« Gardien du temple »

Lors du stage de dimanche dernier à Léognan j’ai reçu un compliment qui m’a particulièrement touché : « Vous êtes un des derniers gardiens d’une pratique traditionnelle qui porte et défend des valeurs qui semblent se perdre». J’ai remercié la personne en insistant sur le fait de ne pas être le seul dans ce cas.

Il est vrai que je ne me reconnais pas dans certaines évolutions.

Être considéré comme un « Gardien du Temple » me convient. Il ne s’agit pas de l’expression d’un conservatisme stérile, mais tout simplement de celle d’une fidélité à des convictions et à une discipline qui m’a tant apporté et qui m’a permis de devenir ce que je suis.

Pourquoi la renierais je ? D’abord elle est on ne peut plus complète techniquement, elle porte des valeurs éducatives dans tous les secteurs et je m’y exprime totalement dans sa pratique et dans sa transmission. En matière de reniement et de trahison, il y aurait encore pire, comme l’enseigner sous un autre nom davantage à la mode.

Certes, je n’ignore pas qu’en ce moment cette mode n’est pas aux disciplines dites traditionnelles, mais je n’ai pas trop d’inquiétude, les modes passent et les traditions, par définition, restent.

Je ne pense pas que s’attacher à certaines traditions signifie appartenir à un autre temps, ou encore être ringard, « has  been ». Au contraire, je pense que tout ce qui tend vers l’éducation est profondément moderne. Surtout quand il est question de lutte contre la violence.

Cette violence qui habite notre quotidien, qui pousse même les portes de certains dojos (qui ne méritent plus ce nom) elle a toujours existé, mais depuis les réseaux sociaux, elle est « véhiculée » de façon permanente. Forcément ce n’est pas sans conséquence. Et c’est là que les éducateurs, en premier ceux qui enseignent nos disciplines, ont un rôle majeur afin de contrebalancer cet état de fait  insupportable.

Ils le peuvent et ils le doivent dans leur programme d’enseignement avec des techniques efficaces mais sécuritaires et avec un discours constructif, une ambiance dépourvue de stress et de mauvaises ondes. On ne doit pas ressortir plus abîmé, mentalement et physiquement, qu’à la suite d’une agression.

Une ambiance qui nous « élève » et non pas qui nous rabaisse ; le mot élève n’est pas né par hasard.

La tradition dans notre domaine, puisque c’est de cela dont il est principalement question dans cet article, ça commence par la politesse, le respect du professeur, du partenaire, des plus hauts gradés comme des débutants (c’est une des missions des gradés que celle de guider un pratiquant qui effectue ses premiers pas sur un tatami), le respect du collectif en essayant de ne pas être en retard, de ne pas parler pendant les explications du professeur et s’exprimer à voix basse avec son partenaire lors des répétitions.

C’est aussi le respect du lieu dans lequel nous pratiquons. Avec les différents saluts, l’observation des règles d’hygiène comme ne pas marcher pieds nus en dehors des tatamis, avoir le corps et la tenue propres. A propos de la tenue, c’est ne pas s’affranchir de celle avec laquelle doivent se pratiquer nos disciplines.

S’émanciper de ces règles mène forcément à la dérive de la société.

Certaines peuvent sembler anodines, même désuètes, mais aucune n’est à négliger. On connaît parfaitement où mènent le relâchement. Et puis, il ne s’agit pas d’efforts démesurés ; il est tout simplement question de faire attention à soi et… aux autres !

Enfin, ces quelques efforts, auxquels ont peut ajouter différentes recherches comme la finesse technique (quand on a la chance de pratiquer un art qui a de l’épaisseur), la perfection, pourquoi pas la beauté du geste et l’expression corporelle et ne pas se contenter du minimum ; cet ensemble permettra de ressentir l’immense satisfaction que seuls connaissent et connaîtront ceux qui auront consenti à ces quelques efforts.

