La nostalgie

La nostalgie des années 1960 et 1970,  les années de mes débuts (même un peu avant).

Jusqu’à la fin des années 1970, le Judo, le Karaté et l’Aïkido se partageaient les tatamis. Je n’oublie pas la Boxe française, notre art martial à la française.

Ces quatre disciplines je les ai pratiquées. A partir de 1970, d’autres entrent dans le paysage, comme le Taekwondo et le Kung-fu avec la trop courte carrière de Bruce Lee.

Si j’évoque la nostalgie, c’est que nous n’étions pas tout à fait dans le même monde. C’était « le bon vieux temps des arts martiaux ». Il y avait l’attrait de disciplines entourées d’un certain mystère. Elles étaient considérées comme des « Écoles » de la maîtrise, du contrôle, de la sagesse et du combat contre la force brutale. Des « Ecoles de vie ».  Elles possédaient une « philosophie ».

J’ai la nostalgie de tatamis foulés par des pratiquants assidus, à la recherche du détail et de la finesse qui permettaient de réaliser une technique avec le moins de force possible, avec laquelle le plus faible pouvait maîtriser le plus fort, il y avait quelque chose en plus ; quand la science rencontrait la magie.

Ça n’empêchait pas un investissement physique important et les litres de sueur « d’embaumer » les judogis.

Le « c’était mieux avant » est parfois agaçant. Sans tomber dans cette systématisation des regrets, il faut admettre que certaines évolutions n’en sont pas, tout dépend du point de vue dans lequel on se place.

J’ai souvent évoqué le respect qui semble s’amenuiser, que ce soit envers les traditions, les lieux de pratique, les tenues et tout simplement envers les personnes. En l’occurrence le professeur. Le respect de l’autorité, tout simplement.

Je ne pense pas que ce soit ringard ni désuet d’insister sur la nécessité et sur l’importance de ces règles. L’actualité nous le confirme chaque jour.

D’autant que nous pratiquons des disciplines d’affrontement, si elles ne sont pas encadrées avec rigueur, elles peuvent basculer dans des pratiques dangereuses, mentalement et physiquement.

Dangereuses mentalement avec la banalisation et même l’augmentation de la violence. Dans certains cours suintent la brutalité et parfois l’acharnement, alors que nous sommes « mandatés », nous professeurs, pour combattre la violence. La violence se combat aussi par l’exemple.

A force de n’insister que sur une (éventuelle) efficacité immédiate, on passe à côté de toute la richesse et la sagesse de nos disciplines, en matière d’éducation, mais aussi d’efficacité, avec l’apprentissage d’une grande variété de techniques qui permettent, justement, de s’adapter à toutes les formes d’attaques.

C’est un poncif que d’affirmer qu’on ne combat pas la violence par la violence, et pourtant cela semble être malheureusement oublié, parfois.

Dangereuse physiquement parce qu’une pratique brutale génère des blessures qui, par définition, limitent les entraînements et laissent d’irréversibles séquelles. Sans parler des découragements et des abandons. Et puis, on est davantage là pour apprendre à ne pas se faire mal, que pour se faire mal. Voilà une nuance qui doit faire réfléchir !

Si ne sont proposés que des pratiques brutales, ne seront formés et fidélisés que des brutes. De toutes les façons, la brutalité n’est pas une garantie d’efficacité.

Il est vrai que le dojo et la rue ce n’est pas la même chose ; et c’est tant mieux. Dans la rue ça finit toujours mal, pour une des deux parties et même pour les deux. L’une peut se retrouver à l’hôpital, l’autre au poste de police, ou bien les deux au même endroit.

L’autre aspect qui affecte les disciplines de combat se trouve dans le « tout compétition ». D’abord il y a celles où il n’est tout simplement pas possible de les instaurer, sauf à les dénaturer et à leur retirer une grande part de leur substance. Je ne suis pas contre la compétition, loin de là, mais il ne faut pas oublier qu’elle n’est qu’un passage. Si on a tout misé dessus, lorsqu’arrive l’âge où il n’est plus possible d’y participer, on assiste à des abandons, alors qu’il y a encore tant de choses à découvrir et à partager.

Pour finir et revenir au combat contre la violence, il y a deux principaux remèdes : la sanction et l’éducation. La semaine dernière sur ma page j’avais mis cette citation : « Éduquez les enfants et il ne sera pas nécessaire de punir les hommes » Pythagore. Rien à ajouter.

