Irréaliste, irréalisable ?

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Cet article vient en complément de celui de la semaine dernière et même, par moment, en juxtaposition.

Parfois, mais pas souvent, on peut entendre ou lire que les techniques de ju-jitsu sont irréalistes, donc irréalisables en matière de self défense. On se doute que ce n’est pas mon point de vue. C’est vrai que la maîtrise dépend de la personne qui pratique, surtout si elle ne se donne pas la peine d’étudier les techniques en question.

Tout le monde à le droit de donner son avis, à la condition que cela se fasse avec la politesse et le respect que nous enseignent les arts martiaux.

Pour en revenir à l’aspect purement utilitaire, Il est évident que certaines techniques demandent beaucoup de travail, mais offrent une incontestable efficacité, pour peu qu’on se donne la peine de les étudier sérieusement et de les répéter intensément.

A noter que certains styles ou écoles se sont spécialisées en reléguant quelque peu l’aspect utilitaire ; mais à l’origine le ju-jitsu est une méthode de combat qui propose l’utilisation de toutes les armes naturelles du corps pour contrôler un adversaire.

La meilleure façon de ne pas maîtriser une technique, c’est de ne jamais la pratiquer. Ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à la réaliser qu’elle est inefficace, il suffit juste d’un peu de volonté et de travail (et de bonne foi).

Il est dommage d’ignorer toute une palette de moyens permettant, debout et au sol, non seulement de se défendre, mais aussi de moduler la riposte en fonction de l’attaque. Ce n’est pas toujours possible, mais ce serait préférable de ne pas ignorer cet aspect. Se défendre n’entraîne pas systématiquement l’élimination physique de l’agresseur.

Ensuite, pour qu’une pratique s’inscrive dans la durée, ce qui est une des conditions à remplir pour être efficace, il faut des motivations, comme progresser dans les techniques de bases en termes de rapidité, de tonicité, de condition physique, de précision, de recherche de la finesse technique, mais aussi découvrir de nouvelles techniques et de nouveaux enchaînements. Cela s’appelle « s’élever », ce qui est la fonction de « l’élève ». Ne pas se limiter dans la découverte. Pour cela il faut de la patience, les miracles n’existent pas. Et puis « Qui peut le plus, peut le moins ».

Dans notre discipline, existent aussi des techniques que l’on peut utiliser rapidement. Mais dans les démonstrations, un des intérêts est de susciter l’envie en présentant des techniques et des enchaînements plus élaborés qui rassemblent efficacité, finesse et (pourquoi pas) esthétisme. Des exemples qui donnent envie d’évoluer aux personnes ouvertes d’esprit.

Le ju-jitsu traditionnel est à la fois une méthode de défense et un art martial qui développe des qualités qui ne sont pas en contradiction avec l’efficacité. Ce qui est vrai aussi, c’est que c’est davantage le pratiquant que la discipline qui fait l’efficacité.

Enfin, concluons avec un poncif : « la critique est facile, l’art (martial) est difficile. »

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Efficacité, sécurité et éducation

L’été n’empêche pas de réfléchir.

Il y a presque un siècle et demi, en ressuscitant le ju-jitsu et en l’épurant, Jigoro Kano proposait une méthode complète : utilitaire, physique et mentale. Efficace en self défense, développant de nombreuses qualités physique et inculquant de belles valeurs morales.

En termes d’efficacité, toutes les techniques du ju-jitsu sont redoutables, certaines peuvent même être fatales.

La première idée de Jigoro Kano avait été de conserver – de l’ancien ju-jitsu – les techniques en fonction de deux critères : efficacité en situation et sécurité lors des entraînements. Il voulait que la recherche de cette efficacité s’accompagne d’une pratique sécuritaire développant des qualités physiques, en évitant des blessures causées par des techniques trop brutales. Il souhaitait aussi développer des qualités éducatives dans le sens large du terme. D’où ce triptyque : efficacité, sécurité et éducation (physique et mentale).

Concernant la sécurité et l’efficacité, en plus de sélectionner les techniques répondant aux critères énoncés plus haut, il a mis au point plusieurs types de méthodes d’entraînement dans le but de ne pas se satisfaire de simples répétitions statiques.

