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Aujourd’hui  je « fête » deux anniversaires qui en termes de souvenirs sont aux antipodes, bien qu’intimement liés.

Il y a deux ans, jour pour jour, je signais le bail du local de la Rue Victor Chevreuil à Paris, pour y ouvrir un nouveau dojo. Après une période passée en province et un indispensable repos, j’avais décidé de « remonter » à Paris afin de repartir au combat. Certes,  à un âge qui correspond davantage à celui de la retraite, mais il y a des métiers où il est difficile de s’y résoudre. Dans ce nouveau dojo j’avais mis beaucoup d’espoirs et d’énergie. Même si dans chaque entreprise privée il y a toujours une part de risques, ceux-là étaient calculés, je ne partais pas dans l’inconnu. C’était sans compter avec un évènement planétaire que personne n’avait pu deviner : ce que nous allions vivre était inédit.

Un an après, il y a donc précisément douze mois, le virus balayait tous les espoirs, l’énergie et les économies mises dans cette nouvelle entreprise. Un dojo privé, s’il offre une grande liberté d’entreprendre, implique des frais de fonctionnement importants, ne serait-ce qu’avec le loyer (surtout dans la capitale). Le dojo étant trop jeune pour avoir eu le temps de constituer un « trésor de guerre » et pour profiter des quelques aides allouées, face à une propriétaire intraitable, la rupture du bail s’est imposée.

Je ne suis pas un cas isolé, beaucoup d’entreprises (les plus jeunes et les plus modestes) ont mis « la clé sous le porte » (une expression qui n’avait jamais été autant prononcée). D’ailleurs l’euphorie de ces derniers jours, grâce au retour à une « vie presque normale » ne doit pas nous faire oublier ceux qui sont restés sur le « bord du chemin ». Surtout que, sans jouer les oiseaux de mauvaise augure, ce n’est sans doute pas fini, bien malheureusement.

Maintenant, il est inutile de ressasser le passé, il faut regarder devant. A titre personnel, n’ayant plus d’outil de travail, ce ne sera évidemment pas simple.  En effet il n’est plus possible matériellement d’envisager une réouverture. Aussi il faudra de l’imagination et de l’énergie pour trouver des solutions de remplacement. Il n’est pas question de baisser les bras. Bien que meurtri par la violence des événements, l’esprit cogite à 100%, il est accompagné d’une solide volonté.

A propos de waki-gatame

Voilà une technique que j’affectionne tout particulièrement. Peut-être est-ce parce que je la maîtrise assez bien que je l’affectionne, ou bien est-ce parce que je l’affectionne que je la maîtrise ; qui est la conséquence de la cause ?

Certes cette clef est très peu, et même pas du tout, pratiquée en compétition de judo, bien qu’elle soit autorisée (sauf erreur de ma part) si elle est appliquée avec maîtrise. Par contre, en self-défense elle a toute sa place. On peut la pratiquer debout ou au sol, mais aussi en liaison « debout-sol ».

Waki-gatame appartient aux « kansetsu-waza », les techniques de « clefs articulaires », appelées aussi les clefs aux bras, ou encore dans un temps lointain les armlock. Enfant, avec mes copains de tatami nous adorions prononcer ce mot, d’autant que ces techniques nous étaient interdites.
En self-défense elles permettent la maîtrise
d’une personne à qui ont inflige une douleur plus ou moins importante sur l’articulation, pouvant ou aller jusqu’à la luxation.

La maîtrise de ces techniques demande du temps et donc  beaucoup de patience. Elles offrent deux avantages : le premier d’être efficace, le second de permettre la maîtrise d’une personne sans forcément que ses jours ne soient mis en danger. Cet aspect ne doit pas être négligé, sur le plan de la légitime défense et sur celui du respect de la vie, tout simplement.

Le principe de waki-gatame est de verrouiller l’articulation du coude avec l’aisselle, tout en maintenant le poignet de l’adversaire avec les  deux mains qui sont l’un des deux  « points fixes » indispensables, l’autre étant l’articulation de l’épaule du partenaire ou de l’adversaire.

On peut l’appliquer sur des attaques en coup de poing, sur des saisies de face et sur l’arrière, dans certaines circonstances au sol et bien évidemment en riposte à des attaques à main armée.

Il n‘empêche que certains sont perplexes quant à une efficacité longue à acquérir. A ces doutes, j’opposerais deux arguments : d’abord celui de l’indispensable persévérance dont doit être doté un pratiquant d’arts martiaux, ensuite parce que  je connais beaucoup de personnes (pas forcément des hauts gradés) qui ont pu échapper à de sombres issues grâce à des techniques de clefs comme waki-gatame. L’efficacité est incontestable pour maîtriser un bras armé.

