Perspectives de rentrée

Bientôt la rentrée. Il y a les fidèles qui vont reprendre le chemin du dojo, puis ceux qui vont découvrir les arts martiaux, une troisième catégorie qui regroupe les pratiquants qui vont changer de discipline, enfin la quatrième ceux qui arrêteront.

Ceux qui reprennent seront en terrain connu. Ils continueront à se perfectionner, à peaufiner leur technique, à en découvrir d’autres, à renforcer des qualités physiques, mais aussi à véhiculer de belles valeurs morales et éducatives. Ils aideront les débutants, ils appliqueront ainsi l’un des préceptes attachés aux arts martiaux, à savoir l’entraide mutuelle. Dans les disciplines où il y a des compétitions, ils tenteront d’atteindre les objectifs fixés, sans glorifier à l’excès les victoires, ni dramatiser les défaites. Pour les disciplines à but non compétitif, la pratique comporte de nombreuses motivations, qu’elles soient utilitaires, attachées au perfectionnement technique et physique, à la découverte, ou encore au bien-être en général.

Les débutants franchiront les portes d’un dojo, souvent sur les recommandations d’une relation : ami, famille, collègue, etc. Peut être aussi après des recherches personnelles afin de découvrir la discipline qui leur semble en adéquation avec leurs motivations. Si on leur offre la possibilité de faire une séance à l’essai (ce qui est souhaitable, pour ne pas se tromper), ils découvriront des disciplines avec des spécificités techniques et avec un état d’esprit éducatif, pour la majeure partie d’entre elles. En termes techniques existent des choix à faire entre les disciplines « poings pieds » et celles axées sur les projections et/ou le travail au sol, et d’autres purement utilitaires ou encore qui regroupent les différents aspects. Ce qui est certain, c’est que le choix du professeur est aussi important que celui de la discipline.

La troisième catégorie regroupe ceux qui ont ressenti le besoin de changer de discipline. Soit parce qu’ils n’ont pas trouvé ce qu’ils recherchaient, ou bien parce qu’ils veulent découvrir d’autres formes de travail, ou encore se perfectionner dans un domaine précis.

Enfin, il y a une dernière catégorie : celle qui regroupe les abandons, purement et simplement. Les raisons sont nombreuses, on ne fait pas toujours ce que l’on veut. En premier il y a les problèmes de santé, ensuite il existe des bouleversements familiaux et/ou professionnels. On peut aussi s’apercevoir que finalement ce n’est pas pour nous, soit parce que le plaisir n’y est plus, ou encore – c’est plus embêtant –  à cause d’un accident qui remet en question en installant le doute. C’est vrai que certaines pratiques sont plus brutales, plus exactement certains enseignements. Maintenant, quel que soit l’art pratiqué, il est question de combat. Le tout c’est de limiter les risques d’accidents. Enfin, malheureusement il y a ceux qui abandonnent à tout.

A tous, avec un peu d’avance, je souhaite une bonne rentrée. Y compris à la quatrième catégorie parce que, sauf cas de force majeur, il est toujours temps de changer d’avis pour reprendre le chemin du dojo, où ils seront toujours les bienvenus.

www.jujitsuericpariset.com

Irréaliste, irréalisable ?

Screenshot

Cet article vient en complément de celui de la semaine dernière et même, par moment, en juxtaposition.

Parfois, mais pas souvent, on peut entendre ou lire que les techniques de ju-jitsu sont irréalistes, donc irréalisables en matière de self défense. On se doute que ce n’est pas mon point de vue. C’est vrai que la maîtrise dépend de la personne qui pratique, surtout si elle ne se donne pas la peine d’étudier les techniques en question.

Tout le monde à le droit de donner son avis, à la condition que cela se fasse avec la politesse et le respect que nous enseignent les arts martiaux.

Pour en revenir à l’aspect purement utilitaire, Il est évident que certaines techniques demandent beaucoup de travail, mais offrent une incontestable efficacité, pour peu qu’on se donne la peine de les étudier sérieusement et de les répéter intensément.

A noter que certains styles ou écoles se sont spécialisées en reléguant quelque peu l’aspect utilitaire ; mais à l’origine le ju-jitsu est une méthode de combat qui propose l’utilisation de toutes les armes naturelles du corps pour contrôler un adversaire.

