Indispensables liaisons

Cette semaine je reviens sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, à savoir les liaisons que l’on trouve en ju-jitsu.

D’abord un rappel technique : le Ju-jitsu propose des techniques de coups, de projections et de contrôles : (l’atemi-waza, le nage-waza et le katame-waza.) L’étude et la maîtrise de ces trois composantes est indispensable, mais ce qui l’est tout autant, c’est la capacité à les enchaîner avec une parfaite fluidité. Exemple : bien maîtriser un coup de pied et une projection  est une chose, bien maîtriser l’enchaînement de ces deux techniques en est une autre. C’est ce qui représente une grande part de l’efficacité de cet art.

Le ju-jitsu n’est pas un « assemblage », c’est-à-dire un mélange de plusieurs disciplines, il est une entité, un bloc. Nous devons être en capacité de nous adapter immédiatement à une situation donnée, que ce soit à distance ou bien en corps à corps et surtout être capable de passer de l’une à l’autre. C’est le principe de ce que j’appelle « la liaison », cette liaison sur laquelle j’insiste et que j’aborde régulièrement dans mon enseignement.

Pour que cette liaison soit possible, certains impératifs doivent être respectés, comme « la garde » par exemple. Une garde trop basse sur les jambes ne permettra pas d’obtenir l’indispensable fluidité dans la liaison d’un coup avec une projection.

Bien  que soient indispensables les répétitions de techniques secteur par secteur, il faudra le plus souvent possible travailler des enchaînements dans lesquels nous trouverons au moins deux des composantes du ju-jitsu. Un coup enchaîné avec une projection, ou avec un contrôle, ou mieux encore, une liaison des trois composantes.

Ces enchaînements peuvent aussi se travailler sous forme d’uchi-komi (des répétitions sans chute) avec un partenaire. Mais aussi seul, « dans le vide ».

J’ai évoqué les liaisons « coups projections », mais les liaisons « debout sol », sont tout aussi importantes (on les retrouve également en judo). Enchaîner le plus vite possible, une projection avec une clef,  sera aussi important que maîtriser chacune des deux techniques en question.

On devra pratiquer régulièrement des enchaînements dans lesquels on recherchera à ce qu’il y ait le moins de temps morts possibles entre la projection et le contrôle.

L’étude et les répétitions d’enchaînements tels que les katas ou des exercices plus récents comme les « 16 techniques » doivent figurer régulièrement au programme des cours et pas simplement à l’approche des passages de grades.

Enfin, il est incontestable que chacun possède ses préférences, pour des raisons intrinsèques, ou par admiration. Cela n’interdit pas d’essayer de s’améliorer dans les domaines pour lesquels les prédispositions naturelles ne sont pas au rendez-vous.

Alors, au travail.

Pour illustrer cet article et en guise d’exemple, les trois premières techniques des « 24 techniques » (en compagnie d’Alain Aden, en 1994.) Extrait du livre « Enchaînements de base et avancés ».

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Les bons vœux

C’est une tradition qui doit être respectée, à condition qu’elle soit sincère et non pas qu’une simple formalité.

Que pouvons nous nous souhaiter ?  D’abord  la santé, sans laquelle rien n’est possible. Ensuite, être à l’abri du besoin, ce qui est préférable, ne serait-ce que pour rester, justement, en bonne santé.

Puis, un vœu quelque peu utopique : que la Paix puisse enfin régner sur le Monde. Certes, ce n’est pas gagné et c’est bien dommage qu’avec les sales guerres qui ont endeuillées les siècles, l’être humain n’est pas acquis davantage de sagesse.

Ensuite, et c’est en lien avec le vœu précédent, que s’épanouissent les sentiments nobles comme l’amitié, l’amour, la concorde, et bien d’autres (l’entraide par exemple…), tout ce qui nous embellit le cœur et ne l’abime pas.

