Ils sont l’illustration parfaite du principe de non-opposition et de celui de l’utilisation de la force de l’adversaire. Dans notre langue nous les appelons aussi les « techniques de sacrifices », dans la mesure où pour appliquer les principes en question il faut se placer au sol sur le dos, afin de faire passer l’adversaire par-dessus nous. Ce sont les sutémis, ils sont praticables par tous les gabarits, leur efficacité est redoutable. Tomeo-nage la fameuse « planchette japonaise » est le plus célèbre d’entre eux.
Il y a quelques mois j’avais déjà évoqué ces techniques, mais elles représentent tellement bien une des grandes idées de Jigoro Kano, qui est de savoir faire bon usage de sa propre énergie et surtout de celle de l’adversaire, qu’il me semble important d’insister, et de compléter le précédent article qui traitait du sujet. .
Dans leur exécution, non seulement on ne s’oppose pas, mais à la force de l’adversaire on y ajoute la nôtre. Ce qui fait que même étant dénué de puissance, il suffit de « conduire » celle de l’opposant. A partir de là, « tout le monde peut faire tomber tout le monde ». Nous sommes au cœur de l’efficacité du ju-jitsu tel qu’il doit être enseigné et pratiqué. Certes sans action offensive de l’adversaire, il est impossible d’appliquer ces principes d’addition de force, mais le ju-jitsu (bien présenté) a toujours revendiqué le titre de méthode de défense et non pas d’attaque.
En judo, avec l’avènement de la compétition et des catégories de poids, certaines projections ont dû être adaptées, c’est le cas des sutemis ; dans la mesure où, à technique (presque) équivalente et à poids égal, les principes de base n’ont plus les même effets, y compris celui de la surprise pour la personne qui en agresse une autre et qui n’envisage pas forcément que celle-ci puisse se défendre en utilisant de telles techniques. Le meilleur exemple d’adaptation, pour lequel on peut presque utiliser le terme de nouvelle technique, s’appelle tomoe-nage avec l’apparition du yoko-tomoe-nage. Cette dernière forme ne trouvant sa raison d’être que dans les randoris et les compétitions de judo. Il n’existe pas vraiment d’applications en self-défense. Une analyse plus profonde de cette belle technique pourra faire un beau sujet par la suite.
Il y a donc des différences techniques mais aussi d’utilisation selon que l’on se trouve dans le cadre de la (self) défense ou bien dans celui du judo. Ne serait-ce que dans la rue, sur un sol dur, nous nous placerons sur le dos qu’en dernière analyse, lorsque la poussée est tellement forte que nous sommes déjà en déséquilibre et que l’application de techniques, comme hiza-guruma par exemple, qui nous laisseraient debout n’est plus possible. A l’inverse, en judo les sutémis peuvent être pratiqués directement, comme toute autre technique.
Il existe aussi les « makikomi », ils sont un peu les « cousins éloignés » des sutemis. Littéralement, il s’agit de techniques d’enroulement. Le corps de Tori venant au contact de celui d’Uke pour l’entraîner avec lui jusqu’au sol. La différence essentielle réside dans le fait que pour les sutemis, il y a séparation des corps durant l’action et que pour les makikomi, c’est l’inverse, l’efficacité se réalisant dans le plus étroit contact entre les deux protagonistes (au profit de Tori, évidemment, qui emmène le corps d’Uke avec le sien dans une synergie rotative). Le point commun étant que dans les deux cas l’idée est d’entraîner l’adversaire au sol en y allant soi-même.
La maitrise de ces « techniques de sacrifices » requiert de la patience, comme toutes les autres, mais leur parfaite exécution, qui donne l’impression d’agir sans presqu’aucun effort et même de façon un peu magique, procure une joie supérieure à celle ressentie dans la réalisation des autres projections. C’est en tout cas mon sentiment.
Je profite de cette occasion pour signaler que les sutémis seront au programme – entre autres thèmes – du prochain stage à Paris (Montreuil, précisément) le 10 mai, le jour de l’Ascension.
En attendant, certains vont pouvoir profiter de congés, bonnes vacances à eux et bon courage à tous les autres.
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Aujourd’hui, dans le cadre du projet de dictionnaire c’est la lettre C que j’aborde : C comme Henri Courtine.
