Retour sur waki gatame

Voilà une technique que j’affectionne tout particulièrement. Peut-être est-ce parce que je la maîtrise assez bien que je l’affectionne, ou bien est-ce parce que je l’affectionne que je la maîtrise ? Quelle est la conséquence et quelle est la cause ?

Cette clef est très peu, et même pas du tout, pratiquée en compétition de judo, bien qu’elle soit autorisée (sauf erreur de ma part si elle est appliquée avec maîtrise). Par contre, en ju-jitsu elle a toute sa place. On peut la pratiquer debout ou au sol, mais aussi en liaison « debout sol ».

Waki-gatame appartient aux « kansetsu-waza », les techniques de « clefs articulaires », appelées aussi les clefs aux bras, ou encore dans un temps lointain les armlock. Enfant, avec mes copains de tatami, ce mot nous fascinait. « Les armlock » !  Nous n’attendions qu’une chose : l’âge qui nous autoriserait leur pratique.

En ju-jitsu self défense elles permettent la maîtrise d’une personne en lui infligeant une douleur plus ou moins importante sur l’articulation, pouvant aller jusqu’à la luxation.

La maîtrise des techniques de clefs demande du temps et donc  beaucoup de patience. Elles offrent deux avantages : le premier d’être efficace, le second de permettre la maîtrise d’une personne sans forcément que ses jours soient mis en danger. Cet aspect ne doit pas être négligé, sur le plan de la légitime défense et sur celui du respect de la vie, tout simplement.

Le principe de waki-gatame est de verrouiller l’articulation du coude avec l’aisselle, tout en maintenant le poignet de l’adversaire avec les  deux mains qui sont l’un des deux  « points fixes » indispensables, l’autre étant l’articulation de l’épaule du partenaire.

On peut l’appliquer pour répondre à diverses attaques : en coups de poing, sur des saisies de face et sur l’arrière, dans certaines circonstances au sol et bien évidemment en riposte à des attaques à main armée.

Il n‘empêche que certains sont perplexes quant à une efficacité longue à acquérir. A ces doutes, j’opposerais deux arguments : d’abord celui de l’indispensable persévérance dont doit être doté un pratiquant d’arts martiaux (entre autres qualités), ensuite parce que  je connais beaucoup de personnes (pas forcément des hauts gradés) qui ont pu échapper à de sombres issues grâce à des techniques de clefs comme waki-gatame. L’efficacité est incontestable pour maîtriser un bras armé.

Il est certain qu’une multitude de détails entrent en ligne de compte, aussi bien en matière de précision que de positionnement du corps ;  les répétitions sont faites pour acquérir les qualités indispensables à une bonne efficacité.

Appréciant  cette clef, j’ai (toujours) comme projet de créer un document pour la présenter sous  toutes ses formes à partir des  différentes opportunités, sans oublier les défenses et éventuelles contre-prises qui y sont attachées.

www.jujitsuericpariset.com

Incontournables sutemis

Screenshot

Ils sont l’illustration parfaite du principe de non opposition et de celui de l’utilisation de la force de l’adversaire.

Dans notre langue, nous les appelons les « techniques de sacrifices ». En effet, pour les appliquer il faut s’effacer devant l’adversaire en se mettant volontairement au sol, sur le dos ou le flanc : se sacrifier. Il s’agit de sacrifices utiles, ô combien.

De fait, les sutemis sont praticables par tous les gabarits et notamment les plus faibles. Une fois bien maîtrisés, leur efficacité est redoutable.

Tomoe-nage la fameuse « planchette japonaise » est le plus célèbre d’entre eux

Dans leur exécution, non seulement on ne s’oppose pas à la force de l’adversaire, mais on y ajoute la nôtre. Même avec peu de toute puissance, il suffit de « conduire » celle de l’opposant. A partir de là, « tout le monde peut faire tomber tout le monde ».

Nous sommes au cœur de l’efficacité du ju-jitsu tel qu’il doit être enseigné et pratiqué.