Pour ce qui nous rapproche plus particulièrement, à savoir la pratique des arts martiaux, il faut souhaiter que tous ceux qui commencent ne s’arrêtent pas au premier découragement. Une pratique pérenne ne fait que rendre meilleur, et pas uniquement dans la maîtrise des techniques, mais aussi en révélant des qualités intrinsèques qui nous seront utiles dans notre quotidien, dans nos actions et la qualité de nos relations.

A la condition qu’il s’agisse d’une pratique éducative évolutive qui nous offre la possibilité de nous élever et de nous améliorer techniquement, physiquement et mentalement. Nous sommes dans un dojo pour bâtir, non pas pour détruire. Une pratique sans stress, nous sommes aussi sur les tatamis pour passer de bons moments.

Toujours dans notre domaine, il faut souhaiter la régularité qui est la seule garantie de progrès. Il faudra s’impliquer sérieusement, venir une fois de temps en temps ne sert à rien. Certes, cette régularité dépendra aussi d’un enseignement attractif, motivant et sécuritaire.

Attractif : qui donne envie de commencer.  Motivant : qui donne envie de continuer. Sécuritaire : qui permet d’évoluer en évitant une pratique brutale qui provoque des blessures et qui n’est pas constructive. Une pratique sécuritaire ne signifie pas inefficace, au contraire.

Enfin, que dans les dojos continuent à exister les belles valeurs qui, en plus de la qualité technique, font la richesse et la sagesse de nos ARTS. Sans oublier que nos disciplines doivent conserver leur rôle dans le combat contre une violence qui ne cesse de croître.

Bonne année à toutes et à tous.

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Entre deux réveillons

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Entre deux réveillons, dégustons une savoureuse petite histoire. Elle est extraite d’un recueil que j’affectionne particulièrement «  Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ».  Les textes proposés nous offrent des leçons de vie, ils nous permettent de réfléchir sur les qualités à acquérir ; la patience par exemple.

La loi de l’équilibre

Ayant l’occasion de séjourner au Japon, au début du siècle dernier un Européen avait décidé d’y apprendre le Jiu-jitsu qui lui paraissait être une méthode de combat redoutable. Il commença donc à suivre les cours d’un Maître renommé.

Mais quelle ne fut pas sa surprise quand, au bout de la troisième séance, il n’avait toujours appris aucune technique de combat ! Il s’était seulement exercé à des mouvements très lents, en décontraction. A la fin de la séance, il décida d’aller trouver le Maître.

« Monsieur, depuis que je suis ici, je n’ai rien fait qui ressemble à des exercices de lutte.

– Asseyez-vous, je vous pris », déclara le Maître.

L’Européen s’installa négligemment sur le tatami et Maître s’assit en face de lui.

« Quand commencerez-vous à m’enseigner le Jiu-jitsu ? ».

Le Maître sourit et demanda :

-« Êtes- vous bien assis ? »

-« Je ne sais pas… Y a-t-il une bonne façon de s’asseoir ? »

Pour toute réponse, le Maître désigna de la main la façon dont il s’était lui-même assis, le dos bien droit, la tête dans le prolongement de la colonne vertébrale.

-«  Mais écoutez, reprit l’Européen, je ne suis pas venu ici pour apprendre à m’asseoir. »

-«  Je sais, dit patiemment le Maître, je sais, vous voulez apprendre à lutter. Mais comment pouvez-vous lutter si vous ne cherchez pas l’équilibre ? »

-«  Je ne vois vraiment pas le rapport entre le fait de s’asseoir et le combat. »

-«  Si vous ne pouvez rester en équilibre quand vous êtes assis, c’est-à-dire dans l’attitude la plus simple, comment voulez-vous garder l’équilibre dans toutes les circonstances de la vie et, surtout, dans un combat ? »

S’approchant de son élève étranger qui restait perplexe, le Japonais le poussa légèrement. L’Européen tomba à la renverse. Le Maître, toujours assis, lui demanda alors d’essayer de le renverser à son tour. Poussant d’abord timidement d’une main, puis en y mettant les deux, l’élève finit par s’arc-bouter vigoureusement contre le Maître, sans succès. Soudain, ce dernier se déplaça légèrement et l’autre bascula en avant, s’étalant de tout son long sur les tatamis.