La meilleure façon de ne pas maîtriser une technique, c’est de ne jamais la pratiquer. Ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à la réaliser qu’elle est inefficace, il suffit juste d’un peu de volonté et de travail (et de bonne foi).

Il est dommage d’ignorer toute une palette de moyens permettant, debout et au sol, non seulement de se défendre, mais aussi de moduler la riposte en fonction de l’attaque. Ce n’est pas toujours possible, mais ce serait préférable de ne pas ignorer cet aspect. Se défendre n’entraîne pas systématiquement l’élimination physique de l’agresseur.

Ensuite, pour qu’une pratique s’inscrive dans la durée, ce qui est une des conditions à remplir pour être efficace, il faut des motivations, comme progresser dans les techniques de bases en termes de rapidité, de tonicité, de condition physique, de précision, de recherche de la finesse technique, mais aussi découvrir de nouvelles techniques et de nouveaux enchaînements. Cela s’appelle « s’élever », ce qui est la fonction de « l’élève ». Ne pas se limiter dans la découverte. Pour cela il faut de la patience, les miracles n’existent pas. Et puis « Qui peut le plus, peut le moins ».

Dans notre discipline, existent aussi des techniques que l’on peut utiliser rapidement. Mais dans les démonstrations, un des intérêts est de susciter l’envie en présentant des techniques et des enchaînements plus élaborés qui rassemblent efficacité, finesse et (pourquoi pas) esthétisme. Des exemples qui donnent envie d’évoluer aux personnes ouvertes d’esprit.

Le ju-jitsu traditionnel est à la fois une méthode de défense et un art martial qui développe des qualités qui ne sont pas en contradiction avec l’efficacité. Ce qui est vrai aussi, c’est que c’est davantage le pratiquant que la discipline qui fait l’efficacité.

Enfin, concluons avec un poncif : « la critique est facile, l’art (martial) est difficile. »

www.jujitsuericpariset.com

 

Efficacité, sécurité et éducation

L’été n’empêche pas de réfléchir.

Il y a presque un siècle et demi, en ressuscitant le ju-jitsu et en l’épurant, Jigoro Kano proposait une méthode complète : utilitaire, physique et mentale. Efficace en self défense, développant de nombreuses qualités physique et inculquant de belles valeurs morales.

En termes d’efficacité, toutes les techniques du ju-jitsu sont redoutables, certaines peuvent même être fatales.

La première idée de Jigoro Kano avait été de conserver – de l’ancien ju-jitsu – les techniques en fonction de deux critères : efficacité en situation et sécurité lors des entraînements. Il voulait que la recherche de cette efficacité s’accompagne d’une pratique sécuritaire développant des qualités physiques, en évitant des blessures causées par des techniques trop brutales. Il souhaitait aussi développer des qualités éducatives dans le sens large du terme. D’où ce triptyque : efficacité, sécurité et éducation (physique et mentale).

Concernant la sécurité et l’efficacité, en plus de sélectionner les techniques répondant aux critères énoncés plus haut, il a mis au point plusieurs types de méthodes d’entraînement dans le but de ne pas se satisfaire de simples répétitions statiques.

D’abord des enchaînements comme les katas, dont certains sont le reflet d’un combat. Ensuite, des exercices de répétitions en déplacement, puis les randoris qui sont des exercices d’opposition très codifiés. Le but étant de progresser en limitant les blessures qui forcément limitent les entraînements, donc les progrès. N’oublions pas que l’un des buts était d’acquérir une bonne santé et le développement de qualités physiques.

A ceux qui ne cessent d’affirmer que le travail en dojo ne reflète pas la réalité, je répète que c’est heureux, parce que « dans la réalité » ça se termine mal, en général. Il est souhaitable que l’ambiance d’un dojo ne ressemble pas à celle de la rue en cas d’agression. Le dojo est le lieu dans lequel on trouve sa voie. La voie de la sagesse, du contrôle du corps et de l’esprit.