Il est certain qu’une multitude de détails entrent en ligne de compte, aussi bien en matière de précision que de positionnement du corps ;  les répétitions sont faites pour acquérir les qualités indispensables à une bonne efficacité.

Appréciant  cette clef, j’ai comme projet de créer un document pour la présenter sous  toutes ses formes à partir des  différentes opportunités, sans oublier les défenses et éventuelles contre-prises qui y sont attachées.

Ukemi : savoir chuter !

Un petit rappel sur l’utilité de bien savoir chuter… Ne serait-ce que pour mieux pouvoir se relever !

Dans la pratique de la plupart des arts martiaux et notamment en ju-jitsu, apprendre à chuter est une nécessité absolue. C’est également utile dans la vie courante. C’est une sorte d’assurance. Certes, nous ne tombons pas à longueur de journée, mais beaucoup de fâcheuses conséquences pourraient être évitées avec un minimum de maîtrise du « savoir se rétablir » ; sur de la neige, de la glace ou tout simplement après s’être « emmêlé les crayons ».

Lors des entraînements, il est indispensable de savoir chuter, sans cela l’apprentissage et le perfectionnement dans le travail des projections sont impossibles.

Certains y sont réfractaires, mais peut-être faut-il appliquer un apprentissage progressif ? Tout en sachant que malgré tout la meilleure façon d’appendre à chuter, c’est de…chuter.

On distingue les chutes sur l’arrière et les chutes sur l’avant.

Dans chacune de ces catégories, il y a la chute qui se pratique sur un tatami et celle « de situation », c’est à dire en extérieur, si par malheur elle survient sur un sol dur, par accident, maladresse ou causée par une agression. Dans cette dernière situation il faudra tout à la fois se relever sans dommages et être opérationnel immédiatement.

Dans les deux cas de figure (dojo et « situation ») il faudra préserver deux parties essentielles, la tête et les articulations des membres supérieurs. Pour la tête il suffira de « la rentrer », menton dans la poitrine. Pour les bras, sur un tatami on frappera au sol « bras tendus » paumes de main vers le sol, pour à la fois protéger les articulations et repartir l’onde de choc. Sur un sol dur on se limitera à ce que les bras soient tendus vers l’extérieur et on évitera de frapper le sol. Si nous sommes bousculés et que l’on perd l’équilibre sur l’arrière, on essaiera de rouler sur une épaule en ayant préalablement pliée une jambe, pour se retrouver le plus vite possible debout face à un éventuel adversaire (photo 1).

Concernant la chute avant, il faudra se servir du bras avant comme d’une roue et d’un amortisseur. Là aussi il sera indispensable de protéger la tête avant tout et ensuite les articulations et notamment l’épaule. En dojo après avoir roulé, on se réceptionnera jambes tendues et parallèles. Dans la réalité à la réception, on pliera une jambe pour se retrouver face à l’endroit d’où l’on vient, face à un agresseur qui nous aurait poussé dans le dos (photo 2).

Tout cela est un peu technique, rien ne remplace le tatami à condition de pouvoir y accéder. Ce qui, nous l’espérons tous, arrivera un jour ou l’autre, enfin nous le souhaitons et l’espérons vivement.
(Les photos sont extraites du livre « ju-jitsu-Défense personnelle ». Édition parue en 2000.)

Sinistre anniversaire

C’est dans un tunnel dont nous ne voyons toujours pas le bout que nous avons été projetés il y a tout juste un an.

Si nous en sommes toujours au même point et peut-être même pire, puisque la situation s’aggrave et que nous ne sommes « pas sortis de l’auberge » (dixit le Première ministre dimanche), la faute ne peut incomber ni à la culture, ni aux loisirs, ni aux sports, puisque nous en sommes privés depuis douze mois.

Certains sont même privés de travail et plongés dans des situations épouvantables !

Sans parler de la privation de beaucoup de nos libertés et de toutes sortes de relations : sociales, amicales et affectives. N’oublions pas les graves dommages collatéraux sur le plan même de la santé physique et mentale pouvant conduire à l’irréparable.

Il ne s’agit pas de juger mais de s’interroger sur l’utilité des efforts consentis une année durant ! Face à ce constat, allons-nous continuer d’une manière identique ? Bien sûr il y a les vaccins, mais là aussi il y a quelques problèmes, semble-t-il !

Ce que nous pouvions supporter il y a un an lorsqu’il était question de deux mois d’efforts, allons-nous pouvoir le supporter à nouveau après tant de sacrifices ? Est-il possible de continuer une vie privée de culture, de sport, de loisirs et de l’essentiel de nos relations ? De continuer à voir s’effondrer des pans entiers de notre société, exploser  le nombre de faillites et d’individualités plongées dans une misère inacceptable ? D’assister à des dégradations monstrueuses de la santé chez certains ? Et tout simplement continuer à vivre cette vie masquée, privée des expressions du visage ?

