Un petit tour par la rue des Martyrs

Des dojos, j’en ai fréquentés et dirigés beaucoup, pour étudier, me perfectionner, m’entraîner, transpirer et bien sûr enseigner.

Le premier a été celui de la rue des Martyrs, dans le neuvième arrondissement parisien, le célèbre « Club français » ! Fondé juste à la fin de la seconde guerre mondiale par Roger Piquemal, professeur de sports converti au judo, ce lieu a marqué beaucoup de pratiquants.

C’est dans cet endroit que j’ai revêtu mon premier judogi, j’y ai appris mon métier et j’ai commencé à l’exercer. C’est là aussi, en 1947, que mon père, Bernard Pariset, a débuté le judo, intrigué et fasciné, comme beaucoup de ses contemporains, par cette « lutte mystérieuse » venue d’orient et grâce à laquelle les plus petits pouvaient faire tomber les plus grands. Il ne s’en n’est pas privé tout au long de sa carrière.

Situé au cœur de Paris, tout en bas de cette rue des Martyrs qui traverse une partie du IXème arrondissement pour se terminer au pied du Sacré-Cœur, le Club Français a été l’un des premiers clubs de judo et de ju-jitsu ouverts dans notre pays, mais aussi l’un des plus célèbres des débuts de l’histoire des arts martiaux en France. Pas seulement pour ses résultats sportifs, mais aussi pour la qualité de l’enseignement dispensé et pour les nombreuses personnalités reçues. Bref, pour l’ensemble de son histoire.

Minoru Mochizuki ( immense personnalité des arts martiaux) a séjourné dans l’appartement situé au-dessus. Pendant une période les entraînements de l’équipe de France de judo s’y déroulaient. Une des premières sections de karaté a vu le jour sous la houlette de Jacques Delcourt, le président historique de la Fédération française de cette discipline.

Au début du XXème siècle, ce vaste local avait déjà été une salle de sport. A l’origine ce devait être une cour commune à plusieurs bâtiments, avant d’être un lavoir et/ou des écuries.

Puis il est devenu un endroit où l’on pratiquait de la « Culture Physique », mais aussi de la Boxe anglaise. En effet, il n’y pas si longtemps le nouveau propriétaire qui gère un cabinet d’architecte a découvert, en retirant les couches de feutres et la bâche qui les recouvraient (les tatamis n’étaient pas les mêmes qu’actuellement), qu’un ring de boxe y avait été installé au milieu. Quatre plaques de fer rivées dans le plancher et sur lesquelles devaient être fixés les poteaux qui formaient le carré en attestent.

Au milieu des années 1980, alors que j’étais en plein cours, un beau matin une dame âgée entre dans le dojo et m’informe que, bien avant la seconde guerre mondiale, cette salle appartenait à la famille Rothschild et que tout au fond, dans un espace clos, pour ne pas dire caché, étaient dispensés les tous premiers cours de judo en France. Cette dame m’avait également appris que l’appartement qui surplombait le dojo, et qui avait été successivement celui de Roger Piquemal, puis celui de mon père, était une mezzanine qui accueillait les visiteurs. De cet endroit, ils pouvaient assister aux entraînements en toute convivialité, autour d’un verre.

Fermé durant le second conflit mondial, le local a été repris par Roger Piquemal en 1944. Il en a assuré la direction jusqu’en 1954, l’année de sa disparition. A compter de cette date, c’est mon père qui a pris le relais – et de quelle manière – jusqu’à sa propre disparition en 2004.

A partir de l’âge de cinq ans j’y ai commencé une pratique avec plus ou moins de plaisir. Comme il s’agissait du métier de mon père, je devais y voir une certaine forme d’obligation, je dois avouer que l’enthousiasme n’était pas toujours au rendez-vous, même si je faisais preuve de régularité.

Ce n’est qu’à l’adolescence que la plus grande partie de ma formation s’est faite et que j’ai découvert une passion qui ne s’est jamais éteinte.

J’ai exercé mon métier rue des Martyrs jusqu’en 1989 ; ensuite, j’ai souhaité prendre mon indépendance.