Un travail régulier, avec une bonne intensité technique et physique en respectant des règles de sécurité apportera une incontestable efficacité, un développement physique, une confiance en soi, la maîtrise de ses émotions et une bonne hygiène mentale. Il évitera les blessures pour préserver l’intégrité physique, il fournira des capacités de maîtrise et assurera une régularité dans la pratique. Tout cela permettra d’ouvrir les portes du dojo à tous, y compris et surtout au moins « costauds » pour qu’ils apprennent à se défendre.

La pratique d’un art martial est une pratique exigeante, s’y astreindre est l’assurance de renforcer le corps et l’esprit.

Pour conclure avec l’efficacité, j’ai une multitude d’exemples d’élèves qui ont pu affronter des agressions et se sortir de fâcheuses situations grâce aux techniques apprises et répétées. Hommes, femmes, jeunes, moins jeunes, mais aussi de différents niveaux techniques.

J’ai même un élève qui m’a confié que je lui avais  « sauvé la vie », face à un tesson de bouteille, grâce à une clef au bras apprise et répétée. Je ne m’en étais jamais vanté, mais parfois il est bon de remettre les pendules à l’heure en rappelant quelques évidences.

www.jujitsuericpariset.com

Réflexions sur le ne-waza, le travail au sol

La période estivale n’empêche pas quelques réflexions, surtout sur un sujet comme le travail au sol (le ne waza). Un domaine efficace, formateur et amusant.

En matière de self défense, si on peut éviter d’aller au sol, c’est préférable. D’abord pour éviter de « salir le costume », ensuite parce qu’on risque de se trouver sur un revêtement moins confortable que celui d’un tatami et enfin, dans ce cas, il est préférable qu’il n’y ait pas plusieurs adversaires.

Donc, si on s’y retrouve, c’est souvent contraint et forcé.  Mais parfois on choisit d’y aller pour contrôler l’adversaire sans le blesser gravement, question de responsabilité !  Lorsqu’un éducateur doit maîtriser un adolescent « en difficulté »,  ou encore quand ça dégénère dans des foyers où règne une certaine violence.

D’autres situations existent et dans lesquelles l’extermination n’est pas l’option.

Et puis, il y a un contexte qui se passe principalement au sol : la tentative de viol.

Il est certain que dans le domaine du travail au sol, en particulier, l’efficacité demande du temps, peut-être davantage que dans les autres secteurs. Il faut étudier les techniques, les assimiler, les répéter et les pratiquer dans des formes d’opposition codifiées avec des exercices à thème. Il faut du temps pour « modeler » le corps, le rendre à la fois souple et tonique et capable de se mouvoir dans des positions qui ne sont pas forcément naturelles ; lui donner une « forme de corps ».

Il est donc nécessaire d’être  motivé. Motivé par le besoin d’apprendre à se défendre, mais aussi en trouvant d’autres intérêts, comme l’expression corporelle, le renforcement de qualités physiques et mentales. Enfin, avec un aspect ludique qui ne gâche rien, bien au contraire. Quand on peut rassembler l’utilitaire, le développement physique et le bien être mental, on rassemble les éléments qui nous donnent un « mental d’acier ».

Comme indiqué plus haut, il ne faut pas négliger l’aspect ludique que l’on trouvera dans le ne-waza, lorsqu’il est pratiqué avec un bon état d’esprit. On peut s’exprimer, s’investir totalement tout en s’amusant, ce qui n’a rien de contradictoire avec l’efficacité, je pense même que c’est un atout supplémentaire pour une pratique assidue. Loin des pratiques brutales qui exacerbent la violence, qui blessent souvent et qui ne satisfont que les brutes. Je maintiens que l’on peut être efficace sans en être une (de brute).

Comme dans tous les domaines, il peut exister des prédispositions, mais rien ne remplacera l’entraînement. On en revient toujours aux mêmes qualités : volonté, régularité, persévérance.  « On ne peut rien contre l’entraînement » !

www.jujitsuericpariset.com

Anticipation, réaction, gestion !

Bon, c’est vrai nous sommes en vacances scolaires, alors prenons cela comme des devoirs de vacances.

La semaine dernière l’article hebdomadaire proposait un de ces contes savoureux qui sont issus de « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». Ils sont autant de  leçons de vie. Il était question d’un maître de sabre qui en avait invité un autre pour boire le thé et participer à une expérience avec ses trois fils.