Quand à nos arts martiaux, les voir péricliter doucement mais sûrement, c’est juste insupportable. Certes, cela a été souligné à maintes reprises, nous sommes des combattants, nous ne baissons jamais les bras, mais comme je l’ai souvent souligné, pour combattre encore faut-il que l’adversaire soit identifiable. Et puis ce n’est pas nous qui sommes « aux manettes », ce n’est pas nous qui menons le combat. Cette crise ne doit pas être facile à gérer, mais quand une stratégie échoue, ne faut-il pas en imaginer une autre ? En combat cela s’appelle l’adaptation à la situation.

Ces quelques lignes sont davantage interrogatives que polémiques. Tout simplement, Pouvons-nous nous continuer encore longtemps comme ça ?

Espérons que dans un an, à l’occasion du deuxième « sinistre anniversaire », nous serons sortis de ce cauchemar !

« Au bout, tout au bout, la lumière » !

Démonstration, quatrième partie

Pour le quatrième volet consacré à l’histoire de mes démonstrations, c’est la période allant de 1985 à 1995 qui est abordée aujourd’hui. A titre personnel, il s’agit d’une décennie particulièrement faste et intense en termes d’activités professionnelles. Dans cet article, c’est la partie qui concerne les démonstrations qui reste le sujet.

Proposer des prestations avec plusieurs Uke était la principale nouveauté d’une longue série de représentations. Ainsi au cours de cette décennie j’ai pu compter sur la collaboration de Jean Rodriguez, Franck Bénaquista, Serge Dang, Olivier Hermeline et bien évidement André Ohayon et Laurent Rabillon, les deux partenaires qui ont le plus de chutes à « leur compteur ».

Cette période à été riche en nombre de festivals et autres galas. A Paris, avec neuf participations au festival des arts martiaux de Bercy,  en province avec une quantité impressionnante de régions visitées,  et à l’étranger : Pays-Bas, Allemagne, Belgique, Suisse, Israël et Canada.

Durant la saison 1985/1986, nous avons eu la chance et l’honneur de participer à une série de galas organisés par la FFJDA, appelés « la tournée d’adieu d’Angelo Parisi ». De septembre à juin nous avons assuré  « les premières parties » d’un des plus prestigieux judokas mondiaux dans une dizaine de villes de province.

Durant ces dix années, j’ai essayé de me renouveler dans le scénario, la mise en scène et l’accompagnement musical. Pour ce qui concerne le choix des techniques proposées, cela restait du ju-jitsu. Il n’était pas question d’en inventer, l’originalité résidait dans la construction des enchaînements.

Le choix de l’accompagnement musical n’était pas anodin, il demandait un peu de temps et d’imagination pour à la fois se renouveler  et pour que cette musique colle  aux enchaînements présentés. De la musique classique à l’électronique en passant par de célèbres bandes originales de films connus, nous avons consommé beaucoup de genres.

Préparer de telles prestations  demande de l’imagination, de l’organisation, mais surtout beaucoup de répétitions. Pour peaufiner chaque enchaînement, les mémoriser parfaitement, mais aussi pour s’assurer une excellente  condition physique qui permet de maintenir le rythme. Personne ne peut nier que ces démonstrations étaient assez physiques, pour le moins.

C’est aussi au cours de cette période que j’ai commencé à revêtir un kimono bleu. Les tenues  de couleur sont  apparues à cette époque en judo pour faciliter la compréhension du déroulement des combats, j’ai pensé qu’il en serait de même pour la présentation de notre discipline. De plus cela ajoutait un peu de couleurs, ce qui ne pouvait pas nuire à l’ensemble du spectacle

Dans la préparation de ces grands moments, j’avais deux objectifs qui ne sont pas forcément faciles à concilier : plaire aux néophytes et satisfaire les pratiquants. Tout  cela, sans trahir ni l’esprit ni l’histoire du ju-jitsu.

Je reconnais  que notre art a la chance de posséder un potentiel  technique aussi  efficace que spectaculaire. Il s’agit juste d’être capable de les présenter de façon harmonieuse et cohérente.

Parmi toutes ces démonstrations effectuées au cours de cette décennie, j’ai une petite préférence pour  l’année 1995 avec celle présentée à Bercy. Ce n’est que mon avis. Il n’est pas facile de se juger soi-même avec une parfaite objectivité. Soit on fait preuve d’une autosatisfaction béate, soit on est son pire critique. Les deux  cas ne sont pas constructifs. Mais mon sentiment me conduit à penser qu’elle est la plus aboutie, notamment sur le plan purement technique. C’est pour cette raison que je l’ai choisie pour illustrer cet article.

