Triste obligation

J’ai pensé partager la lettre que j’ai adressée à mes élèves hier. Je n’ajouterai pas pour le moment de commentaires à cet envoi porteur d’une très mauvaise nouvelle. Je vous la livre telle qu’ils l’ont reçue.
Les annonces d’hier ne changent malheureusement rien !

Chers élèves, chers parents,

Comme nous pouvions nous y attendre, c’est une terrible nouvelle que je suis obligé de vous annoncer. Il ne s’agit pas d’une décision, mais bien d’une obligation.

Le virus m’a épargné, pour le moment et j’espère qu’il en sera ainsi dans l’avenir, pour nous tous. Mais il n’a pas épargné notre dojo.

Je suis contraint de remettre les clefs à la fin de cette semaine. Il n’est plus possible d’additionner  les impayés de loyer et de faire face aux autres dépenses, sans plus aucune recette, surtout pour une toute jeune entreprise. Le loyer est très élevé et la propriétaire ne peut s’en passer. En absence de décret gouvernemental  et de jurisprudence il est tout à fait impossible de prendre le risque de ne pas s’acquitter d’une somme que je ne pourrais vraisemblablement jamais rembourser.

Le Président de la République dans son allocution du 16 mars dernier, au cours de laquelle il nous annonçait un confinement aussi brutal qu’inattendu,  avait déclaré que personne ne resterait au bord du chemin, « quoiqu’il en coûte ». Je ne suis pas au bord du chemin, mais au fond du ravin et il m’en coûte.

Cette nouvelle est terrible et revêt une forme d’injustice.
Terrible  puisqu’elle va me priver de mon métier et d’une indispensable source de revenu (je suis comme tout le monde) .
Injuste, parce je ne pensais pas mériter une telle issue et me retrouver dans une situation inextricable.

C’est donc dans quelques jours que je remettrai les clefs du dojo. Ainsi s’achève une aventure tout juste entamée. Ce n’est pas faute d’y avoir mis de l’espoir, de l’énergie et de la sueur (et mes économies). Aujourd’hui, nous sommes le 28 mai 2020, il y a tout juste un an, le 27 mai 2019, je signais un bail commercial (le fameux 3.6.9) pour ce local qui allait devenir le dojo que vous connaissez et que vous aimez.

Comment en sommes nous arrivés là ? C’est assez simple et il ne fallait pas être un grand devin pour savoir que mettre un pays à l’arrêt ne serait pas sans conséquences, surtout pour les secteurs comme le notre qui n’ont toujours pas repris et pour lesquels ont ignore  la date de reprise, et surtout  les conditions qui risquent de l’accompagner. Bref, une date de reprise qui aurait du sens.

Pour moi, il ne s’agit pas d’une décision, mais d’une obligation. Renoncer s’impose à moi. S’il n’y a pas d’utilisation de la force de l’adversaire il y a au moins une esquive qui évitera d’être broyé davantage, si toutefois cela est possible.

En effet, depuis presque trois mois que le club est fermé, il n’y a plus d’inscription, plus de recette, donc plus de revenu. J’exerce en tant que travailleur indépendant, sans salaire et sans droit au chômage, bien sûr.

Le dojo est une entreprise privée, elle a des frais fixes incontournables, ceux-ci n’ont pas disparu avec cette  fermeture administrative.

Dans notre secteur d’activité, nous sommes plusieurs professionnels à réclamer, non pas le report des loyers, par exemple, mais leur annulation pure et simple. Repousser des dettes qu’il nous faudra régler par la suite, avec forcément un chiffre d’affaire en baisse, ce n’est tout simplement pas possible, tout comme emprunter à la banque, pour peu qu’elle accepte de prêter, ce qui n’est pas mon cas puisque je n’ai pas de bilan à présenter, le dojo est une toute jeune entreprise.

Donc, mis à part continuer à occuper un local vide,  tout en accumulant des loyers alors que nous avons zéro euro de recette, et bien c’est tout simplement inenvisageable.

Et puis, l’avenir est peut-être plus grave que le présent (si cela est possible). D’une part, nous ne connaissons pas la date d’une éventuelle reprise. Au plus tôt, il serait question du mois de septembre. Mais d’autre part, et c’est peut-être le plus important, nous ignorons  les conditions attachées à cette reprise ; le fameux « protocole sanitaire ». Si les gestes barrières et la distanciation sociale sont maintenus, il sera tout simplement impossible de pratiquer les arts martiaux. Je sais que certains parlent de judo sans partenaire ou bien avec des mannequins,  par exemple, d’autres de rugby sans ballon ; à quand la natation sans eau et l’équitation sans cheval ?

Enfin, quelle sera la réaction des élèves et futurs élèves ? Pouvoir ouvrir est une chose, avoir suffisamment d’inscriptions qui rendent  viable l’entreprise, en est une autre. Il y aura d’abord les prochains mois d’été  sans rien, puis une  reprise avec une inévitable baisse d’activité. Il n’est pas non plus difficile d’imaginer qu’au moment de la sortie de cette crise sanitaire, nous allons en affronter une autre, économique et sociale cette fois, et d’une grande brutalité. Elle ne  manquera pas de faire beaucoup de dégâts, auprès des petites entreprises en l’occurrence et par « effet domino » pour beaucoup de particuliers.

Il faut prendre en considération que si les mesures nous imposent un nombre limité d’élèves par cours, cela posera forcément un problème de rentabilité et s’il faut engager du personnel pour pouvoir désinfecter après chaque passage aux  sanitaires (si toutefois leur utilisation est autorisée), s’il est obligatoire de mettre en place une sorte de sens giratoire, un fléchage au sol, etc. vous imaginez qu’avec la configuration de notre petit dojo, tout cela restera impossible à réaliser ou à assumer tout seul.

