Déception et des questions

A défaut de pouvoir cueillir quelques brins de muguet le 1er mai nous pensions pouvoir bénéficier « d’un brin de liberté » le 11 mai ! Ce sera un maigre brin !

Pour certains départements classés «rouges», c’est pratiquement le même confinement qui sévira, avec les dommages que nous endurons depuis deux mois. Est-ce un test sur nos capacités de résistance ? Elles ont forcément des limites, nous ne sommes pas des machines. Surtout quand les conditions de confinement ne sont pas les meilleures (appartement, solitude, etc.). Pour Paris, par exemple, ça se limitera donc très souvent à… Paris (avec les parcs sans doute toujours condamnés)  !

Et puis il y a cette menace de continuer et/ou de reprendre la privation de circuler librement.

Comme nous pouvions nous y attendre, nous n’avons donc pas beaucoup progressé et certaines mesures ont des allures d’usines à gaz, comme seuls des technocrates déshumanisés et éloignés du terrain savent nous en imposer. Les mesures attachées à l’école, par exemple. Quant aux transports en commun ça se passe de commentaires.

Certes il nous faut  combattre un redoutable adversaire et il n’est sans doute pas utile (pour le moment) de revenir sur les moyens préventifs qui auraient du être mis en place et dont les carences nous distinguent de beaucoup de nos voisins européens. Et puis il faut espérer que le fait de continuer à limiter certains rassemblements ne cache pas d’autres intentions.

Dans tous les cas les combats que nous devrons mener dans les semaines et les mois à venir ne sont pas moins redoutables. les premières conséquences de l’arrêt de l’activité sont apparues, elles sont effrayantes sur le plan social et sur l’accentuation de la misère, tout cela engendrera une crise sanitaire sans précédent.

Pour ce qui concerne le sport et les arts martiaux, le secteur qui nous concerne, rien de nouveau, toujours cette incertitude lancinante et malfaisante.

Avant-hier j’évoquais le problème d’une dé-fidélisation possible dans nos disciplines, certains me faisaient remarquer que les vrais fidèles seront toujours présents au moment de la reprise, mais cela suffira-t-il pout faire vivre les structures ? Le vrai problème, si les clubs ne peuvent pas ouvrir, c’est qu’ils ne bénéficieront pas de nouvelles vocations, par la force des choses. Et même si une ouverture se profilait, les conditions qui l’accompagneront s’annoncent aussi draconiennes que dissuasives. Or, on sait qu’il en est des clubs comme d’une population, s’il n’y a pas de nouveaux, il y a forcément extinction.

Il faut savoir que les statistiques des fédérations font état d’environ 50% d’abandons à chaque nouvelle saison ; et cela en temps de normal. On peut facilement envisager les dégâts dans la période trouble que nous traversons.

Au moment où l’on nous donnera une date de réouverture, il nous faudra un grand pouvoir de persuasion pour convaincre de futurs samouraïs ! Nous n’en sommes pas démunis, en espérant qu’il ne sera pas trop tard !

Les principales victimes de ce déconfinement sont : la culture, le sport et les lieux de convivialités. La conjugaison de leur fermeture est inédite, à ma connaissance ! Souhaitons qu’elle soit la moins longue possible !

(L’illustration est l’œuvre d’Utagawa Toyokuni)

Geesink, un géant avec un grand G

Geesink, un géant avec un grand G

Aujourd’hui, mon dictionnaire s’attaque à un monument du judo. La lettre G ne pouvait être consacrée qu’à Anton Geesink. Pour moi, il représente un géant en 3 G. Géant par sa taille, par sa carrière et pour l’enfant que j’étais.

Un géant par sa taille d’abord. Un mètre quatre vingt dix huit ! Assez banal pour un néerlandais, mais pas pour l’enfant que j’étais la première fois que je l’ai vu !  Ce ne sont pas uniquement des prédispositions naturelles qui lui ont donné ce corps d’athlète hors-normes, mais aussi un travail de Titan, une appellation qui lui sied très bien, par ailleurs. C’est aussi le résultat de séances d’entraînement monstrueuses sur les tatamis, mais également en extérieur avec une musculation faite à l’aide d’éléments naturels, comme avec les troncs d’arbres du Massif des Maures en été, quand il venait au camp du Golf Bleu. Un gabarit de poids lourds, mais avec la rapidité d’un poids léger et tout en haut de ce corps une volonté de fer.

Un géant par son œuvre. Une carrière phénoménale ; il a eu tous les titres, dont le plus prestigieux : champion olympique à Tokyo en 1964 en clouant au tapis le japonais Kaminaga. Ce jour là, c’est toute une nation qu’il a fait pleurer. Il a bien sûr été champion du Monde, en signant un autre exploit lors de la troisième édition de ces « mondiaux » à Paris en 1961 en battant à la suite, les trois meilleurs poids lourds japonais du moment ; en ¼ de finale, ½ finale et finale. Il s’agissait de Kaminaga (déjà), Koga et Sone. Par ippon, s’il vous plait. Il possédait toutes les qualités requises : une parfaite technique debout et au sol, une rapidité exceptionnelle, une puissance surnaturelle et une volonté indestructible.