Esquivant un sourire, le Maître ajouta :

-« J’espère que vous commencez à comprendre l’importance de l’équilibre. »

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Kantsetsu waza, la solution « clef en main »

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Lorsque j’ai débuté le judo, j’étais à l’âge où les clefs sont interdites, avec raison. Nous les appelions les arm lock, nous nous délections d’employer cette appellation disparue en attendant, avec une impatience non feinte, le temps où nous pourrions enfin les pratiquer.

D’autres noms nous fascinaient, comme « la planchette japonaise », ou « le manche de pioche » (il faut deviner de quelles techniques il s’agit).

Revenons au sujet de cet article.

D’abord un rappel : dans les techniques de contrôle (katame waza), on trouve les clés, les étranglements et les immobilisations.

Aujourd’hui intéressons nous aux clefs.

Voilà un domaine passionnant qui demande beaucoup de patience pour qu’il soit parfaitement maîtrisé. La patience n’est-elle pas une des vertus essentielles (entre autres) que doit posséder un pratiquant d’arts martiaux ?

Elles sont pratiquées sur toutes les articulations, aussi bien sur les membres supérieurs que sur les membres inférieurs  : poignet, coude, épaule, hanche, genou, cheville !

On les retrouve debout et au sol. Elles sont utilisées dans la plupart des disciplines de corps à corps et bien évidement en ju-jitsu.

Le principe – expliqué de façon très simple – est de forcer l’articulation dans le sens « qui n’est pas fait pour cela ».

On distingue les clefs en torsion (garami) et les clefs en hyper extension (gatame).

Dans les disciplines (éducatives) où existent des compétitions, certaines sont interdites, à juste titre, parce que trop dangereuses et pouvant laisser de terribles séquelles qui iraient à l’encontre de l’objectif du sport qui est d’améliorer l’être humain. (Construire et non pas détruire !)

Dans les méthodes de self défense, on se doit d’étudier les clefs sur l’ensemble des articulations.

Comme déjà souligné plus haut, l’apprentissage est parfois long, et certains mettent en cause leur efficacité pour cette raison, ou tout simplement parce qu’ils ne les maîtrisent pas.

Cependant, il serait dommage de faire l’impasse. D’une part elles sont terriblement efficaces dans certaines situations et d’autre part elles ont l’avantage de pouvoir éventuellement « graduer » la riposte, ce qui n’est pas le moindre intérêt, sur le plan de la légitime défense et tout simplement sur celui du respect de la vie et de la lutte contre l’escalade de la violence. Parfois une réponse mesurée et adaptée à certaines situations est préférable à une riposte « définitive ».

Tout comme pour les étranglements, à l’entraînement, le signal qui signifie l’abandon doit être scrupuleusement respecté.

Beaucoup de ces techniques sont appliquées debout (notamment en ju-jitsu traditionnel) et au sol, mais certaines, comme le célèbre juji gatame, ne sont pratiquées qu’au sol. Même si celle-ci possède une opportunité très spectaculaire qui commence debout, appelée (facilement) « flying juji ».

Personnellement, debout j’ai une préférence pour waki-gatame, qui peut aussi se pratiquer au sol et que, justement au sol, juji gatame est loin de m’être étrangère.

Concluons en souriant, en affirmant que le kantsetsu-waza : c’est la solution « clé en main ».

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Retour sur les méthodes d’entraînement

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Un secteur indispensable.

Ce sont des exercices de perfectionnement possédant, chacun dans leur domaine, une spécificité. Ils permettent de renforcer les acquisitions techniques : la vitesse, les automatismes, la tonicité, la forme de corps, le placement, le déplacement, etc. Et cela dans les domaines qui composent le ju-jitsu. Ils existent dans les autres disciplines de combat.