Justement, parmi les projets, il y avait celui de m’attacher un collaborateur de façon à ce que le dojo puisse évoluer sans que tout ne repose pas sur mes épaules, ce qui était pour ainsi dire le cas la première année, mais il s’agissait alors d’un risque temporaire ne pouvant s’inscrire dans la durée. Or, comment embaucher avec toutes les incertitudes évoquées plus haut et par là même  envisager de continuer de s’enfoncer de façon plus profonde dans l’endettement ? Cela  relèverait de l’irresponsabilité et tout simplement d’une faute de gestion.

Par rapport à d’autres établissements également touchés, notre dojo a comme inconvénient, je le dis à nouveau  au risque de me répéter, d’être tout neuf, ou presque.

Je sais que vous devez tous être déçus. Vous m’envoyez régulièrement des messages de soutien dans lesquels vous me faites part de votre déception et de votre colère (non pas à mon égard, mais vis-à-vis des évènements) si cet établissement devait  disparaitre.  Ce lieu de culture et de partage qui « collait bien » avec le quartier. Je vous laisse imaginer quelles sont mes déceptions et mes colères face à ce qui représente pour moi, un véritable désastre, avec une certaine  impression d’iniquité devant l’épreuve et que parfois l’esprit d’entreprise n’est pas récompensé.

Comme je vous le disais précédemment, j’ai eu le temps d’envisager tous les scénarios et d’étudier toutes les solutions, hélas sans succès !

Je ne vous cache pas non plus mon épuisement physique et mental suite à ces chocs émotionnels bien compréhensibles, lorsque sont  attaqués votre métier et sa survie, à fortiori quand il s’agit d’une passion qui vous est chevillée au corps depuis des décennies.

Nous n’aurons même pas eu l’occasion de fêter le premier anniversaire de ce dojo, comme nous avions eu du mal à nous rassembler à la fin de l’année pour cause de « grande grève », ce qui me fait penser que cette saison  n’était vraiment pas la bonne  pour se lancer dans une telle aventure. Je sais que de tels propos sont stériles, mais l’amertume n’est pas bonne inspiratrice.

D’autre part, je n’ignore pas qu’il y a des abonnements en cours.  Mais je suis obligé de faire preuve de la plus grande franchise à votre égard ; cette fermeture totale imposée et ses conséquences m’empêchent complètement de pouvoir procéder à quelque remboursement que ce soit. Les plus anciens d’entre vous connaissent mes défauts, qui sont nombreux, mais je crois avoir prouvé tout au long de ma vie et de ma carrière que l’honnêteté est une qualité que je peux m’attribuer sans aucune prétention.

Beaucoup d’entre nous, à l’occasion de cette crise, doivent faire face à des cas de force majeure, à des situations qui ne sont pas de leur fait ; tout cela génère des problèmes inédits et souvent irrésolvables. Je fais donc appel à votre compréhension et à votre mansuétude.

Je reste bien évidement à votre disposition par tous les moyens  de communication.

Je ne doute pas que certains et même beaucoup d’entre vous connaissent, eux aussi des moments pénibles. A tous, je souhaite bon courage et j’espère que rapidement nous pourrons  retrouver une vie normale avec des jours meilleurs.

Il n’y a plus grand-chose à ajouter, si ce n’est que j’espère que nos chemins  puissent se croiser à nouveau ; il ne faut jamais dire jamais. Pour ce qui me concerne, c’est près de mes proches que je vais me réfugier durant quelques temps et où j’espère bien récupérer une parfaite santé et trouver les moyens de me ressourcer.

Chers élèves et chers parents, je vous adresse, l’assurance d’avoir fait preuve d’un total dévouement que ce soit dans la gestion du dojo depuis son ouverture, que face à l’épreuve qui nous a été imposée par le destin. Mais « à l’impossible nul n’est tenu ».

Je vous adresse mes salutations amicales les plus chaleureuses et je vous dis à bientôt « ici ou là » !

eric@pariset.net

R comme Randori, suite du dictionnaire

Pour la lettre R de mon dictionnaire, j’ai choisi le mot Randori. C’est donc un article plus technique qui est proposé. J’aurais pu choisir R comme Respect ou R comme Reconnaissance ou encore R comme Remerciements, mais les lignes auraient été empreintes d’une certaine « négativité » face à quelques réalités.

Restons dans la « positivité » et revenons à « notre Randori ».

En guise d’introduction je propose une définition glanée sur Internet et qui me semble être un parfait résumé : « Exercice libre orienté vers l’attaque. Le randori permet la rencontre de deux partenaires dans une confrontation dont la victoire ou la défaite n’est pas l’enjeu ».

Le randori est sans doute l’exercice le plus important pour progresser et le plus agréable à pratiquer à condition de le faire avec un partenaire habité par un état d’esprit identique.

Le randori existe dans la plupart des arts martiaux, qu’ils soient ou non à but compétitif. On peut traduire ce mot par « exercice libre ». Libre dans l’utilisation des techniques et leurs enchainements, dans l’adaptation aux situations. C’est à la fois un exercice de perfectionnement technique et d’amélioration de la condition physique mais c’est aussi un moment de vérité où l’on peut se tester dans une situation d’opposition, même si cette opposition est codifiée pour des raisons évidentes de sécurité, entre autres. Je le définirai comme un exercice d’opposition codifiée à thème.

Il est important pour trois raisons principales. D’abord il permet de progresser dans l’attaque et la défense, ensuite il participe à l’acquisition et au renforcement de la condition physique et enfin, s’il est fait dans un bon état d’esprit, on prend beaucoup de plaisir dans une opposition aux allures de jeux. On peut ainsi mesurer les progrès ; par exemple, le jour où il devient possible de projeter quelqu’un alors que cela ne l’était pas quelques temps avant.