D’abord des enchaînements comme les katas, dont certains sont le reflet d’un combat. Ensuite, des exercices de répétitions en déplacement, puis les randoris qui sont des exercices d’opposition très codifiés. Le but étant de progresser en limitant les blessures qui forcément limitent les entraînements, donc les progrès. N’oublions pas que l’un des buts était d’acquérir une bonne santé et le développement de qualités physiques.

A ceux qui ne cessent d’affirmer que le travail en dojo ne reflète pas la réalité, je répète que c’est heureux, parce que « dans la réalité » ça se termine mal, en général. Il est souhaitable que l’ambiance d’un dojo ne ressemble pas à celle de la rue en cas d’agression. Le dojo est le lieu dans lequel on trouve sa voie. La voie de la sagesse, du contrôle du corps et de l’esprit.

Un travail régulier, avec une bonne intensité technique et physique en respectant des règles de sécurité apportera une incontestable efficacité, un développement physique, une confiance en soi, la maîtrise de ses émotions et une bonne hygiène mentale. Il évitera les blessures pour préserver l’intégrité physique, il fournira des capacités de maîtrise et assurera une régularité dans la pratique. Tout cela permettra d’ouvrir les portes du dojo à tous, y compris et surtout au moins « costauds » pour qu’ils apprennent à se défendre.

La pratique d’un art martial est une pratique exigeante, s’y astreindre est l’assurance de renforcer le corps et l’esprit.

Pour conclure avec l’efficacité, j’ai une multitude d’exemples d’élèves qui ont pu affronter des agressions et se sortir de fâcheuses situations grâce aux techniques apprises et répétées. Hommes, femmes, jeunes, moins jeunes, mais aussi de différents niveaux techniques.

J’ai même un élève qui m’a confié que je lui avais  « sauvé la vie », face à un tesson de bouteille, grâce à une clef au bras apprise et répétée. Je ne m’en étais jamais vanté, mais parfois il est bon de remettre les pendules à l’heure en rappelant quelques évidences.

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Réflexions sur le ne-waza, le travail au sol

La période estivale n’empêche pas quelques réflexions, surtout sur un sujet comme le travail au sol (le ne waza). Un domaine efficace, formateur et amusant.

En matière de self défense, si on peut éviter d’aller au sol, c’est préférable. D’abord pour éviter de « salir le costume », ensuite parce qu’on risque de se trouver sur un revêtement moins confortable que celui d’un tatami et enfin, dans ce cas, il est préférable qu’il n’y ait pas plusieurs adversaires.

Donc, si on s’y retrouve, c’est souvent contraint et forcé.  Mais parfois on choisit d’y aller pour contrôler l’adversaire sans le blesser gravement, question de responsabilité !  Lorsqu’un éducateur doit maîtriser un adolescent « en difficulté »,  ou encore quand ça dégénère dans des foyers où règne une certaine violence.

D’autres situations existent et dans lesquelles l’extermination n’est pas l’option.

Et puis, il y a un contexte qui se passe principalement au sol : la tentative de viol.

Il est certain que dans le domaine du travail au sol, en particulier, l’efficacité demande du temps, peut-être davantage que dans les autres secteurs. Il faut étudier les techniques, les assimiler, les répéter et les pratiquer dans des formes d’opposition codifiées avec des exercices à thème. Il faut du temps pour « modeler » le corps, le rendre à la fois souple et tonique et capable de se mouvoir dans des positions qui ne sont pas forcément naturelles ; lui donner une « forme de corps ».

Il est donc nécessaire d’être  motivé. Motivé par le besoin d’apprendre à se défendre, mais aussi en trouvant d’autres intérêts, comme l’expression corporelle, le renforcement de qualités physiques et mentales. Enfin, avec un aspect ludique qui ne gâche rien, bien au contraire. Quand on peut rassembler l’utilitaire, le développement physique et le bien être mental, on rassemble les éléments qui nous donnent un « mental d’acier ».

Comme indiqué plus haut, il ne faut pas négliger l’aspect ludique que l’on trouvera dans le ne-waza, lorsqu’il est pratiqué avec un bon état d’esprit. On peut s’exprimer, s’investir totalement tout en s’amusant, ce qui n’a rien de contradictoire avec l’efficacité, je pense même que c’est un atout supplémentaire pour une pratique assidue. Loin des pratiques brutales qui exacerbent la violence, qui blessent souvent et qui ne satisfont que les brutes. Je maintiens que l’on peut être efficace sans en être une (de brute).