Bernard Pariset et le ju-jitsu

Il y a seize ans, le 26 novembre 2004 disparaissait mon père, Bernard Pariset. Il est allé rejoindre le « jardin des samouraïs ». Je lui ai consacré un nombre important d’articles qui rendaient hommage à l’homme et à son parcours exceptionnel.

Aujourd’hui je voulais insister sur son action en faveur de la remise en valeur du ju-jitsu dans notre pays au début des années 1970.

A la fin de sa carrière de champion, au début des années 1960, il a occupé différentes fonctions auprès de la fédération de judo, mais c’est la gestion de son club parisien de la Rue des Martyrs qui était devenue son activité principale. De là, il pouvait « prendre le pouls » de la population et plus exactement celui d’élèves et futurs élèves. Bien que le judo continuait son essor et que l’équipe de France rayonnait sur le plan international, cela révélait une attirance certaine pour l’aspect utilitaire des arts martiaux, c’est à dire la self-défense.

C’est en faisant ce constat qu’il eut l’idée de réhabiliter la discipline des samouraïs en insistant sur une des composantes qui avait été négligée, à savoir le travail des coups, l’atemi-waza. D’où l’idée d’associer les deux mots pour créer la méthode « Atemi ju-jitsu ».

Loin de lui l’idée de mettre en concurrence judo et ju-jitsu, comment cela aurait-il pu être possible avec son prestigieux passé de judoka ? Non, c’est en complémentarité que s’inscrivait son initiative. La preuve avec cette méthode conçue en parallèle parfait avec la progression française de judo de l’époque, dans le but de faciliter la tâche des professeurs. (Cela n’a pas toujours été compris.)

Entre 1970 et 1980, mon père publia quelques ouvrages privés sur le sujet et certains supports techniques et pédagogiques ont été proposés par la fédération. J’ai eu l’honneur de participer à la publication  de deux livres fédéraux présentant la progression debout et au sol et d’un film « super 8 » (nous n’étions plus à l’époque des dinosaures,  mais pas  tout à fait encore à celle des vidéos).

Durant cette décennie, peu de clubs s’intéressent à cette méthode, par contre ceux qui le font connaissent immédiatement  un succès retentissant, je peux en témoigner avec les effectifs du moment au club de la Rue des Martyrs.

C’est à partir des années 1980 que le développement au niveau national et international s’est véritablement opéré, mais ce n’est pas le sujet de cet article dont l’objectif est de rendre un nouvel hommage à un homme qui avait parmi ses nombreuses qualités celle d’être un visionnaire.

D’un confinement à l’autre

Confinement, déconfinement, reconfinement ; voilà des mots que nous n’avions sans doute jamais prononcés avant le mois de mars. Inévitablement Ils doivent former le trio de ceux  les  plus utilisés durant cette maudite année 2020.

Le premier confinement, je l’ai vécu à Paris, le deuxième c’est à Niort que je l’entame. En dehors de l’aspect géographique il y a, pour ma part, bien d’autres différences.

Bien qu’elle soit qualifiée de « plus souple » j’avoue vivre (encore)  beaucoup moins bien le début de cette deuxième saison ; certaines séries devraient  se passer de suites.

En mars, nous avons été surpris, une sorte d’effet de sidération nous envahissait, cela  nous empêchait presque de réfléchir et d’analyser l’extrême gravité de la situation (surtout occupés que nous étions, enfin pas tous, à apprendre à faire notre pain, à ranger nos placards et à nous livrer à une introspection sans limite).  Malgré tout, assez vite, nous nous sommes rendu compte que, malgré ces saines occupations, ce ne serait pas facile, surtout à l’annonce de la première « prolongation ». Mais, il nous restait l’espoir de penser  qu’il s’agissait d’un phénomène  unique, même si commençait à être agité le spectre d’une deuxième vague.

Et puis nous étions en mars, après un hiver calamiteux  d’un point de vue météo (pas uniquement sur ce plan là, d’ailleurs), le soleil s’imposait et même pour ceux qui étaient « claquemurés » dans un espace réduit (ce qui pouvait être d’autant plus difficile à admettre), le ciel était bleu et les journées rallongeaient. Quant à ceux qui bénéficiaient  ne serait-ce que d’un carré de pelouse, Ils étaient presque les rois.

Enfin, même si au fur et à mesure nous nous rendions  compte que ce serait plus long que prévu, nous gardions l’espoir d’une certaine utilité. Effectivement les courbes se sont inversées. La suite nous prouva que décidément rien n’est jamais acquis.