Le maître avait placé un vase au-dessus de la porte coulissante qui donnait dans la pièce. Le test consistait à éprouver le comportement de chacun des trois fils et leur capacité de maîtrise face à un danger.

Il appela le plus âgé, qui déjoua le piège avant même que l’objet ne commence à tomber. Le second fils réussit à attraper le vase et évita ainsi de le recevoir sur la tête. Quant au troisième, il reçut l’objet sur le crâne, puis il dégaina et le coupa en deux, juste avant son arrivée sur le tatami.

Le maître donna des appréciations sur chacune des réactions. Le plus âgé est parfait et fera sans aucun doute un excellent maître de sabre. Le second est sur la bonne voie, quand au troisième il a encore beaucoup à apprendre.

Mon interprétation est la suivante : le plus âgé, grâce à une longue et sérieuse pratique à acquis une  capacité d’anticipation qui lui permet d’échapper au danger sans combattre. L’efficacité et la sagesse. Le deuxième à une bonne capacité de réaction, lui reste à acquérir l’anticipation. Quant à l’appréciation donnée à propos du troisième,  elle est terrible : « il lui reste beaucoup à apprendre ». Même s’il réussit d’un coup de sabre dévastateur à fendre le vase avant qu’il ne touche terre. Une belle riposte, mais sans trop de sens, puisque exécutée trop tard… Selon la formule : « à méditer ».

Ces contes nous distraient, mais ils nous en apprennent beaucoup sur la vie. Dans des situations autres que les arts du combat, ils nous sont utiles : capacité d’anticipation, de réaction et gestion de l’énergie !

www.jujitsuericpariset.com

Utile

Il y a des périodes où insister sur le rôle du professeur est d’une nécessité absolue.

Chaque métier possède ses utilités et ses nécessités, dont la première est de subvenir à ses besoins pour vivre dignement.

Ensuite, certaines professions ont une utilité plus directe, dans lesquelles les fautes et l’incompétence peuvent engendrer des conséquences dévastatrices, l’éducation appartient à ce groupe. L’actualité nous le rappelle presque chaque jour.

J’ai la chance d’exercer une profession qui a une utilité majeure, ce qui confère beaucoup de responsabilités. « Professeur » : voilà une belle appellation. Certains n’ont pas hésité à l’appeler « le plus beau métier du monde». Son nom est directement lié à celui de « profession ». Cependant, comme dans toutes les corporations, on ne peut échapper à quelques « faiblesse ».

Dans les arts martiaux nous avons une triple utilité. L’éducation physique, l’aspect utilitaire et la formation mentale.

L’éducation physique, avec des répétitions de techniques qui développent de façon harmonieuse les parties de notre corps qui sont aussi nos « armes naturelles ». Ce renforcement s’acquiert de façon plus agréable et plus créative que par l’intermédiaire de machines quelque peu austères. Nous ne faisons que révéler et renforcer des qualités et des compétences intrinsèques. On fait l’acquisition de souplesse, de tonicité, de précision et de vitesse, au service de notre « science du combat ».

En ju-jitsu, entre autres, cette science est utile sur un plan purement pratique (c’est son ADN) et c’est incontestable ; j’ai consacré un bon nombre d’articles sur le sujet, on peut les retrouver sur mon blog. Les techniques ont été souvent utiles à beaucoup de mes élèves.

Sur le plan psychologique, ce qui n’est pas le moins important, les bienfaits de l’exercice physique ne sont plus à démontrer. L’étude des arts martiaux (correctement enseignés) se doit aussi d’inculquer des valeurs morales utiles à la vie en société.  Elle doit participer à la lutte contre la violence, ce fléau qui ne fait que progresser, et non pas l’exacerber. Le professeur ne doit pas se contenter de dispenser de la technique, il doit aussi inculquer de l’éthique.

Enfin, un enseignement sérieux n’interdit pas que s’invite dans les séances un aspect ludique qui contribuera à un bien être général. Ce qui est bon pour la tête est bon pour le corps et inversement.

Renforcer la confiance en soi, à l’aide d’une méthode efficace de self défense, offrir un bien être général et participer à une bonne éducation indispensable à une société digne de ce nom, voilà résumé les principaux bienfaits offerts par une pratique sérieusement encadrée et correctement animée.