Certes sans action offensive de l’adversaire, il est impossible d’appliquer ces principes d’addition de force, mais le ju-jitsu (bien présenté) a toujours revendiqué le titre de méthode de défense et non pas d’attaque.

En judo, ils s’appliquent principalement en contre prise ou en appliquant le principe d’action réaction.  Avec l’avènement de la compétition et des catégories de poids, certaines projections ont dû être adaptées, c’est le cas des sutemis ; dans la mesure où, à technique (presque) équivalente et à poids égal, les principes de base n’ont plus les même effets, y compris celui de la surprise pour la personne qui en agresse une autre et qui n’envisage pas que celle-ci puisse se défendre en utilisant de telles techniques.

Toujours en judo, le meilleur exemple d’adaptation né à la fin des années 1960 et pour lequel on peut presque utiliser le terme de nouvelle technique, s’appelle tomoe-nage avec l’apparition du yoko-tomoe-nage. Cette dernière forme ne trouvant sa raison d’être que dans le randori et le combat de judo. Il n’existe pas vraiment d’applications en self défense. Une analyse approfondie de cette belle technique pourra faire un beau sujet par la suite.

Il existe des différences techniques mais aussi d’utilisation selon que l’on se trouve dans le cadre de la (self) défense ou bien dans celui du judo. Ne serait-ce que dans la rue, sur un sol dur, nous nous placerons sur le dos qu’en dernière analyse, lorsque la poussée est tellement forte que nous sommes déjà en déséquilibre et que l’application de techniques comme hiza-guruma, par exemple, qui nous laisseraient debout, n’est plus possible.

A l’inverse, en judo les sutemis peuvent être pratiqués directement, comme toute autre technique.

Il existe aussi les « makikomi », ils sont un peu les « cousins » des sutemis. Littéralement, il s’agit de techniques d’enroulement. Le corps de Tori venant au contact de celui d’Uke pour l’entraîner jusqu’au sol. La différence essentielle réside dans le fait que pour les sutemis, il y a séparation des corps durant l’action et que pour les makikomi, c’est l’inverse ; l’efficacité se réalisant avec le plus étroit contact entre les deux protagonistes (au profit de Tori, évidemment, qui emmène le corps d’Uke avec le sien, le plus souvent dans une synergie rotative). Le point commun étant que dans les deux cas l’idée est d’entraîner l’adversaire au sol.

La maîtrise de ces « techniques de sacrifices » requiert de la patience, comme beaucoup d’autres, mais leur parfaite exécution – qui donne l’impression d’agir sans aucun effort et même de façon un peu magique – procure peut-être une joie supérieure à celle ressentie dans la réalisation d’autres projections. C’est en tout cas un sentiment que je ne pense pas être le seul à partager.

(Les deux photos d’illustration ont quelques décennies d’écart et… des partenaires différents !)

www.jujitsuericpariset.com

Indispensables liaisons

Cette semaine je reviens sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, à savoir les liaisons que l’on trouve en ju-jitsu.

D’abord un rappel technique : le Ju-jitsu propose des techniques de coups, de projections et de contrôles : (l’atemi-waza, le nage-waza et le katame-waza.) L’étude et la maîtrise de ces trois composantes est indispensable, mais ce qui l’est tout autant, c’est la capacité à les enchaîner avec une parfaite fluidité. Exemple : bien maîtriser un coup de pied et une projection  est une chose, bien maîtriser l’enchaînement de ces deux techniques en est une autre. C’est ce qui représente une grande part de l’efficacité de cet art.

Le ju-jitsu n’est pas un « assemblage », c’est-à-dire un mélange de plusieurs disciplines, il est une entité, un bloc. Nous devons être en capacité de nous adapter immédiatement à une situation donnée, que ce soit à distance ou bien en corps à corps et surtout être capable de passer de l’une à l’autre. C’est le principe de ce que j’appelle « la liaison », cette liaison sur laquelle j’insiste et que j’aborde régulièrement dans mon enseignement.

