Avec le ju-jitsu, nous avons la chance de posséder une discipline très complète sur le plan technique, mais sa grande richesse se situe dans les principes qui la régissent. Appliquer correctement et donc efficacement ces principes de base nécessite leur parfaite compréhension. S’agissant de mécanismes très naturels, il n’existe pas d’immenses difficultés à cela. Celui de la non-opposition ou de non-résistance est le premier d’entre eux. S’opposer ou résister à une force supérieure à la sienne est stupide et ne peut conduire qu’à la défaite. Par exemple, effectuer juste un pas de côté permettra de sortir de l’axe de l’attaque et la conduira dans le vide. Le deuxième consiste à utiliser la force de l’adversaire. Cela s’appelle l’addition de forces. Un peu plus compliqué à réaliser, mais d’une efficacité sans contestation. Imaginons que vous soyez en possession d’une puissance de 30 et que votre agresseur représente 70, et bien, lorsqu’il vous pousse et que simultanément vous le tirez, nous arrivons à un total de 100 dans la même direction. Les techniques de sutémis (sacrifices) en sont les parfaites illustrations. Ensuite, il y a le principe « action-réaction ». Faire réagir un adversaire (ou un partenaire, à l’entraînement) en l’amenant à la faute. Exemple, si je pousse quelqu’un, il y a fort à parier qu’il réagisse en me repoussant. L’essentiel étant de ne pas se mettre soi-même en déséquilibre en voulant créer la réaction. Cela doit être très subtil ! D’autres principes existent, mais ceux décrits plus haut sont les trois plus importants. Ils permettent d’obtenir le déséquilibre indispensable à la parfaite exécution d’une riposte. Il va sans dire que l’on ne peut pas se passer de rapidité de réaction et d’exécution. Il faut noter que dans le domaine du travail au sol, ces principes existent également, peut-être de façon moins flagrante. Par contre dans ce secteur, la rapidité s’avère moins indispensable.
Enfin, ces préceptes relèvent de l’intelligence et du bon sens, ils peuvent s’appliquer aussi dans les actes du quotidien. Ils participent à l’élaboration de ce que l’on appele « une école de vie ».
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Le salut
Le salut est avant tout un signe de politesse et de respect et de fait une tradition qui ne doit pas être sacrifiée. Il est aussi un moment de brève et intense concentration avant une démonstration, une répétition ou un combat. Et puis, un temps de courte réflexion dans l’instant qui suit ces exercices.
Dans les arts martiaux japonais, le salut est emprunté aux coutumes du pays. C’était tout simplement dans le quotidien la façon de se dire bonjour. Soit dit en passant, c’était aussi un moyen de limiter la prolifération de certaines maladies transmissibles. Parions qu’il y avait moins de gastros dans le Japon médiéval.
Nous utilisons le salut principalement de deux façons. Debout ou à genoux. Logiquement, avant et après avoir effectué un travail debout, on salue debout ; il en est de même pour le travail au sol. Dans certains katas ce rite se pratique à genoux (Kime-no-kata et katame-no-kata) et debout pour les autres. Au début et à la fin d’un cours il s’exécute en principe en position agenouillée, mais rien ne s’oppose à ce qu’il soit réalisé debout. La position des élèves les plus haut gradés est toujours sur la droite. C’est l’inverse qui doit être respecté pour les professeurs.
S’il est incontournable, il doit se faire en respectant une bonne attitude. Il ne doit pas être bâclé. Tout d’abord, les protagonistes adoptent une tenue correcte, même après un combat. On prend le temps de se rhabiller, on ne salue pas débraillé. D’autre part, il ne s’agit aucunement de se satisfaire d’un vague mouvement de tête. On prend son temps pour incliner le buste vers l’avant, les mains glissant le long des cuisses en position debout et elles seront posées sur le sol dans la position agenouillée.
Entre élèves et après un travail ou un randori, il se suffit à lui-même. D’autres marques, si sympathiques soient-elles ne sont pas indispensables !
Il est de coutume également de pratiquer le salut en entrant dans le dojo. Il est vrai que cette tradition se perd, elle est remplacée par un seul salut, celui que l’on exécute avant de monter sur le tatami. Mais l’un n’empêche pas l’autre.
Cet article permet aussi de rappeler que si certains rituels ne sont pas respectés dans nos disciplines à traditions, où le seront-ils ?