Tout a une fin en ce bas Monde et le dojo mythique a fermé ses portes en 2005, un an après la disparition de mon père. Ne bénéficiant pas d’issue de secours et face à l’impossibilité d’en créer une, il a fallu se faire une raison et s’incliner devant des mesures de sécurité de plus en plus importantes ; ce lieu ne pouvait plus recevoir du public, tout du moins au dessus d’un certain nombre, ce qui condamnait sa survie. Plusieurs années après, je ne peux l’oublier.

Aujourd’hui, c’est une architecte talentueux qui a investi les lieux pour y installer ses bureaux et son appartement.

La première photo d’illustration présente le dojo au début des années 1950. La seconde à la fin de ces années-là.

Sur la première il s’agit d’une vue d’ensemble prise de la mezzanine. On y voit sur le mur du fond la photo grandeur nature de Roger Piquemal, le maître des lieux de l’époque et sur la droite, debout, mon père qui donne son cours. A l’époque il n’était pas encore le patron, mais le professeur principal. A noter les judogi pendus sur les côtés. Très peu de pratiquants possédaient leur tenue. Les kimonos ne devaient pas être lavés très régulièrement, ce qui expliquait une certaine odeur qui prenait à la gorge lorsqu’on entrait dans la salle.

La deuxième photo a été prise un peu plus tard. Père et fils dans la petite cours que l’on franchissait avant d’entrer et devant la vitrine dans laquelle on constate que le club s’est d’abord appelé « Club Français de Jiu-jitsu ». On y revient régulièrement à cet art martial indestructible qui bénéficie de la « force de sa vérité ». Voilà une formule que j’aime bien.

www.jujitsuericpariset.com

La finesse technique

Quoi de plus beau qu’une projection exécutée au bon moment, « dans le temps » ? Un de-ashi-barai, par exemple. Ou bien un contre réalisé en sen-no-sen, l’attaque dans l’attaque, ou bien encore une technique réalisée en « action-réaction ». Sans oublier un atémi additionnant vitesse et précision et qui atteint sa cible avec l’intensité voulue.

La recherche de la finesse technique est une quête utile, en termes d’esthétisme, d’efficacité et de satisfactions.

Esthétisme, efficacité, satisfaction

D’abord l’esthétisme. « Toute bonne technique est belle et gracieuse ; elle est une figure dessinée dans l’espace où efficacité et beauté ne font qu’un. »                              « Les chaussons de la révolution ». Marc-Olivier Louveau

Voilà une belle description issue d’un livre qui m’a passionné.

Finesse technique et esthétisme sont forcément liés. Dans la pratique d’un art de combat, la recherche de la « beauté du geste » n’est pas insignifiante. Certes en cas d’agression dans la rue, l’esthétisme n’est pas de rigueur, mais le temps passé dans un dojo est un temps consacré à toutes les formes d’élévations. Cette finesse technique n’est pas offerte à tous systématiquement, mais avec de la volonté et du travail, on peut tous y arriver.

Donner l’impression que la technique a été réalisée sans effort, avec fluidité et précision et offrir ainsi une impression magique : voilà le but.

Ensuite l’efficacité. Trouver le bon geste au bon moment est forcément gage d’efficacité. Contrairement à certaines idées, l’esthétisme n’est pas contre productif en matière d’efficacité, la finesse technique non plus, au contraire. A l’inverse ce n’est pas parce qu’une technique n’est pas belle qu’elle est efficace. Il est possible d’être efficace sans être fin, mais avec des limites. Toujours en termes d’efficacité, cette finesse offrira d’autres avantages, comme celui d’une pratique moins « accidentogêne », elle s’inscrit dans la régularité et la durée.

Cette recherche impose de ne pas se contenter du minimum. Il y a beaucoup de maximes populaires qui vont dans ce sens : « qui peut le plus, peut le moins », « qui n’avance pas recule ». Et peut-être la plus poétique « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles ». Tout cela contribuera à la réalisation de progrès, donc d’efficacité.

Enfin la satisfaction personnelle.                                                                                    Ce n’est pas rien. C’est ce qui donne envie de continuer. La satisfaction d’avoir réalisé le geste technique parfait, au bon moment, est indescriptible. Cette récompense est l’association de beaucoup de travail technique et physique, mais également un travail interne de concentration avec l’envie d’élever le « niveau ». D’élever le niveau technique, mais aussi son niveau mental. La finesse et l’élégance en dehors des tatamis n’est pas superflue. Elle participe au combat contre la violence, ce poison pour la société. Certes, il s’agit d’un vaste programme, mais c’est une des missions attachées aux éducateurs.