Enfin, un géant pour l’enfant que j’étais. La première fois que j’ai vu Anton Geesink, j’avais quatre ans et c’était au Camp du Golf bleu à Beauvallon-sur-mer, en face de Saint-Tropez. Chaque été, dans les années 1950, 1960 et jusqu’en 1990, les meilleurs judokas mondiaux s’y rassemblaient. Mon père avec Henri Courtine et Anton Geesink assuraient l’encadrement au tout début de l’aventure de ce club qui alliait «vacances et judo ». Ceux qui l’ont fréquenté, ne serait-ce qu’une seule fois, ne peuvent l’oublier. Donc, nous passions presque les trois mois d’été dans le Var et c’est là que pour la première fois j’ai approché Anton Geesink. L’enfant de quatre ans que j’étais n’avait aucune idée de ce que représentait un palmarès de judoka, par contre ce géant l’impressionnait, par sa taille bien sûr, mais aussi par sa musculature, par un visage volontaire, un timbre de voix très grave, bref, il était fascinant . Comme beaucoup de néerlandais il parlait plusieurs langues dont un français presque parfait, avec cet accent et cette voix qui raisonnent encore dans ma tête aujourd’hui.

Et puis, entre lui et mon père, il y avait toute une histoire sur laquelle je ne manquerai pas de revenir plus tard. On peut juste dire que les deux hommes – adversaires sur les tatamis – s’appréciaient et se respectaient au-delà de l’imaginable. En 2000, dans un entretien publié dans le journal l’Equipe, Geesink déclarait que, hors japon, l’adversaire qu’il redoutait le plus s’appelait Bernard Pariset. Autre hommage que je n’oublierai jamais, en janvier 2005 il avait tenu à être présent lors de la cérémonie organisée par la fédération française de judo pour rendre hommage à mon père, disparu tragiquement quelques semaines avant. Il avait pris la parole pour lui rendre un vibrant hommage, avec gravité, émotion, mais aussi avec humour. Un humour particulier qui me plaisait énormément.

Lors d’une suite à cet article consacré à ce géant, je reviendrai sur des impressions, des sentiments et des anecdotes plus personnelles.

Anton Geesink était né en 1935 à Utrecht, une rue porte son nom dans cette ville, il nous a quittés en 2010.

eric@pariset.net

B comme Bercy…

En ce moment, nous sommes beaucoup à « bénéficier » d’un peu de temps libre ; voilà de quoi l’occuper avec la lettre B de mon dictionnaire des arts martiaux que je me permets de vous proposer à nouveau depuis lundi dernier.

Donc, j’ai choisi B comme Bercy. Je n’ignore pas que cette salle, inaugurée en 1984, a troqué son appellation – « qui sentait bon un quartier populaire de la capitale » – pour une autre largement plus commerciale. En vérité son nom originel était « le Palais-Omnisport de Paris-Bercy », le POBP.

Dans cette salle, à la capacité d’accueil de 14 000 spectateurs, se déroule tous les ans le « festival des arts martiaux » organisé par le magazine Karaté-Bushido. C’est en 1986 qu’à eu lieu la première édition du plus grand rendez-vous mondial en la matière.

En 35 éditions  tous les arts martiaux ont été présentés, les meilleurs experts et champions ont foulé le tatami de cette salle qui devient, le temps d’une soirée, le plus grand dojo du Monde.

Cet endroit a sa place dans mon dictionnaire parce qu’il revêt un caractère particulier ; il a fait partie des grands moments de ma carrière, il a contribué à affirmer ma notoriété.  J’ai eu la chance et l’honneur d’y démontrer le ju-jitsu à douze reprises.

Mes « années-Bercy » qui vont de 1986 à 2005 (ma dernière participation), m’ont permis de rassembler de nombreux souvenirs que je qualifierai d’excellents.

Pour être prêt le jour J, la préparation commence bien avant la date de l’évènement. Il y a d’abord les heures de répétitions sur plusieurs semaines, après avoir travaillé longuement sur la conception de la démonstration.  Il faut à chaque fois faire preuve d’originalité tout en présentant un ju-jitsu efficace et spectaculaire. Le stress  monte en puissance au fur et à mesure que la date approche ; il y a la hantise qu’un problème surgisse, une blessure par exemple, ce qui est arrivé en 1998 avec un ménisque du genou en manque de coopération. Enfin arrive le grand jour, avec cette fois un hyper-stress dans les heures qui précédent. Lorsque l’on est derrière le rideau juste avant d’entrer dans l’arène, la tension est à son comble.