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Sondage de mars
Un résultat assez serré pour le sondage du mois dernier qui demandait aux internautes quelle avait été leur première motivation pour pousser la porte d’un dojo. 38 % ont répondu la self-défense, 35 % l’aspect sportif et 27 % l’aspect mental. Apprendre à se défendre reste malgré tout la première préoccupation, talonné par le développement physique et un peu plus loin l’aspect mental. Si on cerne assez facilement de quoi il s’agit lorsque l’on évoque les cotés utilitaires et sportifs, cela est peut-être moins clair quant il s’agit du mental.
De mon point de vue, l’intérêt réside dans les trois, il aurait peut-être fallu proposer une case pour voter : les trois ! Mais, ce n’était pas le but, celui-ci étant de dégager les préférences spontanées.
Le résultat est intéressant, il répond à une certaine logique et à peu de chose prêt rejoint la conception que formulait Jigoro Kano dans son fameux Shin-Ghi-Tai (l’esprit, la technique et le corps), mais…à l’envers. Lui avait placé l’esprit (le mental) en premier parce qu’ avec raison, il pensait que c’est l’acquis que l’on conserve le plus longtemps, à l’inverse du physique et dans une moindre mesure de la technique. Il est vrai que le sondage inverse les priorités, mais je ne trouve pas anormal qu’une personne qui débute dans les arts du combat, soit d’emblée intéressée par l’aspect externe, c’est-à-dire pratique. A nous professeurs de faire découvrir les autres richesses de notre discipline et en l’occurrence les bienfaits sur l’aspect mental.
Il ne faut pas non plus s’égarer outre mesure sur ce que signifie l’esprit dans notre pratique. Il s’agit là d’un comportement qui se matérialise par des attitudes de politesse, de sagesse, de relativité, de respect, de rigueur et d’entraides mutuelles. Toutes ces qualités étant acquises avec le temps et par les vertus de l’exemple. Elles sont tout aussi importantes que les prouesses physiques et techniques et peuvent s’avérer utiles dans bien des domaines. Le règlement, en amont, de certains conflits par exemple.
Les résultats de ce sondage semblent répondent à une certaine logique.
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Les 16 techniques et compagnie !
Les 16 techniques, les 16 bis, les 16 ter, les 16 contrôles, les 16 atémis. Certains se demandent s’il existe une signification autour du chiffre 16 ! Au risque de décevoir les personnes fétichistes, il n’y a aucune raison particulière. Il s’agit du fruit du hasard, celui-ci possède malgré tout son histoire.
Pour les besoins d’une démonstration à l’occasion des deuxièmes championnats du monde de judo féminins en 1982 à Paris, la FFJDA ? à laquelle j’appartenais à cette époque ?, avait accepté l’idée de proposer une démonstration de ju-jitsu effectuée par une femme et je m’en étais vu confier la responsabilité. J’avais préparé un enchaînement dans lequel j’étais Uke (le méchant), pour le rôle de Tori (la gentille) j’avais choisi Marie-France Léglise, une élève ceinture noire.
Nous avions mis au point deux parties, une première très technique, avec ralenti et vitesse normale pour chaque mouvement et une deuxième très rapide dans laquelle nous enchaînions treize techniques comme « bouquet final » de notre prestation.
Nous étions à l’époque où ça bougeait un peu en matière de ju-jitsu en France, avec notamment la création d’une commission nationale. Même s’il existait déjà la progression par ceinture et d’autres supports techniques tels que les katas, la nécessité de proposer de nouveaux enchaînements se faisait ressentir. À la fois pour étoffer les programmes mais aussi pour signifier le renouveau. C’est ainsi que j’ai proposé les « 13 techniques » qui avaient déjà fait leur preuve. Il manquait des défenses contre armes qui, lors de la démonstration, n’existaient pas dans la partie rapide. C’est ainsi qu’en rajoutant les trois défenses contre armes, les « 16 techniques » ont été finalisées.
Par la suite, j’ai pensé qu’il serait utile de créer de nouveaux enchaînements, mais afin de limiter les problèmes de mémorisation, qu’il serait opportun de travailler à partir d’attaques déjà existantes. C’est ainsi que sont nées les 16 bis, les 16 ter et les 16 contrôles. Quant aux 16 atémis, le but était simplement de rester dans une forme de cohérence et de fidélité.
