bel été.

(Ci-dessous,, quelques photos pour retracer une saison. Davantage de photos et de vidéos souvenirs dans les prochains jours)

Self défense et notamment défense contre armes

Cet article est un peu plus long que ceux proposés habituellement ; le sujet le mérite.

C’est un secteur délicat en matière de self défense que celui des défenses contre armes. Toute agression l’est et à fortiori lorsque c’est à « main armée ».

Les conseils et les moyens de se défendre fleurissent sur les réseaux. Certains sont intéressants parce que frappés du bon sens, d’autres plus « originaux ».

Pour ma part, je me contenterai de prodiguer quelques recommandations  issues de mon expérience, non pas en tant que familier des combats de rue (très loin de là), mais tout simplement comme professeur qui enseigne depuis plusieurs décennies et qui a collecté  un nombre important de témoignages rapportés par des personnes (hauts gradés ou pas, jeunes ou plus âgés, hommes ou femmes) qui ont pu se sortir indemnes d’agressions .

Les quelques lignes qui suivent sont  donc le fruit d’expériences, de témoignages et… du simple bon sens.

Commençons par le bon sens et l’évidence avec des conseils qui s’appliquent – si on le peut –  à toute forme d’agressions

D’abord en évitant les endroits à risque, ensuite en favorisant la fuite (nul ne connaît l’issue d’un affrontement). Si celle-ci n’est pas possible, entamer un dialogue, une négociation. Lorsque malheureusement l’affrontement est inévitable,  il faut d’abord savoir que tout le monde n’a pas la même  lucidité dans ces moments. Nous ne sommes pas tous égaux psychologiquement lors d’une agression.

Pour savoir comment on réagit face à une telle situation, il faut avoir une expérience en la matière ; si tel n’est pas le cas, il est totalement déconseillé de se tester de son propre chef  dans de telles conditions, c’est juste inimaginable (et répréhensible).

Lorsque l’on est professeur, mettre en garde ses élèves sur les dangers et les multiples conséquences d’une agression est obligatoire. On doit aussi se souvenir que la meilleure victoire est celle que l’on obtient sans combattre ; il ne s’agit pas de lâcheté, mais d’intelligence.

Quand l’affrontement est inévitable, entrent en ligne de compte plusieurs éléments : la maîtrise technique, les automatismes, une bonne condition physique qui ne gâchera rien, la lucidité (dans un contexte de stress énorme) et aussi (on n’en parle pas souvent) la chance !

La maitrise technique sera acquise par l’apprentissage et le perfectionnement, pour les automatismes ce seront des centaines et des centaines de répétitions. Concernant une bonne condition physique et une tonicité correcte, la régularité dans la pratique fera la différence. Quant à la chance…

Cette régularité et longévité dans la pratique seront assurées par le fait d’ajouter de l’intérêt dans un enseignement et une pratique qui ne devra pas se limiter au simple côté utilitaire. Même si le principal critère dans l’étude d’une technique, c’est son efficacité, cela ne doit pas être le seul. Tout du moins c’est mon point de vue et la conception que j’ai de mon métier.

Enseigner c’est permettre de s’élever techniquement, mais aussi physiquement et mentalement.

Améliorer le corps et l’esprit : apprendre à réfléchir, ce n’est pas inutile !

Tous ces conseils et ceux  qui suivent, sont encore plus vrais quand il s’agit d’attaques avec une arme ; surtout lorsqu’il est question d’objets tranchants. Par exemple, le couteau exclut bon nombre de projections, celles-ci imposant un contact incompatible avec l’acier tranchant ou piquant.

Parer ou bloquer l’attaque représente l’évidente première phase.  La deuxième étant le coup (l’atemi) – ou plusieurs – pour fixer, stopper et déséquilibrer l’adversaire.  Enfin, pour finaliser face à une arme blanche, la maîtrise des clefs est indispensable, à moins d’être persuadé que l’utilisation des coups sera d’une radicalité permettant de se passer de l’étude des contrôles en clef de soumission ; cet état d’esprit s’apparente peut-être à une forme de présomption !

Je finirai cet article avec quelques exemples  qui sont autant de témoignages  recueillis auprès de personnes que j’ai fréquentées et qui ont été victimes d’agressions (notamment avec armes). Grâce à leur technique, elles ont pu se sortir d’affaires.