Cette acquisition de la finesse technique, je n’ai pas la prétention d’affirmer la posséder, mais de tenter de l’approcher et de donner à mes élèves l’envie de la rechercher et surtout de la préférer à la force brutale que l’on peut d’ailleurs combattre (justement) avec le bon geste exécuté au bon moment.

www.jujitsuericpariset.com

Photo d’illustration : un magnifique uchi-mata exécuté par mon ami le regretté Jean-Claude Leroy. Photo extraite d’un des premiers supports techniques présentant la méthode Atemi ju-jitsu en 1976.

A propos de self défense

Entre ceux qui disent que ça ne sert à rien d’apprendre à se défendre, ceux qui affirment que leur méthode est la meilleure ou encore ceux qui soutiennent que la vraie expérience c’est celle de la rue, il y a de quoi être perplexe, sinon perdu.

On se doute que mon opinion est plus modérée et plus pragmatique.

UNE BONNE MÉTHODE, UN BON PROF, UNE BONNE RÉGULARITÉ

D’abord je pense qu’il n’y a rien sans travail. A la base, nous possédons tous un potentiel, plus ou moins important en matière de défense personnelle. Ce potentiel que l’on pourrait graduer de 1 à 100, et bien, chaque séance permettra de l’augmenter, en sachant qu’on n’arrivera jamais à 100, c’est-à-dire à l’invincibilité.

Pour se sortir d’une mauvaise situation, il y a d’abord deux éléments à prendre en considération. Premièrement essayer de ne pas s’y trouver. Deuxièmement, si on y est, tenter de désamorcer le conflit afin d’éviter un affrontement qui finira forcément mal, pour l’un des deux, l’agressé ou l’agresseur, ou encore pour les deux.

Ensuite, c’est mon point de vue, au moins trois éléments sont déterminants : la chance, le stress et la pratique.

Concernant la chance, nous n’y pouvons rien, par définition. Même si on évite les situations à risque et que l’on est décidé à ne pas envenimer les choses, le facteur chance existe.

Pour ce qui concerne le stress, là aussi c’est très personnel, nous ne sommes pas tous égaux dans ce domaine. Même entraîné physiquement et affuté techniquement, on ne sait pas comment nous réagirons.

Cependant, si nous n’avons jamais été confrontés à ce genre de situation, il n’est pas envisageable d’en provoquer une, juste pour voir…

Enfin, ce qui est certain, comme indiqué plus haut, c’est qu’une pratique qui s’inscrit dans la durée et la régularité est indispensable. A moins d’être dans les mains d’un enseignant incompétent et/ou pratiquer une méthode incomplète.

Le professeur est déterminant, comment pourrait-il en être autrement ? Il doit donner l’envie de commencer et surtout de continuer. De continuer en proposant une pratique efficace dans laquelle la lassitude ne s’installera pas et surtout qui limite les blessures. En effet, la régularité est indispensable pour progresser. Être souvent blessé est la meilleure façon de ne pas s’entraîner et donc de ne pas faire de progrès.

Enfin, il doit proposer une pratique dans laquelle ne suinte ni brutalité, ni violence.

Ceux qui affirment que la réalité est brutale et violente et que de ce fait il faut faire la même chose à l’entraînement sont irresponsables. La réalité, c’est la réalité, on sauve sa vie, mais l’entraînement c’est l’entraînement. Dans un dojo nous ne sommes pas en survie, bien heureusement. Dans un dojo on s’élève techniquement, physiquement et mentalement !

En conclusion, la méthode est déterminante, certes, mais celui qui l’enseigne l’est tout autant. Une bonne méthode mal enseignée n’est d’aucune utilité, bien au contraire !

www.jujitsuericpariset.com

Choisir

Nous sommes encore en début de saison et il se peut qu’il y ait des personnes qui ne se sont pas encore décidées à franchir les portes d’un dojo.

Pour une pratique optimale et qui s’inscrit dans la durée, il faut réunir trois conditions. D’abord trouver la bonne discipline, ensuite un bon professeur, enfin être déterminé.