Ce tableau un peu sombre ne m’empêche pas – bien au contraire – d’être toujours animé par une  indestructible passion dans l’enseignement que je dispense. Je sais aussi que d’autres professeurs adhérent à mes propos et à mon état d’esprit, c’est encourageant.

(La photo d’illustration représente le mythique dojo parisien de la rue des Martyrs à la fin des années 1950.)

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Qu’est-ce qu’un bon professeur ?

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Le professeur, c’est celui qui par son enseignement transmet nos arts au fil du temps. Encore faut-il en avoir les compétences.

Alors, qu’est-ce qu’un bon professeur ?

Déjà c’est quelqu’un qui a les qualifications nécessaires pour enseigner. Il doit d’abord être « dans les clous ».

Ensuite, c’est une évidence, il doit être en possession d’un savoir technique conséquent  et surtout des moyens de le transmettre. Être doté de pédagogie et de psychologie est aussi important que la maîtrise technique et même bien davantage.

On peut avoir une bonne technique sans très bien savoir la transmettre. Grâce à une bonne pédagogie on peut réussir à enseigner ce qu’on ne réussit pas forcément soi-même. Enfin, on peut aussi ne rien posséder, ni technique ni pédagogie et arriver à faire illusion face à des néophytes.

Professeur, quelle que soit la discipline enseignée, c’est un des plus beaux métiers, pour cela on doit l’aimer, il n’est pas envisageable de l’exercer contraint et forcé. Quant à son utilité, elle est majeure, puisqu’elle touche à l’éducation, quelle qu’elle soit !

Dans mes « années collèges », ces moments où nous n’avons pas le choix, où l’enseignant nous est imposé, le professeur faisait tout ! Mes résultats, dans telle ou telle matière, dépendaient de celui qui la dispensait.

C’est pour cette raison que le choix d’un professeur (surtout dans notre domaine) est aussi important que celui d’une discipline.

J’ai déjà publié beaucoup d’articles sur le premier professeur, celui qui est déterminant. Celui qui construit les fondations sur lesquelles d’autres enseignants pourront s’appuyer. Le premier professeur c’est celui qui donne des bonnes (ou des mauvaises) habitudes. Pas simplement sur le plan technique, mais sur le plan comportemental.

Dans les dojos, on a la chance de pouvoir garder les élèves d’une année sur l’autre (à la condition qu’ils soient assidus, ce qui est  un autre problème). C’est un grand privilège de constater les effets de notre travail, on éprouve la satisfaction du devoir accompli, mais aussi de la fierté. Il y a là une satisfaction partagée avec l’élève.

Un bon professeur doit aussi dégager une autorité naturelle qui impose le respect des personnes, des traditions et des lieux. Tout ce qui est indispensable au bon déroulement des leçons.

Dans cette terrible période de violence que nous connaissons, lors de ses explications et dans son attitude il se doit d’être un modérateur et non pas un agitateur.

Dans les arts martiaux, comme évoqué plus haut, l’objectif s’inscrit sur du long terme, il y a des étapes qui sont matérialisées par les grades (les ceintures de couleur, puis la ceinture noire et les « dans »). Ils récompensent les qualités techniques, mais pas que. C’est la récompense d’une assiduité, d’un engagement, d’une volonté de découvrir toujours plus, de progresser encore davantage. Certes, le constat que nous sommes dans une époque où ces valeurs se perdent est réel. Là encore, il incombe au professeur de les faire perdurer.

Tout comme il doit tenter de (re)donner le goût de l’effort à ceux qui l’auraient perdu ou pas encore trouvé !

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(Photos d’illustration PhotoGraphix)

Pourquoi le ju-jitsu ?

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Le ju-jitsu dépassé, d’une autre époque, « has been » ? Certes, il est difficile d’affirmer qu’il s’agit de l’art martial le plus en vogue, le plus à la mode ! Mais qu’est-ce que la mode ? Par définition, elle passe.

Le ju jitsu a su traverser les époques et même les siècles et renaître de ses cendres tel le phénix.