Il y a d’abord ce haut gradé dans la police et dans le ju-jitsu qui a pu, grâce à un waki-gatame, maîtriser un individu qui lui brandissait un revolver sur le front. Puis cette ceinture noire féminine qui a sorti un importun de la rame de métro avec un tai-sabaki (déplacement du corps). Ensuite un « presque débutant », au moment des faits, qui a désarmé un agresseur muni d’un tesson de bouteille, en utilisant une clef au bras très basique (ude-gatame). Ce septuagénaire haut gradé – mais septuagénaire quand même – qui a « confisqué » le revolver d’un voleur de portefeuille avec un contrôle au niveau du poignet ; certes il s’agissait d’un jouet mais la victime potentielle l’ignorait. Enfin, je termine avec ce monsieur qui, juste après sa première leçon,  a réussi à se débarrasser d’un voleur de sacoche dans le métro en  appliquant une technique qu’il venait de répéter quelques minutes plus tôt.

Il y a bien d’autres exemples ; et puis il y a ceux et celles qui témoignent qu’à partir du moment où ils ou elles ont commencé à pratiquer, ils ne se sont plus jamais fait embêter, alors que c’était fréquemment le cas avant. Cela s’explique assez  facilement par une certaine assurance qui émane de la personne possédant quelques moyens de ne pas subir.  L’assurance en question étant  ressentie par l’agresseur qui  n’insistera sans doute pas, n’étant pas un exemple de courage de par sa nature. Cependant il ne faut pas tout miser sur cette assurance.

Enfin, je finirai par un clin d’œil à l’attention de ceux qui affirment que leur méthode est la meilleure, tout en critiquant parfois les autres, en leur soumettant l’idée qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises méthodes, à partir du moment où l’on étudie toutes les formes de ripostes à toutes les situations d’attaques et que toutes les « armes naturelles » du  corps sont utilisées. Par contre, il y a des bons et des moins bons professeurs et des élèves avec des qualités et des compétences naturelles moins développées ; ce sont d’ailleurs  souvent ceux-là  qui persistent et progressent le plus.

Une toute dernière recommandation : le package « sachez vous défendre en quelques séances », et bien ça n’existe pas. Etude, perfectionnement, entraînement et répétitions sont les uniques recettes, non pas de l’invincibilité, elle n’existe pas, mais pour cultiver et augmenter un potentiel naturel.

Souvenirs d’une jolie préface

Christian Quidet (1932-2010) a été un très grand journaliste spécialisé dans le sport et notamment dans le judo. Dans les années 1970 il a aidé cette discipline à franchir la barrière des médias.

Dans les années 1980 Il a occupé le poste de  directeur des sports sur « Antenne 2 », l’ancienne appellation de France 2.

Nos disciplines martiales l’intéressaient énormément, il leur a consacré un magnifique ouvrage : « La fabuleuse histoire des arts martiaux ».

En 1985, avant la parution de mon premier livre, je lui avais demandé s’il voulait bien m’honorer d’une préface ; il a accepté spontanément.

A  l’attention de ceux qui ne connaissaient pas ces quelques belles lignes, c’est avec plaisir, et humilité, que je les mets à nouveau  en ligne. Cette préface est toujours d’actualité, il me semble.

Voici ces quelques mots :

« La publication d’une progression française de ju-jitsu est un acte plus important qu’il n’y paraît. C’est la restauration, en France, du trésor des samouraïs qui, au fil de l’histoire, ont porté l’art du combat individuel à un degré de perfectionnement et de raffinement unique au monde.

Cette version moderne de la self-défense japonaise, présentée par Eric Pariset, met à la disposition des éducateurs sportifs une méthode claire, précise et efficace.

Elle offre à celles et à ceux qui s’en inspirent un bagage technique inestimable. Non pour leur apprendre à se battre mais pour dissuader les autres d’attaquer.

C’est en ce sens que je crois beaucoup à la vulgarisation de la self-défense dans notre pays. Comme un remède à l’agressivité qui enlaidit notre société actuelle.

Je félicite Eric Pariset de s’être intéressé et de s’être spécialisé dans le ju-jitsu qui est le meilleur complément à la pratique du judo.

Le ju-jitsu ne doit pas être mis entre toutes les mains et ne peut être enseigné valablement que par ceux qui ont adhéré à l’esprit de son fondateur, le maître Jigoro Kano.

Eric Pariset est de ceux-là. Il a été élevé dans une famille où les arts martiaux étaient considérés comme un Art et pratiqués comme une passion. Son père, Bernard Pariset, a participé au premier championnat du Monde au Japon en 1956 et a obtenu une superbe quatrième place. Plusieurs fois champion d’Europe il a légué, comme  les maîtres japonais d’autrefois, son savoir et sa sagesse à Eric.