La bonne discipline c’est celle qui nous convient. Comment le deviner ? En l’essayant bien sûr, on dit souvent que la première impression est la bonne. Cependant, avant d’entrer dans un dojo, on possède déjà sa petite idée. Soit on est attiré par l’aspect sportif, soit par le côté traditionnel ou encore le « tout utilitaire », et dans ce domaine il y a beaucoup d’offres. D’ailleurs est-ce la demande qui fait l’offre ou le contraire ? Je reviendrai sur cet aspect la semaine prochaine.

Ensuite, une fois que le choix est fait, il faut trouver le bon professeur. Là aussi, la première impression est la bonne, mais lorsqu’on débute, nous ne sommes pas toujours qualifiés pour juger des compétences et des qualifications de celui-ci. La réputation et l’avis des élèves doivent être pris en considération ; à la condition que les habitués soient en phase avec ce que l’on recherche. Un professeur pourra être un très bon formateur de champions, mais si vous êtes venus pour de la self-défense… A noter que parfois, c’est le professeur qui détermine le choix d’une discipline.

Enfin, être déterminé. Savoir que la progression dans les disciplines de combat est associée à une régularité, davantage que dans d’autres activités. Par exemple, pour ceux qui ne sont intéressés que par l’aspect utilitaire, il n’y a pas de miracle, du style « la méthode en dix leçons ». Les automatismes font partie de l’efficacité, or il n’y pas d’automatisme sans répétition. Quant à ceux qui sont attirés par le côté traditionnel, il y a tellement de choses à découvrir qu’une pratique trop en pointillé n’apportera pas grand-chose. Enfin, ceux qui ont choisi l’aspect sportif, encore davantage que dans d’autres sports, la régularité est indispensable. Dans un sport de combat, on attaque et on se défend. Attention, je n’ai pas dit « on défend », j’ai dit « on SE défend ». Prendre un but au Foot, ce n’est pas pareil que prendre un direct en pleine face ou un uchi-mata mal contrôlé.

En conclusion il faut d’abord essayer, rien ne vaut l’expérience personnelle, même juste le temps d’une séance. Ne serait-ce que pour savoir si l’état d’esprit qui règne dans le lieu est en phase avec celui que l’on souhaite trouver.

www.jujitsuericpariset.com

 

Ce métier que j’aime

Dans le prolongement de l’article de la semaine dernière consacré à la conscience professionnelle, j’ai voulu aborder ce que j’appelle « mon métier » et la passion qui l’entoure.

C’est toujours mieux d’aimer son métier et d’ailleurs je préfère ce mot à celui de travail. Un métier on l’a souvent choisi. Parfois il s’est imposé et nous l’avons apprivoisé.

Même si j’ai effectué beaucoup de démonstrations pour promouvoir ma discipline, ma tâche principale a été, et est toujours, l’enseignement.

Si j’aime ce métier, c’est pour quelques raisons ; la principale étant le partage d’un art avec lequel je me suis tout de suite senti en phase, bref un art qui me va bien.

Ceci grâce à sa pluralité technique, à ses principes de bases comme celui de l’utilisation de la force de l’adversaire, aux mécanismes naturels, bref une discipline intelligente pour peu qu’elle soit enseignée dans le respect de ses fondamentaux.

Un art dans lequel il est davantage question de maîtriser que d’exterminer, dans lequel la finesse technique prend le pas sur la brutalité.

Et puis, justement, une discipline dans laquelle l’éducation physique et mentale est incontestable. Mais aussi dans laquelle « on s’amuse », nous sommes également dans le loisir. On s’amuse et on progresse continuellement, pour l’efficacité, mais tout simplement pour éprouver la satisfaction procurée par les progrès. Ce qui est bon pour la tête est bon pour le corps et le contraire.

J’aime ce métier parce qu’il permet la rencontre et les échanges entre toutes les classes sociales et rien n’est plus agréable de voir un jeune employé tutoyer un cadre supérieur quinquagénaire, pour le conseiller et le rassurer lors d’une première séance.

J’aime ce métier parce que j’enseigne à des pratiquants de tous âges, de toutes conditions physiques, auxquels il faut savoir s’adapter.