Pour que cette liaison soit possible, certains impératifs doivent être respectés, comme « la garde » par exemple. Une garde trop basse sur les jambes ne permettra pas d’obtenir l’indispensable fluidité dans la liaison d’un coup avec une projection.

Bien  que soient indispensables les répétitions de techniques secteur par secteur, il faudra le plus souvent possible travailler des enchaînements dans lesquels nous trouverons au moins deux des composantes du ju-jitsu. Un coup enchaîné avec une projection, ou avec un contrôle, ou mieux encore, une liaison des trois composantes.

Ces enchaînements peuvent aussi se travailler sous forme d’uchi-komi (des répétitions sans chute) avec un partenaire. Mais aussi seul, « dans le vide ».

J’ai évoqué les liaisons « coups projections », mais les liaisons « debout sol », sont tout aussi importantes (on les retrouve également en judo). Enchaîner le plus vite possible, une projection avec une clef,  sera aussi important que maîtriser chacune des deux techniques en question.

On devra pratiquer régulièrement des enchaînements dans lesquels on recherchera à ce qu’il y ait le moins de temps morts possibles entre la projection et le contrôle.

L’étude et les répétitions d’enchaînements tels que les katas ou des exercices plus récents comme les « 16 techniques » doivent figurer régulièrement au programme des cours et pas simplement à l’approche des passages de grades.

Enfin, il est incontestable que chacun possède ses préférences, pour des raisons intrinsèques, ou par admiration. Cela n’interdit pas d’essayer de s’améliorer dans les domaines pour lesquels les prédispositions naturelles ne sont pas au rendez-vous.

Alors, au travail.

Pour illustrer cet article et en guise d’exemple, les trois premières techniques des « 24 techniques » (en compagnie d’Alain Aden, en 1994.) Extrait du livre « Enchaînements de base et avancés ».

www.jujitsuericpariset.com

Vous reprendrez bien un peu de chutes ?

Dans la plupart des arts martiaux, notamment en ju-jitsu, apprendre à chuter est une nécessité. C’est également utile dans la vie courante. C’est une sorte d’assurance. Certes, nous ne tombons pas à longueur de journée, mais beaucoup de fâcheuses conséquences pourraient être évitées avec un minimum de maîtrise du « savoir tomber » en limitant les dégâts ; sur la neige, la glace ou tout simplement après avoir perdu l’équilibre.

Sur le plan de l’efficacité pure, il est nécessaire de bien savoir chuter sur un tatami, dans la mesure où certaines ripostes imposent des projections, or pour être efficace il faut répéter et pour les répéter il faut que le partenaire sache chuter.

Certains sont réfractaires aux chutes, mais peut-être ont-ils connu de mauvaises expériences avec des apprentissages « rugueux ». Une étude adaptée est indispensable.

Enfin, savoir chuter c’est pouvoir se perfectionner dans le domaine des projections, un domaine efficace (nous l’avons évoqué plus haut) mais grâce auquel on pourra tout simplement s’exprimer physiquement et dans lequel la joie d’une belle expression corporel ajoutera du plaisir à la pratique.

Fiche technique.

On distingue les chutes sur l’arrière et les chutes sur l’avant.

Dans chacune de ces catégories, il y a la chute qui se pratique sur un tatami et celle « en situation », c’est à dire en dehors du dojo, si par malheur elle survient sur un sol dur : accident, maladresse, ou agression. Dans cette dernière situation il faudra tout à la fois se relever sans dommages et être opérationnel immédiatement.

Dans les deux cas de figure (dojo et « situation ») il faut préserver deux parties essentielles, la tête et les articulations des membres supérieurs. Pour la tête il suffira de rentrer le menton dans la poitrine. Pour les bras, sur un tatami, on frappe au sol « bras tendus » paume de main vers le bas, pour protéger les articulations et répartir l’onde de choc, le bras devenant une sorte de paratonnerre. Sur un sol dur on se limite à ce que les bras soient tendus vers l’extérieur, ce qui évitera une luxation et/ou une fracture. Donc, si on est bousculé et que l’on perd l’équilibre sur l’arrière, on essaie de rouler sur une épaule, pour protéger la tête,  en ayant préalablement plié une jambe, ceci afin de se retrouver le plus vite possible debout face à un éventuel adversaire (photo 1).