Pour conclure et pour satisfaire, quand même, les fétichistes évoqués plus haut : 1 + 6 = 7 (chiffre magique).
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D’autres enchaînements sont en gestation, je ne manquerai pas de vous informer sur leur avancée.
Résultat du dernier sondage
Le sondage du mois de février révélait que dans le domaine du travail au sol une large majorité affectionnait plus particulièrement les clefs au bras (59 %). En deuxième arrivaient les étranglements (26 %) et enfin les immobilisations (15 %).
Ces résultats répondent à une certaine logique.
Tout d’abord, en matière de self-défense et dans la façon de l’envisager. Placer les immobilisations en dernière place n’apparaît pas saugrenu, elles n’offrent pas une solution « radicale ». A l’inverse, mettre en premier les clefs prouve deux choses : la recherche de l’efficacité et la possibilité de la « gérer ». La clef est à la fois une arme redoutable et modulable. Elle permet de maîtriser une personne sans forcément mettre ses jours en danger. C’est un peu plus difficile à gérer avec une strangulation.
Sur l’aspect purement sportif, ou bien lors des entraînements en dojo, il s’agit là d’un choix purement personnel. L’avantage des clefs et des étranglements réside dans la rapidité du contrôle, en sachant que les petits gabarits s’expriment très bien dans les étranglements qui ne demandent pas particulièrement de puissance mais plus exactement des articulations fines et souples qui feront office de lassos. Les immobilisations recueillent les suffrages de ceux qui aspirent à installer leur maîtrise dans la durée ; une sorte de jeu du chat et de la souris.
Quoiqu’il en soit, la richesse de notre art martial offre un maximum de possibilités de s’exprimer dans des domaines diverses. Pour apprendre à se défendre, se renforcer physiquement ou tout simplement s’amuser…Ce qui me semble être important, aussi ! En sachant que plus on maîtrise, plus on s’amuse et que plus on s’amuse, plus on prend gout à l’entraînement et plus on progresse ; il s’agit d’un cercle vertueux. Malheureusement l’inverse est également vrai ! Un nouveau sondage est en ligne sur le site du club : www.jujitsuericpariset.com
Contradiction
Il y a quelque temps, lors d’un cours, j’annonçais : « Nous allons travailler une technique et puis ensuite, nous verrons sa contre-prise. » Ce à quoi un élève me répondit : « Ça sert à quoi, alors, si on travaille une technique et qu’après on étudie une parade afin de faire en sorte qu’elle ne fonctionne pas ? » Il y a du bon sens dans cette réflexion qui était formulée avec malice. Cela s’appelle une contradiction. Et je ne résiste pas à l’envie de faire partager l’histoire que vous trouverez ci-dessous. Bonne lecture.
Il y a bien des années, en des temps très reculés, deux guerriers s’étaient rendus chez un forgeron pour acquérir des armes. L’un était à la recherche d’une arme blanche, l’autre d’un bouclier.
L’artisan faisait valoir les qualités des articles de sa fabrication auprès de ses deux clients.
Au premier, il vantait la force et le tranchant de la lame, sa robustesse, sa maniabilité et son efficacité contre n’importe quelle armure ou protection. L’homme auquel il s’adressait se voyait déjà couronné de succès lors de ses prochains combats. A l’autre, il faisait remarquer la résistance de la matière malgré la légèreté du bouclier, sa forme enveloppante qui en faisait une garantie de protection contre toute arme blanche. Son interlocuteur se voyait résister à toute attaque.
Les deux guerriers qui s’étaient rapprochés l’un de l’autre entendaient les propos adressés à chacun par l’artisan qui continuait à faire l’éloge de sa production.
Mais que penser d’un bouclier dit invulnérable qui résiste à tout, opposé à une arme à laquelle rien ne résiste ? Cela demande réflexion, n’est-ce pas d’une grande contradiction ?
Hé bien en japonais, l’idéogramme représentant le mot contradiction est composé de deux parties – l’une représente une arme l’autre un bouclier – et se dit Mujun. Un peu compliqué, mais bien imagé !
Cette contradiction, on la retrouve partout. L’enseignement des arts martiaux n’y échappe pas. On enseigne des techniques, debout et au sol pour que, bien appliquées, l’adversaire puisse être contrôlé et vaincu.