J’aime ce métier pour l’entraide qui règne dans un dojo, mais aussi à l’extérieur grâce à de solides relations nouées dans le dojo en question.

J’aime ce métier quand certains élèves me confient que la pratique leur a apporté énormément dans leur quotidien, en dehors des tatamis et même « beaucoup plus » que ce qu’on peut imaginer. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’on possède le pouvoir de changer la vie (comme dans la chanson de Jean-Jacques Goldman) mais un peu quand même. Bref, être utile. Et tout simplement constater le plaisir éprouvé par un pratiquant à la recherche de la finesse technique et plus encore lorsqu’il s’en approche. µ

J’aime mon métier car, ayant eu la chance que ce soit mon unique activité professionnelle, j’ai pu m’y consacrer pleinement. Ce qui, il faut l’admettre, est de plus en plus rare, ceci est un autre sujet.

J’aime mon métier parce qu’il consiste à enseigner une discipline qui a su traverser les siècles, avec des hauts et des bas, renaissant toujours des ses cendres. Il n’est pas question d’obstination, juste de bon sens et de fidélité en ce qu’on croit, surtout lorsque c’est juste. Enseigner une discipline d’une telle richesse technique, cela me semble intemporel. Tout comme partager des valeurs utiles à la société dans son ensemble. Et puis, en le diffusant, rendre au ju-jitsu ce qu’il m’a donné.

J’aime encore davantage mon métier quand on me laisse l’exercer !

Enfin, j’aime ce métier parce que même si, avec le temps, les capacités physiques s’amenuisent, il n’en est rien pour la passion de transmettre, bien au contraire.

www.jujitsuericpariset.com

La conscience professionnelle

Conscience professionnelle (utile en début de saison).

Elle a toujours guidé mon action et encore davantage au fil des ans. L’expérience venant s’ajouter à l’idée que l’on se fait de la profession exercée.

La conscience professionnelle ne se limite pas à arriver à l’heure pour donner ses cours, et même en avance afin d’accueillir les élèves, ni d’éviter de se faire remplacer sauf cas de force majeur ; ce sont des évidences.

On veillera également à la façon de s’adresser à ses élèves (le respect, ça se partage), tout comme être exemplaire en termes d’hygiène corporelle et vestimentaire. La conscience professionnelle, c’est aussi faire en sorte que ce qui est enseigné soit entouré de précautions limitant les risques de blessures. Certes, dans les disciplines de combat, comme dans toute activité, forcément on ne peut éviter quelques « bobos ». C’est au professeur de proposer une pratique sécuritaire, lors de l’étude technique et surtout dans les combats d’entraînement. La priorité est d’éduquer et non pas d’abîmer. Apprendre des techniques de combat pour se rassurer, mais aussi pour évoluer physiquement. Comment progresser si on est souvent blessé ?

Il est raisonnable et même indispensable de faire un choix pour ne proposer que les techniques et les méthodes d’entraînement qui répondent à deux critères : efficacité et sécurité. On les distingue avec l’expérience, un peu de bon sens et…de la conscience professionnelle !

La conscience professionnelle c’est aussi se maintenir en forme physique pour avoir valeur d’exemple. Sur le plan technique, elle dicte la poursuite du perfectionnement personnel, des recherches, non pas pour inventer des techniques, mais pour proposer des enchaînements, des variantes, sur les bases solides livrées par nos professeurs, sans jamais renier les fondamentaux qui y sont attachés.

Dans le domaine pédagogique, ne jamais oublier que ce qui est important ce n’est pas ce que nous démontrons, mais ce que les élèves retiennent. C’est se remettre en question, s’adapter au niveau des étudiants, et de leurs aspirations. Etre capable de s’adapter rapidement avec une pédagogie d’instinct et de terrain, mais aussi avec des méthodes d’apprentissage et des formules qui marquent.

Enfin sur le plan mental, la conscience professionnelle (la conscience tout court), c’est de rester fidèle à ses engagements et à ses convictions. Certes, on peut évoluer, sans pour autant confondre évolution et reniement. Les sirènes de la mode sont puissantes, mais un esprit fort est capable d’y résister.