Ceinture noire, 5e Dan de Judo-Ju-Jitsu, Eric Pariset a été champion d’ile de France de Judo en 1983.

Il s’est ensuite spécialisé dans les démonstrations de Ju-Jitsu et de self-défense pour devenir, à   31 ans, le meilleur spécialiste français de cette discipline.

« N’enseigne pas toute ta science à ton élève, qui sait s’il ne deviendra  pas un jour ton ennemi ».

Fort heureusement, Eric Pariset n’a pas appliqué cette devise  chère aux anciens Maîtres d’armes japonais.

Je l’en remercie et j’espère que vous serez nombreux à profiter de sa générosité.»

Christian Quidet.

Responsable du service des Sports d’Antenne 2*

Avril 1985.

www.jujitsuericpariset.com

Les 16 techniques (et compagnie)

Plusieurs articles ont déjà évoqué « les 16 techniques ». Celui que je propose aujourd’hui permet d’insister sur l’outil que représente cet enchaînement né aux débuts des années 1980 pour les besoins d’une démonstration.

« Les 16 techniques », peuvent se suffire à elles-mêmes. On peut travailler chacune d’entre elles en détail, avant de mettre l’accent sur l’exercice qui consiste à les enchaîner vite et fort. Dans ces deux premières phases, l’aspect technique puis l’aspect physique seront travaillés.

L’ensemble de ces techniques est important. Elles font partie du patrimoine, elles permettent l’acquisition de mouvements fondamentaux, tout en faisant découvrir ou renforcer des principes tout aussi fondamentaux comme la non-opposition, l’utilisation de la force de l’adversaire, entre autres.

Concernant l’aspect physique, lorsqu’elles sont enchainées, elles permettent de renforcer les automatismes et la condition physique.

Mais, et c’est important, elles offrent au professeur de multiples outils d’un grand intérêt.

Dans un premier temps, on peut étudier des enchaînements qui envisagent différentes réactions de la part d’Uke. Ce qui n’est pas saugrenu. Ensuite, on peut étudier des contre prises à chaque technique. Étudier un contre entrera dans le processus de renforcement, il nous éclaire sur les points sensibles.

Et ce n’est pas tout. On peut aussi confier aux élèves la « mission » de mettre une réponse de son choix, différente de l’originale. On peut lui imposer un thème, par exemple que la riposte appartienne à une famille précise : clés, étranglements. On peut aussi lui demander de mette une liaison debout sol, pour les techniques qui n’en possèdent pas.

Faire travailler aussi bien à droite qu’à gauche, pourra aussi être proposé.

Enfin, un Tori qui défend et deux Uke qui alternent les attaques, fournira de l’originalité et un sacré renforcement des automatismes et de la condition physique.

La liste présentée n’est pas exhaustive.

Voilà donc un enchaînement qui n’est pas un véritable « couteau suisse », mais plus exactement un « couteau japonais ».

Pour info, nous aborderons ce thème à l’occasion du prochain « dimanche ju-jitsu » le 26 juin prochain à Paris.

eric@pariset.net

Petite histoire

Cette semaine, à la place de l’article technique, une petite histoire savoureuse extraite du recueil « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ».

L’art de vaincre sans combattre. L’intelligence au service de la victoire. Un concept qui n’a pas d’âge, et pourtant…

« Le célèbre Maître Tsukahara Bokuden traversait le lac Biwa sur un radeau avec d’autres voyageurs. Parmi eux, il y avait un samouraï extrêmement prétentieux qui n’arrêtait pas de vanter ses exploits et sa maitrise du sabre. A l’écouter, il était le champion toutes catégories du Japon. C’est ce que semblaient croire tous les autres voyageurs qui l’écoutaient avec une admiration mêlée de crainte. Tous ? Pas vraiment, car Bokuden restait à l’écart et ne paraissait pas le moins du monde gober toutes ces sornettes. Le samouraï s’en aperçut et, vexé, il s’approcha de Bokuden pour lui dire : «Toi aussi tu portes une paire de sabres. Si tu es samouraï, pourquoi ne dis-tu pas un mot » ? Budoken répondit calmement :

-« Je ne suis pas concerné par tes propos. Mon art est différent du tien. Il consiste, non pas à vaincre les autres, mais à ne pas être vaincu. »

Le samouraï se gratta le crâne et demanda :

– « Mais alors, quelle est ton école ? »

– « C’est l’école du combat sans armes. »

– « Mais dans ce cas, pourquoi portes-tu des sabres ?