D’un autre côté, on nous enseigne des parades et des défenses contre ces techniques afin d’éviter la défaite. Ici apparaît la contradiction, puisque dans chaque cas l’une des actions est faite pour neutraliser l’autre.
Cependant ces acquisitions sont toutes nécessaires, valables et efficaces pour celui qui veut les employer avec succès. Il doit simplement avoir la volonté et la patience suffisantes pour apprendre à les maîtriser et à les comprendre mieux que son adversaire afin de vaincre ce dernier en connaissance de la situation à laquelle il est confronté.
Miyamoto Musashi disait : « Si tu apprends à te connaître et si tu connais ton adversaire, alors cent fois sans risque tu vaincras ! »
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Carton plein
Même si régulièrement sur ce blog je relativise l’importance que certains attachent aux grades, il n’empêche qu’un professeur ne reste pas insensible lorsque ses élèves obtiennent un succès dans ce domaine et franchissent ainsi un palier. Il s’agit de la concrétisation de progrès liés à la fois à des compétences et surtout au travail. Sur ce dernier point, il y a une certaine forme de sacrifice, car il est indispensable d’y consacrer du temps, beaucoup de temps. Et quel que soit le résultat, c’est déjà louable. Ce n’est d’ailleurs pas donné à tout le monde, dans la mesure où nous menons, pour certains, une vie compliquée, surtout dans les grandes agglomérations. Cela se conçoit parfois au détriment d’autres activités. Et là, il s’agit de choix que certains ne peuvent pas faire et que d’autres ne veulent pas faire. Il est incontestable que certaines contraintes familiales, professionnelles et d’éloignements ne sont pas compatibles avec un tel investissement. Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde et un effort pourrait être fourni. Déjà dans la mesure où les répétitions ne sont pas éternelles. Ensuite je reste persuadé qu’un petit peu d’organisation temporaire permettrait de trouver le temps utile à la préparation du grade supérieur. Encore une fois, il s’agit de choix personnels et je ne me permettrai que de proposer et non d’imposer, ni même de stigmatiser. Peut-être juste d’influencer !
Bref, dimanche dernier, à Nantes, l’EAJJ (rattachée à la FEKAMT) organisait un passage de ceinture noire 1er et 2e dan « atémi-ju-jitsu ». Le club présentait quatre candidats : trois pour la ceinture noire et un pour le deuxième dan. Je suis très heureux de pouvoir annoncer qu’il s’agit d’un « carton-plein ». Quatre sur quatre, rien à dire. Les autres élèves du club l’ont appris dès dimanche après-midi sur les réseaux sociaux, mais ceux qui ne sont pas partisans de ces formes de communication ne sont peut-être pas en possession de l’information et puis il est bon aussi d’y revenir un peu plus en détail. Les nouveaux promus sont Marine Gérard, Marianne Thévin et Dimitri Opotchinski pour la ceinture noire et Philippe Cerchiario pour le deuxième Dan. On ne peut mieux faire, félicitations à tous les quatre. Cela va mettre juste un peu plus de pression pour les prochains candidats au mois de juin à Léognan.
À plusieurs reprises, j’ai fait état de la forme d’engagement que revêt le port de cette ceinture noire. D’une certaine façon, et pour reprendre une formule bien connue, elle confère davantage de devoirs que de droits. Exemplarité, transmission, entraide, etc. Et surtout le droit d’être modeste.
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Ouverture d’esprit
Il n’est pas donné à tout le monde de posséder une ouverture d’esprit suffisante à l’exercice de certaines professions. Une élève du club déménage et souhaite s’inscrire dans un dojo de sa nouvelle ville pour continuer sa pratique du ju-jitsu commencée plusieurs années auparavant dans mon dojo. Elle est ceinture bleue, montre sa carte de club et demande si elle peut porter son grade. Réponse du professeur : non. Pourquoi, interroge l’élève, un peu dépitée ? Parce que nous ne faisons pas partie de la même fédération. Cela dépasse le simple manque d’ouverture d’esprit et de tolérance, cela mérite un autre qualificatif que mon éducation m’empêche d’écrire. Au-delà de qualités techniques et pédagogiques qu’il paraît indispensable de posséder pour accomplir ce beau métier qui est celui de professeur, il est tout aussi indispensable de faire preuve d’un minimum de psychologie. Ce n’est assurément pas le cas ici. En faisant subir les conséquences de querelles intestines bien souvent dictées par la jalousie à une élève en la « dégradant » (le mot prenant d’ailleurs tout son sens), sans même avoir pris la peine de la regarder travailler, le professeur commet une faute dont il ne doit pas mesurer les conséquences. Il faut que certains comprennent enfin que les problèmes de rivalités entre les écoles et les fédérations sont dépassés et que, surtout, c’est le cadet des soucis de l’immense majorité des pratiquants. De tels comportements vont à l’encontre des préceptes des grands maîtres, tel Jigoro Kano, qui prêchaient l’entraide mutuelle et la tolérance. Certes, il existe des fédérations qui ont pour mission de développer et d’organiser la discipline dont elles ont la charge, mais les professeurs jusqu’à la ceinture noire ont l’entière responsabilité de leur enseignement. Bien sûr, ils doivent le calquer sur les programmes de grades que leur propose leur fédération, mais n’existe-t-il pas d’autres moyens d’amener le nouvel arrivant, qui dispose d’un bon bagage technique, vers le programme propre au club que celui de le dégrader brutalement au risque tout simplement de le décourager ?