La conscience professionnelle du professeur c’est aussi ne pas oublier la transmission de valeurs telles que le goût de l’effort, de la rigueur, et du respect des règles du dojo. Ces règles auront un effet sur la vie en société. Les séances doivent se dérouler dans un climat de convivialité et d’entraide et sûrement pas dans une ambiance où suinte la violence. Le professeur n’est pas qu’un passeur de techniques, il est bien plus que ça. Sa conscience professionnelle ne doit cesser de le lui rappeler.

www.jujitsuericpariset.com

Ju-jitsu, un rappel utile

Un rappel n’est jamais inutile.

le ju-jitsu, petite fiche technique et la rentrée…

Le ju-jitsu se compose de techniques de coups (atemi-waza), de projections (nage-waza) et de contrôles (katame-waza).

Ses principes de base sont la non opposition et l’utilisation de la force de l’adversaire ; de façon directe ou en utilisant  le principe d’action réaction.

L’utilisation des coups (atemi-waza) aura pour principal objectif de déséquilibrer.

Pour projeter un adversaire (nage-waza) on utilise différents mécanismes. La bascule au-dessus du centre de gravité, la suppression d’un point d’appui ou empêcher l’adversaire de reprendre l’équilibre sur l’avant  ou sur l’arrière, et quelques autres. Comme indiqué plus haut, le déséquilibre nécessaire pourra aussi est provoqué par un coup.

Les contrôles (katame-waza) ont une importance majeure dans la mesure où ils permettent de maîtriser quelqu’un sans forcément mettre ses jours en danger.

En ju-jitsu toutes les défenses sur toutes les situations d’attaque sont étudiées, debout mais aussi au sol.

On apprend à riposter sur des agressions à mains nues ou bien armées.

Des situations de défense contre plusieurs adversaires sont prises en considération.

Pour bien pratiquer le ju-jitsu, il est indispensable de maîtriser les « ukemis », les brise-chutes. Sur l’arrière et sur l’avant. C’est incontournable lors des répétitions, mais également conseillé afin de limiter les dégâts lors d’une perte d’équilibre dans la rue, sur de la glace par exemple.

Le ju-jitsu est une méthode de self défense très efficace, pour peu qu’on la pratique de façon régulière, mais c’est aussi  une « école de vie ». Elle apporte un bien être physique et mental et contribue à une meilleure vie en société.

L’apprentissage des techniques de combat doit avoir comme objectif de ne jamais avoir à s’en servir, sauf cas de force majeure. De plus, dans la pratique, le but est éducatif et non destructif, nous ne sommes pas dans un dojo pour nous faire mal, mais pour apprendre à ne pas nous faire mal.

Concernant le ju-jitsu, il existe beaucoup d’écoles et de styles, celui que je pratique et enseigne est à but non compétitif, de façon à ce qu’il conserve son aspect traditionnel et l’ensemble des ces techniques originelles.

En effet, la compétition impose un règlement et la suppression de certaines techniques jugées, à juste titre, trop dangereuses. De fait, c’est une partie de l’efficacité qui est confisquée.

Quelle que soit la discipline que vous pratiquez, je vous souhaite une bonne rentrée.

Encore quelques mots pour clore cet article en insistant sur le fait que lorsqu’on inscrit en septembre dans un dojo, il faut se faire la promesse d’aller jusqu’au bout de la saison, et bien plus encore.

www.jujitsuericpariset.com

Rediffusion

La prochaine saison approche, ce qui n’empêche pas, en cette fin d’été, la rediffusion de l’article qui a remporté le plus de succès durant la saison écoulée (publié en mai). Il s’agit de « l’attitude au dojo ». Comme quoi tout n’est pas perdu, ce qui permet d’attaquer sereinement la rentrée.

Attitude au dojo

De temps en temps il n’est pas inutile de revenir et de rappeler que le dojo est un lieu d’étude dans lequel certaines règles doivent être respectées, pour le bien être de tous.

Pour une vie en société en bonne harmonie, loin des incivilités et de cette violence qui ne cessent de gangrener notre société.

Tout d’abord, l’hygiène. Les tenues doivent être propres, les corps aussi, cela semble être la moindre des choses, mais parfois…Les ongles sont coupés courts. On ne doit pas marcher pieds nus en dehors du tatami. N’oublions pas que lors du travail au sol, nous sommes très près…du sol !