Ce n’est pas surprenant dans la mesure où il propose l’utilisation de toutes les « armes naturelles » dont dispose le corps : coups, projections et contrôles, travail debout et au sol ! Une pluralité de techniques qui permet une multitude de combinaisons, aussi diverses qu’efficaces (quand il n’est pas dénaturé). Mais également des principes dans lesquels on s’exprime quelque soit le gabarit et l’âge ; comme la non-opposition, l’utilisation de la force de l’adversaire et l’optimisation maximale des mécaniques corporels. Tous ces éléments lui donnent une terrible efficacité. Sans oublier le fort aspect éducatif qui lui est attaché.

Mais peut-être, n’est-il pas assez sulfureux ? Et les traditions dont il se réclame paressent vieillottes : la tenue, les katas (que certains pensent un peu dépassés et pas utiles), et d’autres valeurs qui passent chez certains pour des corvées.

Évidemment je pense le contraire. Ni chauvinisme, ni sectarisme, ni obstination, mais une conviction assumée et une fidélité indestructible. Conviction pour toutes les qualités que sa pratique nous permet d’acquérir et fidélité pour ce qu’il m’a apporté. L’idée de retourner ma veste ne m’a jamais effleuré l’esprit.

Que de nouvelles pratiques émergent, rien de plus naturel ; espérons qu’elles aient suffisamment de densité pour mériter de ne pas être éphémères. Et surtout qu’elles offrent une pratique éducative et non destructive et qu’elles participent au combat contre la violence et non pas le contraire (aussi bien dans la médiatisation que dans l’enseignement).

Si le ju-jitsu se réclame, à juste titre, d’un solide passé, ça ne l’empêche pas d’évoluer. Ce qui a été le cas avec l’atemi-waza dans les années 1970 par exemple et l’émergence de nouveaux enchaînements au cours de la décennie suivante. Mais ces évolutions se sont réalisées sur un socle solide.

Dans le ju-jitsu traditionnel, en l’absence de compétitions d’affrontement direct (pléonasme) il n’y a pas de règlement, mais dans le dojo où il est pratiqué il y a des règles. Qu’elles soient vestimentaires, hygiéniques, comportementales vis-à-vis des lieux et des personnes. Transgresser ces règles qui sont aussi des valeurs, c’est abandonner une grande partie des vertus éducatives attachées à un art martial comme le ju-jitsu.

On peut conclure et revenir sur le plan technique en soulignant que commencer  par cette discipline qui propose des techniques dans tous les domaines, offrira  un tronc commun à beaucoup d’autres arts du combat. Ce sera aussi un révélateur pour ensuite se spécialiser éventuellement dans un domaine plus spécifique, techniquement parlant.

Certes, l’apprentissage du ju-jitsu demande du temps, des efforts, mais s’agit-il vraiment d’efforts ?

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Réflexions

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Il est assez facile de frapper en dépit du bon sens, il est plus difficile de le faire avec précision. Il est encore moins facile de bloquer les coups et, mieux, de les esquiver. Enfin il est très difficile de gérer sa riposte, de la mesurer, de la « proportionner », qu’elle soit en coups, en projections ou en contrôles (clés et étranglements). Y arriver demande beaucoup de travail et relève parfois de ce qu’on appelle la finesse technique. Un objectif efficace et responsable.

C’est vrai que par les temps qui courent l’émanation et la recherche de cette finesse technique, et de la finesse tout simplement, n’est plus trop d’actualité. On le constate, ne serait-ce que lors des débats qui rythment notre société et dans lesquels il est davantage question d’injures que d’échanges d’idées qui feraient avancer.

Il est vrai que la violence engendre la violence (c’est un lieu commun, mais tellement vrai). Malheureusement, parfois, les raisons ne manquent pas pour passer au dessus de cet adage.

Mais en tant que pratiquant d’art martiaux, et plus encore de professeur, n’existe-t-il pas une exigence éducative ? Essayer de faire mieux, d’évoluer, d’élever (élève, élever).  J’y reviens souvent, mais c’est une mission. Si dans notre corporation, on baisse les bras, qu’on cède à la facilité et que cette mission d’élévation est abandonnée, non seulement nous trahissons nos objectifs et nous nous trahissons nous-mêmes.

Que ce soit bien clair, quand il y a faute, elle doit être sanctionnée à hauteur du délit. Mais chacun son rôle, celui du professeur est d’éduquer.