Concernant la chute avant, il faut se servir du bras avant comme d’une roue et d’un amortisseur. Là aussi, il est indispensable de protéger la tête, et ensuite les articulations et notamment l’épaule. En dojo après avoir roulé, on se réceptionne jambes tendues et parallèles. Dans la réalité, à la réception, on plie une jambe pour se retrouver face à l’endroit d’où l’on vient, face à un agresseur qui nous aurait poussé dans le dos (photo 2).

Il existe aussi la chute avant, dans laquelle on se réceptionne face au sol, en se servant des bras uniquement comme amortisseurs.

Tout cela est un peu technique, rien ne remplace la pratique.

(Les photos qui présentent les « chutes en situation » sont extraites du livre « Ju-jitsu-Défense personnelle ». Édition parue en 2000.)

www.jujitsuericpariset.com

Anatomie des 24 Techniques

Comme promis, une petite présentation de l’enchaînement des 24 techniques.

En 1992 un professeur de judo qui postulait à un « dan » important, butait sur l’unité de valeur ju-jitsu ; celle-ci consistait à présenter une expression libre de plusieurs minutes sur le sujet. Il avait deux mois pour se préparer. Il était venu me demander si je pouvais l’aider.

Devant le peu de connaissance de ce professeur en matière de ju-jitsu et avec un temps de préparation assez mince, je me suis attelé méthodiquement à cette entreprise, partant du principe que rien ne résiste à une bonne organisation.

D’abord il était indispensable de présenter le plus possible de situations d’attaques, à mains nues et armées, à distance et au contact. En terme de ripostes, il était nécessaire de faire état des principales composantes de notre discipline (coups, projections, contrôles) ainsi que des techniques les plus représentatives de chacun de ces groupes. Il fallait également mettre en avant différents schémas d’enchaînements. Enfin, et c’était important, inclure tout cela méthodiquement de façon à ce que la mémorisation s’impose facilement.

J’ai opté pour un classement des attaques par groupes de trois : tentatives de saisies, défenses sur coup de poing, sur coup de pied, etc. Une fois la mission accomplie (l’unité de valeur ayant été validée), j’ai pensé que ce serait dommage de ne pas continuer à utiliser cet enchaînement ; je l’ai donc inclus dans mon programme d’enseignement. Manifestement, il donne satisfaction à bon nombre de pratiquants de tous niveaux. Il y a déjà quelques années, j’ai créé deux supports techniques sur ces « 24 techniques », un livre et un DVD (épuisé).

Sur le plan purement technique, comme spécifié plus haut, on retrouve dans cet enchaînement les composantes du ju-jitsu et dans ces composantes un maximum de grandes techniques.

J’ajoute que cet enchaînement reflète l’indiscutable complémentarité et la parfaite compatibilité entre le ju-jitsu et le judo, ce qui est historiquement et techniquement incontestable.

Cette suite présente un triple intérêt. D’abord l’apprentissage des techniques par elles-mêmes. Ensuite leur enchaînement, mais aussi et surtout la fluidité avec laquelle doit être exécutée chacune d’entre elles.

Pour le professeur c’est un excellent outil de travail dans la mesure où il peut aussi proposer les mêmes attaques et les mêmes schémas de ripostes, mais avec d’autres techniques choisies par les élèves.

La première série est déjà très représentative du ju-jitsu. On y trouve trois situations dans lesquelles est démontré le même schéma de ripostes (coups, projections et contrôles) avec trois ripostes différentes en fonction du fait que la première attaque vient de face, la deuxième de côté et la troisième sur l’arrière. Les trois attaques étant les mêmes : tentatives de saisie.