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Vous reprendrez bien un peu de chutes ?

Dans la plupart des arts martiaux, notamment en ju-jitsu, apprendre à chuter est une nécessité. C’est également utile dans la vie courante. C’est une sorte d’assurance. Certes, nous ne tombons pas à longueur de journée, mais beaucoup de fâcheuses conséquences pourraient être évitées avec un minimum de maîtrise du « savoir tomber » en limitant les dégâts ; sur la neige, la glace ou tout simplement après avoir perdu l’équilibre.

Sur le plan de l’efficacité pure, il est nécessaire de bien savoir chuter sur un tatami, dans la mesure où certaines ripostes imposent des projections, or pour être efficace il faut répéter et pour les répéter il faut que le partenaire sache chuter.

Certains sont réfractaires aux chutes, mais peut-être ont-ils connu de mauvaises expériences avec des apprentissages « rugueux ». Une étude adaptée est indispensable.

Enfin, savoir chuter c’est pouvoir se perfectionner dans le domaine des projections, un domaine efficace (nous l’avons évoqué plus haut) mais grâce auquel on pourra tout simplement s’exprimer physiquement et dans lequel la joie d’une belle expression corporel ajoutera du plaisir à la pratique.

Fiche technique.

On distingue les chutes sur l’arrière et les chutes sur l’avant.

Dans chacune de ces catégories, il y a la chute qui se pratique sur un tatami et celle « en situation », c’est à dire en dehors du dojo, si par malheur elle survient sur un sol dur : accident, maladresse, ou agression. Dans cette dernière situation il faudra tout à la fois se relever sans dommages et être opérationnel immédiatement.

Dans les deux cas de figure (dojo et « situation ») il faut préserver deux parties essentielles, la tête et les articulations des membres supérieurs. Pour la tête il suffira de rentrer le menton dans la poitrine. Pour les bras, sur un tatami, on frappe au sol « bras tendus » paume de main vers le bas, pour protéger les articulations et répartir l’onde de choc, le bras devenant une sorte de paratonnerre. Sur un sol dur on se limite à ce que les bras soient tendus vers l’extérieur, ce qui évitera une luxation et/ou une fracture. Donc, si on est bousculé et que l’on perd l’équilibre sur l’arrière, on essaie de rouler sur une épaule, pour protéger la tête,  en ayant préalablement plié une jambe, ceci afin de se retrouver le plus vite possible debout face à un éventuel adversaire (photo 1).

Concernant la chute avant, il faut se servir du bras avant comme d’une roue et d’un amortisseur. Là aussi, il est indispensable de protéger la tête, et ensuite les articulations et notamment l’épaule. En dojo après avoir roulé, on se réceptionne jambes tendues et parallèles. Dans la réalité, à la réception, on plie une jambe pour se retrouver face à l’endroit d’où l’on vient, face à un agresseur qui nous aurait poussé dans le dos (photo 2).

Il existe aussi la chute avant, dans laquelle on se réceptionne face au sol, en se servant des bras uniquement comme amortisseurs.

Tout cela est un peu technique, rien ne remplace la pratique.

(Les photos qui présentent les « chutes en situation » sont extraites du livre « Ju-jitsu-Défense personnelle ». Édition parue en 2000.)

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Le « bon vieux ju-jitsu »…

–       C’est du judo ?

–       Non, c’est du ju-jitsu.

–       Du J.J.B.(ju-jitsu brésilen) ?

–       Non, du ju-jitsu

Voilà un petit échange qui a eu lieu il y a quelques jours, avec une personne qui passait la tête, alors que nous finissions notre séance par quelques randoris au sol.

Cela m’a donné envie de proposer à nouveau un article paru il y a un an, quelque peu remanié. J’avais intitulé cet article : « Le bon vieux ju-jitsu », suite à un commentaire posté sur une de mes vidéos.