Maintenant, c’est différent. Nous savons ce qui  nous attend, nous sommes en automne avec des jours de plus en plus courts et nous avons le sentiment que le confinement du printemps n’a servi à rien,  que nous n’avions rien appris, qu’il allait coûter très cher, que certains ont été sacrifiés inutilement et que son bénéfice a été dilapidé. Nous n’ignorons pas qu’avec ce « deuxième round »  les dégâts seront encore plus nombreux. Il s’agit d’un désespoir annoncé. L’accumulation des épreuves est indigeste, comme l’addition d’un stress causé par des situations contre-nature.

Aux drames sanitaires s’ajouteront des drames économiques et qu’aux 200. 000 petites entreprises déjà fermées viendront s’en additionner  beaucoup d’autres. Pour beaucoup en l’occurrence pour ceux qui sont en difficulté professionnelles, cela ne manque pas d’altérer la santé psychologique et physique.

Il existe aussi une différence de taille ; en mars il n’y avait qu’une France, celle qui pouvait travailler (exceptés  les malheureux chômeurs victimes d’un mal que nos différents gouvernements n’ont jamais pu juguler, ou si peu).

Maintenant, il y a deux Frances. Celle qui – heureusement – continue à travailler et l’autre pour qui c’est interdit. Il faut être concerné pour savoir ce que cela représente.  Qui accepterait d’être privé de revenu  durant huit mois, sans savoir quand il pourra à nouveau « gagner sa vie » ? Si, en plus il n’est pas contraint de mettre « la clef sous la porte » et se trouver ainsi plongé dans un gouffre sans fond en ayant perdu l’engagement d’une vie. (« La clef sous la porte », voilà encore des mots qui n’ont jamais été aussi souvent prononcés.)

Indiscutablement nous ne sommes pas égaux devant les sacrifices demandés. Pour certains, cela ne change pas grand-chose, tant mieux ; d’autres ont même prospérés ; enfin il y a ceux qui ont tout perdu, ou vont tout perdre dans les semaines à venir.

Cette différence de traitement entraîne d’inévitables  clivages, elle ne facilite pas la cohésion dont notre pays aurait pourtant  besoin dans ces moments difficiles. La division est palpable !

Sans contestation, la santé est primordiale, mais lorsque l’on perd son travail et les efforts d’une vie, il s’agit d’un vrai traumatisme, on risque  d’y perdre la santé et même parfois bien davantage. D’inévitables drames ne manqueront pas de survenir lorsque des familles entières seront plongées dans la précarité et la misère.

Au cours de sa dernière intervention, le Président de la République déclarait que le « travail continuait ». Peut-être qu’il considère  que gérer un restaurant, un théâtre, une salle de sport, être acteur ou comédien (et j’oublie bien d’autres secteurs) n’appartient pas au monde du travail. C’est grave d’oublier tous ceux pour qui la vie a basculé ou va bientôt basculer. Peut-être que même, au plus haut niveau – faute d’être concerné directement – on ne mesure pas  certaines situations désespérantes.

Nous ne sommes pas égaux devant les sacrifices qui sont imposés au pays. D’autant que les aides annoncées par le gouvernement sont bien souvent insuffisantes au regard du montant des pertes enregistrées depuis des mois. De plus, elles sont souvent soumises à des conditions que l’on peut remplir. Si elles avaient été suffisantes il n’y aurait pas autant d’entreprises obligées de fermer.

Et puis ce reconfinement intervient après huit mois d’épreuves, d’informations anxiogènes, de décomptes macabres ; imaginons qu’il en soit de même chaque soir pour les différentes causes de mortalités qui endeuillent chaque jour notre pays. Nous avons eu droit à une  exception, lors de la petite pause estivale, mais manifestement nous avons été négligents, à moins que ce soit le déconfinement qui  n’ait pas été bien préparé ?

Pour ceux qui sont concernés par l’impossibilité de travailler et pour qu’ils tiennent le choc, il faut aller chercher dans des réserves d’énergie et de courage qui ne sont pas inépuisables. A tout cela s’ajoute un manque de confiance envers ceux qui décident pour nous (le doute est omniprésent et justifié), mais aussi  en notre propre capacité à franchir  un mur chaque jour un peu plus haut, même avec la volonté la plus farouche, à moins de transgresser les interdits.  Des interdits qui empêchent l’exercice de certaines professions qui pourtant  ne semblent pas plus à risque, et même beaucoup moins, que d’autres ; des interdits qui empêchent de se cultiver le corps et l’esprit.