– « Cela me demande de rester maître de moi pour ne pas répondre aux provocations. C’est un sacré défi. »

Exaspéré, le samouraï continua :

-« Et tu penses vraiment pouvoir combattre avec moi sans sabre ? »

– « Pourquoi pas ? Il est même possible que je gagne ! »

Hors de lui, le samouraï cria au passeur de ramer vers le rivage le plus proche, mais Bukuden suggéra qu’il serait préférable d’aller sur une île, loin de toute habitation, pour ne pas provoquer d’attroupement et être plus tranquille. Le samouraï accepta. Quand le radeau atteignit une île inhabitée, le samouraï sauta à terre, dégaina son sabre, prêt au combat.

Budoken enleva soigneusement ses deux sabres, les tendit au passeur et s’élança pour sauter à terre, quand, soudain, il saisit la perche du batelier, puis dégagea rapidement le radeau pour le pousser dans le courant.

Budoken se retourna alors vers le samouraï qui gesticulait sur l’île déserte et il lui cria – « Tu vois, c’est cela, vaincre sans arme ! »

Les sutemi…

Ils sont l’illustration parfaite du principe de non opposition et de celui de l’utilisation de la force de l’adversaire. Dans notre langue, nous les appelons les « techniques de sacrifices », en effet, pour les appliquer il faut s’effacer devant l’adversaire en se mettant volontairement au sol, sur le dos ou le flanc. Les sutemis sont de fait praticables par tous les gabarits et notamment les plus faibles sur les plus forts.  Par conséquent, une fois bien maîtrisés, leur efficacité est redoutable. Tomoe-nage la fameuse « planchette japonaise » est le plus célèbre d’entre eux.

Dans leur exécution, non seulement on ne s’oppose pas à la force de l’adversaire, mais on y ajoute la nôtre. Même dénué de toute puissance, il suffit de « conduire » celle de l’opposant. A partir de là, « tout le monde peut faire tomber tout le monde ». Nous sommes au cœur de l’efficacité du ju-jitsu tel qu’il doit être enseigné et pratiqué.

Certes sans action offensive de l’adversaire, il est impossible d’appliquer ces principes d’addition de force, mais le ju-jitsu (bien présenté) a toujours revendiqué le titre de méthode de défense et non pas d’attaque.

En judo, avec l’avènement de la compétition et des catégories de poids, certaines projections ont dû être adaptées, c’est le cas des sutemis ; dans la mesure où, à technique (presque) équivalente et à poids égal, les principes de base n’ont plus les même effets, y compris celui de la surprise pour la personne qui en agresse une autre et qui n’envisage pas forcément que celle-ci puisse se défendre en utilisant de telles techniques. Le meilleur exemple d’adaptation, pour lequel on peut presque utiliser le terme de nouvelle technique, s’appelle tomoe-nage avec l’apparition du yoko-tomoe-nage. Cette dernière forme ne trouvant sa raison d’être que dans le randori et le combat de judo. Il n’existe pas vraiment d’applications en self défense. Une analyse approfondie de cette belle technique pourra faire un beau sujet par la suite.

Il y a donc des différences techniques mais aussi d’utilisation selon que l’on se trouve dans le cadre de la (self) défense ou bien dans celui du judo.  Ne serait-ce que dans la rue, sur un sol dur, nous nous placerons sur le dos qu’en dernière analyse, lorsque la poussée est tellement forte que nous sommes déjà en déséquilibre et que l’application de techniques, comme hiza-guruma, par exemple, qui nous laisserait debout, n’est plus possible. A l’inverse, en judo les sutemis peuvent être pratiqués directement, comme toute autre technique.

Il existe aussi les « makikomi », ils sont un peu les « cousins éloignés » des sutemis. Littéralement, il s’agit de techniques d’enroulement. Le corps de Tori venant au contact de celui d’Uke pour l’entraîner avec lui jusqu’au sol. La différence essentielle réside dans le fait que pour les sutemis, il y a séparation des corps durant l’action et que pour les makikomi, c’est l’inverse, l’efficacité se réalisant dans le plus étroit contact entre les deux protagonistes (au profit de Tori, évidemment, qui emmène le corps d’Uke avec le sien dans une synergie rotative). Le point commun étant que dans les deux cas l’idée est d’entraîner l’adversaire au sol en y allant soi-même.

La maîtrise de ces « techniques de sacrifices » requiert de la patience, comme toutes les autres, mais leur parfaite exécution, qui donne l’impression d’agir sans aucun effort et même de façon un peu magique, procure une joie supérieure à celle ressentie dans la réalisation des autres projections. C’est en tout cas un sentiment que je ne pense pas être le seul à partager.