En ju-jitsu, les trois principaux thèmes sont le randori d’atemi (les coups) le randori de projections et le randori au sol. Ils permettent de se perfectionner dans chacun de ces trois domaines en toute sécurité. A titre personnel, je suis contre un exercice d’opposition dans lequel tout est autorisé. A ceux qui ne partagent pas ce point de vue au motif que dans la réalité tout est permis, je réponds que la réalité c’est la réalité et que l’entraînement c’est l’entraînement. Dans ce dernier, les consignes d’efficacité et de sécurité sont indissociables. Une pratique constructive se fait en limitant les situations dans lesquelles les risques de blessures sont plus importants.

Dans ces affrontements qui sont essentiellement axés sur le renforcement du système d’attaque, il est évident que l’on travaille aussi la défense. Ne serait-ce que pour proposer à son partenaire une opposition correcte.

Je conclurai en soulignant que chacun des trois principaux secteurs évoqués (coups, projections et travail au sol) possède ses particularités dans le plaisir procuré. Pour le travail des projections, arriver à « faire tomber » quelqu’un à l’aide d’une belle réalisation ou un enchaînement ou encore l’application du fameux principe action-réaction est une joie que seuls ceux qui la connaissent peuvent en attester. Dans le travail au sol, l’affrontement est différent dans la mesure où, ne réclamant pas autant de vitesse d’exécution, il offre la possibilité de « fourbir » sa stratégie, de préparer plusieurs « coups » à l’avance, de prendre son temps dans l’action et dans la satisfaction. Enfin, et pour terminer, on peut établir un parallèle entre le randori « coups de poings et pieds » et une conversation. « L’assaut courtois », tel que l’on nommait cet exercice du temps de Charlemont, le fondateur de la boxe française, peut s’assimiler à une discussion au cours de laquelle les deux protagonistes éviteraient de parler en même temps, sans pour autant se priver de défendre leurs propres arguments en coupant la parole (poliment) s’il le faut, mais au cours de laquelle ne serait prononcé aucun « gros mot ».

Alors, lorsque les entraînements reprendront, n’oubliez pas les randoris.

Suite du dictionnaire avec la lettre Q comme Qualité.

La qualité, c’est ce que nous cherchons à améliorer chez nous, c’est ce que nous aimons trouver chez les autres et ce que nous sommes en droit d’attendre de la part des différents services qui peuplent notre quotidien. C’est aussi l’objectif à atteindre dans l’accomplissement d’un métier, pour ceux qui ont la chance d’assurer une profession que l’on peut qualifier de directement utile. Tout métier est utile, mais pour certains la reconnaissance est plus concrète. Dans le domaine de la médecine, dans celui de la recherche, dans le secteur de l’éducation et de l’enseignement (j’en oublie sans doute). Après, l’amélioration de la qualité de la vie passe par les loisirs, pour ceux qui ont la chance de pouvoir s’en offrir, et au travers desquels nous allons nous exprimer, nous détendre et faire des découvertes enrichissantes intellectuellement et artistiquement.

Lorsque l’on a la chance d’enseigner les arts martiaux, nous nous situons à la fois dans l’éducation et dans les loisirs. C’est aussi un métier à forte responsabilité puisqu’il s’agit d’inculquer des techniques de combat qui permettent dans des situations extrêmes « d’anéantir » un adversaire. Un haut niveau d’exigence doit être imposé, pour le moins. La conscience professionnelle, dont est pourvue la grande majorité des enseignants, impose une responsabilité, celle d’être irréprochable techniquement et pédagogiquement, mais aussi et surtout dans le comportement.

Dans mon « dico », l’évocation de cette lettre Q pour Qualité est l’occasion de mettre en avant celles qui me sont chères, qui m’apparaissent prioritaires. Les qualités vers lesquelles ont doit tendre. Pour chacune d’elles, j’ai choisi quelques mots afin de donner une définition personnelle très concise qui, à l’occasion d’un ouvrage plus étoffé, pourra être davantage développée. La politesse : pour bien commencer toute relation et vivre harmonieusement. L’honnêteté : afin de pouvoir évoluer en confiance. Le respect : indispensable pour le bien-être de la société. Cette qualité est en liaison directe avec la politesse. Le respect des personnes. Sans ce respect, il n’y a plus rien. La volonté : pour réaliser. Le courage : pour surmonter les obstacles qui ne manquent pas de se dresser devant nous au cours de l’existence, pour peu que l’on ait eu l’opportunité, le courage et les compétences pour entreprendre. La solidarité : pour une entraide indispensable dans certaines circonstances.La reconnaissance : pour ne pas oublier. La reconnaissance du ventre, mais aussi celle du cœur. La fidélité : aux personnes, aux principes et aux convictions. L’intelligence : c’est utile ! Enfin, je n’oublie pas l’honneur, la plus digne des qualités, surtout dans nos arts martiaux.