Souhaitons que nous n’ayons pas à établir d’ici quelques mois  un nouveau comparatif avec un troisième confinement  que certains commencent à nous prédire pour le printemps prochain. Toutes ces annonces qui sont autant de mises en garde que d’informations destructrices de moral, à fortiori  pour ceux qui l’ont déjà bien entamé.

Alors oui, pour certains d’entre nous ce deuxième confinement est plus difficile à vivre puisqu’il s’ajoute au  premier qui a fait déjà tant de dégâts, surtout  lorsque pour une catégorie de la population, il se déroule dans la solitude avec un périmètre de liberté limité.

Il reste l’espoir, l’espoir qu’avec le temps la situation s’améliore, mais surtout qu’il ne soit pas trop tard. Cela va bientôt faire neuf mois que chaque jour « nous espérons » !

Les pratiquants d’arts martiaux sont des guerriers, dans le sens le plus noble du terme, mais contre quel(s) adversaire(s) ?

Un jour… et un kata !

Un jour (!) on pourra remettre le kimono, fouler les tatamis, transpirer sans masque, s’affronter en toute amitié dans des randoris d’enfer, bref pratiquer sans limite dans une ambiance à la fois studieuse et conviviale avec l’envie de progresser, de fortifier notre corps et notre esprit.

En attendant, il nous faut ronger notre frein, faire preuve de patience et même de résilience. Incontestablement il existe de bonnes raisons d’être inquiet et parfois animé d’une incompréhension légitime face à quelques incohérences et injustices. Je sais de quoi je parle, les dégâts sont terribles, il faudra rebâtir, cela prendra du temps et de l’énergie. Souhaitons ne pas en être dépourvus le moment venu.

Pour faire patienter je souhaitais revenir sur une partie importante de la pratique de la plupart des arts martiaux et notamment du ju-jitsu, je veux parler des katas. Pour cela je propose « la rediffusion », un peu remaniée, d’un article publié il y a un an.

Il n’est pas inutile de revenir aux premières raisons d’être ainsi qu’à l’utilité de ces exercices.

Ils sont avant tout des moyens d’apprentissage, des méthodes d’entraînement et ils permettent de codifier et de transmettre les techniques au fil des années.

Certains les considèrent comme « une purge » qu’il est nécessaire de s’administrer pour monter en grade, ou encore, toujours pour les examens et pour quelques jurys, ils sont un moyen d’exercer une autorité ! Que ces « formes imposées » intègrent un ensemble de contenus techniques d’évaluation, cela semble juste, mais ils ne sont pas que cela, heureusement.

Les katas permettent de rassembler les techniques par famille et/ou par thème, ils sont aussi et surtout de formidables méthodes d’entraînement. Bien souvent ils ne sont abordés et étudiés qu’à l’approche d’un examen, c’est dommage. En effet, ils sont le reflet d’un combat, d’un combat codifié (pour des raisons évidentes de sécurité, un bon sens qui parfois échappe à certains), mais il s’agit bien du reflet d’un affrontement et c’est pour cela que les attaques de Uke doivent être sincères, fortes et réalistes de façon à ce que les ripostes de Tori le soient tout autant.

Le kata est également un exercice de style, une certaine attitude doit être respectée. C’est ce qui différencie l’art martial de la simple méthode de combat ou de self-défense, même si cela ne doit pas être au détriment de l’efficacité, ce qui est parfois le cas.

Ils sont aussi et tout simplement une addition de techniques qui sont intéressantes à pratiquer une par une ; il n’est donc pas nécessaire d’attendre que se profile à l’horizon un examen pour commencer à les étudier.

Cependant, un problème, et même un mystère, demeure et entoure les katas : il s’agit des  incessantes modifications dont ils sont les victimes, surtout quand elles interviennent sur des détails, pour ne pas dire des broutilles ; ce qui a pour effet de décourager bon nombre de pratiquants.

Maitre Tomiki, créateur du Goshin-Jitsu, aurait-il été admis au grade supérieur en présentant « son kata » tel que dans la vidéo qui accompagne cet article ?

Lors de l’exécution d’un kata pour un examen, l’évaluation doit concerner, avant toutes autres considérations, l’efficacité ; ça passe par la sincérité des attaques et des ripostes (encore faut-il que le jury soit apte à discerner une attaque et une riposte réaliste). Ensuite, puisqu’il s’agit de formes imposées, il est nécessaire de respecter l’ordre de la présentation, les déplacements et emplacements, sans oublier l’attitude dans laquelle sont exclus désinvolture et relâchement corporel.

Pour faire apprécier le kata, il suffit simplement de le présenter comme partie intégrante d’une progression  et non pas comme un passage imposé pour obtenir un grade

Mes démonstrations. Deuxième partie.

