Irréaliste, irréalisable ?

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Cet article vient en complément de celui de la semaine dernière et même, par moment, en juxtaposition.

Parfois, mais pas souvent, on peut entendre ou lire que les techniques de ju-jitsu sont irréalistes, donc irréalisables en matière de self défense. On se doute que ce n’est pas mon point de vue. C’est vrai que la maîtrise dépend de la personne qui pratique, surtout si elle ne se donne pas la peine d’étudier les techniques en question.

Tout le monde à le droit de donner son avis, à la condition que cela se fasse avec la politesse et le respect que nous enseignent les arts martiaux.

Pour en revenir à l’aspect purement utilitaire, Il est évident que certaines techniques demandent beaucoup de travail, mais offrent une incontestable efficacité, pour peu qu’on se donne la peine de les étudier sérieusement et de les répéter intensément.

A noter que certains styles ou écoles se sont spécialisées en reléguant quelque peu l’aspect utilitaire ; mais à l’origine le ju-jitsu est une méthode de combat qui propose l’utilisation de toutes les armes naturelles du corps pour contrôler un adversaire.

La meilleure façon de ne pas maîtriser une technique, c’est de ne jamais la pratiquer. Ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à la réaliser qu’elle est inefficace, il suffit juste d’un peu de volonté et de travail (et de bonne foi).

Il est dommage d’ignorer toute une palette de moyens permettant, debout et au sol, non seulement de se défendre, mais aussi de moduler la riposte en fonction de l’attaque. Ce n’est pas toujours possible, mais ce serait préférable de ne pas ignorer cet aspect. Se défendre n’entraîne pas systématiquement l’élimination physique de l’agresseur.

Ensuite, pour qu’une pratique s’inscrive dans la durée, ce qui est une des conditions à remplir pour être efficace, il faut des motivations, comme progresser dans les techniques de bases en termes de rapidité, de tonicité, de condition physique, de précision, de recherche de la finesse technique, mais aussi découvrir de nouvelles techniques et de nouveaux enchaînements. Cela s’appelle « s’élever », ce qui est la fonction de « l’élève ». Ne pas se limiter dans la découverte. Pour cela il faut de la patience, les miracles n’existent pas. Et puis « Qui peut le plus, peut le moins ».

Dans notre discipline, existent aussi des techniques que l’on peut utiliser rapidement. Mais dans les démonstrations, un des intérêts est de susciter l’envie en présentant des techniques et des enchaînements plus élaborés qui rassemblent efficacité, finesse et (pourquoi pas) esthétisme. Des exemples qui donnent envie d’évoluer aux personnes ouvertes d’esprit.

Le ju-jitsu traditionnel est à la fois une méthode de défense et un art martial qui développe des qualités qui ne sont pas en contradiction avec l’efficacité. Ce qui est vrai aussi, c’est que c’est davantage le pratiquant que la discipline qui fait l’efficacité.

Enfin, concluons avec un poncif : « la critique est facile, l’art (martial) est difficile. »

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Réflexions sur le ne-waza, le travail au sol

La période estivale n’empêche pas quelques réflexions, surtout sur un sujet comme le travail au sol (le ne waza). Un domaine efficace, formateur et amusant.

En matière de self défense, si on peut éviter d’aller au sol, c’est préférable. D’abord pour éviter de « salir le costume », ensuite parce qu’on risque de se trouver sur un revêtement moins confortable que celui d’un tatami et enfin, dans ce cas, il est préférable qu’il n’y ait pas plusieurs adversaires.

Donc, si on s’y retrouve, c’est souvent contraint et forcé.  Mais parfois on choisit d’y aller pour contrôler l’adversaire sans le blesser gravement, question de responsabilité !  Lorsqu’un éducateur doit maîtriser un adolescent « en difficulté »,  ou encore quand ça dégénère dans des foyers où règne une certaine violence.

D’autres situations existent et dans lesquelles l’extermination n’est pas l’option.

Et puis, il y a un contexte qui se passe principalement au sol : la tentative de viol.