Certaines de ces qualités sont innées, elles se cultivent et s’entretiennent ; d’autres s’acquièrent grâce à l’éducation et à la motivation fournie par l’éducateur, le professeur, l’entraîneur. On en revient toujours à l’éducation, ce socle indispensable à toute société civilisée, pour que cette société puisse s’élever sans risque de s’effondrer tôt ou tard. Cet article n’est sans doute pas d’une grande originalité, certains penseront qu’il s’agit là d’évidences, j’assume et je revendique le droit d’enfoncer ce clou, parce qu’il apparait que certaines de ces évidences, sont loin, même très loin d’être mises en valeur et donc d’être appliquées. (Certaines de ces valeurs sont affichées sur les murs des dojos ; parfois juste affichées…)

« En creux » de chacune de ces qualités on trouve les défauts, ceux que j’exècre : l’impolitesse, la malhonnêteté, l’irrespect, la mollesse, la couardise, l’égoïsme, l’oubli, la lâcheté, la trahison (celle-là, pour l’avoir beaucoup subie, je la connais bien), la bêtise et le déshonneur. Un sacré inventaire contre lequel il ne faut pas cesser de lutter, pour cela il faut être doté d’optimisme : une qualité indispensable

La lettre M de mon dictionnaire…

Comme Thierry Lhermite, allias Popeye dans « Les Bronzés », l’explique si bien : « Mawashi-géri est un coup de pied circulaire, parce qu’il est…circulaire ». Voilà une pédagogie simplifiée ! Et puis : «  ça vient de très loin, du Japon ». Trêve de plaisanterie, sinon : « on me retire ma licence » ! Ce passage culte de la leçon de Karaté, du film qui ne l’est pas moins, nous apprend aussi qu’il est utile d’avoir une certaine souplesse pour pratiquer cet atemi et qu’un bon échauffement s’avère indispensable !

Plus sérieusement, revenons à mawashi-géri ce « coup de pied » qui en plus d’être efficace est esthétique. Il demande peut-être plus de travail et davantage d’habilité que d’autres atemis ; il a ma préférence, c’est pour cette raison que je lui réserve la lettre M de mon dictionnaire.

Une fois bien assimilé, son efficacité est incontestable, surtout lorsqu’il est utilisé dans des situations particulièrement adaptées : en décalé par rapport à la ligne des points vitaux, par exemple.

Ce « coup de pied » on le retrouve dans différents arts martiaux et disciplines de combat sous d’autres appellations, ne serait-ce que dans notre boxe française sous le nom de « fouetté ».

L’esthétisme qui émane de cette technique, correctement appliquée, est aussi une des raisons de mon choix. La beauté du geste (qu’elle soit physique ou mentale) ne me laisse jamais indifférent. Pour l’acquérir elle impose de la rigueur dans la recherche du moindre détail et dans les efforts à fournir. La satisfaction du travail accompli et les résultats seront la récompense. Il s’agit de la recherche du geste parfait dans lequel se conjuguent efficacité et esthétisme.

L’esthétisme que certains (dont je fais partie) apprécient, n’est certainement pas un gadget, comme indiqué plus haut ; il impose rigueur et travail, il différencie l’art martial de la simple méthode de défense. Les efforts que sa recherche impose seront autant de bienfaits pour l’efficacité. Sans cette quête « du beau », du geste parfait, je ne pense pas que j’aurais passé autant de temps sur les tatamis. A mon sens il s’agit d’une importante motivation qui vient s’ajouter aux autres : souplesse, approfondissement, recherche du détail, inlassables répétitions, etc. Autant d’éléments qui renforceront, de fait, l’efficacité. Et puis, à contrario (et n’en déplaisent à ceux qui critiquent cette recherche en arguant que seule l’efficacité compte et qu’il n’y a pas de temps à perdre en fioriture), ce n’est pas parce qu’une technique est esthétique qu’elle n’est pas efficace et à l’inverse (surtout lorsqu’elle est mal exécutée) ce n’est pas le manque d’esthétisme qui donne l’efficacité.

Enfin l’art martial ouvre d’autres horizons, d’autres perspectives, prioritairement en matière éducative ; comme j’aime l’affirmer, cette rigueur et ces règles imposées sur les tatamis pourront être transposées pour une vie sociétale harmonieuse.

Je précise à nouveau que le but de ce dictionnaire – que je me plais à réaliser – n’est pas de détailler les techniques élues, ou de faire une bio complète des personnalités choisies, mais d’expliquer pourquoi leur choix s’impose à moi ; ce qui m’a plu dans ces techniques et ces personnages et ce qu’ils m’ont apporté.

L comme Jean-Claude Leroy…un ami et bien plus !

Aujourd’hui je vous propose la suite de mon dictionnaire des arts martiaux avec la lettre L comme Jean-Claude Leroy.

A une époque où l’on efface encore plus vite que l’on encense, c’est faire preuve de la moindre des corrections que de ne pas oublier ceux qui vous ont marqué et aidé. C’est ce que je m’attache à faire avec mon dictionnaire personnel.

Aujourd’hui je vous parle d’un temps que beaucoup ne peuvent pas connaître. C’était en février 1973, le Service national existait encore et je venais d’être incorporé au Bataillon de Joinville qui, comme son nom ne l’indiquait pas, était basé à Fontainebleau. Ce régiment réunissait des judokas en âge d’effectuer leurs obligations militaires et qui possédaient les qualités requises pour accéder à ce prestigieux groupe. C’est là que j’ai fait la connaissance de Jean-Claude Leroy, un des judokas le plus talentueux que j’ai connu et qui n’a pas eu le palmarès qu’il aurait dû conquérir.

Il était devenu un ami, et peut-être même, parfois un grand frère. Il était mon aîné de deux années et dans beaucoup de domaines il bénéficiait d’une expérience plus importante que la mienne. Ceci étant, je le dis avec humour et sympathie, il n’était pas forcément utile de suivre tous ses conseils, mais il allait de l’avant ; le problème c’est que l’énergie dont il disposait n’était pas assez canalisée.

Ce n’est que mon avis, mais il aurait pu (et dû) devenir notre premier champion du Monde de judo dans les années 1970. Un uchi-mata à gauche dévastateur, un panel impressionnant de techniques autour de ce « spécial », une vitesse exceptionnelle, un sens du combat développé à l’extrême, et une classe folle. En France il a battu les meilleurs de sa catégorie (les « légers », les moins de 63 kilos de l’époque), mais jamais dans la compétition qu’il fallait. Alors que lui a-t-il manqué dans sa conquête du graal ? Peut-être tout simplement l’envie ! Il aimait sans doute trop de choses dans la vie pour se consacrer à une seule. Et puis la beauté du geste lui importait davantage que les reflets de la médaille. Il préférait perdre en ayant tenté de « jolies choses », que gagner « aux pénalités ». Je l’évoque au passé, puisqu’il nous a quittés bien trop tôt au milieu des années 1990.