Comme dans tous les domaines, il peut exister des prédispositions, mais rien ne remplacera l’entraînement. On en revient toujours aux mêmes qualités : volonté, régularité, persévérance.  « On ne peut rien contre l’entraînement » !

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Inévitables « Trois mouches ».

Encore une petite histoire qui permet de découvrir ou redécouvrir (puisque je la propose chaque été) une leçon de sagesse issue du précieux et délicieux recueil intitulé « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». Cela ne peut être que bénéfique, quelque soit la saison, d’ailleurs.

Le récit proposé ci-dessous matérialise l’art de vaincre sans combattre, ce qui est pour le moins une conduite dans laquelle intelligence et efficacité se marient à merveille.

Trois mouches

Dans une auberge isolée, un samouraï est installé, seul à une table. Malgré trois mouches qui tournent autour de lui, il reste d’un calme surprenant. Trois rônins entrent à leur tour dans l’auberge. Ils remarquent aussitôt avec envie la magnifique paire de sabres que porte l’homme isolé. Sûrs de leur coup, trois contre un, ils s’assoient à une table voisine et mettent tout en œuvre pour provoquer le samouraï. Celui-ci reste imperturbable, comme s’il n’avait même pas remarqué la présence des trois rônins. Loin de se décourager, les rônins se font de plus en plus railleurs. Tout à coup, en trois gestes rapides, le samouraï attrape les trois mouches qui tournaient autour de lui, et ce, avec les baguettes qu’il tenait à la main. Puis calmement, il repose les baguettes, parfaitement indifférent au trouble qu’il venait de provoquer parmi les rônins. En effet, non seulement ceux-ci s’étaient tus, mais pris de panique, ils n’avaient pas tardé à s’enfuir. Ils venaient de comprendre à temps qu’ils s’étaient attaqués à un homme d’une maîtrise redoutable. Plus tard, ils finirent par apprendre, avec effroi, que celui qui les avait si habilement découragés était le fameux Miyamoto Musashi.

(Ronin, selon la définition du Larousse : Samouraï qui quittait le service de son maître et se mettait à parcourir le pays en quête d’aventures.)

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Anticipation, réaction, gestion !

Bon, c’est vrai nous sommes en vacances scolaires, alors prenons cela comme des devoirs de vacances.

La semaine dernière l’article hebdomadaire proposait un de ces contes savoureux qui sont issus de « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». Ils sont autant de  leçons de vie. Il était question d’un maître de sabre qui en avait invité un autre pour boire le thé et participer à une expérience avec ses trois fils.

Le maître avait placé un vase au-dessus de la porte coulissante qui donnait dans la pièce. Le test consistait à éprouver le comportement de chacun des trois fils et leur capacité de maîtrise face à un danger.

Il appela le plus âgé, qui déjoua le piège avant même que l’objet ne commence à tomber. Le second fils réussit à attraper le vase et évita ainsi de le recevoir sur la tête. Quant au troisième, il reçut l’objet sur le crâne, puis il dégaina et le coupa en deux, juste avant son arrivée sur le tatami.

Le maître donna des appréciations sur chacune des réactions. Le plus âgé est parfait et fera sans aucun doute un excellent maître de sabre. Le second est sur la bonne voie, quand au troisième il a encore beaucoup à apprendre.

Mon interprétation est la suivante : le plus âgé, grâce à une longue et sérieuse pratique à acquis une  capacité d’anticipation qui lui permet d’échapper au danger sans combattre. L’efficacité et la sagesse. Le deuxième à une bonne capacité de réaction, lui reste à acquérir l’anticipation. Quant à l’appréciation donnée à propos du troisième,  elle est terrible : « il lui reste beaucoup à apprendre ». Même s’il réussit d’un coup de sabre dévastateur à fendre le vase avant qu’il ne touche terre. Une belle riposte, mais sans trop de sens, puisque exécutée trop tard… Selon la formule : « à méditer ».