Il est certain que dans le domaine du travail au sol, en particulier, l’efficacité demande du temps, peut-être davantage que dans les autres secteurs. Il faut étudier les techniques, les assimiler, les répéter et les pratiquer dans des formes d’opposition codifiées avec des exercices à thème. Il faut du temps pour « modeler » le corps, le rendre à la fois souple et tonique et capable de se mouvoir dans des positions qui ne sont pas forcément naturelles ; lui donner une « forme de corps ».

Il est donc nécessaire d’être  motivé. Motivé par le besoin d’apprendre à se défendre, mais aussi en trouvant d’autres intérêts, comme l’expression corporelle, le renforcement de qualités physiques et mentales. Enfin, avec un aspect ludique qui ne gâche rien, bien au contraire. Quand on peut rassembler l’utilitaire, le développement physique et le bien être mental, on rassemble les éléments qui nous donnent un « mental d’acier ».

Comme indiqué plus haut, il ne faut pas négliger l’aspect ludique que l’on trouvera dans le ne-waza, lorsqu’il est pratiqué avec un bon état d’esprit. On peut s’exprimer, s’investir totalement tout en s’amusant, ce qui n’a rien de contradictoire avec l’efficacité, je pense même que c’est un atout supplémentaire pour une pratique assidue. Loin des pratiques brutales qui exacerbent la violence, qui blessent souvent et qui ne satisfont que les brutes. Je maintiens que l’on peut être efficace sans en être une (de brute).

Comme dans tous les domaines, il peut exister des prédispositions, mais rien ne remplacera l’entraînement. On en revient toujours aux mêmes qualités : volonté, régularité, persévérance.  « On ne peut rien contre l’entraînement » !

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Inévitables « Trois mouches ».

Encore une petite histoire qui permet de découvrir ou redécouvrir (puisque je la propose chaque été) une leçon de sagesse issue du précieux et délicieux recueil intitulé « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». Cela ne peut être que bénéfique, quelque soit la saison, d’ailleurs.

Le récit proposé ci-dessous matérialise l’art de vaincre sans combattre, ce qui est pour le moins une conduite dans laquelle intelligence et efficacité se marient à merveille.

Trois mouches

Dans une auberge isolée, un samouraï est installé, seul à une table. Malgré trois mouches qui tournent autour de lui, il reste d’un calme surprenant. Trois rônins entrent à leur tour dans l’auberge. Ils remarquent aussitôt avec envie la magnifique paire de sabres que porte l’homme isolé. Sûrs de leur coup, trois contre un, ils s’assoient à une table voisine et mettent tout en œuvre pour provoquer le samouraï. Celui-ci reste imperturbable, comme s’il n’avait même pas remarqué la présence des trois rônins. Loin de se décourager, les rônins se font de plus en plus railleurs. Tout à coup, en trois gestes rapides, le samouraï attrape les trois mouches qui tournaient autour de lui, et ce, avec les baguettes qu’il tenait à la main. Puis calmement, il repose les baguettes, parfaitement indifférent au trouble qu’il venait de provoquer parmi les rônins. En effet, non seulement ceux-ci s’étaient tus, mais pris de panique, ils n’avaient pas tardé à s’enfuir. Ils venaient de comprendre à temps qu’ils s’étaient attaqués à un homme d’une maîtrise redoutable. Plus tard, ils finirent par apprendre, avec effroi, que celui qui les avait si habilement découragés était le fameux Miyamoto Musashi.

(Ronin, selon la définition du Larousse : Samouraï qui quittait le service de son maître et se mettait à parcourir le pays en quête d’aventures.)

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Anticipation, réaction, gestion !

Bon, c’est vrai nous sommes en vacances scolaires, alors prenons cela comme des devoirs de vacances.

La semaine dernière l’article hebdomadaire proposait un de ces contes savoureux qui sont issus de « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». Ils sont autant de  leçons de vie. Il était question d’un maître de sabre qui en avait invité un autre pour boire le thé et participer à une expérience avec ses trois fils.