Ils renforcent les qualités indispensables dans le domaine de l’atemi-waza (le travail de coups), du nage-waza (les projections) et dans le ne-waza (le travail au sol). Ils  peuvent se faire seul ou à deux (le plus souvent), mais aussi à plusieurs, statiques ou en déplacement.

Certains consistent à faire des répétitions sans aucune opposition de la part du partenaire,  d’autres se font avec une opposition plus ou moins importante, mais toujours conventionnelle. Un engagement avec le respect le plus absolu du partenaire, des exercices de construction en non pas de destructions

On peut définir deux groupes : le premier dans lequel le partenaire ne produit aucune opposition et le second au cours duquel il offre une certaine résistance qui permet de se renforcer en situation d’opposition relative.

La plus connue de ces méthodes d’entraînement est l’uchi-komi ; elle consiste à répéter une technique de projection sans faire chuter, juste en soulevant le partenaire.

On peut aussi effectuer cette répétition dans le domaine de l’atemi-waza et du ne-waza. Pour certaines techniques, les uchi-komi peuvent s’effectuer dans « le vide », c’est-à-dire tout seul.

On trouve ensuite (dans le domaine des projections) le nage-komi dont le but est de se faire chuter à tour de rôle, ou plusieurs fois de suite, avec un certain rythme, en statique ou en déplacement. Et puis, il y a le randori (qui n’est pas un véritable combat) et qui offre un travail en opposition « mesurée », sur un thème précis, au sol et debout, en atemi-waza et en projections.

On oublie trop souvent des exercices tels que le kakari-geiko et le yaku-soku-geiko.

Le premier (un sur deux attaques) permet à Tori de renforcer son système d’attaque sans la peur de contre prise de la part d’Uke. Celui-ci se contentant d’essayer d’esquiver les initiatives de Tori, l’obligeant ainsi à s’adapter et à trouver d’autres solutions, toujours dans l’offensive.

Le second, le yaku-soku-geiko (les deux attaques), que l’on peut qualifier de « randori souple » offre la possibilité aux deux protagonistes de s’exprimer dans une opposition uniquement axée sur une reprise d’initiative, sans contre prise directe, uniquement en « sen-o-sen. », l’attaque dans l’attaque (pour ce qui concerne les projections).

On pratique également le kakari-geiko (un sur deux attaque) en atemi-waza, on peut utiliser des gants de boxe qui servent de cibles. Uke « appelant » les coups en plaçant les gants sur différentes parties du corps. A lui de diversifier les demandes pour que Tori diversifie ses coups.

En ne-waza, existent aussi des méthodes d’entraînement, en plus du randori. Une que j’affectionne particulièrement est de définir une  position de départ – par exemple Tori sur le dos et Uke entre les jambes – et à partir de là, Tori a une minute pour aboutir à un résultat, Uke ne faisant que de la défense. Cela permet au premier de travailler son système offensif sans craindre de se faire contrer.

Une autre méthode, purement ju-jitsu (que mes élèves connaissent bien), consiste à répéter une technique de défense sur une situation précise, puis une seconde et ensuite de les enchaîner vite et fort, sans temps d’arrêt ; de même avec une troisième et ainsi de suite, jusqu’à six, ce qui est déjà très bien.

Les katas peuvent aussi être considérés comme des méthodes d’entraînement, puisqu’ils sont le reflet d’un combat. Un combat pré arrangé, certes, mais qui permet d’affûter les techniques et d’acquérir des automatismes, sans risque de blessures.

Enfin, il y a ce que j’appelle le randori de self défense. Uke porte diverses attaques (contrôlées) sans que Tori les connaissent à l’avance, à lui de mettre une riposte appropriée, elle aussi contrôlée.

Les exercices qui se limitent aux séries de répétitions, seul ou avec un partenaire, peuvent parfois sembler ingrats ; la récompense viendra avec les progrès réalisés. Et lorsque les randori sont exécutés avec un partenaire possédant le même état d’esprit, c’est à dire démunie de toute violence et sans brutalité, ils ne sont jamais dépourvus d’un aspect ludique, ce qui n’est pas incompatible avec une pratique sérieuse des arts martiaux.