Ces contes nous distraient, mais ils nous en apprennent beaucoup sur la vie. Dans des situations autres que les arts du combat, ils nous sont utiles : capacité d’anticipation, de réaction et gestion de l’énergie !

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Les trois fils (et un sixième sens)

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L’été offre un peu de légèreté, même à ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir prendre des vacances. C’est donc un plaisir de renouer avec une habitude, celle de proposer de temps en temps une histoire savoureuse, extraite de l’ouvrage « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». Ce qui ne manque pas de nous offrir plaisir et matière à réflexion !

Bokuden et ses trois fils

« Il y avait autrefois un grand maître de kenjutsu (sabre) très célèbre dans tout le Japon qui, recevant la visite d’un autre grand maître, voulut illustrer l’enseignement qu’il avait donné à ses trois fils.

Le maître fit un clin d’œil à son invité et plaça un lourd vase de métal sur le coin des portes coulissantes, le cala avec un morceau de bambou et un petit clou, de façon à ce que le vase s’écrasât sur la tête du premier, qui, ouvrant la porte, entrerait dans la pièce.

Tout en bavardant et en buvant du thé, le maître appela son fils aîné qui vint aussitôt. Avant d’ouvrir, il sentit la présence du vase et l’endroit où il avait été placé. Il fit glisser la porte, passa sa main gauche par l’entrebâillement pour saisir le vase et continua à ouvrir la porte avec sa main droite. Puis, serrant le vase sur sa poitrine, il se glissa dans la pièce et refermant la porte derrière lui, il replaça le vase dans sa position initiale. Il avança alors et salua les deux maîtres. « Voici mon fils aîné, dit l’hôte en souriant, il a très bien saisi mon enseignement et il sera certainement un jour un maître de kenjutsu. »

Ayant appelé son deuxième fils, celui-ci entra sans hésitation, et n’attrapa le vase qu’au dernier moment ; il faillit le recevoir sur la tête. « Voici mon deuxième fils, dit le maître, il lui reste beaucoup à apprendre mais il s’améliore chaque jour. »

On appela alors le troisième fils. Entrant précipitamment dans la pièce, il reçut le vase sur la tête. Le coup fut sévère, mais avant que le vase n’atteigne les tatamis, il tira son sabre et d’un mouvement vif, coupa la pièce de métal en deux. « Voici mon fils cadet, Jiro, dit le vieil homme, c’est le benjamin de la famille, il lui reste une longue route à parcourir. »

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Les mots, pas les maux. De la parole aux actes

Dans mes articles j’évoque souvent le combat contre la violence. Ce combat est légitime et indispensable. Dans le cas contraire je ne le mènerais pas, pareil si dans notre milieu certaines dérives n’existaient pas.

Il existe plusieurs formes de violence. La plus « spectaculaire » étant la violence physique. Mais n’oublions pas la violence verbale et la violence comportementale ou relationnelle, quand, par exemple, le mépris est la réponse à de légitimes demandes ou réclamations.

La violence physique s’identifie facilement, la violence comportementale est plus sournoise.

Quant à la violence verbale, qui est notre sujet du jour, dans certains réseaux sociaux il semble qu’elle soit parvenue à son apogée. En attestent les torrents de haine qui s’y déversent, juste avec les mots. Ce n’est pas fait pour éradiquer la violence physique, au contraire. Les mots et les formules ont une importance, les paroles engendrent les actes.  Les discours positifs, souvent, donnent des résultats positifs, le contraire est aussi vrai.

Donc, aujourd’hui intéressons-nous à l’expression verbale, dans notre domaine.

« Construire un système de défense » sera préférable à « s’entraîner à détruire ». Apprendre à ne pas se faire mal, sera mieux qu’apprendre à faire mal. S’élever plutôt que d’abaisser. Contrôler ou maîtriser un agresseur en se contrôlant ou en se maîtrisant est préférable à « l’exterminer ». Surtout dans la mesure où la riposte doit être proportionnelle à l’attaque, et que parfois au moment d’un verdict rendu par un tribunal, certaines nuances peuvent engendrer des surprises aux fâcheuses conséquences.