Ces quelques lignes ne manqueront pas de faire la démonstration du caractère UTILE d’une profession que je ne me lasse pas d’exercer avec une passion indestructible.

www.jujitsuericpariset.com

La nostalgie

La nostalgie des années 1960 et 1970,  les années de mes débuts (même un peu avant).

Jusqu’à la fin des années 1970, le Judo, le Karaté et l’Aïkido se partageaient les tatamis. Je n’oublie pas la Boxe française, notre art martial à la française.

Ces quatre disciplines je les ai pratiquées. A partir de 1970, d’autres entrent dans le paysage, comme le Taekwondo et le Kung-fu avec la trop courte carrière de Bruce Lee.

Si j’évoque la nostalgie, c’est que nous n’étions pas tout à fait dans le même monde. C’était « le bon vieux temps des arts martiaux ». Il y avait l’attrait de disciplines entourées d’un certain mystère. Elles étaient considérées comme des « Écoles » de la maîtrise, du contrôle, de la sagesse et du combat contre la force brutale. Des « Ecoles de vie ».  Elles possédaient une « philosophie ».

J’ai la nostalgie de tatamis foulés par des pratiquants assidus, à la recherche du détail et de la finesse qui permettaient de réaliser une technique avec le moins de force possible, avec laquelle le plus faible pouvait maîtriser le plus fort, il y avait quelque chose en plus ; quand la science rencontrait la magie.

Ça n’empêchait pas un investissement physique important et les litres de sueur « d’embaumer » les judogis.

Le « c’était mieux avant » est parfois agaçant. Sans tomber dans cette systématisation des regrets, il faut admettre que certaines évolutions n’en sont pas, tout dépend du point de vue dans lequel on se place.

J’ai souvent évoqué le respect qui semble s’amenuiser, que ce soit envers les traditions, les lieux de pratique, les tenues et tout simplement envers les personnes. En l’occurrence le professeur. Le respect de l’autorité, tout simplement.

Je ne pense pas que ce soit ringard ni désuet d’insister sur la nécessité et sur l’importance de ces règles. L’actualité nous le confirme chaque jour.

D’autant que nous pratiquons des disciplines d’affrontement, si elles ne sont pas encadrées avec rigueur, elles peuvent basculer dans des pratiques dangereuses, mentalement et physiquement.

Dangereuses mentalement avec la banalisation et même l’augmentation de la violence. Dans certains cours suintent la brutalité et parfois l’acharnement, alors que nous sommes « mandatés », nous professeurs, pour combattre la violence. La violence se combat aussi par l’exemple.

A force de n’insister que sur une (éventuelle) efficacité immédiate, on passe à côté de toute la richesse et la sagesse de nos disciplines, en matière d’éducation, mais aussi d’efficacité, avec l’apprentissage d’une grande variété de techniques qui permettent, justement, de s’adapter à toutes les formes d’attaques.

C’est un poncif que d’affirmer qu’on ne combat pas la violence par la violence, et pourtant cela semble être malheureusement oublié, parfois.

Dangereuse physiquement parce qu’une pratique brutale génère des blessures qui, par définition, limitent les entraînements et laissent d’irréversibles séquelles. Sans parler des découragements et des abandons. Et puis, on est davantage là pour apprendre à ne pas se faire mal, que pour se faire mal. Voilà une nuance qui doit faire réfléchir !

Si ne sont proposés que des pratiques brutales, ne seront formés et fidélisés que des brutes. De toutes les façons, la brutalité n’est pas une garantie d’efficacité.

Il est vrai que le dojo et la rue ce n’est pas la même chose ; et c’est tant mieux. Dans la rue ça finit toujours mal, pour une des deux parties et même pour les deux. L’une peut se retrouver à l’hôpital, l’autre au poste de police, ou bien les deux au même endroit.

L’autre aspect qui affecte les disciplines de combat se trouve dans le « tout compétition ». D’abord il y a celles où il n’est tout simplement pas possible de les instaurer, sauf à les dénaturer et à leur retirer une grande part de leur substance. Je ne suis pas contre la compétition, loin de là, mais il ne faut pas oublier qu’elle n’est qu’un passage. Si on a tout misé dessus, lorsqu’arrive l’âge où il n’est plus possible d’y participer, on assiste à des abandons, alors qu’il y a encore tant de choses à découvrir et à partager.

