La nostalgie

La nostalgie des années 1960 et 1970,  les années de mes débuts (même un peu avant).

Jusqu’à la fin des années 1970, le Judo, le Karaté et l’Aïkido se partageaient les tatamis. Je n’oublie pas la Boxe française, notre art martial à la française.

Ces quatre disciplines je les ai pratiquées. A partir de 1970, d’autres entrent dans le paysage, comme le Taekwondo et le Kung-fu avec la trop courte carrière de Bruce Lee.

Si j’évoque la nostalgie, c’est que nous n’étions pas tout à fait dans le même monde. C’était « le bon vieux temps des arts martiaux ». Il y avait l’attrait de disciplines entourées d’un certain mystère. Elles étaient considérées comme des « Écoles » de la maîtrise, du contrôle, de la sagesse et du combat contre la force brutale. Des « Ecoles de vie ».  Elles possédaient une « philosophie ».

J’ai la nostalgie de tatamis foulés par des pratiquants assidus, à la recherche du détail et de la finesse qui permettaient de réaliser une technique avec le moins de force possible, avec laquelle le plus faible pouvait maîtriser le plus fort, il y avait quelque chose en plus ; quand la science rencontrait la magie.

Ça n’empêchait pas un investissement physique important et les litres de sueur « d’embaumer » les judogis.

Le « c’était mieux avant » est parfois agaçant. Sans tomber dans cette systématisation des regrets, il faut admettre que certaines évolutions n’en sont pas, tout dépend du point de vue dans lequel on se place.

J’ai souvent évoqué le respect qui semble s’amenuiser, que ce soit envers les traditions, les lieux de pratique, les tenues et tout simplement envers les personnes. En l’occurrence le professeur. Le respect de l’autorité, tout simplement.

Je ne pense pas que ce soit ringard ni désuet d’insister sur la nécessité et sur l’importance de ces règles. L’actualité nous le confirme chaque jour.

D’autant que nous pratiquons des disciplines d’affrontement, si elles ne sont pas encadrées avec rigueur, elles peuvent basculer dans des pratiques dangereuses, mentalement et physiquement.

Dangereuses mentalement avec la banalisation et même l’augmentation de la violence. Dans certains cours suintent la brutalité et parfois l’acharnement, alors que nous sommes « mandatés », nous professeurs, pour combattre la violence. La violence se combat aussi par l’exemple.

A force de n’insister que sur une (éventuelle) efficacité immédiate, on passe à côté de toute la richesse et la sagesse de nos disciplines, en matière d’éducation, mais aussi d’efficacité, avec l’apprentissage d’une grande variété de techniques qui permettent, justement, de s’adapter à toutes les formes d’attaques.

C’est un poncif que d’affirmer qu’on ne combat pas la violence par la violence, et pourtant cela semble être malheureusement oublié, parfois.

Dangereuse physiquement parce qu’une pratique brutale génère des blessures qui, par définition, limitent les entraînements et laissent d’irréversibles séquelles. Sans parler des découragements et des abandons. Et puis, on est davantage là pour apprendre à ne pas se faire mal, que pour se faire mal. Voilà une nuance qui doit faire réfléchir !

Si ne sont proposés que des pratiques brutales, ne seront formés et fidélisés que des brutes. De toutes les façons, la brutalité n’est pas une garantie d’efficacité.

Il est vrai que le dojo et la rue ce n’est pas la même chose ; et c’est tant mieux. Dans la rue ça finit toujours mal, pour une des deux parties et même pour les deux. L’une peut se retrouver à l’hôpital, l’autre au poste de police, ou bien les deux au même endroit.

L’autre aspect qui affecte les disciplines de combat se trouve dans le « tout compétition ». D’abord il y a celles où il n’est tout simplement pas possible de les instaurer, sauf à les dénaturer et à leur retirer une grande part de leur substance. Je ne suis pas contre la compétition, loin de là, mais il ne faut pas oublier qu’elle n’est qu’un passage. Si on a tout misé dessus, lorsqu’arrive l’âge où il n’est plus possible d’y participer, on assiste à des abandons, alors qu’il y a encore tant de choses à découvrir et à partager.

Pour finir et revenir au combat contre la violence, il y a deux principaux remèdes : la sanction et l’éducation. La semaine dernière sur ma page j’avais mis cette citation : « Éduquez les enfants et il ne sera pas nécessaire de punir les hommes » Pythagore. Rien à ajouter.

Ce tableau un peu sombre ne m’empêche pas – bien au contraire – d’être toujours animé par une  indestructible passion dans l’enseignement que je dispense. Je sais aussi que d’autres professeurs adhérent à mes propos et à mon état d’esprit, c’est encourageant.