Sans négliger le respect de toute vie humaine. Répondre à la barbarie par la barbarie n’est pas la meilleure option sur un plan éducatif. « Eliminer » quelqu’un n’est pas sans conséquences sur bien des plans.

Quand on défend sa vie, ce discours peut s’apparenter à du « baratin », mais à l’entraînement on ne défend pas sa vie, par contre on apprend sérieusement à pouvoir le faire en cas de besoin.

Lorsqu’on enseigne des techniques de défense, les mots choisis ont autant d’importance que la démonstration, la parole prime sur le geste. La preuve, le professeur peut donner des explications sur une démonstration effectuée par deux élèves. Les mots choisis et le ton donné influencent forcément l’ambiance du cours et le comportement des élèves.

Quand la violence envahit le lieu d’entraînement, on ne la combat pas, on l’entretien, pire on l’augmente, on la sanctifie.

La plupart des professeurs  respectent un enseignement emprunt d’une sagesse chère aux arts martiaux traditionnels. Ce qui n’enlève rien à une pratique efficace, bien au contraire, leur richesse technique permet de répondre à diverses situations d’agressions, elle module les réponses en fonction de la gravité de l’agression. Cela demande du temps, de la patience, des efforts, cela en vaut la peine, c’est même indispensable !

La « sagesse verbale » est un des leviers pour renverser une tendance qui ne cesse de croitre.

En matière de lutte contre la violence, il y a deux remèdes : la sanction et l’éducation. Le professeur a pour mission d’éduquer. Techniquement, physiquement et mentalement.

Techniquement et physiquement, cela s’explique aisément. Mentalement, c’est parfois une autre histoire. C’est là que le choix des mots a son importance, pour insuffler consciemment et même inconsciemment, dans l’esprit des élèves des valeurs telles que le contrôle, la volonté, le courage, le goût de l’effort, la relativisation, l’esprit d’analyse, etc.

J’insiste souvent sur l’aspect éducatif qui incombe au professeur. Il est aussi un éducateur (c’est ce qui est marqué sur sa carte professionnelle) et pas un simple destructeur, parfois on pourrait en douter.

La meilleure victoire reste celle que l’on obtient sans combattre. Ce n’est pas de la lâcheté, mais de la sagesse, du bon sens, de l’intelligence tout simplement et ça, on peut l’apprendre avec les MOTS.

Bel été à toutes et à tous.

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L’incontournable salut

On continue avec l’éducation, en revenant sur le salut, cher à tout pratiquant d’arts martiaux qui se respecte (et qui respecte).

C’est avant tout un signe de politesse, une marque de respect, de considération et une tradition qu’il serait dommage de négliger et surtout de sacrifier. C’est aussi un moment de brève et d’intense concentration avant une démonstration, une répétition ou un combat, tout simplement au début et à la fin d’une séance. Un temps de courte réflexion.

Dans les arts martiaux japonais, le salut est emprunté aux coutumes du pays. C’était tout simplement dans le quotidien la façon de se dire bonjour.

Nous utilisons le salut principalement de deux façons. Debout ou à genoux. Logiquement, avant et après avoir effectué un travail debout, on salue debout ; il en est de même pour le travail au sol. Dans certains katas ce rite se pratique à genoux et debout pour d’autres.

Au début et à la fin d’un cours, face aux professeurs, il s’exécute en principe en position agenouillée, mais rien ne s’oppose à ce qu’il soit réalisé debout (surtout si le professeur a mal aux genoux). La position des élèves les plus hauts gradés est toujours sur la droite.

S’il est incontournable, il doit se faire en respectant une bonne attitude. Il ne doit pas être bâclé. Tout d’abord, les protagonistes adoptent une tenue correcte, même après un combat. On prend le temps de remettre sa tenue en bon ordre, on ne salue pas débraillé.

D’autre part, il ne s’agit aucunement de se satisfaire d’un vague mouvement de tête. On prend son temps pour incliner le buste vers l’avant, les mains glissant le long des cuisses en position debout, elles seront posées sur le sol dans la position agenouillée.

Entre élèves et après un travail ou un randori, il se suffit à lui-même. D’autres marques, ne sont pas indispensables, si sympathiques soient elles !