Pour finir et revenir au combat contre la violence, il y a deux principaux remèdes : la sanction et l’éducation. La semaine dernière sur ma page j’avais mis cette citation : « Éduquez les enfants et il ne sera pas nécessaire de punir les hommes » Pythagore. Rien à ajouter.

Ce tableau un peu sombre ne m’empêche pas – bien au contraire – d’être toujours animé par une  indestructible passion dans l’enseignement que je dispense. Je sais aussi que d’autres professeurs adhérent à mes propos et à mon état d’esprit, c’est encourageant.

(La photo d’illustration représente le mythique dojo parisien de la rue des Martyrs à la fin des années 1950.)

www.jujitsuericpariset.com

Shin-Gi-Tai. (Réfléchir, construire et agir.)

Voilà un concept, une expression que les pratiquants d’arts martiaux connaissent. Tout du moins, ils ont entendu ces mots sans forcément y prêter l’attention qu’ils méritent.

Ils sont pourtant le fondement d’une bonne pratique martiale, ils pourraient aussi être utiles à toute activité et dans la vie en général.

Ils résument la conception que le créateur du judo, Jigoro Kano, avait de son art et quelles  étaient les priorités.

Ils sont les murs porteurs d’une bonne pratique et doivent se renforcer tout au long de cette pratique et pourquoi pas tout au long de l’existence.

Shin désigne l’esprit, Gi la technique et Tai le corps. L’ordre n’est  pas le fruit du hasard.

L’esprit permet de comprendre et d’apprendre une technique correctement et c’est grâce à cette technique  que l’on renforcera le corps.

Autre interprétation concernant ce « classement » : en avançant en âge, la vivacité d’esprit reste, la technique est acquise, même si elle est utilisée de façon moins percutante. Quant au corps (le physique), à partir d’un certain moment il subit une inévitable altération.

C’est donc l’esprit qui domine. C’est lui qui élabore, construit et affine cette technique qui renforce le corps, c’est l’esprit qui dirige nos actions. Il mène notre existence, grâce (ou à cause) des décisions que nous prenons. Il nous permet de réfléchir, d’agir et de réagir.

C’est en respectant ce triptyque que l’art martial devient autre chose qu’une simple utilisation brutale de nos moyens physiques, il nous permet de guider nos comportements dans le respect d’un code moral.

Dans cette optique, le fondateur du judo ne voulait pas faire de son art qu’une simple méthode de combat, mais aussi une méthode d’éducation physique et mentale.

Shin-gi-tai : réfléchir, construire et agir.

www.jujitsuericpariset.com

L’empreinte

Screenshot

Faire progresser ses élèves est l’objectif principal, constater leur évolution est une satisfaction méritée. Si en plus on laisse « sa signature », sa façon de faire, alors s’ajoute une immense fierté dont on ne se lasse jamais, quel que soit le nombre d’années d’exercice du « plus beau métier du monde ».

Bien souvent on reconnait le professeur en voyant travailler les élèves.

Cela nous ramène à l’article de la semaine dernière qui était consacré au professeur. Il ne laisse pas que l’apprentissage et l’assimilation technique, il laisse un style, une façon de faire, bref bien souvent il y laisse une empreinte.

Lorsqu’un élève se présente en disant qu’il a déjà pratiqué, la première question est la suivante : « avec qui ? ». A partir de la réponse, pour peu que le professeur évoqué possède une petite notoriété, on sait immédiatement à qui nous avons affaire.

A ce sujet, j’ai une anecdote. Un jour, un dirigeant de la fédération rendait visite à un de ses amis,  professeur de judo en province. Il entre dans le dojo au moment où se déroulait un cours de judo et dans la deuxième partie de ce dojo, il y avait une ceinture noire qui, sous la responsabilité de l’enseignant, s’occupait d’un atelier ju-jitsu. Tout de suite le dirigeant a demandé à son ami, si la personne qui donnait la leçon ne serait pas un de mes élèves, ce qui était le cas. L’élève en question avait rejoint sa région natale.