Né d’une mère vietnamienne et d’un père français il avait un physique fait pour les arts martiaux, surtout au cœur des années 1970, en pleine « période Bruce Lee ». Et comme entre autres qualités il maitrisait parfaitement l’atemi-waza (le travail des coups) grâce à une souplesse naturelle et à son sens du combat déjà évoqué plus haut (sens du combat qui est transposable dans toutes les arts martiaux), il n’aurait pas manqué de briller dans les autres formes d’opposition.

Après avoir passé presque tout notre Service national ensemble, nous avons continué à nous fréquenter ; il habitait dans le Val d’Oise et appartenait à un très grand club : le J.C.V.B. (Judo-Club-Villiers-le Bel). Il est venu enseigner quelques temps au dojo de la rue des Martyrs et surtout il était avec moi au début de l’aventure de l’atémi-ju-jitsu, puisque nous avions été, lui et moi, les deux « acteurs » du premier livre – produit par la F.F.J.D.A. – qui proposait la progression par ceintures. Nous avions réalisé aussi quelques documents vidéo. Puis, comme cela lui arrivait souvent, il disparaissait. C’est sans lui que j’ai continué la croisade pour cette méthode de ju-jitsu.

Le rythme de nos rencontres s’est étiolé au fil des ans ; seul, ce que l’on appelait à l’époque le « Tournoi de Paris » (grand rendez-vous annuel du judo) permettait de nous retrouver en tant que spectateurs attentifs, jusqu’à ce que la maladie nous sépare définitivement. La lettre L de ce dictionnaire ne pouvait que lui être consacrée.

I comme Ippon Seoi Nage…retour du dictionnaire

Retour au dictionnaire et à un article plus technique, avec la lettre I comme Ippon Seoi Nage.

Mon but n’est pas de développer une étude approfondie, mais d’expliquer simplement les raisons de mon engouement pour cette projection qui est l’une des plus emblématiques du ju-jitsu et du judo. Elle est utilisée aussi bien en self-défense qu’en compétition. J’ai une affection particulière pour elle, et cela pour plusieurs raisons.

D’abord, c’est une des premières projections que l’on apprend, bien qu’elle ne se réalise pas aussi facilement que l’on puisse l’imaginer lorsque nous la regardons exécutée par un spécialiste. Mais, répondant à des principes naturels, si elle est bien expliquée, son apprentissage se fait assez rapidement ; elle offre une des premières satisfactions aux nouveaux étudiants. De plus, Tori (celui qui exécute), même s’il est encore balbutiant, ne rencontre pas de difficultés particulières pour bien retenir Uke (celui qui subit) dans la chute, ce qui est rassurant et sécurisant. L’aspect spectaculaire ne retire rien au plaisir de la réaliser ou de la voir bien exécutée.

Son principe de base consiste tout simplement à faire passer le partenaire « par-dessus nous », en se servant de son déséquilibre avant. Celui-ci étant obtenu de différentes manières, selon que l’on se situe en ju-jitsu ou en judo. Comme dans toutes les techniques il existe des variantes, elles sont fonction du gabarit, mais aussi de l’influence du professeur.

En ju-jitsu, elle est utilisée aussi bien sur des attaques venant de face, comme un coup « en marteau » en direction de la tête, que sur des saisies arrière, à la gorge ou au dessus des bras. En judo le nombre des opportunités, combinaisons, contres, liaisons debout-sol est colossal.

Ippon Seoi Nage, en règle générale, est pratiqué par des plus petits sur des plus grands, puisque passer sous le centre de gravité est la première des conditions. Bien exécutée, cette projection ne demande pas d’efforts physiques particuliers, ce qui par ailleurs doit être la condition de toutes les techniques, puisqu’à l’origine la non-opposition, l’utilisation de la force de l’adversaire et l’utilisation la plus rationnelle de notre propre énergie, sont les fondements du ju-jitsu. On pourrait facilement prendre Ippon Seoi Nage comme modèle pour expliquer des principes parfois négligés et même oubliés.

Enfin, si j’apprécie particulièrement cette technique c’est aussi parce qu’elle était l’un des redoutables « spéciaux » de mon père qui, lors de ses exploits sportifs, a « terrassé » plus d’un « grand » grâce à elle. Par atavisme, mimétisme et avec un excellent apprentissage, elle est devenue l’une de mes projections favorites.

eric@pariset.net       www.jujitsuericpariset.com

Déception et des questions

A défaut de pouvoir cueillir quelques brins de muguet le 1er mai nous pensions pouvoir bénéficier « d’un brin de liberté » le 11 mai ! Ce sera un maigre brin !

Pour certains départements classés «rouges», c’est pratiquement le même confinement qui sévira, avec les dommages que nous endurons depuis deux mois. Est-ce un test sur nos capacités de résistance ? Elles ont forcément des limites, nous ne sommes pas des machines. Surtout quand les conditions de confinement ne sont pas les meilleures (appartement, solitude, etc.). Pour Paris, par exemple, ça se limitera donc très souvent à… Paris (avec les parcs sans doute toujours condamnés)  !

Et puis il y a cette menace de continuer et/ou de reprendre la privation de circuler librement.

Comme nous pouvions nous y attendre, nous n’avons donc pas beaucoup progressé et certaines mesures ont des allures d’usines à gaz, comme seuls des technocrates déshumanisés et éloignés du terrain savent nous en imposer. Les mesures attachées à l’école, par exemple. Quant aux transports en commun ça se passe de commentaires.