Le maître avait placé un vase au-dessus de la porte coulissante qui donnait dans la pièce. Le test consistait à éprouver le comportement de chacun des trois fils et leur capacité de maîtrise face à un danger.

Il appela le plus âgé, qui déjoua le piège avant même que l’objet ne commence à tomber. Le second fils réussit à attraper le vase et évita ainsi de le recevoir sur la tête. Quant au troisième, il reçut l’objet sur le crâne, puis il dégaina et le coupa en deux, juste avant son arrivée sur le tatami.

Le maître donna des appréciations sur chacune des réactions. Le plus âgé est parfait et fera sans aucun doute un excellent maître de sabre. Le second est sur la bonne voie, quand au troisième il a encore beaucoup à apprendre.

Mon interprétation est la suivante : le plus âgé, grâce à une longue et sérieuse pratique à acquis une  capacité d’anticipation qui lui permet d’échapper au danger sans combattre. L’efficacité et la sagesse. Le deuxième à une bonne capacité de réaction, lui reste à acquérir l’anticipation. Quant à l’appréciation donnée à propos du troisième,  elle est terrible : « il lui reste beaucoup à apprendre ». Même s’il réussit d’un coup de sabre dévastateur à fendre le vase avant qu’il ne touche terre. Une belle riposte, mais sans trop de sens, puisque exécutée trop tard… Selon la formule : « à méditer ».

Ces contes nous distraient, mais ils nous en apprennent beaucoup sur la vie. Dans des situations autres que les arts du combat, ils nous sont utiles : capacité d’anticipation, de réaction et gestion de l’énergie !

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Les trois fils (et un sixième sens)

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L’été offre un peu de légèreté, même à ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir prendre des vacances. C’est donc un plaisir de renouer avec une habitude, celle de proposer de temps en temps une histoire savoureuse, extraite de l’ouvrage « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». Ce qui ne manque pas de nous offrir plaisir et matière à réflexion !

Bokuden et ses trois fils

« Il y avait autrefois un grand maître de kenjutsu (sabre) très célèbre dans tout le Japon qui, recevant la visite d’un autre grand maître, voulut illustrer l’enseignement qu’il avait donné à ses trois fils.

Le maître fit un clin d’œil à son invité et plaça un lourd vase de métal sur le coin des portes coulissantes, le cala avec un morceau de bambou et un petit clou, de façon à ce que le vase s’écrasât sur la tête du premier, qui, ouvrant la porte, entrerait dans la pièce.

Tout en bavardant et en buvant du thé, le maître appela son fils aîné qui vint aussitôt. Avant d’ouvrir, il sentit la présence du vase et l’endroit où il avait été placé. Il fit glisser la porte, passa sa main gauche par l’entrebâillement pour saisir le vase et continua à ouvrir la porte avec sa main droite. Puis, serrant le vase sur sa poitrine, il se glissa dans la pièce et refermant la porte derrière lui, il replaça le vase dans sa position initiale. Il avança alors et salua les deux maîtres. « Voici mon fils aîné, dit l’hôte en souriant, il a très bien saisi mon enseignement et il sera certainement un jour un maître de kenjutsu. »

Ayant appelé son deuxième fils, celui-ci entra sans hésitation, et n’attrapa le vase qu’au dernier moment ; il faillit le recevoir sur la tête. « Voici mon deuxième fils, dit le maître, il lui reste beaucoup à apprendre mais il s’améliore chaque jour. »

On appela alors le troisième fils. Entrant précipitamment dans la pièce, il reçut le vase sur la tête. Le coup fut sévère, mais avant que le vase n’atteigne les tatamis, il tira son sabre et d’un mouvement vif, coupa la pièce de métal en deux. « Voici mon fils cadet, Jiro, dit le vieil homme, c’est le benjamin de la famille, il lui reste une longue route à parcourir. »

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Les mots, pas les maux. De la parole aux actes

Dans mes articles j’évoque souvent le combat contre la violence. Ce combat est légitime et indispensable. Dans le cas contraire je ne le mènerais pas, pareil si dans notre milieu certaines dérives n’existaient pas.