Devant une offre conséquente en matière de disciplines de combat, un peu d’information et de rafraîchissement de mémoire ne sont pas inutiles. Oui, je suis fidèle à ce ju-jitsu que je pratique et enseigne depuis des décennies, sans jamais le renier, ce qui ne m’a pas empêché, dans le cadre d’une formation professionnelle complète, de pratiquer d’autres disciplines institutionnelles.

Le ju-jitsu a su traverser les siècles et, même s’il a connu des périodes de repli, il a toujours su renaître des ses cendres, il est intemporel, inoxydable. Il sait faire le dos rond face aux assauts de nouvelles méthodes (de toute façon nous avons tous deux bras deux jambes et c’est la manière dont elles sont utilisées qui fait la différence) ; il a pour lui la force de sa vérité. Beaucoup d’écoles existent, certaines fantaisistes, d’autres un peu contraires à l’esprit de base, il faut savoir faire le tri.

Cette pluralité de styles existait déjà au temps de Jigoro Kano, quand il a décidé de faire une synthèse pour créer sa propre école qu’il appela « judo ».

Pour ma part, je reste attaché à un style qui rassemble richesse et finesse technique, tout en proposant un état d’esprit constructif. Tous ces éléments sont autant de raisons qui font que ma fidélité lui est acquise et c’est toujours avec la même passion que je l’enseigne. Et pourquoi renier ce que l’on aime et que l’on pense juste ?

Il n’est pas question d’immobilisme, moi-même, en son temps, j’ai apporté ma contribution dans l’évolution de ma discipline, mais toujours à partir des mêmes racines, des mêmes principes et du partage des mêmes valeurs. Je n’ai jamais confondu évolution et régression.

L’évolution, par définition, doit se faire dans le bon sens. Il y a des principes et des techniques qui doivent être respectés, faute de perte d’identité et de qualités.

Je suis inflexible sur l’éducation (technique, physique et mentale). J’ai quelques formules que mes élèves connaissent bien, elles valent ce qu’elles valent, avec juste un peu d’humour, elles ont le mérite d’être explicites. En voici quelques-unes : « sur ma carte professionnelle est inscrit éducateur sportif et non pas destructeur sportif ». « On est ici pour apprendre et non pour en prendre ». « Il faut construire un système de défense, plutôt que de se limiter à détruire ». « Apprendre à maîtriser en se maîtrisant ». Ce sont des formules avec des mots, et les mots ont leur importance lorsqu’il s’agit de transmission au service de l’éducation.

La semaine prochaine, je proposerai la deuxième partie de cet article.

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Quelques dimanches

Dans les activités sportives en général et les arts martiaux en particulier, les fins de semaine sont souvent très occupées. Compétitions, stages, entraînements spécifiques, galas, etc.

Dans ce premier trimestre de la saison, en dehors des cours réguliers, il n’y pas eu d’exceptions à cette règle. J’ai vécu quelques rendez-vous de fin de semaine marquants. Des rendez-vous différents en matière de programme et de lieux. A chaque fois c’est le plaisir de revoir des personnes et de retrouver des lieux que l’on apprécie, mais il y a aussi de nouvelles rencontres et des découvertes qui participent à l’enrichissement relationnel et à la culture martiale.

Le premier s’est déroulé à Blagnac, près de Toulouse. Il s’agissait d’un stage organisé conjointement par « Blagnac Arts Martiaux » et son directeur technique et professeur Jean-Louis Mourlan et Le Club de Nailloux, dont la Présidente n’est autre qu’une ancienne élève, Agnès Francastel qui, pour des raisons professionnelles, a « atterri » près de la ville de l’Aérospatiale. Cette première édition a été un succès, elle a rassemblé un nombre important de jujitsukas. Nul doute que ce ne sera pas la dernière.