Certes il nous faut  combattre un redoutable adversaire et il n’est sans doute pas utile (pour le moment) de revenir sur les moyens préventifs qui auraient du être mis en place et dont les carences nous distinguent de beaucoup de nos voisins européens. Et puis il faut espérer que le fait de continuer à limiter certains rassemblements ne cache pas d’autres intentions.

Dans tous les cas les combats que nous devrons mener dans les semaines et les mois à venir ne sont pas moins redoutables. les premières conséquences de l’arrêt de l’activité sont apparues, elles sont effrayantes sur le plan social et sur l’accentuation de la misère, tout cela engendrera une crise sanitaire sans précédent.

Pour ce qui concerne le sport et les arts martiaux, le secteur qui nous concerne, rien de nouveau, toujours cette incertitude lancinante et malfaisante.

Avant-hier j’évoquais le problème d’une dé-fidélisation possible dans nos disciplines, certains me faisaient remarquer que les vrais fidèles seront toujours présents au moment de la reprise, mais cela suffira-t-il pout faire vivre les structures ? Le vrai problème, si les clubs ne peuvent pas ouvrir, c’est qu’ils ne bénéficieront pas de nouvelles vocations, par la force des choses. Et même si une ouverture se profilait, les conditions qui l’accompagneront s’annoncent aussi draconiennes que dissuasives. Or, on sait qu’il en est des clubs comme d’une population, s’il n’y a pas de nouveaux, il y a forcément extinction.

Il faut savoir que les statistiques des fédérations font état d’environ 50% d’abandons à chaque nouvelle saison ; et cela en temps de normal. On peut facilement envisager les dégâts dans la période trouble que nous traversons.

Au moment où l’on nous donnera une date de réouverture, il nous faudra un grand pouvoir de persuasion pour convaincre de futurs samouraïs ! Nous n’en sommes pas démunis, en espérant qu’il ne sera pas trop tard !

Les principales victimes de ce déconfinement sont : la culture, le sport et les lieux de convivialités. La conjugaison de leur fermeture est inédite, à ma connaissance ! Souhaitons qu’elle soit la moins longue possible !

(L’illustration est l’œuvre d’Utagawa Toyokuni)

Geesink, un géant avec un grand G

Geesink, un géant avec un grand G

Aujourd’hui, mon dictionnaire s’attaque à un monument du judo. La lettre G ne pouvait être consacrée qu’à Anton Geesink. Pour moi, il représente un géant en 3 G. Géant par sa taille, par sa carrière et pour l’enfant que j’étais.

Un géant par sa taille d’abord. Un mètre quatre vingt dix huit ! Assez banal pour un néerlandais, mais pas pour l’enfant que j’étais la première fois que je l’ai vu !  Ce ne sont pas uniquement des prédispositions naturelles qui lui ont donné ce corps d’athlète hors-normes, mais aussi un travail de Titan, une appellation qui lui sied très bien, par ailleurs. C’est aussi le résultat de séances d’entraînement monstrueuses sur les tatamis, mais également en extérieur avec une musculation faite à l’aide d’éléments naturels, comme avec les troncs d’arbres du Massif des Maures en été, quand il venait au camp du Golf Bleu. Un gabarit de poids lourds, mais avec la rapidité d’un poids léger et tout en haut de ce corps une volonté de fer.

Un géant par son œuvre. Une carrière phénoménale ; il a eu tous les titres, dont le plus prestigieux : champion olympique à Tokyo en 1964 en clouant au tapis le japonais Kaminaga. Ce jour là, c’est toute une nation qu’il a fait pleurer. Il a bien sûr été champion du Monde, en signant un autre exploit lors de la troisième édition de ces « mondiaux » à Paris en 1961 en battant à la suite, les trois meilleurs poids lourds japonais du moment ; en ¼ de finale, ½ finale et finale. Il s’agissait de Kaminaga (déjà), Koga et Sone. Par ippon, s’il vous plait. Il possédait toutes les qualités requises : une parfaite technique debout et au sol, une rapidité exceptionnelle, une puissance surnaturelle et une volonté indestructible.

Enfin, un géant pour l’enfant que j’étais. La première fois que j’ai vu Anton Geesink, j’avais quatre ans et c’était au Camp du Golf bleu à Beauvallon-sur-mer, en face de Saint-Tropez. Chaque été, dans les années 1950, 1960 et jusqu’en 1990, les meilleurs judokas mondiaux s’y rassemblaient. Mon père avec Henri Courtine et Anton Geesink assuraient l’encadrement au tout début de l’aventure de ce club qui alliait «vacances et judo ». Ceux qui l’ont fréquenté, ne serait-ce qu’une seule fois, ne peuvent l’oublier. Donc, nous passions presque les trois mois d’été dans le Var et c’est là que pour la première fois j’ai approché Anton Geesink. L’enfant de quatre ans que j’étais n’avait aucune idée de ce que représentait un palmarès de judoka, par contre ce géant l’impressionnait, par sa taille bien sûr, mais aussi par sa musculature, par un visage volontaire, un timbre de voix très grave, bref, il était fascinant . Comme beaucoup de néerlandais il parlait plusieurs langues dont un français presque parfait, avec cet accent et cette voix qui raisonnent encore dans ma tête aujourd’hui.

Et puis, entre lui et mon père, il y avait toute une histoire sur laquelle je ne manquerai pas de revenir plus tard. On peut juste dire que les deux hommes – adversaires sur les tatamis – s’appréciaient et se respectaient au-delà de l’imaginable. En 2000, dans un entretien publié dans le journal l’Equipe, Geesink déclarait que, hors japon, l’adversaire qu’il redoutait le plus s’appelait Bernard Pariset. Autre hommage que je n’oublierai jamais, en janvier 2005 il avait tenu à être présent lors de la cérémonie organisée par la fédération française de judo pour rendre hommage à mon père, disparu tragiquement quelques semaines avant. Il avait pris la parole pour lui rendre un vibrant hommage, avec gravité, émotion, mais aussi avec humour. Un humour particulier qui me plaisait énormément.