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Vous reprendrez bien un peu de chutes ?

Dans la plupart des arts martiaux, notamment en ju-jitsu, apprendre à chuter est une nécessité. C’est également utile dans la vie courante. C’est une sorte d’assurance. Certes, nous ne tombons pas à longueur de journée, mais beaucoup de fâcheuses conséquences pourraient être évitées avec un minimum de maîtrise du « savoir tomber » en limitant les dégâts ; sur la neige, la glace ou tout simplement après avoir perdu l’équilibre.

Sur le plan de l’efficacité pure, il est nécessaire de bien savoir chuter sur un tatami, dans la mesure où certaines ripostes imposent des projections, or pour être efficace il faut répéter et pour les répéter il faut que le partenaire sache chuter.

Certains sont réfractaires aux chutes, mais peut-être ont-ils connu de mauvaises expériences avec des apprentissages « rugueux ». Une étude adaptée est indispensable.

Enfin, savoir chuter c’est pouvoir se perfectionner dans le domaine des projections, un domaine efficace (nous l’avons évoqué plus haut) mais grâce auquel on pourra tout simplement s’exprimer physiquement et dans lequel la joie d’une belle expression corporel ajoutera du plaisir à la pratique.

Fiche technique.

On distingue les chutes sur l’arrière et les chutes sur l’avant.

Dans chacune de ces catégories, il y a la chute qui se pratique sur un tatami et celle « en situation », c’est à dire en dehors du dojo, si par malheur elle survient sur un sol dur : accident, maladresse, ou agression. Dans cette dernière situation il faudra tout à la fois se relever sans dommages et être opérationnel immédiatement.

Dans les deux cas de figure (dojo et « situation ») il faut préserver deux parties essentielles, la tête et les articulations des membres supérieurs. Pour la tête il suffira de rentrer le menton dans la poitrine. Pour les bras, sur un tatami, on frappe au sol « bras tendus » paume de main vers le bas, pour protéger les articulations et répartir l’onde de choc, le bras devenant une sorte de paratonnerre. Sur un sol dur on se limite à ce que les bras soient tendus vers l’extérieur, ce qui évitera une luxation et/ou une fracture. Donc, si on est bousculé et que l’on perd l’équilibre sur l’arrière, on essaie de rouler sur une épaule, pour protéger la tête,  en ayant préalablement plié une jambe, ceci afin de se retrouver le plus vite possible debout face à un éventuel adversaire (photo 1).

Concernant la chute avant, il faut se servir du bras avant comme d’une roue et d’un amortisseur. Là aussi, il est indispensable de protéger la tête, et ensuite les articulations et notamment l’épaule. En dojo après avoir roulé, on se réceptionne jambes tendues et parallèles. Dans la réalité, à la réception, on plie une jambe pour se retrouver face à l’endroit d’où l’on vient, face à un agresseur qui nous aurait poussé dans le dos (photo 2).

Il existe aussi la chute avant, dans laquelle on se réceptionne face au sol, en se servant des bras uniquement comme amortisseurs.

Tout cela est un peu technique, rien ne remplace la pratique.

(Les photos qui présentent les « chutes en situation » sont extraites du livre « Ju-jitsu-Défense personnelle ». Édition parue en 2000.)

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Bernard Pariset : 20 ans déjà

Il y a vingt ans, le 26 novembre 2004, Bernard Pariset nous quittait.

Il était mon père, mon professeur et mon mentor. Il était un judoka au palmarès exceptionnel, il a marqué les débuts du judo dans notre pays et bien au-delà de nos frontières.  Un père qui possédait aussi des qualités exceptionnelles dans d’autres domaines, nous les évoquerons plus bas.

Ce texte – très personnel –  signifie aussi la nécessité, d’une façon générale, de ne pas oublier ceux qui nous ont tant appris et tant donné. (Je n’ignore pas que certains ont la mémoire courte !)