Il est de coutume également de pratiquer le salut en entrant dans le dojo. Il est vrai que cette tradition se perd, elle est remplacée par un seul salut, celui que l’on exécute avant de monter sur le tatami (et encore, pas toujours). Mais l’un n’empêche pas l’autre.

Cet article permet de rappeler que si certains rituels ne sont pas respectés dans nos disciplines à traditions, où le seront-ils ?

Encore une fois, c’est au professeur qu’incombe la responsabilité pour que tout se passe correctement dans son dojo : respect des traditions pour une bonne éducation, respect des consignes pour une pratique éducative et non pas destructive. Il n’est pas qu’un passeur de techniques, il est aussi un transmetteur de principes, de traditions et d’éducation globale !

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La tenue

« L’habit ne fait pas le moine », un peu quand même !

Au moins une fois par an j’évoque un vêtement qui me tient à cœur, celui qu’on appelle familièrement le kimono, bien que ce nom désigne plus spécifiquement une tenue  d’intérieur.

Dans les arts martiaux, il existe plusieurs appellations qui définissent ce que l’on revêt dans un dojo ; parmi les plus répandues on trouve le judogi, le karategi, le keikogi. Le « jujitsugi » est très peu évoqué. Pour les principaux arts martiaux japonais on peut le nommer tout simplement « dogi ». En Taekwondo, art martial coréen, c’est le dobok.

Quel que soit son nom, cette tenue est importante, elle ne doit pas être négligée ; j’y vois plusieurs raisons.

D’abord, chaque discipline sportive possède son « uniforme » ; il ne viendrait pas à l’idée d’un footballeur de se rendre sur un terrain de foot en judogi.

Ensuite, grâce à sa texture, cette tenue est pratique et hygiénique. Elle est résistante aux différents assauts qu’on lui fait subir. Elle est hygiénique, elle permet d’absorber les litres de sueur produits lors des entraînements.

Elle possède également comme vertu celle d’effacer toute distinction sociale. On ne frime pas vraiment dans un « gi ». Nous sommes tous égaux pour ces moments d’étude et de partage. Dans certains cas elle permet d’oublier quelques complexes physiques.

Enfin, dans le combat rapproché, notamment au sol, elle évite une proximité qui peut être parfois gênante et même rebutante pour certains et certaines.

Enfin sur le plan de la self défense, donc de l’efficacité, et à ceux qui affirment avec raison que dans la rue nous ne sommes pas en judogi, on peut répondre que dans la rue nous ne sommes pas non plus torse nu, ou très rarement et qu’un morceau de tissu peut remplacer celui du judogi pour appliquer certaines techniques. D’autres pouvant d’ailleurs se réaliser avec ou sans vêtement, quel qu’il soit.

Cette tenue, je la respecte au plus haut point ; n’est-elle pas mon principal « outil de travail » ? Elle est aussi devenue au fil des années ma « deuxième peau ». Parfois elle a même été mon « bleu de travail ».

Certains s’en affranchissent, c’est dommage, surtout dans des disciplines dites « à traditions ».

Lorsque je vois des entraînements (d’arts martiaux) se dérouler avec une multitude de tenues : short, t-shirt, survêtement, je ne peux m’empêcher d’être peiné. Je ne pense pas que cette réaction puisse être qualifiée de « vieux jeu ». Le respect et la tradition me paraissent indispensables. Sans respect, sous quelque forme que ce soit, il n’y a plus rien.

S’affranchir de toutes les traditions au nom d’une prétendue modernité ou même d’une soi-disant liberté pourra être sans limite. Si on ne respecte pas un symbole tel que la tenue, pourquoi pas, tant que nous y sommes, ignorer le salut, le bonjour et le merci et ainsi de suite, jusqu’à manquer de respect aux personnes.

Sans un minimum de rigueur et d’effort, il n’y a plus ni progrès, ni évolution, ni vie sociale digne de ce nom !

Que ne soit pas masqué un manque de rigueur et de respect à l’égard de notre histoire et de notre identité au nom d’une soi-disant modernité.

Au début des années 1970, à l’initiative de l’immense champion de judo néerlandais Anton Geesink, il y eut une tentative de kimonos de couleurs (de toutes les couleurs), qui n’a pas vraiment connu le succès. Ensuite, au début des années 1990, le kimono bleu est apparu lors des compétitions de judo, dans le but de faciliter la compréhension des combats. Dans le même esprit, j’ai moi-même opté pour cette couleur dans mes démonstrations et dans des ouvrages. Ça m’arrive encore pour des photos au sol, notamment.