Ensuite la politesse. On doit saluer le tatami avant d’y monter et – normalement – le dojo en y entrant. Il en est de même avec les partenaires successifs, avant et après chaque échange. Qui plus est dans une tenue correcte et ne pas se contenter d’un vague mouvement de la tête. On ne retire pas sa veste de judogi sur le tatami.
On devra être ponctuel, sauf cas de force majeure et/ou impératif professionnel. Dans ce cas on informe le professeur. Si on est en retard, on attend sur le bord du tatami un signal de celui-ci avant d’y monter. Lorsqu’on doit le quitter, on l’informe également.

On évite de parler trop fort, on communique discrètement avec son partenaire et bien évidement on ne s’exprime pas pendant les explications du professeur.  On peut se désaltérer pendant le cours, juste après une explication du professeur, par exemple.

L’entraide mutuelle est sacrée, les plus anciens aident les moins anciens. On doit se souvenir que l’on a tous été débutant. Et dés la deuxième séance, on en connait un peu plus que celui qui en est à sa première, on peut déjà lui donner quelques conseils.

Enfin, on est attentif aux informations données par le professeur. Notamment lorsqu’il signifie, à l’aide du « maté », la fin d’un randori. C’est une question de respect des consignes, du partenaire, mais aussi de sécurité.

Toutes ces recommandations ont pour unique but que se déroulent les cours dans une parfaite harmonie. La recherche de l’acquisition et du perfectionnement technique ainsi que l’engagement physique doivent se dérouler dans la convivialité. Aucune violence ne doit être tolérée. Combattre la brutalité que certains portent en eux sera un objectif à court terme.

Il ne s’agit pas d’être un « Père Fouettard », mais simplement d’assumer son rôle d’éducateur. Avec un minimum de rigueur, cette rigueur qui impose des efforts, qui fait qu’on ne fait pas n’importe quoi, n’importe comment, et qui  permet un mieux vivre en société et donc de pratiquer, de progresser et de se défouler physiquement et mentalement, tout en s’amusant : nous sommes également dans le loisir.

En toute chose, il faut chercher le bon équilibre. Une discipline de fer ne fera que rebuter, à l’inverse le laxisme sera contreproductif et dangereux, encore davantage dans nos disciplines.

C’est au professeur que revient la responsabilité de diffuser ces consignes et recommandations (et de les faire respecter).

www.jujitsuericpariset.com

Non opposition

Au cœur de l’été, cédons aux rediffusions. Cependant ce n’est jamais inutile de mettre en avant quelques principes de base de notre discipline ; la non opposition en est un.

« Surmonter l’habitude d’employer la force contre la force est une des choses les plus difficiles de l’entraînement du judo (et du ju-jitsu). On ne peut espérer progresser sans y parvenir ». Jigoro Kano

Il serait dommage d’oublier que la non opposition est « le principe de base » du ju-jitsu, notamment celui de l’École traditionnelle Yoshin Ryu (Ecole du cœur de saule), l’une de celles qui avait largement inspiré Jigoro Kano lorsqu’il a souhaité « ressusciter » notre art martial. Malheureusement, parfois on a tendance à l’oublier.

Avec la non-opposition, nous sommes en présence d’un principe d’une grande intelligence. Il mériterait de ne pas être utilisé que dans les affrontements physiques, mais aussi au quotidien.

L’opposition frontale ne peut donner raison qu’au plus fort physiquement et dans la société elle ne débouche jamais sur un accord constructif. N’allons pas jusqu’à mettre en avant le dicton populaire suivant : « il vaut mieux céder à l’âne que le tuer », mais on peut s’en inspirer.

Plusieurs principes sont attachés au ju-jitsu, mais celui de non opposition régit les autres : addition de forces, utilisation de celle de l’adversaire, action réaction, etc.

Ces principes ne sont applicables qu’en association avec celui de non opposition.

Il s’agit tout simplement de se retirer de la trajectoire d’une force qui avance sur nous.

Ensuite, première possibilité, sans s’en occuper davantage, la laisser s’éteindre dans le vide.

Autre possibilité (si l’on veut maîtriser celui qui attaque), celle qui consiste à conduire la force en question, en y ajoutant la nôtre ; ce sont les principes d’utilisation de la force de l’adversaire et de l’addition des forces.