En 1947 un jeune homme de dix sept ans poussait les portes d’un des premiers dojos installés dans la capitale : le Club Français de jiu-jitsu, situé au 11 de la rue des Martyrs dans le neuvième arrondissement. Roger Piquemal, le maître des lieux, a très vite décelé les qualités de ce jeune homme qui n’était pas doté de capacités physiques exceptionnelles. A ses débuts, c’est davantage son côté « guerrier », dans le sens le plus noble du terme, qui marquait les esprits, il n’était pas embarrassé par la technique, la suite a largement corrigé ce fait.

Très vite il s’est constitué un palmarès exceptionnel à une période où les catégories de poids n’existaient pas : c’était l’époque du « toutes catégories ».  Celle où les petits pouvaient faire tomber les grands, il en a fait sa marque de fabrique, ô combien !

Plusieurs titres de champion de France, en alternance avec son meilleur ami Henri Courtine, un titre de champion d’Europe face à Anton Geesink la légende du judo néerlandais et mondiale et une demi-finale aux deuxièmes championnats du Monde à Tokyo en 1958, tout cela en toutes catégories.

Sa carrière ne s’est pas limitée à cet extraordinaire parcours, il a œuvré, et de quelle manière, au sein de la Fédération de judo ju-jitsu en occupant différentes fonctions, dont celles d’entraîneur national et de directeur des équipes de France.

Il a été l’investigateur de la remise au goût de jour du ju-jitsu, avec la méthode « Atemi ju-jitsu » au début des années 1970, ce qui n’est pas rien. J’en sais quelque chose. Être un judoka hors pair (sans jeux de mots), ne l’empêchait pas de s’intéresser aux autres méthodes de combat. Lors de ses deux années passées au Fort Carré d’Antibes, il a été instructeur en sports de combat.

Avec son ami Henri Courtine, ils ont été les premiers en France à arborer la fameuse ceinture blanche et rouge ; en 1968 ils ont été nommés 6ème Dan par le Kodokan de Tokyo. Ensemble ils ont gravi les dans jusqu’au 9ème. (Henri Courtine obtenant le 10ème un peu après la disparition de mon père.)

En dehors des arts martiaux il avait deux autres passions : la sculpture et l’équitation. Ce don pour la sculpture lui est venu alors qu’il était apprenti ébéniste au moment où il a commencé le judo. Quant à l’équitation, c’est plus tard qu’il a découvert ce qui allait devenir une autre passion et même une communion avec « la plus belle conquête de l’homme ».

Comme il ne faisait jamais les choses à moitié, il a ouvert un centre équestre dans l’Yonne. Le club d’arts martiaux la semaine à Paris, l’équitation le week-end en Bourgogne.

Concernant la sculpture, les plus anciens se souviennent de cette série de magnifiques figurines produites à un moment de sa vie où, fortement impacté par les excès du « toutes catégories », il s’est retranché sur une activité moins physique. Ses créations présentaient des judokas et des samouraïs à pied et à cheval, avec un sens du détail et de la réalité saisissant.

C’était une personne dotée d’un caractère qui ne laissait personne indifférent. Il était très bavard, toujours à bon escient. Ses réflexions et ses appréciations étaient parfois sévères, comme les « ippon » qu’il distribuait sur les tatamis.  Il défendait ce qu’il appelait l’esprit de conquête, il aimait découvrir ce qu’il y avait de l’autre côté de la colline.  C’était un visionnaire doté d’un bon sens surprenant, il n’était pas démuni d’un humour grinçant et la dérision l’habitait, y compris à son égard, il n’était dupe de rien. Il portait parfois sur ses contemporains un regard quelque peu désabusé. Il était tranchant, jamais mièvre, parfois excessif comme dans la manière qu’il a choisi de nous quitter.