Il existe plusieurs formes de violence. La plus « spectaculaire » étant la violence physique. Mais n’oublions pas la violence verbale et la violence comportementale ou relationnelle, quand, par exemple, le mépris est la réponse à de légitimes demandes ou réclamations.

La violence physique s’identifie facilement, la violence comportementale est plus sournoise.

Quant à la violence verbale, qui est notre sujet du jour, dans certains réseaux sociaux il semble qu’elle soit parvenue à son apogée. En attestent les torrents de haine qui s’y déversent, juste avec les mots. Ce n’est pas fait pour éradiquer la violence physique, au contraire. Les mots et les formules ont une importance, les paroles engendrent les actes.  Les discours positifs, souvent, donnent des résultats positifs, le contraire est aussi vrai.

Donc, aujourd’hui intéressons-nous à l’expression verbale, dans notre domaine.

« Construire un système de défense » sera préférable à « s’entraîner à détruire ». Apprendre à ne pas se faire mal, sera mieux qu’apprendre à faire mal. S’élever plutôt que d’abaisser. Contrôler ou maîtriser un agresseur en se contrôlant ou en se maîtrisant est préférable à « l’exterminer ». Surtout dans la mesure où la riposte doit être proportionnelle à l’attaque, et que parfois au moment d’un verdict rendu par un tribunal, certaines nuances peuvent engendrer des surprises aux fâcheuses conséquences.

Sans négliger le respect de toute vie humaine. Répondre à la barbarie par la barbarie n’est pas la meilleure option sur un plan éducatif. « Eliminer » quelqu’un n’est pas sans conséquences sur bien des plans.

Quand on défend sa vie, ce discours peut s’apparenter à du « baratin », mais à l’entraînement on ne défend pas sa vie, par contre on apprend sérieusement à pouvoir le faire en cas de besoin.

Lorsqu’on enseigne des techniques de défense, les mots choisis ont autant d’importance que la démonstration, la parole prime sur le geste. La preuve, le professeur peut donner des explications sur une démonstration effectuée par deux élèves. Les mots choisis et le ton donné influencent forcément l’ambiance du cours et le comportement des élèves.

Quand la violence envahit le lieu d’entraînement, on ne la combat pas, on l’entretien, pire on l’augmente, on la sanctifie.

La plupart des professeurs  respectent un enseignement emprunt d’une sagesse chère aux arts martiaux traditionnels. Ce qui n’enlève rien à une pratique efficace, bien au contraire, leur richesse technique permet de répondre à diverses situations d’agressions, elle module les réponses en fonction de la gravité de l’agression. Cela demande du temps, de la patience, des efforts, cela en vaut la peine, c’est même indispensable !

La « sagesse verbale » est un des leviers pour renverser une tendance qui ne cesse de croitre.

En matière de lutte contre la violence, il y a deux remèdes : la sanction et l’éducation. Le professeur a pour mission d’éduquer. Techniquement, physiquement et mentalement.

Techniquement et physiquement, cela s’explique aisément. Mentalement, c’est parfois une autre histoire. C’est là que le choix des mots a son importance, pour insuffler consciemment et même inconsciemment, dans l’esprit des élèves des valeurs telles que le contrôle, la volonté, le courage, le goût de l’effort, la relativisation, l’esprit d’analyse, etc.

J’insiste souvent sur l’aspect éducatif qui incombe au professeur. Il est aussi un éducateur (c’est ce qui est marqué sur sa carte professionnelle) et pas un simple destructeur, parfois on pourrait en douter.

La meilleure victoire reste celle que l’on obtient sans combattre. Ce n’est pas de la lâcheté, mais de la sagesse, du bon sens, de l’intelligence tout simplement et ça, on peut l’apprendre avec les MOTS.

Bel été à toutes et à tous.