En conclusion, il s’agit d’un enchaînement dans lequel on travaillera et peaufinera chaque technique, mais aussi l’indispensable fluidité (l’identité du ju-jitsu) dans les liaisons entre chacune d’elle et bien évidemment, ce qui est propre à tout enchaînement, la condition physique, la rapidité et les automatismes. Ce qui confère aux enchaînements de ce type, l’appellation de « méthodes d’entraînement ».

(La photo d’illustration présente la première technique. Issu du livre « Ju-Jitsu enchaînements de base et avancés » 1995 aux éditions SFJAM)

www.jujitsuericpariset.com

Atemi ju-jitsu story

Screenshot

J’avais promis de revenir sur la remise en valeur du ju-jitsu dans notre pays au début des années 1970, avec la méthode « Atemi ju-jitsu ».  Un  sujet déjà évoqué, mais peut-être est-il  oublié chez certains et méconnu pour d’autres, l’évoquer à nouveau n’est donc pas inutile.

Nous étions au tout début des années 1970. Le judo connaissait une popularité croissante,  malgré tout une partie de la population ne se retrouvait pas dans un aspect sportif trop présent et s’orientait vers d’autres disciplines.

Mon père, Bernard Pariset, après avoir mis un terme à une carrière de compétiteur au palmarès exceptionnel, se consacrait essentiellement à son club parisien de la rue des Martyrs : « Le Club Français de judo ju-jitsu ». A ce titre il était attentif à la demande des néophytes qui se présentaient à l’accueil du dojo. Ce qui lui permettait de constater que beaucoup de demandes de renseignements n’évoquaient pas le judo, mais le karaté. Cet « art de la main vide » attirait de plus en plus d’adeptes. En l’occurrence des personnes à la recherche d’une méthode de self défense. Étant ouvert d’esprit et ayant dans son club une belle section de cet art martial, mon père n’était pas jaloux,  cependant il pensait que c’était dommage d’avoir mis de côté un secteur qui appartenait au judo ju-jitsu : l’atemi-waza.

C’est à partir de ce constat qu’il a souhaité accoler le mot « atemi » à celui du ju-jitsu, pour marquer les esprits et signifier la remise en valeur d’un secteur qui avait été négligé.

« L’idée force » était la création d’une méthode rassemblant plusieurs critères : self défense, activité physique et mentale et loisir. Une méthode accessible à tous les âges, à toutes les conditions physiques et à but non compétitif. Non pas qu’il ait été contre la compétition (comment aurait-il pu l’être avec son palmarès ?), mais il estimait que tout le monde n’en possédait pas l’envie ou les capacités, et qu’un art martial traditionnel ne pouvait être pratiqué en affrontement direct. Et puis, tout simplement, l’aspect utilitaire est (et restera) toujours présent dans les esprits.  Cependant  il fallait dépoussiérer ce ju-jitsu quelque peu oublié et lui donner davantage de dynamisme, notamment dans les méthodes d’entraînement.

C’est ainsi qu’en accord avec Henri Courtine,  à l’époque  Directeur Technique National, mon père a conçu une méthode de « ju-jitsu self défense » en parallèle à celle du judo. Ce qui permettait d’offrir un complément de techniques axées sur l’aspect utilitaire tout en respectant l’esprit et les principes de nos disciplines. On élargissait le champ d’accueil des populations. On offrait un potentiel supplémentaire aux professeurs.

Les premières sections ont vu le jour dans ces années 1970. A partir de 1980, le développement a été fulgurant. J’y ai pris une part très active avec des responsabilités fédérales, des stages, des démonstrations en France et à l’étranger (dont douze Bercy), la publication de nombreux supports techniques, sans oublier l’enseignement au quotidien.

Au milieu des années 1990, d’autres orientations ont été prises au niveau national, en termes de contenu technique, notamment. Ces changements ne me convenaient pas et contrariaient mon attachement et ma fidélité à une forme de travail et d’enseignements que j’avais appris, pratiqués et démontrés. A regret j’ai pris mes distances pour pouvoir continuer à promouvoir et enseigner un ju-jitsu qui me correspond totalement. Et puis, j’éprouve trop de passion pour renier mes convictions.

www.jujitsuericpariset.com

Les arts martiaux : violents ?