Il a été mon père, mais aussi mon professeur, et quel professeur ! Je n’avais pas droit à un traitement de faveur, les compliments et les encouragements étaient rares, très rares. Ça n’a pas été tous les jours facile d’être son fils (unique). Mais quitte à avoir un père, autant qu’il s’appelle Bernard Pariset.

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Ci-dessous quelques souvenirs parmi tant d’autres. L’équitation dans l’Yonne, dans les deux sens du terme. Une magnifique figurine représentant un samouraï, les spécialistes, et les autres, apprécieront le sens du détail. Une phase de la finale victorieuse contre Anton Geesink en 1955 à Paris. Un combat au sol arbitré par Maitre Kawaishi. Une technique au sol avec un Uke prestigieux : Jean Paul Coche.

Critères

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Je reviens sur les critères qui me semblent incontournables dans la pratique et l’enseignement d’un art martial. Ils guident mon action professionnelle et mon engagement.

Curieusement le hasard les fait commencer par la même lettre. C’est donc quelques E que je propose. J’ai déjà évoqué le sujet, je me plais à le faire de nouveau. J’y attache une attention particulière.

Efficacité. Bien sûr, surtout quand il s’agit de self défense. Avec le ju-jitsu traditionnel nous couvrons toutes les situations avec un ensemble de ripostes graduées.

Education. Elle est incontournable, surtout lorsqu’on est détenteur d’une carte professionnelle sur laquelle est mentionné « Educateur sportif ». Pour le bien du corps et de l’esprit. À une époque où la violence s’invite quotidiennement le rôle des éducateurs sportifs est déterminant. On peut combattre sans que suinte la violence.

Épanouissement. Intimement lié au précédent critère. Cet épanouissement physique et mental qui permet d’être « bien dans son corps, bien dans sa tête ». Unr formule qui n’est pas démodée, au contraire. Dans ce monde de plus en plus « spécial », elle est un remède dont il serait dommage de s’émanciper.

Expression corporelle. Avec ces moments durant lesquels nous nous exprimons et qui nous apportent satisfaction et qui renforcent l’estime et la confiance personnelles. Autant d’éléments qui permettent d’avancer positivement dans la vie. Ce goût de l’effort souvent récompensé et qui, dans le cas contraire, efface tout regret et remord.

Effort. Sans eux, sur le long terme, aucun résultat ne sera possible. L’effort physique qui améliore le corps, l’effort mental qui renforce l’esprit.

Esthétisme. Pour certains, il est superflu. J’ai déjà écrit que lorsqu’on sauve sa vie ou celle d’une tiers personne, il n’est pas d’actualité, mais à l’entraînement, il ne gâche rien. Il demande des efforts toujours récompensés. « La recherche du beau »  finalise un accomplissement personnel.  Elle est le résultat de l’alchimie de plusieurs éléments. Aucun d’eux ne doivent être négligés.

Voilà quelques réflexions pour une pratique qui fait partie d’un mode de vie. Les arts martiaux ne sont-ils pas « des Écoles de vie » ?

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De la patience…

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Vacances pour certains et petite semaine pour d’autres, voilà un moment propice à  la rediffusion d’un comte extrait du délicieux recueil « comtes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». Une belle leçon de patience qui mène à une sage efficacité.