Lors d’une suite à cet article consacré à ce géant, je reviendrai sur des impressions, des sentiments et des anecdotes plus personnelles.

Anton Geesink était né en 1935 à Utrecht, une rue porte son nom dans cette ville, il nous a quittés en 2010.

eric@pariset.net

B comme Bercy…

En ce moment, nous sommes beaucoup à « bénéficier » d’un peu de temps libre ; voilà de quoi l’occuper avec la lettre B de mon dictionnaire des arts martiaux que je me permets de vous proposer à nouveau depuis lundi dernier.

Donc, j’ai choisi B comme Bercy. Je n’ignore pas que cette salle, inaugurée en 1984, a troqué son appellation – « qui sentait bon un quartier populaire de la capitale » – pour une autre largement plus commerciale. En vérité son nom originel était « le Palais-Omnisport de Paris-Bercy », le POBP.

Dans cette salle, à la capacité d’accueil de 14 000 spectateurs, se déroule tous les ans le « festival des arts martiaux » organisé par le magazine Karaté-Bushido. C’est en 1986 qu’à eu lieu la première édition du plus grand rendez-vous mondial en la matière.

En 35 éditions  tous les arts martiaux ont été présentés, les meilleurs experts et champions ont foulé le tatami de cette salle qui devient, le temps d’une soirée, le plus grand dojo du Monde.

Cet endroit a sa place dans mon dictionnaire parce qu’il revêt un caractère particulier ; il a fait partie des grands moments de ma carrière, il a contribué à affirmer ma notoriété.  J’ai eu la chance et l’honneur d’y démontrer le ju-jitsu à douze reprises.

Mes « années-Bercy » qui vont de 1986 à 2005 (ma dernière participation), m’ont permis de rassembler de nombreux souvenirs que je qualifierai d’excellents.

Pour être prêt le jour J, la préparation commence bien avant la date de l’évènement. Il y a d’abord les heures de répétitions sur plusieurs semaines, après avoir travaillé longuement sur la conception de la démonstration.  Il faut à chaque fois faire preuve d’originalité tout en présentant un ju-jitsu efficace et spectaculaire. Le stress  monte en puissance au fur et à mesure que la date approche ; il y a la hantise qu’un problème surgisse, une blessure par exemple, ce qui est arrivé en 1998 avec un ménisque du genou en manque de coopération. Enfin arrive le grand jour, avec cette fois un hyper-stress dans les heures qui précédent. Lorsque l’on est derrière le rideau juste avant d’entrer dans l’arène, la tension est à son comble.

Les deux moments vraiment très forts sont « pendant et juste après ». Chacun a ses propres réactions face à ce que l’on peut considérer comme une confrontation. J’ai toujours été surpris qu’une fois monté sur le tatami le stress s’évapore comme par miracle, et heureusement. L’inquiétude que l’on ressent juste avant n’est pas uniquement due à la peur de ne pas bien faire, mais que surgisse un souci quelconque, qu’un grain de sable vienne enrayer la machine ; un trou de mémoire, une blessure ou bien encore un problème avec la musique. J’évoque ces exemples pour la bonne raison que ce sont trois cas de figures auxquels j’ai été confronté. Dans la version longue  de ce dictionnaire je ne manquerai pas de les expliquer dans le détail.

Une fois la démonstration exécutée, il y a cette incroyable sensation de soulagement. Si le spectacle a remporté le succès escompté et que l’on sort sous les applaudissements, une incroyable sensation de soulagement nous envahit, celle du contrat rempli, du métier bien fait. S’ensuivent des moments de douce béatitude. La tension retombe.

Lorsque la prestation s’effectue en première partie du spectacle, après une douche salvatrice et réparatrice, on rejoint le hall et si, comme ce fût le cas à plusieurs reprises, le club dispose d’un stand, on ne boude pas le plaisir procuré par la séance d’autographes. C’est là aussi un grand moment.

Quant aux souvenirs qui restent des démonstrations auxquelles j’ai pu assister, je n’évoquerai que les bons. Si globalement le spectacle a toujours été de qualité, sur plus de trente ans on ne peut éviter quelques ratés et mauvais excès. Heureusement la mémoire est sélective et l’on ne retient souvent que le meilleur. Parmi ce « meilleur » il y a eu 1989. J’ai l’impression que cette année a marqué un tournant. D’une suite de démonstrations d’arts martiaux très épurées lors des premières éditions, on passait à un réel spectacle, tout en conservant un esprit martial. C’est à cette occasion que la France découvrait le québécois Jean Frenette,  époustouflant dans un superbe kata artistique. Tout au long de ces années, je me souviens aussi des prestations toujours impeccables de Christian Tissier en aïkido, des moines de Shaolin, des karatékas d’Okinawa, de Sylvain Guintard marchant sur les braises, de Dominique Valéra toujours très convaincant, etc. Je n’oublie pas non plus les interventions, disons « originales » de Jean-Claude Van Damme. J’ai aussi une pensée pour la Canne française, un art bien de chez nous, démontré à plusieurs reprises et de belle manière par Fred Morin et son équipe.