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L’incontournable salut

On continue avec l’éducation, en revenant sur le salut, cher à tout pratiquant d’arts martiaux qui se respecte (et qui respecte).

C’est avant tout un signe de politesse, une marque de respect, de considération et une tradition qu’il serait dommage de négliger et surtout de sacrifier. C’est aussi un moment de brève et d’intense concentration avant une démonstration, une répétition ou un combat, tout simplement au début et à la fin d’une séance. Un temps de courte réflexion.

Dans les arts martiaux japonais, le salut est emprunté aux coutumes du pays. C’était tout simplement dans le quotidien la façon de se dire bonjour.

Nous utilisons le salut principalement de deux façons. Debout ou à genoux. Logiquement, avant et après avoir effectué un travail debout, on salue debout ; il en est de même pour le travail au sol. Dans certains katas ce rite se pratique à genoux et debout pour d’autres.

Au début et à la fin d’un cours, face aux professeurs, il s’exécute en principe en position agenouillée, mais rien ne s’oppose à ce qu’il soit réalisé debout (surtout si le professeur a mal aux genoux). La position des élèves les plus hauts gradés est toujours sur la droite.

S’il est incontournable, il doit se faire en respectant une bonne attitude. Il ne doit pas être bâclé. Tout d’abord, les protagonistes adoptent une tenue correcte, même après un combat. On prend le temps de remettre sa tenue en bon ordre, on ne salue pas débraillé.

D’autre part, il ne s’agit aucunement de se satisfaire d’un vague mouvement de tête. On prend son temps pour incliner le buste vers l’avant, les mains glissant le long des cuisses en position debout, elles seront posées sur le sol dans la position agenouillée.

Entre élèves et après un travail ou un randori, il se suffit à lui-même. D’autres marques, ne sont pas indispensables, si sympathiques soient elles !

Il est de coutume également de pratiquer le salut en entrant dans le dojo. Il est vrai que cette tradition se perd, elle est remplacée par un seul salut, celui que l’on exécute avant de monter sur le tatami (et encore, pas toujours). Mais l’un n’empêche pas l’autre.

Cet article permet de rappeler que si certains rituels ne sont pas respectés dans nos disciplines à traditions, où le seront-ils ?

Encore une fois, c’est au professeur qu’incombe la responsabilité pour que tout se passe correctement dans son dojo : respect des traditions pour une bonne éducation, respect des consignes pour une pratique éducative et non pas destructive. Il n’est pas qu’un passeur de techniques, il est aussi un transmetteur de principes, de traditions et d’éducation globale !

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Utile

Il y a des périodes où insister sur le rôle du professeur est d’une nécessité absolue.

Chaque métier possède ses utilités et ses nécessités, dont la première est de subvenir à ses besoins pour vivre dignement.

Ensuite, certaines professions ont une utilité plus directe, dans lesquelles les fautes et l’incompétence peuvent engendrer des conséquences dévastatrices, l’éducation appartient à ce groupe. L’actualité nous le rappelle presque chaque jour.

J’ai la chance d’exercer une profession qui a une utilité majeure, ce qui confère beaucoup de responsabilités. « Professeur » : voilà une belle appellation. Certains n’ont pas hésité à l’appeler « le plus beau métier du monde». Son nom est directement lié à celui de « profession ». Cependant, comme dans toutes les corporations, on ne peut échapper à quelques « faiblesse ».

Dans les arts martiaux nous avons une triple utilité. L’éducation physique, l’aspect utilitaire et la formation mentale.

L’éducation physique, avec des répétitions de techniques qui développent de façon harmonieuse les parties de notre corps qui sont aussi nos « armes naturelles ». Ce renforcement s’acquiert de façon plus agréable et plus créative que par l’intermédiaire de machines quelque peu austères. Nous ne faisons que révéler et renforcer des qualités et des compétences intrinsèques. On fait l’acquisition de souplesse, de tonicité, de précision et de vitesse, au service de notre « science du combat ».