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Stade Pierre de Coubertin
Avant de se dérouler dans la salle de Bercy, évoquée la semaine dernière sur ce blog, les grandes manifestations avaient lieu au stade Pierre de Coubertin dans le XVIe arrondissement parisien, Porte de Saint-Cloud exactement. Du nom du rénovateur des Jeux olympiques, ce stade inauguré en 1937 pour l’exposition universelle, et reconstruit en 1946, recevait les grandes compétitions de judo, de karaté et les galas d’arts martiaux, mais aussi bien d’autres sports comme l’escrime, le tennis, le basket, le hand, la boxe, etc. De taille bien plus modeste, il accueille environ 4 000 spectateurs contre 14 000 pour Bercy. Les « gladiateurs » bénéficient d’une meilleure communion avec le public.
Le stade existe toujours, il a même été agrandi et rénové en 1991 et des manifestations, plus modestes, mais néanmoins importantes, continuent d’y être programmées.
J’ai un peu la nostalgie de cet endroit. Est-ce parce qu’il correspond au début de ma carrière, ou pour les raisons de proximité avec le public, évoquées plus haut. Peut-être un peu les deux. Et puis, je crois surtout que cet endroit est chargé de belles histoires. Des exploits qui correspondaient au début du sport et que l’on ne retrouvera peut-être plus quand trop de professionnalisme tue une certaine spontanéité. Cependant, il faut se rendre à l’évidence et ne pas sacrifier une évolution indispensable sur l’autel des souvenirs. A l’inverse, il ne faudrait pas oublier les moments qui ont compté, autant que les lieux dans lesquels ils s’y sont déroulés.
Coubertin, pour les pratiquants parisiens, c’était aussi l’endroit où se passaient les compétitions départementales. Etant licenciés dans la capitale, nous avions cette chance. Certes, c’était le plus souvent dans l’un des deux courts annexes, mais quand même, c’était Coubertin. Et puis, encore bien plus loin, c’est là où mon père a réalisé de grands exploits dans les années 1950, entre autres sa fameuse victoire sur Anton Gessink, en finale des championnats d’Europe toutes catégories, en 1955. Pour moi et de façon plus anecdotique, il y eut cette fois où, tout gamin, je m’étais perdu dans les méandres du stade qui me semblait être un labyrinthe bien plus grand que l’univers. Moins loin, dans les années 1970, j’ai assisté à un nombre impressionnant de compétitions nationales et internationales. Notamment le premier tournoi de Paris de judo en 1971. Et puis, c’est là que j’ai réellement commencé ma carrière de démonstrateur, en 1977. C’était en septembre, les championnats du monde de judo devaient se dérouler à Barcelone au pays Basque espagnol. Les événements politiques du moment ont amené les organisateurs à les annuler. La fédération française de judo, pour pallier l’absence de promotion que représente une telle compétition, surtout en début de saison, avait décidé d’organiser une soirée de remplacement en proposant un France-Japon. Pour étoffer le programme, quelques démonstrations avaient été prévues. C’est à cette occasion que j’ai effectué ma première grande prestation. Et c’était donc au stade Pierre de Coubertin. Autant d’excellents souvenirs, tant professionnels que personnels. Pour finir sur un autre registre, tout en restant dans l’activité sportive, il est quand même intéressant de noter qu’au début du siècle dernier, au moment du grand mouvement en faveur du sport qui se dessinait un peu partout, c’était plutôt dans les quartiers « favorisés » de la capitale qu’avaient été construis les principaux lieux de rencontres sportives. Coubertin, Roland-Garros. Comme quoi le sport semblait, dans un premier temps, réservé à une élite. Les choses ont heureusement évolué.