On va me dire qu’enseigner les disciplines de combat, c’est apprendre à se battre, à se défendre, c’est exact, mais rien n’empêche d’y mettre la manière. La mission est double : Apprendre des techniques de riposte tout en éduquant l’esprit.

« Education »  ne signifie pas « manque de discipline », bien au contraire. Le rôle du professeur est d’apprendre des techniques, mais aussi d’apprendre à se discipliner, dans le respect des consignes, dans l’attitude générale au sein du lieu d’entraînement, et non pas d’y exacerber la violence par des mots ou des attitudes. Dans les arts martiaux japonais, cet endroit n’est-il pas appelé le « dojo », le lieu dans lequel on « trouve sa voie ». Peut-être est-ce oublié ? Trouver sa voie, y compris celle de la sagesse.

Lors des séances d’entraînement, on ne défend pas sa vie, on apprend des techniques qui le permettent en cas d’agression. Mais on doit apprendre aussi à devenir « Maître de soi ».

Le contrôle de soi n’est pas signe d’inefficacité ou de lâcheté. Cette finesse technique évoquée plus haut, c’est tout simplement la recherche du bon geste au bon moment, celui qui demandera le moins d’effort pour un maximum d’efficacité. Oui, d’efficacité.

Quant à ceux qui pensent qu’en matière de self défense, si on ne fait pas comme dans la rue, il ne sert à rien de s’entraîner, je les invite à tester, par exemple, des chutes sur le macadam, des étranglements portés jusqu’au bout et d’autres techniques tout aussi fatales. Surtout quand on sait que pour être efficace il faut s’astreindre à d’inlassables répétitions !

La réalité c’est la réalité, l’entraînement c’est l’entraînement, ce n’est pas la rue. Ne serait-ce que pour le mental, il ne serait pas sain d’évoluer plusieurs fois par semaine dans un tel climat.

Finesse technique et efficacité, l’une n’empêche pas l’autre.

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Indispensable katas

Il n’est jamais inutile d’insister sur ce que représentent les katas, encore moins de les étudier et de les pratiquer régulièrement.

Souvent ils ne sont abordés que lorsque se profile à l’horizon un passage de grade, un peu comme l’administration d’une purge. Ils sont bien davantage que ça.

On traduit kata par le mot « forme ». Pour plus de clarté on peut ajouter « imposée » ou encore « fondamentale ».

Ils sont des moyens d’apprentissage, des méthodes d’entraînement, ils permettent la codification, la transmission et même la sauvegarde de technique et des principes de bases. Ils sont les garants de nos traditions.

Malheureusement, considérés parfois comme des  « passages obligés » pour accéder au grade supérieur, ils ne sont abordés que dans cette optique ! Qu’ils intègrent un ensemble de contenus techniques d’évaluation, cela semble juste, mais leur utilité est plus importante que cela, heureusement.

Les katas permettent de rassembler les techniques par famille et/ou par thème et de leur faire traverser les âges, ce sont aussi de formidables méthodes d’entraînement.  En effet, ils représentent souvent un combat (le goshin-jitsu-no-kata notamment), certes un combat codifié pour des raisons évidentes de sécurité, mais il s’agit bien du reflet d’un affrontement ;  en conséquence, les attaques d’Uke doivent être sincères et fortes de façon à ce que les ripostes de Tori le soient tout autant, mais aussi qu’elles soient  réalistes et donc efficaces.

Pour les judokas, certains katas sont aussi l’occasion d’étudier des techniques « oubliées »,  interdites en compétition.

Le kata est également un exercice de style, certaines attitudes doivent être respectées. C’est le « plus » des arts martiaux. Un « plus » qui devient de plus en plus indispensable à conserver pour se démarquer des pratiques vides de valeurs éducatives.

Ils sont aussi, tout simplement, une addition de techniques intéressantes à pratiquer une par une. Il n’est pas nécessaire d’attendre un prochain examen pour commencer à les étudier.

Lors de l’exécution d’un kata, à l’occasion d’un examen, l’évaluation doit se faire, avant tout, sur l’efficacité des ripostes de Tori, qui répondent aux attaques d’Uke dont la sincérité doit être incontestable.

Ensuite, puisqu’il s’agit de formes imposées, il faut bien évidemment respecter l’ordre des techniques, les déplacements et les emplacements. Enfin il faudra être attentif à l’attitude générale dans laquelle doivent être exclus désinvolture et relâchement corporel. Respecter une attitude corporelle digne.