On peut aussi y ajouter simultanément un obstacle, au niveau des jambes de l’attaquant, par exemple, afin de le faire chuter. Cette dernière description, sommaire j’en conviens, pourra servir de première explication pour une technique comme hiza-guruma. Autre exemple avec tomoe-nage où on sacrifie son corps au détriment de celui qui attaque. Comme le démontre la  figurine qui illustre cet article. Figurine réalisée en son temps par mon père, Bernard Pariset.

Ce principe général de non opposition n’est en aucun cas un signe de renoncement, mais tout simplement l’incarnation du bon sens.

Force contre force, c’est forcément…le plus fort qui gagne. Et puis, utiliser la force de l’adversaire en commençant par ne pas s’y opposer, c’est aussi un moyen de ne pas gâcher sa propre énergie.

Cette non opposition, comme indiqué en introduction de cet article, est également utile dans les rapports humains, c’est ce que prônait Jigoro Kano, lorsqu’il disait : « Le conflit se fait au détriment de tous, tandis que l’harmonie se fait au bénéfice de chacun ».

Avec un peu d’entraînement, ce principe qui permet de vaincre la force brutale donne la possibilité à tous de ne pas subir la loi du plus fort est, de mon point de vue, sans jeu de mot, la principale force du ju-jitsu.

Terminons cet article avec une dernière citation : «Qui apprend à céder est maître de la force ». Lao Tseu.

www.jujitsuericpariset.com

Tel armurier, telle arme

Comme la semaine dernière,  c’est une belle petite histoire issue du savoureux livre « contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon » que je (re)propose aujourd’hui en guise d’article. Dans celle qui suit, il est question de l’esprit (le shin). L’aboutissement de notre travail semble, en effet, être le reflet de notre âme. Que cette lecture, au cœur de l’été,  entraîne une réflexion positive.

« Le sabre est l’âme du samouraï », nous dit l’une des plus vieilles maximes du Bushido, la Voie du guerrier. Symbole de virilité, de loyauté et de courage, le sabre est l’arme favorite du samouraï. Mais dans la tradition japonaise, le sabre est plus qu’un instrument redoutable, plus qu’un symbole philosophique : c’est une arme magique. Il peut être maléfique ou bénéfique selon la personnalité du forgeron et du propriétaire. Le sabre est comme le prolongement de ceux qui le manient, il s’imprègne mystérieusement des vibrations qui émanent de leur être. Les anciens Japonais, inspirés par l’antique religion Shinto, ne conçoivent la fabrication du sabre que comme un travail alchimique où l’harmonie intérieure du forgeron est plus importante que ses capacités techniques. Avant de forger une lame, le maître armurier passait plusieurs jours à méditer, puis il se purifiait en procédant à des ablutions d’eau froide. Revêtant des vêtements blancs, il se mettait alors au travail, dans les meilleures conditions intérieures pour donner naissance à une arme de qualité. Masamune et Marasama étaient d’habiles armuriers, qui vivaient au début du XIVe siècle. Tous deux fabriquaient des sabres d’une très grande qualité. Murasama, au caractère violent, était un personnage taciturne et violent. Il avait la sinistre réputation de forger des lames redoutables qui poussaient leurs propriétaires à de sanglants combats ou qui, parfois, blessaient ceux qui les manipulaient. Ces armes, assoiffées de sang, furent rapidement tenues pour maléfiques. Par contre, Masamune était un forgeron d’une très grande sérénité qui se livrait à un rituel de purification pour forger ses lames. Elles sont considérées aujourd’hui comme les meilleures du pays. Un homme, qui voulait tester la différence de qualité entre les modes de fabrication des deux armuriers, plaça un sabre de Marasama dans un cours d’eau. Chaque feuille dérivant à la surface, qui touchait la lame, fut coupée en deux. Ensuite, un sabre fabriqué par Masamune fut placé dans le cours d’eau. Les feuilles semblaient éviter la lame. Aucune d’elles ne fut coupée, elles glissaient toutes, intactes, le long du tranchant comme si celui-ci voulait les épargner. L’homme rendit alors son verdict : « La Murasama est terrible, la Masamune est humaine »

www.jujitsuericpariset.com