Quelque temps après, je rencontre le dirigeant en question qui me raconte ce moment. Je lui demande comment il avait deviné. Il m’a simplement répondu : « à la façon de donner les explications, jusqu’à celle de se tenir sur le tatami et évidemment avec la technique ». Voilà une merveilleuse reconnaissance.

Des exemples comme celui-là, il y en a beaucoup. Personnellement, on me l’a souvent fait remarquer concernant celui qui m’a fait faire mes premiers pas sur les tatamis, surtout dans le mesure où il s’agissait de mon père !

D’où l’importance du premier professeur, sur laquelle je ne cesse de revenir. Il fournit la technique, le style, bien souvent la pédagogie, et ce qui n’est pas rien : l’état d’esprit.

Bien sûr, il y a quelques exceptions qui confirment la règle, elles ne sont pas légion, heureusement.

www.jujitsuericpariset.com

16 techniques, la suite…

Les 16 techniques

Elles ont été créées en 1982 pour les besoins d’une démonstration de ju-jitsu proposée à l’occasion des deuxièmes championnats du monde de judo féminins qui se déroulaient à Paris.

Pendant un bon moment, elles ont fait partie du programme des grades judo-ju-jitsu « option ju-jitsu », au sein de la FFJDA. En 1995, elles ont été remplacées.

Pour ma part, elles existent toujours dans  mon enseignement. Pour plusieurs raisons.

D’abord, elles sont efficaces. Ensuite elles sont l’expression du lien indéfectible entre le ju-jitsu et le judo ; techniquement et historiquement. Comme l’avait écrit Christian Quidet, éminent journaliste sportif, dans la préface qu’il avait gentiment signée pour un de mes livres : « Je félicite Eric Pariset de s’être intéressé et de s’être spécialisé dans le ju-jitsu qui est le meilleur complément à la pratique du judo ». C’est vrai que dans cet enchaînement on retrouve les principales grandes projections du judo.

Apprendre o soto gari sur une attaque qui peut survenir dans la réalité et ensuite découvrir tous les enchaînements qui appartiennent au judo sera dans l’ordre des choses. A l’inverse un judoka pourra s’adapter facilement aux applications du ju-jitsu.

Cet enchaînement démontre aussi une forme de travail dans laquelle je me suis épanoui en tant qu’élève, comme professeur et dans les nombreuses démonstrations effectuées dans notre pays et au-delà de ses frontières. Une forme de travail basée sur la fluidité et sur la souplesse.

L’abandonner serait une sorte de reniement, d’autant qu’elle satisfait bon nombre de pratiquants. C’est un travail dans lequel on retrouve les principes fondamentaux d’utilisation de la force de l’adversaire, de la non-opposition, de bascule autour du centre de gravité, bref d’une utilisation optimale des mécanismes corporels.

Que l’on ne me parle pas d’un manque de volonté d’évolution, il y a des règles et des phénomènes physiques qui ne s’abandonnent pas, sauf à se renier et à renier les bases techniques et les principes fondamentaux. Cet enchaînement est porteur de traditions mais aussi de principes immuables.

En plus des acquisitions techniques, cette suite permettra d’acquérir la fluidité indispensable entre les différentes composantes du ju-jitsu.

Ses répétitions affûtent les réflexes et la condition physique. Il s’agit aussi d’une belle démonstration dans laquelle efficacité et beauté du geste se marient parfaitement.

Enfin, les 16 techniques offrent au professeur une base de travail considérable. Par exemple en proposant des réponses différentes à chaque attaque, avec des thèmes variés. On peut aussi les travailler à droite et à gauche, avec plusieurs partenaires, étudier les contre prises qui permettent de renforcer chaque technique, etc.

En conclusion et en résumé, les 16 techniques présentent un ju-jitsu dynamique, efficace, spectaculaire, mais aussi une méthode de self défense, d’éducation physique et mentale, en restant fidèle à une  histoire, à des principes et à ses convictions, ce qui n’est pas la moindre des choses pour un pratiquant d’arts martiaux.

La vidéo proposée a été réalisée en 1991.

www.jujitsuericpariset.com