Après avoir évoqué ma toute première démonstration effectuée au village-vacances du Golfe-bleu à Beauvallon-sur-Mer durant l’été 1977, aujourd’hui j’évoque celle qui a vraiment déclenché trois décennies de prestations au service du ju-jitsu.

C’était la même année, au mois de septembre. Un évènement, ou plus exactement un non-évènement a été à l’origine de cette aventure.

A l’automne 1977, devaient avoir lieu les championnats du Monde de judo. A l’époque ce rendez-vous planétaire se tenait tous les deux ans. C’est Barcelone qui devait les accueillir, or de graves évènements politiques secouaient le Pays basques, annulant un rendez-vous médiatique important.

La fédération française de judo a voulu compenser cette absence de Mondial par une soirée de gala, durant laquelle le point fort serait une rencontre en match aller-retour opposant l’équipe de France de judo à une équipe universitaire japonaise. La soirée devait proposer en alternance avec les combats différentes démonstrations, dont une de ju-jitsu que  j’ai eu l’honneur et le plaisir de présenter, toujours en compagnie de Michel Yacoubovitch.   Cette méthode, appelée « Atemi ju-jitsu »  venait en complément du judo, elle commençait à intéresser un large public et à garnir les dojos. J’étais Uke et  Michel  endossait le rôle de Tori.

C’est au stade Pierre de Coubertin que se tenait cette soirée, ce bon vieux stade qui a vu se tourner tant de pages du sport en général et du judo en particulier.

La démonstration a connu un vif succès. Il est vrai que le ju-jitsu est à la fois une méthode de self-défense à l’efficacité incontestable et certaines des techniques utilisées peuvent être très spectaculaires.

Nous avions proposé deux parties. Une première dans laquelle nous présentions  différentes ripostes en réponse à différentes attaques. Une deuxième, selon le système des techniques démontrées puis enchaînées (une technique démontrée, une deuxième, puis enchaînement des deux. Une troisième démontrée et enchaînement des trois et ainsi de suite, jusqu’à cinq et parfois six), ce qui permettait de finir sur une touche dynamique.

Lorsque j’y repense, je constate que nous en étions aux balbutiements et que par la suite j’ai eu à cœur d’innover, sans trahir l’esprit de notre art martial.

Pour être franc, nous n’imaginions pas un tel succès ; il a engendré tout de suite beaucoup de sollicitations de la part d’organisateurs de galas qui souhaitaient  notre présence dans différentes fêtes de club.

Bien d’autres articles sur mes démonstrations viendront compléter les deux premiers, le sujet est vaste et ne manque pas de grands moments et de petites anecdotes.

Bilan et questions

Cela va faire cinq mois que le dojo de la Rue Victor Chevreuil a fermé ses portes, victime de la COVID 19. Après ces mois on ne peut plus éprouvants, le besoin de faire un bilan s’est fait ressentir comme celui de partager quelques interrogations avec mes (anciens) élèves.

Aussi, j’ai pris l’initiative de leur adresser un courriel la semaine dernière. N’ayant rien à cacher, j’ai pensé le rendre public. Je le publie donc en intégralité !

Que les choses soient clairs, il ne s’agit pas de se plaindre pour se plaindre (loin de là) et ni de baisser les bras (encore moins), mais juste de faire une mise au point, de faire état de certains doutes et d’exprimer ce qui me semble être une légitime colère !

Chers élèves, Chers parents,

Presque cinq mois après la fermeture du dojo de la rue Victor Chevreuil, j’ai pensé faire le point en vous donnant quelques nouvelles et impressions. Il y a aussi un bilan à faire six semaines après la rentrée et des questions se posent suite aux récentes annonces présidentielles.

D’abord, à propos de notre dojo « mort-né », certains, ils ne sont pas nombreux, ont pensé que je n’aurais pas dû fermer si vite. A cela, je répondrai plusieurs choses.
(A noter que, bien malheureusement, je ne suis pas le seul !)

En premier lieu, je ne leur en veux pas, lorsque l’on n’a jamais été confronté à l’entreprenariat privé, certaines choses nous échappent.

Ensuite, il ne s’agissait pas d’une décision, mais d’une obligation. Notre  toute jeune structure n’avait  pas eu le temps de faire des réserves, de constituer un « trésor de guerre ». Aussi, lorsque du jour au lendemain vous est imposée une fermeture d’une durée illimitée, comme cela a été le cas le 16 mars dernier, que vous ignorez totalement la date de reprise, mais que vous pressentez que cela ne va pas être une affaire de semaines mais de mois, et que d’un autre côté vous êtes sommé de régler un loyer que vous ne pouvez pas régler pour cause d’activité réduite à zéro, vous n’avez pas d’autres choix.