Aujourd’hui, c’est la lettre B de mon dictionnaire qui est abordée. Comme je l’avais expliqué il y a quinze jours, en alternance avec les articles habituels, je proposerai sur ce blog un résumé de ce que représente chaque mot ou nom qui me sont venus spontanément à l’esprit en déclinant l’alphabet. Un ouvrage plus détaillé sur chacune des lettres étant en préparation.
Les rendez-vous parisiens se déplacent un peu à l’Est pour devenir « montreuillois », du nom des habitants de la commune de Montreuil, qui est la deuxième ville la plus peuplée du département auquel elle appartient, la Seine-Saint-Denis. C’est également la cinquième de l’Ile-de-France. Appelée aussi Montreuil-sous-Bois (quand il y avait des bois, sans doute), la ville est limitrophe du XXème arrondissement parisien, son accessibilité est très facile ; avec le métro par la ligne 9, station Robespierre, en voiture par la sortie périphérique Porte de Montreuil. Ce petit cours de géographie pour présenter l’endroit où se déroulera le 24 mars le prochain stage.
Il y a quelque temps un de mes anciens élèves, qui se reconnaitra, m’avait suggéré de réaliser un dictionnaire des noms et des mots qui ont marqué ma carrière. J’avais mis de coté cette idée, aujourd’hui elle me revient. Aussi, j’ai commencé à établir une liste alphabétique des personnes et des sujets qui me venaient assez spontanément.
Un formateur d’enseignants à l’occasion d’une séance qui n’hésite pas à utiliser un qualificatif déplacé pour interpeller et faire remarquer son retard à un futur professeur (quel exemple !), un autre (ou le même) qui informe les futurs enseignants qu’ils ne doivent pas espérer faire une activité professionnelle, même partielle, de la dispense de leurs savoirs et encore moins que celle-ci puisse un jour devenir leur métier (quelle motivation !). Voilà des faits qui sans doute ne reflètent pas une majorité, mais qui se sont déroulés dans un lieu où doivent être « formés » les futurs professeurs. Ceux qui dispenseront leurs connaissances techniques et qui donneront l’exemple en matière de politesse, de respect, bref d’éducation et à qui il reviendra donc la tâche de faire appliquer le fameux code moral affiché dans les dojos.
L’épisode hivernal que nous venons de vivre a permis de constater que savoir chuter n’était pas inutile en dehors d’un dojo. Certes, on peut penser que lorsque l’on chute sur un tatami on doit « frapper » avec le bras et que par conséquent il ne sera pas possible de faire de même sur un sol dur ; sur ce point il faut préciser que ce serait un moindre mal, nous verrons pourquoi plus loin.
Décidément ce qui touche à la self-défense ne laisse pas insensible. L’article de la semaine dernière a rencontré un beau succès et a suscité quelques réactions qui m’inspirent ce nouveau billet.
Récemment j’ai été interpellé par le contenu d’une affiche sur laquelle était proposée – entre autres thèmes – de la « self-défense » au programme d’un stage de ju-jitsu. Cela sous entend (volontairement ou involontairement) que le ju-jitsu n’est pas une méthode de défense (à moins que ce soit dans un souci approximatif d’information destiné aux néophytes). C’est surprenant dans la mesure où je pensais que lorsque l’on pratiquait cette discipline on pratiquait forcément de la self-défense. Certes le ju-jitsu a l’avantage de ne pas se limiter au simple aspect utilitaire ; on travail le physique et le mental – qui ne sont pas incompatibles avec l’efficacité, bien au contraire -, mais il s’agit avant tout d’un art de combat. Ses principes et la majorité de ses techniques possèdent des spécificités qui sont la non-opposition, l’utilisation de la force de l’adversaire, la recherche du contrôle de l’adversaire, mais aussi celle du détail qui tente de conduire à la perfection, partant du principe que « qui peut le plus, peut…le plus ». Même si pour différentes raisons – éthiques et éducatives -, son enseignement et sa pratique ne se limitent pas à l’aspect utilitaire, chaque technique étudiée, chaque méthode d’entraînement travaillée et chaque kata exécuté ont comme principaux objectifs de progresser et de renforcer l’efficacité dans l’art du combat. Et puis surtout n’oublions pas que dans l’arsenal technique existent des projections et des coups qui peuvent être fatales (ne pas l’ignorer n’est pas superflu, à bien des égards). Tout cela pour affirmer que la self-défense est l’ADN du ju-jitsu.