Cependant, un problème et un mystère demeurent et entourent les katas : il s’agit de ces incessantes modifications dont ils sont les victimes de la part des organismes « officiels ». Cela a pour effet de décourager les élèves, de désorienter les professeurs et le jury, allant jusqu’à discréditer ces exercices.

Pour faire apprécier le kata, il suffit simplement de le présenter comme une partie intégrante de la pratique  et non pas comme un passage imposé pour l’accession à un grade supérieur.

Enfin, dans la formation des juges, il est indispensable de hiérarchiser les critères de jugement. Certaines fautes sont rédhibitoires : celles qui touchent à l’efficacité (comme déjà indiqué plus haut), d’autres pas, d’où la nécessité que les jurys soient formés pour nuancer leurs appréciations, en fonction de différents paramètres : âge, grade postulé, etc.

Il y a tout dans un kata : technique, automatismes, condition physique, effort de mémorisation et de précision, respect du cérémonial et des traditions . Et surtout respect de nos « anciens » et de l’héritage qu’ils nous ont légué !

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La meilleure méthode de self défense ?

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Quelle est la meilleure méthode de self défense ? Voilà une question qui me rappelle un temps lointain où, dans la cour de récréation du collège, la question était de savoir, entre le judo et le karaté, quel était le plus fort.

Première réflexion : la meilleure méthode de self défense, si tant est qu’il y en ait une, mal enseignée et de fait mal pratiquée, et bien elle n’est plus la meilleure méthode.

Il faut réunir plusieurs éléments pour avoir une chance de se sortir d’une mauvaise situation. En tout premier faire preuve d’humilité, que ce soit en tant que pratiquant ou/et en tant que professeur.  D’abord l’humilité de ne jamais se croire invincible et ne jamais proclamer que la méthode que nous enseignons est infaillible.

Ensuite, pour être efficace, une méthode doit rassembler le plus de réponses possibles à un maximum de situations éventuelles.

Mais aussi, comme indiqué plus haut, que le professeur maîtrise ces ripostes et surtout que sa pédagogie permette de les transmettre. Cela semble évident, et pourtant…

Il est aussi indispensable que l’élève soit assidu, ce qui ne dépend pas toujours du professeur. La meilleure des méthodes de self défense s’inscrit dans la régularité, et dans le « temps long ». Pas de « méthode miracle », mais du travail !

Apprendre les techniques, c’est une chose, pouvoir les appliquer dans les situations de violence extrêmes que sont les conditions d’une agression, c’est autre chose. Il est indispensable d’acquérir des automatismes aux allures de seconde nature. On ignore quelles seront nos capacités réactives dans ces moments. Ce n’est pas pour ça qu’il faut conseiller de se tester dans la réalité ! Il y en a pourtant qui affirment que sans cette expérience, celle de la rue, aucune efficacité ne sera acquise.  C’est un peu « particulier », pas très éducatif et répréhensible !

Il est aussi nécessaire que le professeur mette en garde sur certains aspects, comme éviter les endroits et les situations à risque, que la négociation est la première «arme»  et que même pour un motif minime, une bagarre a de fortes chances de mal finir pour un des protagonistes et plus sûrement pour l’ensemble.

Maintenant, il y a deux sortes d’agressions. La simple embrouille qui dégénère au motif d’une queue de poisson ou d’une place de parking et l’agression directe avec différents objectifs tous plus violents les uns que les autres : vol avec violence, agressions sexuelles, etc. Les réponses ne devront pas être les mêmes, à condition de pouvoir faire la nuance et de se maîtriser. La légitime défense est une notion qui ne doit pas être ignorée, même si dans l’état de stress engendré par une agression, il ne sera pas toujours facile de doser la riposte, surtout quand on sauve sa vie ou celle d’un tiers.

Ne pas oublier que pour être efficace il faut être en possession de tous nos moyens, être en bonne forme physique et donc éviter les entraînements extrêmes au motif de faire comme dans la réalité. On ne peut pas faire comme dans la réalité deux ou trois fois par semaine. Cela me rappelle une réflexion d’une personne à propos d’entraînement « spéciaux », qu’il avait subi : « Je me demande s’il ne faut pas mieux se faire « casser la gueule  » une fois ou deux par an, plutôt que subir ce genre d’entraînement deux fois par semaine ». Voilà une réflexion frappée au coin du bon sens.  La réalité c’est la réalité, l’entraînement c’est l’entraînement. Comme son nom l’indique « on s’entraîne », on s’améliore, on s’élève.