Cet article vient en complément à celui proposé la semaine dernière.

« Les arts martiaux ? Mais c’est très violent, ce n’est pas pour moi ! ». Malheureusement, voilà ce que j’entends de plus en plus souvent de la part de néophytes.

Il fût un temps où les arts martiaux bénéficiaient d’une réputation plus apaisante. Avant, quand j’évoquais ma pratique et mon métier, se manifestaient de la curiosité et l’envie de découvrir des disciplines dans lesquelles se mariaient efficacité et sagesse. On admirait ces méthodes de combat où la force mentale et la finesse technique s’associaient  pour terrasser la brutalité. Les raisons de ce changement ne sont pas difficiles à deviner. La récurrence d’images violentes n’est pas faite pour rassurer et donner envie.

À l’inverse, de la part de personnes friandes de nouveautés, de mode et de sensationnel, émanent  des réflexions qui qualifient les arts martiaux traditionnels de méthodes du passé, presque ringardes.  Le judogi (avec des noms un peu différents en fonction de la discipline, bref la tenue) semble d’un autre âge et beaucoup de traditions avec.

Concernant la tenue, avec ironie, je dis souvent que je serais convaincu lorsque je verrais des footballeurs en judogi sur un terrain de foot. La plupart des disciplines sportives respectent leur tenue, il est surprenant que les nôtres, dites « à tradition »,  s’en affranchissent. Chacun est libre, mais jusqu’à une certaine limite, celle d’un règlement. Certes, c’est loin d’être une généralité, mais prenons garde. On commence par ne pas respecter la tenue, peut s’en suivre les saluts, l’ambiance apaisée qui doit régner dans un dojo et bien d’autres valeurs qui ont traversé les années et même les siècles.

Il est vrai que la tendance est d’aller vite, de zapper, de ne pas s’encombrer avec des us et coutumes qui sont arriérés pour certains. Cependant pour acquérir une technique, mais aussi et surtout la faculté de la contrôler, c’est-à-dire de l’utiliser à bon escient, il faut du temps, de la patience et de la  rigueur. A quoi sert une technique si elle ne sert qu’à détruire ?

La sagesse comportementale est plus longue à acquérir que la gestuelle. Une technique permet de sauver sa vie de deux façons : avec son application et prioritairement avec la dissuasion.

Dans un art martial, l’enseignement tend vers l’acquisition de l’efficacité, mais aussi du respect, notamment celui de l’intégrité physique. Mais aussi de le maîtrise corporelle et de l’élévation mentale. Ce qu’on appelle des valeurs.

Même si ce n’est pas la tendance actuelle, avec une société qui baigne dans la violence, chacun peut apporter sa pierre à l’édifice, pour la combattre. Pourquoi renoncer ?

Autre aspect dérangeant, un peu en marge du sujet  : le reniement de sa « discipline de base » ou de l’enseigner sous un autre nom plus à la mode. La fidélité envers des  racines, une École, une méthode, est une vertu non négociable, semble-t-il.

Il n’est pas question de refuser l’évolution, mais elle doit réellement en être une et d’autre part elle doit se faire sur les bases solides en respectant des principes intemporels.

www.jujitsuericpariset.com

Plaidoyer pour une certaine pratique

Une pratique dans laquelle ne « suinte » pas la violence, parce qu’une pratique violente n’est pas la meilleure façon de combattre ce fléau.

Une pratique dans la maîtrise de soi.

Une pratique qui respecte l’intégrité physique.

Une pratique qui donne confiance en soi, qui ne décourage pas.

Une pratique sans obligation de compétition, pour les disciplines qui en proposent, sans renier cet aspect, ni sans ostracisme envers ceux qui ne font pas ce choix.

Une pratique dans laquelle on ne sauve pas sa vie, mais où on apprend des gestes qui offrent la possibilité de la sauver.

Une pratique efficace, davantage tournée vers la subtilité technique et tactique que vers la brutalité.

Une pratique tonique, mais adaptée aux différents âges et différentes conditions physiques.