« Le roi de Tcheou avait confié à Chi Hsing Tseu le dressage d’un coq de combat prometteur, qui paraissait doué et combatif. Le roi était donc en droit de s’attendre à un dressage rapide… et il ne comprenait vraiment pas que dix jours après le début de l’entraînement il n’ait toujours pas eu de nouvelles des progrès du volatile. Il décida d’aller en personne trouver Chi pour lui demander si le coq était prêt. -« Oh non, sire, il est loin d’être suffisamment mûr. Il est encore fier et coléreux », répondit Chi. De nouveau dix jours passèrent. Le roi, impatient, se renseigna auprès de Chi qui lui déclara : – « Le coq a fait des progrès, majesté, mais il n’est pas encore prêt car il réagit dès qu’il sent la présence d’un autre coq. » Dix jours plus tard, le roi, irrité d’avoir déjà tant attendu, vint chercher le coq pour le faire combattre. Chi s’interposa et expliqua : – « Pas maintenant, c’est beaucoup trop tôt ! Votre coq n’a pas complètement perdu tout désir de combat et sa fougue est toujours prête à se manifester. » Le roi ne comprenait pas très bien ce que radotait ce vieux Chi. La vitalité et la fougue de l’animal n’étaient-elles pas la garantie de son efficacité ?! Enfin, comme Chi Hsing Tseu était le dresseur le plus réputé du royaume, il lui fit confiance malgré tout et attendit. Dix jours s’écoulèrent. La patience du souverain était à bout. Cette fois, le roi était décidé à mettre fin au dressage. Il fit venir Chi et le lui annonça sur un ton qui trahissait sa mauvaise humeur. Chi prit la parole en souriant pour dire : – « De toute façon, le coq est presque mûr. En effet, quand il entend chanter d’autres coqs il ne réagit même plus, il demeure indifférent aux provocations, immobile comme s’il était de bois. Ses qualités sont maintenant solidement ancrées en lui et sa force intérieure s’est considérablement développée. » Effectivement, quand le roi voulut le faire combattre, les autres coqs n’étaient visiblement pas de taille à lutter avec lui. D’ailleurs ils ne s’y risquaient même pas car ils s’enfuyaient dès qu’ils l’apercevaient. »

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Professeur et entraîneur : ce n’est pas pareil.

Même si une personne peut endosser les deux rôles, les objectifs ne sont pas les mêmes, chacun a sa propre mission.

Ci-dessous deux définitions données par le Larousse :

« Professeur : Personne qui enseigne, qui dispense les connaissances relatives à une matière, à une discipline, en général dans le cadre d’une activité.

Entraîneur : Personne qui, par des exercices gradués, entraîne un athlète, un boxeur, un nageur, une équipe, etc., et les prépare à une compétition. »

Les compétences réclamées pour chacun de ces postes ne sont pas identiques, même si, comme indiqué plus haut elles peuvent s’associer. Le professeur dispense la technique, y compris et surtout les bases et l’entraîneur demande des résultats, en s’appuyant sur les fondations précitées, en renforçant la condition physique et le mental (l’œil du tigre !).

Le premier doit faire preuve de pédagogie, le second de psychologie.  Le premier doit maîtriser les méthodes d’apprentissage et le second les méthodes d’entraînement.

Le public auquel s’adresse le professeur n’est pas le même que celui de l’entraîneur. Souvent existe une confusion, une confusion qui peut être fâcheuse, quand on confond (volontairement ou pas) les rôles.

L’entraîneur sera dans la lumière pour peu que « ses entraînés » obtiennent des résultats. Le professeur est dans l’ombre, pourtant c’est lui qui fait le travail le plus important. Sans professeur, pas d’entraîneur !

Certains professeurs confondent parfois les deux rôles et préparent à la compétition des élèves qui n’ont pas encore le bagage technique suffisant pour y participer, ou bien, pire encore, qui ne le veulent pas ; situation qui entraîne des abandons qu’on a tendance à oublier.

Cependant,  un professeur peut aussi être capable de préparer des élèves aux championnats, si le club n’a pas la possibilité d’avoir un entraîneur spécifiquement dédié, mais il faudra qu’il fasse la part des choses, en évitant de stigmatiser ceux qui n’ont pas cette vocation.

La compétition est une bonne expérience si elle n’est pas une finalité, qu’elle n’est pas la guerre et qu’elle ne doit pas faire oublier les autres aspects de nos pratiques.

Et puis, j’y reviens souvent, certains arts martiaux perdent une grande partie de leur substance lorsque, pour des raisons évidentes de sécurité, beaucoup de techniques ne sont plus autorisées en compétition.

Conclusion. Professeur et entraîneur : deux passions et des compétences différentes (qui peuvent s’additionner), mais aussi deux missions distinctes, avec chacune sa spécificité et ses objectifs.

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