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Bercy
Samedi et dimanche derniers avait lieu le tournoi de Paris de judo (le Roland-Garros de la discipline) et le week-end prochain, le magazine Karaté bushido proposera la version 2014 du Festival des arts martiaux. Ces événements ont en commun les disciplines de combat, mais il existe un autre point qui les rassemble ; tous les deux se déroulent à Bercy. Cette salle, dont la capitale peut être fière, fête ses trente ans. Pour l’occasion, le Palais omnisport de Paris-Bercy, son premier nom, va s’offrir un lifting. Ainsi, il sera fermé d’abord six mois cette année, il rouvrira en octobre pour le tennis et quelques autres rendez-vous, puis à nouveau une fermeture durant quelques mois, pour ouvrir ? tout beau tout neuf et encore plus vaste ? courant 2015. C’est la raison pour laquelle le Festival des arts martiaux a été avancé au mois de février, alors qu’il se tient traditionnellement en avril.
Tout le monde s’est habitué à cet endroit, mais il faut savoir qu’à son ouverture en 1984, il s’agissait d’un événement exceptionnel. La capitale française s’offrait la plus grande salle couverte de la planète.
À l’origine, il s’agissait essentiellement de proposer un palais des sports qui devait accueillir les manifestations sportives, mais très vite il est également devenu une salle de spectacle et de concert.
En 1984, chaque discipline sportive, par l’intermédiaire de sa fédération, s’est vu proposer une « soirée inauguration ». Pour la première fois, les principales fédérations d’arts martiaux s’étaient entendues pour offrir au public un spectacle commun. La FFJDA (judo – ju-jitsu), la FFKAM (karaté) et les deux fédérations d’aïkido. En additionnant les disciplines principales avec les affinitaires, cela suffisait largement à la composition d’un solide plateau.
J’ai eu le plaisir et l’honneur d’en être et j’ai eu le privilège de clôturer la soirée.
Nous étions, loin, mais très loin des spectacles proposés actuellement. Notamment en ce qui concerne la mise en scène. Pourrions-nous imaginer, à l’heure actuelle, trois heures et demie de démonstrations sans la moindre note de musique ni d’effets de lumière ? C’était pourtant le cas en ce soir d’avril 1984.
Il est bien dommage que l’expérience de l’association des trois fédérations ne se soit limitée qu’à une seule soirée. Mais c’est un autre débat que celui du rôle exact de ces institutions.
Le sujet du jour étant Bercy, il faut savoir qu’à partir de 1986, ce sont des initiatives privées qui ont pris en charge l’organisation du festival annuel. Tout d’abord la revue Bushido en 1986, 1987 et 1988. En 1989, le magazine Karaté rachetait son concurrent, devenait Karaté Bushido et prenait la main sur une organisation qui allait devenir la référence mondiale en la matière.
Le spectacle a évolué et chaque année les organisateurs essaient de faire preuve d’originalité. Je ne sais pas exactement combien de disciplines ont été présentées depuis la création, mais vraisemblablement bien davantage que nous aurions pu l’imaginer. Il faut avouer aussi que parfois, certaines détonnaient et étonnaient par leur originalité.
Il n’est pas aisé de trouver le juste milieu pour présenter une démonstration qui se doit de rassembler trois critères : d’abord respecter l’esprit et la forme de la discipline, ensuite, être « attractif » pour le néophyte et enfin, ne pas tomber dans un numéro ou seul le spectaculaire primera.
À titre personnel, j’y ai participé à douze reprises, avec à chaque fois la même envie de démontrer notre ju-jitsu du mieux que je le pouvais. Et aussi avec un trac identique, tout du moins avant le spectacle. J’ai effectué bon nombre de démonstrations dans diverses salles en France ainsi qu’à l’étranger, et je peux attester que Bercy est incontestablement la plus impressionnante lorsque l’on se retrouve au milieu, sous les projecteurs. Mais, de fait, que de moments exaltants, de souvenirs excellents et irremplaçables qui ne quitteront jamais mon esprit !
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