En ju-jitsu, entre autres, cette science est utile sur un plan purement pratique (c’est son ADN) et c’est incontestable ; j’ai consacré un bon nombre d’articles sur le sujet, on peut les retrouver sur mon blog. Les techniques ont été souvent utiles à beaucoup de mes élèves.

Sur le plan psychologique, ce qui n’est pas le moins important, les bienfaits de l’exercice physique ne sont plus à démontrer. L’étude des arts martiaux (correctement enseignés) se doit aussi d’inculquer des valeurs morales utiles à la vie en société.  Elle doit participer à la lutte contre la violence, ce fléau qui ne fait que progresser, et non pas l’exacerber. Le professeur ne doit pas se contenter de dispenser de la technique, il doit aussi inculquer de l’éthique.

Enfin, un enseignement sérieux n’interdit pas que s’invite dans les séances un aspect ludique qui contribuera à un bien être général. Ce qui est bon pour la tête est bon pour le corps et inversement.

Renforcer la confiance en soi, à l’aide d’une méthode efficace de self défense, offrir un bien être général et participer à une bonne éducation indispensable à une société digne de ce nom, voilà résumé les principaux bienfaits offerts par une pratique sérieusement encadrée et correctement animée.

Ces quelques lignes ne manqueront pas de faire la démonstration du caractère UTILE d’une profession que je ne me lasse pas d’exercer avec une passion indestructible.

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La nostalgie

La nostalgie des années 1960 et 1970,  les années de mes débuts (même un peu avant).

Jusqu’à la fin des années 1970, le Judo, le Karaté et l’Aïkido se partageaient les tatamis. Je n’oublie pas la Boxe française, notre art martial à la française.

Ces quatre disciplines je les ai pratiquées. A partir de 1970, d’autres entrent dans le paysage, comme le Taekwondo et le Kung-fu avec la trop courte carrière de Bruce Lee.

Si j’évoque la nostalgie, c’est que nous n’étions pas tout à fait dans le même monde. C’était « le bon vieux temps des arts martiaux ». Il y avait l’attrait de disciplines entourées d’un certain mystère. Elles étaient considérées comme des « Écoles » de la maîtrise, du contrôle, de la sagesse et du combat contre la force brutale. Des « Ecoles de vie ».  Elles possédaient une « philosophie ».

J’ai la nostalgie de tatamis foulés par des pratiquants assidus, à la recherche du détail et de la finesse qui permettaient de réaliser une technique avec le moins de force possible, avec laquelle le plus faible pouvait maîtriser le plus fort, il y avait quelque chose en plus ; quand la science rencontrait la magie.

Ça n’empêchait pas un investissement physique important et les litres de sueur « d’embaumer » les judogis.

Le « c’était mieux avant » est parfois agaçant. Sans tomber dans cette systématisation des regrets, il faut admettre que certaines évolutions n’en sont pas, tout dépend du point de vue dans lequel on se place.

J’ai souvent évoqué le respect qui semble s’amenuiser, que ce soit envers les traditions, les lieux de pratique, les tenues et tout simplement envers les personnes. En l’occurrence le professeur. Le respect de l’autorité, tout simplement.

Je ne pense pas que ce soit ringard ni désuet d’insister sur la nécessité et sur l’importance de ces règles. L’actualité nous le confirme chaque jour.

D’autant que nous pratiquons des disciplines d’affrontement, si elles ne sont pas encadrées avec rigueur, elles peuvent basculer dans des pratiques dangereuses, mentalement et physiquement.

Dangereuses mentalement avec la banalisation et même l’augmentation de la violence. Dans certains cours suintent la brutalité et parfois l’acharnement, alors que nous sommes « mandatés », nous professeurs, pour combattre la violence. La violence se combat aussi par l’exemple.

A force de n’insister que sur une (éventuelle) efficacité immédiate, on passe à côté de toute la richesse et la sagesse de nos disciplines, en matière d’éducation, mais aussi d’efficacité, avec l’apprentissage d’une grande variété de techniques qui permettent, justement, de s’adapter à toutes les formes d’attaques.