Concernant le jugement que je porte sur mes propres prestations, l’édition 1995 a ma préférence sur le plan technique ; du point de vue du spectacle, c’est l’année 2000 que je place en tête ; on m’avait confié la charge de proposer en quelques tableaux la fameuse « Légende du Grand Judo », qui avait en son temps fait l’objet d’un très beau film relatant une période de la vie de Jigoro Kano durant laquelle, s’inspirant de différents styles de ju-jitsu, il  crée sa propre Ecole qu’il appelle JUDO. Il ignorait sans doute qu’à notre époque le sport prendrait l’ascendant sur la méthode d’éducation physique et mentale qu’il préconisait, mais c’est une autre histoire.

Aujourd’hui, pour retrouver ces passages à Bercy, il reste les vidéos qui permettent de les revivre, sans aucune nostalgie. Ils font partie des grands moments de ma carrière. J’ai participé à de nombreux galas en France et à l’étranger, mais aucun endroit ne procure de telles sensations, que ce soit le trac avant, la pression pendant et l’immense satisfaction juste après.

eric@pariset.net   www.jujitsuericpariset.com

 

 

 

Vendredi, samedi et dimanche…

Vendredi 27 mars
Durant ces journées de privation, en plus de mes articles sur le blog et sur Facebook, j’ai pensé revenir sur les temps forts du dojo et les particularités de chaque jour de la semaine. Commençons donc par cette journée qui débute. Le vendredi, le dojo proposait (et proposera à nouveau dés que possible) trois séances. Le cours marquant de la soirée était (et redeviendra) la séance de 19 h 00, avec les fameux « vendredis à thème ». Le concept est relativement simple, il s’agit de proposer et de travailler sur un thème précis durant l’intégralité de la séance. Le ju-jitsu ne risque pas la pénurie en matière de techniques et de domaines à développer. Que ce soit un kata traditionnel, un enchaînement plus moderne, un secteur, une technique particulière, des méthodes d’entraînement, il n’est pas difficile de remplir  l’agenda dès vendredis sur une saison complète. Cette séance a toujours connu un joli succès. S’immerger totalement dans un domaine, le découvrir, le décortiquer, l’approfondir, le perfectionner, tout cela ne laisse pas indifférent ceux qui sont passionnés par notre art. C’est aussi un plaisir partagé entre élèves et enseignant. Les premiers adhèrent à ce concept et le second apprécie que son enseignement recueille une attention encore plus importante. Je n’ai jamais vraiment pu deviner si c’était les vendredis à thèmes qui attiraient les plus motivés des élèves ou si c’était les vendredis à thème qui motivaient les élèves. Si vous comprenez le sens de cette dernière phrase, c’est peut-être que je me suis mal exprimé (un peu d’humour avec une phrase qui n’est pas de moi, mais d’un personnage bien plus célèbre : Alan Greenspan).
Vivement le premier vendredi à thème d’une longue série.

Samedi 28 mars
Depuis hier, j’évoque les particularités et les temps forts du dojo au fil des journées d’une semaine. J’avais commencé mon « tour de la semaine » par  le vendredi, tout naturellement, c’est du samedi dont il est question aujourd’hui.
Dans beaucoup de dojos le samedi est une journée particulièrement active. Le week-end est propice aux loisirs, l’activité physique les arts martiaux en font partie.
Pour sa première année d’existence notre nouveau dojo propose trois séances bien différentes.
Une première réservée aux « tout petits samouraïs ». Un éveil aux arts martiaux avec une pédagogie et un contenu technique très adaptés. L’objectif principal est de développer des qualités de motricité, de vie en groupe, le tout dans une ambiance où l’aspect ludique n’est jamais absent. Avant et après la séance, la disponibilité due au week-end permet  d’intéressants échanges avec les parents.
Le deuxième cours s’adresse aux adultes ; un cours sans thème particulier. Une pratique matinale en dehors du stress de la semaine, ce qui lui confère une ambiance plus détendue  et une attention plus importante.
Le troisième et dernier cours de cette journée se déroule en après-midi avec une séance en tenue de ville. J’avais déjà fait l’expérience, il y a fort longtemps, c’était au dojo de la Rue des Martyrs à la fin des années 1970. Pour des raisons d’organisation je n’avais malheureusement pas pu donner suite à cette séance qui se déroulait le dimanche matin. Cette forme de travail permet de satisfaire des personnes intéressées essentiellement par l’aspect pratique et qui ne souhaitent pas forcément s’engager plus en avant dans un art martial. Cela pourra être aussi une étape pour revêtir un jour le « dogi ». Pour ceux qui sont déjà pratiquants, cette séance est considérée comme un bon complément à une pratique traditionnelle.
Voilà, vivement que l’on puisse retrouver cette ambiance si particulière et si agréable des fins de semaine.

Dimanche 29 mars
Les portes du dojo étant fermées, j’ai décidé de le faire vivre en évoquant les temps forts de chaque journée de la semaine. J’ai commencé avant-hier avec la journée de vendredi, aujourd’hui c’est donc du dimanche dont il est question.
Au dojo le dimanche, il n’y a pas de cours d’inscrit au planning. Repos, ou stage mensuel.
Par contre, bien souvent, j’ai le plaisir d’animer des rassemblements à l’extérieur, en province ou bien à l’étranger.
Avec les photos (à retrouver sur Facebook) qui accompagnent cet article, ce sont quelques souvenirs de la saison en cours qui sont rassemblés. Ces stages sont des grands moments de partage, de rencontres et de communion. On s’y prépare, on les vit et on s’en souvient.
Depuis le mois de septembre, en plus des stages mensuels au dojo parisien, je me suis rendu en Bourgogne à Saint-Julien-du-Sault et par deux fois aux Pays-Bas. Je n’oublie pas le stage organisé au « Carreau du Temple » en février. À chaque fois, ju-jitsu et convivialité étaient au rendez-vous !
Alors, vivement que nous puissions reprendre une activité normale et notamment nos stages parisiens du dimanche matin.

eric@pariset.net