Et puis, être fréquemment blessé, c’est la meilleure façon de ne pas souvent s’entraîner et donc de ne pas progresser.

Tout comme il est plus sain que les séances se déroulent entourées d’une ambiance dénuée de stress et de violence. Apprendre à se défendre en travaillant sérieusement n’empêche pas de passer un moment agréable en évitant d’ajouter de la violence là où nous sommes pour la combattre.

Pour finir sur une note positive, j’aime à rappeler que je compte parmi mes élèves et anciens élèves des exemples de situations qui ont pu se régler sans dommage pour la personne agressée, grâce a l’application de techniques apprises et répétée lors des séances. C’est aussi cela être utile.

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La tenue

« L’habit ne fait pas le moine », un peu quand même !

Au moins une fois par an j’évoque un vêtement qui me tient à cœur, celui qu’on appelle familièrement le kimono, bien que ce nom désigne plus spécifiquement une tenue  d’intérieur.

Dans les arts martiaux, il existe plusieurs appellations qui définissent ce que l’on revêt dans un dojo ; parmi les plus répandues on trouve le judogi, le karategi, le keikogi. Le « jujitsugi » est très peu évoqué. Pour les principaux arts martiaux japonais on peut le nommer tout simplement « dogi ». En Taekwondo, art martial coréen, c’est le dobok.

Quel que soit son nom, cette tenue est importante, elle ne doit pas être négligée ; j’y vois plusieurs raisons.

D’abord, chaque discipline sportive possède son « uniforme » ; il ne viendrait pas à l’idée d’un footballeur de se rendre sur un terrain de foot en judogi.

Ensuite, grâce à sa texture, cette tenue est pratique et hygiénique. Elle est résistante aux différents assauts qu’on lui fait subir. Elle est hygiénique, elle permet d’absorber les litres de sueur produits lors des entraînements.

Elle possède également comme vertu celle d’effacer toute distinction sociale. On ne frime pas vraiment dans un « gi ». Nous sommes tous égaux pour ces moments d’étude et de partage. Dans certains cas elle permet d’oublier quelques complexes physiques.

Enfin, dans le combat rapproché, notamment au sol, elle évite une proximité qui peut être parfois gênante et même rebutante pour certains et certaines.

Enfin sur le plan de la self défense, donc de l’efficacité, et à ceux qui affirment avec raison que dans la rue nous ne sommes pas en judogi, on peut répondre que dans la rue nous ne sommes pas non plus torse nu, ou très rarement et qu’un morceau de tissu peut remplacer celui du judogi pour appliquer certaines techniques. D’autres pouvant d’ailleurs se réaliser avec ou sans vêtement, quel qu’il soit.

Cette tenue, je la respecte au plus haut point ; n’est-elle pas mon principal « outil de travail » ? Elle est aussi devenue au fil des années ma « deuxième peau ». Parfois elle a même été mon « bleu de travail ».

Certains s’en affranchissent, c’est dommage, surtout dans des disciplines dites « à traditions ».

Lorsque je vois des entraînements (d’arts martiaux) se dérouler avec une multitude de tenues : short, t-shirt, survêtement, je ne peux m’empêcher d’être peiné. Je ne pense pas que cette réaction puisse être qualifiée de « vieux jeu ». Le respect et la tradition me paraissent indispensables. Sans respect, sous quelque forme que ce soit, il n’y a plus rien.

S’affranchir de toutes les traditions au nom d’une prétendue modernité ou même d’une soi-disant liberté pourra être sans limite. Si on ne respecte pas un symbole tel que la tenue, pourquoi pas, tant que nous y sommes, ignorer le salut, le bonjour et le merci et ainsi de suite, jusqu’à manquer de respect aux personnes.

Sans un minimum de rigueur et d’effort, il n’y a plus ni progrès, ni évolution, ni vie sociale digne de ce nom !

Que ne soit pas masqué un manque de rigueur et de respect à l’égard de notre histoire et de notre identité au nom d’une soi-disant modernité.