Une pratique encadrée qui limite les blessures, parce qu’être souvent blessé est la meilleure façon de ne pas progresser.

Une pratique qui respecte les valeurs léguées par les arts martiaux. Ces arts martiaux qui ont traversé les siècles pour nous apprendre beaucoup.

Une pratique qui offre à la plus grande partie de la population la possibilité de s’exprimer, de se défendre, de se détendre, de se mettre – ou remettre- en condition physique.

Enfin, une pratique qui offre des moments de partages, de rencontres, de concorde, de brassages sociaux et de loisirs.

Tout ce qui permet d’inscrire cette pratique dans la durée, en évitant la lassitude, les blessures, en élevant le niveau mental en partageant des valeurs telles que le respect et le goût de l’effort. Une pratique récompensée par les progrès, certes, mais aussi par un accomplissement personnel qui renforce l’estime de soi-même.

Sur le plan technique, ce sera la recherche de la finesse technique, du détail qui fait la différence, tout le contraire d’une brutalité bien trop facile. La maîtrise de soi pour mieux maitriser, se contrôler pour mieux contrôler. Tout ce que nous avons appris des arts martiaux et qu’on semble parfois oublier.

Une pratique éducative et non pas destructive.

Voilà ce qu’est la mission d’un éducateur sportif.

www.jujitsuericpariset.com

Self défense

Screenshot

Il y a un an, l’article qui suit avait déjà été publié. Mais comme « le cercle » s’est élargi avec de nouveaux abonnés et qu’il n’est jamais inutile d’enfoncer le clou, une rediffusion n’est pas superflue !

A propos de self défense

Entre ceux qui disent que ça ne sert à rien d’apprendre à se défendre, ceux qui affirment que leur méthode est la meilleure ou encore ceux qui soutiennent que la vraie expérience est celle de la rue, il y a de quoi être perplexe, sinon perdu.

On se doute que mon opinion est plus modérée et plus pragmatique.

UNE BONNE MÉTHODE, UN BON PROFESSEUR,  UNE BONNE RÉGULARITÉ

D’abord je pense qu’il n’y a rien sans travail. A la base, nous possédons tous un potentiel, plus ou moins important en matière de défense personnelle. Un potentiel que l’on pourrait graduer de 1 à 100. Et bien, chaque séance permettra de l’augmenter, en sachant qu’on n’arrivera jamais à 100, c’est-à-dire à l’invincibilité.

Pour se sortir d’une mauvaise situation, il y a d’abord deux éléments à prendre en considération. Premièrement essayer de ne pas s’y retrouver. Deuxièmement, si on y est, tenter de désamorcer le conflit afin d’éviter un affrontement qui finira forcément mal, pour l’un des deux, l’agressé ou l’agresseur, ou encore pour les deux.

Ensuite, c’est mon point de vue, au moins trois éléments sont déterminants : la chance, le stress et la pratique.

Concernant la chance, nous n’y pouvons rien, par définition. Même si quelques fois il nous est possible de la forcer.

Pour ce qui concerne le stress, là aussi c’est très personnel, nous ne sommes pas tous égaux dans ce domaine. Même entraîné physiquement et affuté techniquement, on ne sait pas comment nous réagirons.

Cependant, si nous n’avons jamais été confrontés à ce genre de situation, il n’est pas envisageable d’en provoquer une, juste pour voir…

Enfin, ce qui est certain, comme indiqué plus haut, c’est qu’une pratique inscrite dans la durée et la régularité est indispensable. A moins d’être dans les mains d’un enseignant incompétent et/ou pratiquer une méthode incomplète.

Le professeur est déterminant, comment pourrait-il en être autrement ? Il doit donner l’envie de commencer et surtout  de continuer. De continuer en proposant une pratique efficace dans laquelle la lassitude ne s’installera pas et surtout qui limite les blessures. En effet, la régularité est indispensable pour faire des progrès. Être souvent blessé est la meilleure façon de ne pas s’entraîner et donc de ne pas progresser.