(La photo d’illustration représente le mythique dojo parisien de la rue des Martyrs à la fin des années 1950.)

www.jujitsuericpariset.com

Critères

Screenshot

Je reviens sur les critères qui me semblent incontournables dans la pratique et l’enseignement d’un art martial. Ils guident mon action professionnelle et mon engagement.

Curieusement le hasard les fait commencer par la même lettre. C’est donc quelques E que je propose. J’ai déjà évoqué le sujet, je me plais à le faire de nouveau. J’y attache une attention particulière.

Efficacité. Bien sûr, surtout quand il s’agit de self défense. Avec le ju-jitsu traditionnel nous couvrons toutes les situations avec un ensemble de ripostes graduées.

Education. Elle est incontournable, surtout lorsqu’on est détenteur d’une carte professionnelle sur laquelle est mentionné « Educateur sportif ». Pour le bien du corps et de l’esprit. À une époque où la violence s’invite quotidiennement le rôle des éducateurs sportifs est déterminant. On peut combattre sans que suinte la violence.

Épanouissement. Intimement lié au précédent critère. Cet épanouissement physique et mental qui permet d’être « bien dans son corps, bien dans sa tête ». Unr formule qui n’est pas démodée, au contraire. Dans ce monde de plus en plus « spécial », elle est un remède dont il serait dommage de s’émanciper.

Expression corporelle. Avec ces moments durant lesquels nous nous exprimons et qui nous apportent satisfaction et qui renforcent l’estime et la confiance personnelles. Autant d’éléments qui permettent d’avancer positivement dans la vie. Ce goût de l’effort souvent récompensé et qui, dans le cas contraire, efface tout regret et remord.

Effort. Sans eux, sur le long terme, aucun résultat ne sera possible. L’effort physique qui améliore le corps, l’effort mental qui renforce l’esprit.

Esthétisme. Pour certains, il est superflu. J’ai déjà écrit que lorsqu’on sauve sa vie ou celle d’une tiers personne, il n’est pas d’actualité, mais à l’entraînement, il ne gâche rien. Il demande des efforts toujours récompensés. « La recherche du beau »  finalise un accomplissement personnel.  Elle est le résultat de l’alchimie de plusieurs éléments. Aucun d’eux ne doivent être négligés.

Voilà quelques réflexions pour une pratique qui fait partie d’un mode de vie. Les arts martiaux ne sont-ils pas « des Écoles de vie » ?

www.jujitsuericpariset.com

À chacun son rôle et sa responsabilité

La lutte contre la violence est un vaste programme, un immense chantier, mais chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. Il y a la punition, mais pour ce qui nous concerne, il y a avant tout l’éducation. C’est une mission ambitieuse, à laquelle le pire serait de renoncer ou même de l’escamoter.

Dans les organismes qui gèrent un sport, que ce soit une fédération ou une association de base, à tous les niveaux chacun possède sa part de responsabilité dans cette lutte.

Elle commence par le respect des règles élémentaires. Justement le respect des professeurs par les élèves, des élèves par le professeur, mais aussi des lieux et des us et coutumes attachés au dojo.

Le professeur est en première ligne, c’est lui qui dispense l’enseignement. Un enseignement qui ne se limite pas à la diffusion de techniques, mais aussi à l’éducation dans sa globalité. Il a la responsabilité d’un tatami sur lequel tout comportement violent doit être banni. Progresser dans la réalisation du geste parfait, mais aussi dans la maîtrise et le contrôle des actions et des réactions. N’est-il pas ÉDUCATEUR sportif, comme indiqué sur sa carte professionnelle ?

Dans les disciplines où sont pratiquées les compétitions, l’entraîneur – qui a un rôle différents de celui du professeur, (dans beaucoup de club c’est la même personne, avec une « casquette » différente) – s’attache à faire respecter le fair-play qui doit animer les combattants, il doit être intransigeant en transmettant le goût de la victoire dans le respect des règles et de l’adversaire. Il doit aussi apprendre à gérer la défaite, en la dédramatisant et en respectant les décisions de l’arbitre. Apprendre à gagner avec humilité et à perdre sans dramatiser.

Quant à l’élève, il accepte les remarques du professeur, respecte les règles du dojo, si un problème se pose il demande un entretien avec le professeur pour lui faire part d’un possible ressentiment.

Enfin le dirigeant est un peu le chef d’orchestre qui doit s’assurer qu’à tous les échelons les valeurs qui symbolisent les arts martiaux (avec compétitions ou pas) sont respectées.

Il existe bien sûr des différences entre un modeste dojo où est pratiqué un art martial sans compétition et une grosse «écurie», mais chacun doit endosser et assumer son rôle et lutter contre ce fléau.

Alors, au cœur de l’été, ce court rappel n’est peut-être pas inutile de façon à bien préparer la rentrée et être ainsi utile à la société toute entière.

Bel été à tous.

www.jujitsuericpariset.com