Quelques professeurs l’utilisent à l’occasion de leurs cours, cela a été mon cas durant un temps, pour « aérer » mes ju-jitsugis de démonstration, à l’époque où j’en faisais. Une fois cette époque passée, je suis revenu à la pure tradition. Et puis un enseignant doit pouvoir se distinguer davantage par son savoir et son aura que par la couleur de sa tenue.

Dans cet article j’évoque les arts martiaux, mais d’autres sports de combats possèdent leur propre équipement (boxe, lutte, etc.), les pratiquants l’arborent fièrement.

Enfin, l’utilisation de la « tenue de ville » (adaptée) pourra être considérée comme un complément à l’étude de la self défense, dans des cours spécifiques. Ce pourra être aussi une approche et une étape avant de rejoindre le monde des budos. Alors : un peu de tenue !

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La « forme de corps »…

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Voilà une expression connue des pratiquants d’arts martiaux, lorsqu’il s’agit de projections et de travail au sol, bien qu’on puisse aussi trouver cette qualité dans les techniques de percussions. C’est la capacité à bien adapter son corps à toutes les situations d’initiative et de défense.

On dit d’un pratiquant qu’il a une bonne « forme de corps ». De quoi s’agit-il exactement ?  Est-ce un don du ciel, ou bien le fruit du travail ?

C’est déjà une belle appréciation. Cette bonne forme de corps permet, au moment de l’exécution d’une technique, de ne faire qu’un avec la technique en question, de l’épouser pleinement. C’est la parfaite adaptation du corps à la technique.

Pour posséder cette qualité, on peut être doté de quelques prédispositions, mais ce sont surtout les inlassables répétitions qui permettent d’obtenir un tel résultat. On doit « sculpter », «  modeler » son corps, un peu comme l’artiste travaille « la masse » pour produire une belle sculpture. (Toujours la valeur travail !)

D’ailleurs, à propos d’artistes, ceux qui pratiquent les arts martiaux n’en sont-ils pas ? Ne sommes-nous pas admiratifs devant la beauté d’un geste qui associe efficacité et esthétisme ?

Cette forme de corps rassemble plusieurs qualités : principalement la précision, la souplesse, la tonicité et la vitesse. Je ne parle pas de force physique, mais d’une utilisation optimale de l’énergie dont chacun est pourvu, tout en utilisant dans certains cas celle de l’adversaire. On est dans le principe du « maximum d’efficacité avec le minimum d’effort (physique) ».

Pour revenir aux prédispositions, il y a des morphologies plus adaptées à telle ou telle pratique martiale, il y a des personnes plus talentueuses, mais quelques soient ces prédispositions, il faudra les révéler, les renforcer et les conserver. Les révéler grâce au professeur, les renforcer et les conserver avec l’entraînement.

Cette forme de corps utilise nos armes naturelles dans un ensemble où sont réunis plusieurs éléments qui s’enchaînent, ou s’associent et s’imbriquent avec naturel, mais aussi avec un bon déplacement qui offre le bon placement : le bon geste au bon moment. Une bonne forme de corps, qui n’est pas utilisée au bon moment, ne sera pas utile.

Quoiqu’il en soit, c’est toujours et encore la volonté et le travail qui permettent de trouver et de renforcer cette qualité. Il faudra bénéficier d’un professeur qui offrira un bon apprentissage et les bonnes méthodes d’entraînement pour affûter et ciseler un ensemble qui conduira à une finesse technique, synonyme d’une indiscutable efficacité dans tous les domaines.

Pour acquérir cette « forme de corps », il faut d’abord le vouloir (le pouvoir presque tout le monde le peut, le vouloir c’est autre chose). On se doit d’être sans cesse à la recherche de l’amélioration, non pas de la perfection qui n’existe pas, mais tout simplement de l’élévation : aller plus haut !(Illustrations de l’article avec les figurines réalisées par Bernard Pariset (1929-2004) Champion de judo et sculpteur à ses temps perdus)

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