Pour le deuxième rendez-vous, le week-end suivant, pas de judogi pour moi, puisqu’il s’agissait d’une invitation à assister à une compétition de Taekwondo : l’Open de Poitiers. Spécialisé dans la discipline que vous connaissez, cela ne m’empêche pas de satisfaire la curiosité et l’ouverture d’esprit qui m’animent. C’est avec plaisir que j’ai accepté cette invitation. Bien sûr que je connaissais cette discipline venue de Corée et arrivée dans notre pays au début des années 1970, mais je n’avais jamais assisté à une compétition. J’avoue avoir été impressionné par la qualité technique, mais aussi par l’état d’esprit exemplaire qui régnait durant cette journée. Le fair-play, le respect entre les adversaires (qui le sont juste le temps du combat), mais aussi les habitudes comme le salut des combattants à l’attention de l’entraîneur adverse. Autant de signes d’un respect auquel personne ne se soustrait ou bien ne tronque. L’ensemble animé par un public enthousiaste et correct. Bref, une belle découverte. Je remercie les organisateurs de m’avoir convié à cette journée. Merci à Sylvie Marchais et à Rodrigo Lacativva et félicitations pour cette réussite incontestable.

Autre lieu à l’occasion du troisième rendez-vous qui m’a conduit aux Pays-Bas pour un « séminaire Budo ». A chaque fois, je suis très bien accueilli dans ce pays, j’y ai quelques amitiés et plus encore. Je me sens particulièrement bien dans ce pays où les arts martiaux traditionnels ont su garder toute leur place. Au plaisir de retrouver des connaissances, s’ajoute la fierté de représenter notre pays. Une fois de plus, j’ai assisté à une organisation parfaite sous la responsabilité de Dirk Klok le Président de l’IMAF Pays-Bas que je connais maintenant depuis plus de vingt ans. Un 8ème Dan de Nihon Ju-jitsu délivré par l’IMAF Europe a couronné ce déplacement. (IMAF : International Martial Art Fédération.)

Ensuite, il y a eu Paris le 19 novembre. Là, il s’agit d’une habitude. Tous les deux mois, environ, c’est un grand moment d’émotion, celui de retrouver un groupe de fidèles, qui s’ajoute au plaisir de dispenser mes connaissances. Et puis, même si la capitale est parfois critiquée, c’est l’endroit où je suis né, où j’ai grandi, où j’ai appris et exercé mon métier, cela ne s’oublie pas, et puis, c’est quand même Paris.

Enfin, le week-end dernier, c’était presque « à la maison », avec le stage de Fontenay-le-Comte dans le très beau dojo de Gwen Raguenault. Malheureusement le nombre n’y était pas, mais cela n’a pas empêché un travail intense. C’est l’occasion de remercier le maître des lieux pour son hospitalité, faisant ainsi la preuve que l’entraide existe encore. C’est d’autant plus agréable lorsqu’il s’agit de pratiquants d’autres disciplines.

Si j’ai souhaité aborder ces quelques rendez-vous, c’est pour remercier les organisateurs, mais aussi pour signifier que ces rendez-vous font partie de la vie d’un « samouraï des temps modernes », ils sont des marqueurs. Ils sont la preuve d’un engagement total dans la dispense de son savoir, de ses expériences et de la passion qui nous anime et qui reste intacte même après plusieurs décennies. Pour les stagiaires ce sont des compléments à l’enseignement reçu durant la semaine et la preuve d’un investissement comme le méritent nos arts martiaux. Bien sûr ils ne sont pas indispensables, tout le monde n’a pas la disponibilité nécessaire, mais ceux qui y participent ne le regrettent pas. Pour les pratiquants qui évoluent dans des disciplines à but compétitif, les compétitions et autres tournois de fin de semaine sont toujours une belle expérience, quel que soit le résultat.

Donc, vivement les prochains week-ends ju-jitsu. Avec Léognan en Gironde le 10 décembre pour commencer une nouvelle série. Léognan, où là aussi, j’ai quelques fidèles et solides amitiés.

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