Certes, j’aurais pu attendre d’être expulsé, ce qui n’aurait pas manqué de survenir puisque le gouvernement n’a rien fait pour les locataires, la priorité étant manifestement  réservée « aux possédants ». J’aurais donc été expulsé ou bout de plusieurs mois avec une dette colossale de loyers, de pénalités et de frais de justice, ruinant ainsi définitivement tout espoir de survie ! J’ai préféré faire un taï-sabaki, c’est-à-dire une esquive. A quoi aurait-il servit  d’enseigner toute une vie l’art de ne pas s’opposer à la force brutale et violente, si ce principe fondamental  n’était  pas appliqué au quotidien lorsque les difficultés s’abattent ? Même avec la volonté la plus farouche, personne n’arrêtera  tout seul un TGV ! Il est préférable d’être à côté des rails. Il s’agit d’une métaphore un peu brutale, mais de circonstance.

Ce que nous sommes en train de vivre actuellement  ne fait que confirmer ce pressentiment qui était le mien.  Les dernières mesures annoncées vont être cataclysmiques pour certains secteurs d’activité.

Bien sûr que je regrette cette issue fatale, comment pourrait-il en être autrement ? Ce que  je ne regrette pas  c’est d’avoir évité un combat qui n’avait pas de sens ; un combat d’une inégalité aussi effrayante que désespérante. D’ailleurs il ne s’agissait pas d’un combat, mais d’une exécution. Je ne suis pas la seule victime et leur nombre ne cessera de croître dans les semaines et mois à venir.

Plusieurs mois après  la fermeture imposée du 16 mars, les clubs qui ont réussi à reprendre l’activité en passant la première vague grâce à leur ancienneté, sont à leur tour en grande difficulté face à cette deuxième vague. A Paris et dans de nombreuses régions, la pratique des sports de combat a été à nouveau  interdite pour les adultes. Quant aux structures municipales, qui n’ont pas de frais de location, elles sont confrontées à d’autres problèmes, notamment celui de l’accès  aux infrastructures, pour des questions de responsabilité.  Concernant les salles de sport, elles restent fermées.

Les mesures annoncées par le Président de la République risquent d’être le coup de grâce pour beaucoup de « survivants ».

A propos de responsabilité, à qui attribuer celles qui  ont conduit (et vont conduire) des milliers d’entreprises à disparaître et à jeter des millions de gens dans une terrible précarité ? A ce virus, bien sûr,  dont nous ne pouvons nier l’existence et les terribles dégâts ; mais peut-être aussi à la gestion de cette crise ! Prenons un seul  exemple, parmi beaucoup d’autres : comment  ne pas s’interroger  quand on voit sur les plateaux de télévision des experts de la même spécialité s’écharper parfois de façon incompréhensible, presqu’indécente  et surtout inquiétante en nous offrant des analyses
contradictoires et qui de toutes les façons, quoiqu’il advienne, ne connaîtront jamais de fins de mois difficiles, tout comme nos donneurs d’ordres.

Pour conclure je dirai que je suis triste pour ceux qui avaient fait confiance à ce dojo. Je suis inquiet pour les arts martiaux en général et le ju-jitsu en particulier, il faudra du temps pour remonter la pente. Je ne pensais pas un jour assister à un tel massacre de mon métier. Je suis en colère face au sort qui est réservé à la majorité des  petits artisans, dont je fais partie. Il s’agit bien d’une catastrophe économique plongeant les victimes dans d’effroyables conditions.  Les inégalités de traitement seront-elles éternellement présentes dans notre société ?

Une toute dernière conclusion à l’attention de ceux qui m’ont proposé une aide financière pour que le dojo ne ferme pas. Je voulais les remercier, bien sûr, mais aussi leur dire que si j’ai refusé, c’est que les sommes qu’il aurait fallu engager étaient trop importantes, que nous partions dans l’inconnu le plus totale, que la gestion de la crise avait de bonnes raisons de nous laisser perplexes  et que manifestement, vu la tournure des événements, nous avons la confirmation que cela aurait été fait en pure perte.

Malgré ce message qui, il faut l’avouer, n’est pas très gai, à l’image de la vie que  beaucoup d’entre nous vivent en ce moment, je ne désespère pas que nous puissions un jour nous retrouver sur un tatami et/ou à défaut, nous revoir.  Au fond de moi la flamme de l’espoir brille encore, heureusement d’ailleurs !

Chers élèves et Chers parents, je vous remercie d’avoir pris le temps de lire ce message jusqu’au bout et je vous adresse mes salutations amicales les plus sincères et les plus chaleureuses.

Eric Pariset