Au début des années 1970, à l’initiative de l’immense champion de judo néerlandais Anton Geesink, il y eut une tentative de kimonos de couleurs (de toutes les couleurs), qui n’a pas vraiment connu le succès. Ensuite, au début des années 1990, le kimono bleu est apparu lors des compétitions de judo, dans le but de faciliter la compréhension des combats. Dans le même esprit, j’ai moi-même opté pour cette couleur dans mes démonstrations et dans des ouvrages. Ça m’arrive encore pour des photos au sol, notamment.

Quelques professeurs l’utilisent à l’occasion de leurs cours, cela a été mon cas durant un temps, pour « aérer » mes ju-jitsugis de démonstration, à l’époque où j’en faisais. Une fois cette époque passée, je suis revenu à la pure tradition. Et puis un enseignant doit pouvoir se distinguer davantage par son savoir et son aura que par la couleur de sa tenue.

Dans cet article j’évoque les arts martiaux, mais d’autres sports de combats possèdent leur propre équipement (boxe, lutte, etc.), les pratiquants l’arborent fièrement.

Enfin, l’utilisation de la « tenue de ville » (adaptée) pourra être considérée comme un complément à l’étude de la self défense, dans des cours spécifiques. Ce pourra être aussi une approche et une étape avant de rejoindre le monde des budos. Alors : un peu de tenue !

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La « forme de corps »…

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Voilà une expression connue des pratiquants d’arts martiaux, lorsqu’il s’agit de projections et de travail au sol, bien qu’on puisse aussi trouver cette qualité dans les techniques de percussions. C’est la capacité à bien adapter son corps à toutes les situations d’initiative et de défense.

On dit d’un pratiquant qu’il a une bonne « forme de corps ». De quoi s’agit-il exactement ?  Est-ce un don du ciel, ou bien le fruit du travail ?

C’est déjà une belle appréciation. Cette bonne forme de corps permet, au moment de l’exécution d’une technique, de ne faire qu’un avec la technique en question, de l’épouser pleinement. C’est la parfaite adaptation du corps à la technique.

Pour posséder cette qualité, on peut être doté de quelques prédispositions, mais ce sont surtout les inlassables répétitions qui permettent d’obtenir un tel résultat. On doit « sculpter », «  modeler » son corps, un peu comme l’artiste travaille « la masse » pour produire une belle sculpture. (Toujours la valeur travail !)

D’ailleurs, à propos d’artistes, ceux qui pratiquent les arts martiaux n’en sont-ils pas ? Ne sommes-nous pas admiratifs devant la beauté d’un geste qui associe efficacité et esthétisme ?

Cette forme de corps rassemble plusieurs qualités : principalement la précision, la souplesse, la tonicité et la vitesse. Je ne parle pas de force physique, mais d’une utilisation optimale de l’énergie dont chacun est pourvu, tout en utilisant dans certains cas celle de l’adversaire. On est dans le principe du « maximum d’efficacité avec le minimum d’effort (physique) ».

Pour revenir aux prédispositions, il y a des morphologies plus adaptées à telle ou telle pratique martiale, il y a des personnes plus talentueuses, mais quelques soient ces prédispositions, il faudra les révéler, les renforcer et les conserver. Les révéler grâce au professeur, les renforcer et les conserver avec l’entraînement.

Cette forme de corps utilise nos armes naturelles dans un ensemble où sont réunis plusieurs éléments qui s’enchaînent, ou s’associent et s’imbriquent avec naturel, mais aussi avec un bon déplacement qui offre le bon placement : le bon geste au bon moment. Une bonne forme de corps, qui n’est pas utilisée au bon moment, ne sera pas utile.

Quoiqu’il en soit, c’est toujours et encore la volonté et le travail qui permettent de trouver et de renforcer cette qualité. Il faudra bénéficier d’un professeur qui offrira un bon apprentissage et les bonnes méthodes d’entraînement pour affûter et ciseler un ensemble qui conduira à une finesse technique, synonyme d’une indiscutable efficacité dans tous les domaines.