Les deux moments vraiment très forts sont « pendant et juste après ». Chacun a ses propres réactions face à ce que l’on peut considérer comme une confrontation. J’ai toujours été surpris qu’une fois monté sur le tatami le stress s’évapore comme par miracle, et heureusement. L’inquiétude que l’on ressent juste avant n’est pas uniquement due à la peur de ne pas bien faire, mais que surgisse un souci quelconque, qu’un grain de sable vienne enrayer la machine ; un trou de mémoire, une blessure ou bien encore un problème avec la musique. J’évoque ces exemples pour la bonne raison que ce sont trois cas de figures auxquels j’ai été confronté. Dans la version longue  de ce dictionnaire je ne manquerai pas de les expliquer dans le détail.

Une fois la démonstration exécutée, il y a cette incroyable sensation de soulagement. Si le spectacle a remporté le succès escompté et que l’on sort sous les applaudissements, une incroyable sensation de soulagement nous envahit, celle du contrat rempli, du métier bien fait. S’ensuivent des moments de douce béatitude. La tension retombe.

Lorsque la prestation s’effectue en première partie du spectacle, après une douche salvatrice et réparatrice, on rejoint le hall et si, comme ce fût le cas à plusieurs reprises, le club dispose d’un stand, on ne boude pas le plaisir procuré par la séance d’autographes. C’est là aussi un grand moment.

Quant aux souvenirs qui restent des démonstrations auxquelles j’ai pu assister, je n’évoquerai que les bons. Si globalement le spectacle a toujours été de qualité, sur plus de trente ans on ne peut éviter quelques ratés et mauvais excès. Heureusement la mémoire est sélective et l’on ne retient souvent que le meilleur. Parmi ce « meilleur » il y a eu 1989. J’ai l’impression que cette année a marqué un tournant. D’une suite de démonstrations d’arts martiaux très épurées lors des premières éditions, on passait à un réel spectacle, tout en conservant un esprit martial. C’est à cette occasion que la France découvrait le québécois Jean Frenette,  époustouflant dans un superbe kata artistique. Tout au long de ces années, je me souviens aussi des prestations toujours impeccables de Christian Tissier en aïkido, des moines de Shaolin, des karatékas d’Okinawa, de Sylvain Guintard marchant sur les braises, de Dominique Valéra toujours très convaincant, etc. Je n’oublie pas non plus les interventions, disons « originales » de Jean-Claude Van Damme. J’ai aussi une pensée pour la Canne française, un art bien de chez nous, démontré à plusieurs reprises et de belle manière par Fred Morin et son équipe.

Concernant le jugement que je porte sur mes propres prestations, l’édition 1995 a ma préférence sur le plan technique ; du point de vue du spectacle, c’est l’année 2000 que je place en tête ; on m’avait confié la charge de proposer en quelques tableaux la fameuse « Légende du Grand Judo », qui avait en son temps fait l’objet d’un très beau film relatant une période de la vie de Jigoro Kano durant laquelle, s’inspirant de différents styles de ju-jitsu, il  crée sa propre Ecole qu’il appelle JUDO. Il ignorait sans doute qu’à notre époque le sport prendrait l’ascendant sur la méthode d’éducation physique et mentale qu’il préconisait, mais c’est une autre histoire.

Aujourd’hui, pour retrouver ces passages à Bercy, il reste les vidéos qui permettent de les revivre, sans aucune nostalgie. Ils font partie des grands moments de ma carrière. J’ai participé à de nombreux galas en France et à l’étranger, mais aucun endroit ne procure de telles sensations, que ce soit le trac avant, la pression pendant et l’immense satisfaction juste après.

eric@pariset.net   www.jujitsuericpariset.com

 

 

 

Vendredi, samedi et dimanche…

Vendredi 27 mars
Durant ces journées de privation, en plus de mes articles sur le blog et sur Facebook, j’ai pensé revenir sur les temps forts du dojo et les particularités de chaque jour de la semaine. Commençons donc par cette journée qui débute. Le vendredi, le dojo proposait (et proposera à nouveau dés que possible) trois séances. Le cours marquant de la soirée était (et redeviendra) la séance de 19 h 00, avec les fameux « vendredis à thème ». Le concept est relativement simple, il s’agit de proposer et de travailler sur un thème précis durant l’intégralité de la séance. Le ju-jitsu ne risque pas la pénurie en matière de techniques et de domaines à développer. Que ce soit un kata traditionnel, un enchaînement plus moderne, un secteur, une technique particulière, des méthodes d’entraînement, il n’est pas difficile de remplir  l’agenda dès vendredis sur une saison complète. Cette séance a toujours connu un joli succès. S’immerger totalement dans un domaine, le découvrir, le décortiquer, l’approfondir, le perfectionner, tout cela ne laisse pas indifférent ceux qui sont passionnés par notre art. C’est aussi un plaisir partagé entre élèves et enseignant. Les premiers adhèrent à ce concept et le second apprécie que son enseignement recueille une attention encore plus importante. Je n’ai jamais vraiment pu deviner si c’était les vendredis à thèmes qui attiraient les plus motivés des élèves ou si c’était les vendredis à thème qui motivaient les élèves. Si vous comprenez le sens de cette dernière phrase, c’est peut-être que je me suis mal exprimé (un peu d’humour avec une phrase qui n’est pas de moi, mais d’un personnage bien plus célèbre : Alan Greenspan).
Vivement le premier vendredi à thème d’une longue série.