Enfin, il doit proposer une pratique dans laquelle ne suinte ni brutalité, ni violence. Loin du stress de la vie quotidienne, une pratique apaisée, mais efficace. La maîtrise de soi facilitera une réactivité adaptée aux différentes situations. Un problème de place de parking ou une attaque à main armée, ce n’est pas pareil !

Ceux qui affirment que la réalité est brutale et violente et que de ce fait il faut faire la même chose à l’entraînement ne sont pas très raisonnables. La réalité c’est la réalité, on sauve sa vie, mais l’entraînement c’est l’entraînement. Dans un dojo nous ne sommes pas en survie, bien heureusement. Dans un dojo on s’élève techniquement, physiquement et mentalement !

En conclusion, la méthode est déterminante, certes, mais celui qui l’enseigne l’est tout autant. Une bonne méthode mal enseignée n’est d’aucune utilité, bien au contraire !

www.jujitsuericpariset.com

 

La « forme de corps »

Voilà une expression connue des pratiquants d’arts martiaux, lorsqu’il s’agit de projections et de travail au sol, bien qu’on puisse aussi trouver cette qualité dans les techniques de percussions. C’est la capacité à bien adapter son corps à toutes les situations d’initiative et de défense.

On dit parfois d’un pratiquant qu’il a une bonne « forme de corps ». De quoi s’agit-il exactement ?  Est-ce un don du ciel, ou bien le fruit du travail ?

C’est déjà une belle appréciation. Cette bonne forme de corps permet, au moment de l’exécution d’une technique, de ne faire qu’un avec la technique en question, de l’épouser pleinement. C’est la parfaite adaptation du corps à la technique.

Pour posséder cette qualité, on peut être doté de quelques prédispositions, mais ce sont surtout les inlassables répétitions qui permettent d’obtenir un tel résultat. On doit « sculpter » son corps, un peu comme l’artiste travaille « la masse » pour produire une belle sculpture. (Toujours la valeur travail !)

D’ailleurs, à propos d’artistes, ceux qui pratiquent les arts martiaux n’en sont-ils pas ? Ne sommes nous pas admiratifs devant la beauté d’un geste qui associe efficacité et esthétisme ?

Cette forme de corps rassemble plusieurs qualités : principalement la précision, la souplesse, la tonicité et la vitesse. Je ne parle pas de force physique, mais d’une utilisation optimale de l’énergie dont chacun est pourvu, tout en utilisant celle de l’adversaire. On est dans le principe du « maximum d’efficacité avec le minimum d’effort (physique) ».

Pour revenir aux prédispositions, il y a des morphologies plus adaptées à telle ou telle pratique martiale, il y a des personnes plus talentueuses, mais quelques soient ces prédispositions, il faudra les révéler, les renforcer et les conserver. Les révéler grâce au professeur, les renforcer et les conserver avec l’entraînement.

Cette forme de corps utilise nos armes naturelles dans un ensemble où sont réunis plusieurs éléments qui s’enchaînent, ou s’associent et s’imbriquent avec naturel, mais aussi avec un bon déplacement qui offre le bon placement : le bon geste au bon moment. Une bonne forme de corps, qui n’est pas utilisée au bon moment ne sera pas très utile.

Quoiqu’il en soit, c’est toujours et encore la volonté et le travail qui permettent de trouver et de renforcer cette qualité. Il faudra trouver le bon professeur qui offrira un bon apprentissage et les bonnes méthodes d’entraînement pour affûter et ciseler un ensemble qui conduira à une finesse technique.

Pour acquérir cette « forme de corps », il faut d’abord le vouloir (le pouvoir presque tout le monde le peut, le vouloir c’est autre chose). On se doit d’être sans cesse à la recherche de l’amélioration , non pas de la perfection qui n’existe pas, mais tout simplement de l’élévation : aller plus haut !

Les figurines qui illustrent cet article son l’œuvre de mon père, Bernard Pariset. Il n’a pas été qu’un « monument » du judo français et international, la preuve !

www.jujitsuericpariset.com