Pour acquérir cette « forme de corps », il faut d’abord le vouloir (le pouvoir presque tout le monde le peut, le vouloir c’est autre chose). On se doit d’être sans cesse à la recherche de l’amélioration, non pas de la perfection qui n’existe pas, mais tout simplement de l’élévation : aller plus haut !(Illustrations de l’article avec les figurines réalisées par Bernard Pariset (1929-2004) Champion de judo et sculpteur à ses temps perdus)

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Les inséparables Tori et Uke

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Retour sur deux personnages bien connus des pratiquants d’arts martiaux et notamment des jujitsukas. Pour les novices, afin de faciliter les présentations, nous pourrions expliquer que dans ce couple d’inséparables, Tori incarne « le gentil » et Uke « le méchant ».

Cette définition, même si elle facilite l’identification des rôles, est un peu simpliste dans la mesure où les deux protagonistes, dans ces positions interchangeables, sont complémentaires et non pas adversaires. Sans Uke, Tori n’existe pas. Dire que c’est Tori qui conclut une action est plus juste pour signifier les implications respectives.

Une traduction littérale nous révèle que Tori est celui qui « prend » ou « choisit » et Uke celui qui « reçoit » ou « subit ».

Dans la connivence qui unit ces deux personnages, il n’existe aucune rivalité, ils doivent être continuellement en quête d’une parfaite osmose.

Bien souvent c’est Tori qui attire davantage l’attention et le rôle d’Uke n’est  pas toujours considéré à sa juste valeur et parfois même il peut paraître ingrat. Or, son rôle est déterminant. C’est grâce à lui que Tori réalise ses progrès, qu’il peut ouvrir et élargir son champ des connaissances.

En plus d’une parfaite maîtrise de la chute,  Uke doit être capable d’adopter toutes les situations, les postures et les réactions qui peuvent se présenter à son partenaire. Il se doit d’être d’une disponibilité corporelle totale, malléable à souhait, dans le bon sens du terme. Il doit «jouer le jeu ».

Pour parfaitement maîtriser une technique ou un enchaînement, il est indispensable de pouvoir les répéter des dizaines, des centaines, des milliers de fois. Imaginons un seul instant le faire sur un mauvais partenaire, pire encore sur un partenaire qui résiste systématiquement ! Pas de répétition, pas de progrès.

Le rôle d’Uke étant déterminant, il serait presque préférable d’être d’abord un bon Uke avant de devenir un bon Tori.

Au-delà de cette constatation, somme toute assez logique, par l’intermédiaire de cet article, c’est l’occasion de rendre hommage à ces personnages et de rappeler qu’entre eux il n’y a ni vainqueur ni vaincu, mais une victoire commune, celle de la conquête du savoir.

(Illustration de cet article avec un dessin de l’inoubliable Claude Fradet)

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Le triple engagement

On ne fait pas toujours ce que l’on veut, il y a les imprévus, les impondérables, les cas de force majeure, etc. Mais parfois, l’absence à une séance (ou à plusieurs) est la conséquence d’une (ou plusieurs) « petite flemme ». Certes, on n’est obligé de rien, mais lorsqu’on cède à la facilité on rompt une sorte de triple engagement.

D’abord vis à vis du professeur. Celui-ci a préparé sa leçon, il compte sur son effectif et lui faire profiter de ce que lui-même a appris grâce à sa régularité lors de son apprentissage. Être professeur, quelque soit la discipline, c’est exercer un métier et faire évoluer ses élèves, c’est l’objectif. Il n’est pas simplement un diffuseur occasionnel de techniques (quand on n’a pas mieux à faire) et qui ne seront pas assimilées en quelques fois. Il y met du cœur et de la passion.

Ensuite, c’est un engagement vis-à-vis des autres élèves. On va peut-être manquer à ses partenaires, au collectif. Bien qu’il s’agisse d’un sport individuel, il ne peut se pratiquer seul. Une bonne ambiance dans les cours, c’est aussi le résultat de se retrouver de façon régulière, cela participe à l’élévation du groupe grâce à une saine émulation. C’est une aventure commune.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, on rompt avec un engagement vis-à-vis de soi-même. L’estime de soi et la fierté personnelle, et bien ce n’est pas rien. Et puis, que l’on me contredise si j’ai tort, les fois où on s’est fait un peu violence pour venir s’entraîner, et bien ces fois-là, on ne l’a jamais regretté. Sans oublier que la récompense ultime sera de progresser, dans un domaine qui demande quelques efforts, mais en sont-ils vraiment ?

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