C’est un poncif que d’affirmer qu’on ne combat pas la violence par la violence, et pourtant cela semble être malheureusement oublié, parfois.

Dangereuse physiquement parce qu’une pratique brutale génère des blessures qui, par définition, limitent les entraînements et laissent d’irréversibles séquelles. Sans parler des découragements et des abandons. Et puis, on est davantage là pour apprendre à ne pas se faire mal, que pour se faire mal. Voilà une nuance qui doit faire réfléchir !

Si ne sont proposés que des pratiques brutales, ne seront formés et fidélisés que des brutes. De toutes les façons, la brutalité n’est pas une garantie d’efficacité.

Il est vrai que le dojo et la rue ce n’est pas la même chose ; et c’est tant mieux. Dans la rue ça finit toujours mal, pour une des deux parties et même pour les deux. L’une peut se retrouver à l’hôpital, l’autre au poste de police, ou bien les deux au même endroit.

L’autre aspect qui affecte les disciplines de combat se trouve dans le « tout compétition ». D’abord il y a celles où il n’est tout simplement pas possible de les instaurer, sauf à les dénaturer et à leur retirer une grande part de leur substance. Je ne suis pas contre la compétition, loin de là, mais il ne faut pas oublier qu’elle n’est qu’un passage. Si on a tout misé dessus, lorsqu’arrive l’âge où il n’est plus possible d’y participer, on assiste à des abandons, alors qu’il y a encore tant de choses à découvrir et à partager.

Pour finir et revenir au combat contre la violence, il y a deux principaux remèdes : la sanction et l’éducation. La semaine dernière sur ma page j’avais mis cette citation : « Éduquez les enfants et il ne sera pas nécessaire de punir les hommes » Pythagore. Rien à ajouter.

Ce tableau un peu sombre ne m’empêche pas – bien au contraire – d’être toujours animé par une  indestructible passion dans l’enseignement que je dispense. Je sais aussi que d’autres professeurs adhérent à mes propos et à mon état d’esprit, c’est encourageant.

(La photo d’illustration représente le mythique dojo parisien de la rue des Martyrs à la fin des années 1950.)

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Shin-Gi-Tai. (Réfléchir, construire et agir.)

Voilà un concept, une expression que les pratiquants d’arts martiaux connaissent. Tout du moins, ils ont entendu ces mots sans forcément y prêter l’attention qu’ils méritent.

Ils sont pourtant le fondement d’une bonne pratique martiale, ils pourraient aussi être utiles à toute activité et dans la vie en général.

Ils résument la conception que le créateur du judo, Jigoro Kano, avait de son art et quelles  étaient les priorités.

Ils sont les murs porteurs d’une bonne pratique et doivent se renforcer tout au long de cette pratique et pourquoi pas tout au long de l’existence.

Shin désigne l’esprit, Gi la technique et Tai le corps. L’ordre n’est  pas le fruit du hasard.

L’esprit permet de comprendre et d’apprendre une technique correctement et c’est grâce à cette technique  que l’on renforcera le corps.

Autre interprétation concernant ce « classement » : en avançant en âge, la vivacité d’esprit reste, la technique est acquise, même si elle est utilisée de façon moins percutante. Quant au corps (le physique), à partir d’un certain moment il subit une inévitable altération.

C’est donc l’esprit qui domine. C’est lui qui élabore, construit et affine cette technique qui renforce le corps, c’est l’esprit qui dirige nos actions. Il mène notre existence, grâce (ou à cause) des décisions que nous prenons. Il nous permet de réfléchir, d’agir et de réagir.

C’est en respectant ce triptyque que l’art martial devient autre chose qu’une simple utilisation brutale de nos moyens physiques, il nous permet de guider nos comportements dans le respect d’un code moral.

Dans cette optique, le fondateur du judo ne voulait pas faire de son art qu’une simple méthode de combat, mais aussi une méthode d’éducation physique et mentale.

Shin-gi-tai : réfléchir, construire et agir.

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