Samedi 28 mars
Depuis hier, j’évoque les particularités et les temps forts du dojo au fil des journées d’une semaine. J’avais commencé mon « tour de la semaine » par  le vendredi, tout naturellement, c’est du samedi dont il est question aujourd’hui.
Dans beaucoup de dojos le samedi est une journée particulièrement active. Le week-end est propice aux loisirs, l’activité physique les arts martiaux en font partie.
Pour sa première année d’existence notre nouveau dojo propose trois séances bien différentes.
Une première réservée aux « tout petits samouraïs ». Un éveil aux arts martiaux avec une pédagogie et un contenu technique très adaptés. L’objectif principal est de développer des qualités de motricité, de vie en groupe, le tout dans une ambiance où l’aspect ludique n’est jamais absent. Avant et après la séance, la disponibilité due au week-end permet  d’intéressants échanges avec les parents.
Le deuxième cours s’adresse aux adultes ; un cours sans thème particulier. Une pratique matinale en dehors du stress de la semaine, ce qui lui confère une ambiance plus détendue  et une attention plus importante.
Le troisième et dernier cours de cette journée se déroule en après-midi avec une séance en tenue de ville. J’avais déjà fait l’expérience, il y a fort longtemps, c’était au dojo de la Rue des Martyrs à la fin des années 1970. Pour des raisons d’organisation je n’avais malheureusement pas pu donner suite à cette séance qui se déroulait le dimanche matin. Cette forme de travail permet de satisfaire des personnes intéressées essentiellement par l’aspect pratique et qui ne souhaitent pas forcément s’engager plus en avant dans un art martial. Cela pourra être aussi une étape pour revêtir un jour le « dogi ». Pour ceux qui sont déjà pratiquants, cette séance est considérée comme un bon complément à une pratique traditionnelle.
Voilà, vivement que l’on puisse retrouver cette ambiance si particulière et si agréable des fins de semaine.

Dimanche 29 mars
Les portes du dojo étant fermées, j’ai décidé de le faire vivre en évoquant les temps forts de chaque journée de la semaine. J’ai commencé avant-hier avec la journée de vendredi, aujourd’hui c’est donc du dimanche dont il est question.
Au dojo le dimanche, il n’y a pas de cours d’inscrit au planning. Repos, ou stage mensuel.
Par contre, bien souvent, j’ai le plaisir d’animer des rassemblements à l’extérieur, en province ou bien à l’étranger.
Avec les photos (à retrouver sur Facebook) qui accompagnent cet article, ce sont quelques souvenirs de la saison en cours qui sont rassemblés. Ces stages sont des grands moments de partage, de rencontres et de communion. On s’y prépare, on les vit et on s’en souvient.
Depuis le mois de septembre, en plus des stages mensuels au dojo parisien, je me suis rendu en Bourgogne à Saint-Julien-du-Sault et par deux fois aux Pays-Bas. Je n’oublie pas le stage organisé au « Carreau du Temple » en février. À chaque fois, ju-jitsu et convivialité étaient au rendez-vous !
Alors, vivement que nous puissions reprendre une activité normale et notamment nos stages parisiens du dimanche matin.

eric@pariset.net

Au fil des mois et des émois !

Nous sommes au 2/3 de ce que l’on nomme la « saison sportive ». Ceci dans la mesure où l’on considère qu’une telle saison se finit le 30 juin et que par conséquent la suivante commence le 1er juillet.
Toujours est-il qu’ayant ouvert notre dojo le 1er juillet, nous sommes à quatre mois du premier anniversaire de ce lieu de partage !
Il n’est pas encore temps d’établir un bilan complet, mais simplement d’évoquer les points positifs et quelques autres.
En huit mois, beaucoup de choses se sont passées et diverses impressions et émotions ont pu s’exprimer.
D’abord il y a la joie liée à la réalisation d’un projet. Même si les difficultés sont importantes, les surmonter et aboutir sont autant de plaisir que seuls connaissent ceux qui ont la chance de pouvoir (ou de vouloir) le faire !
Chaque étape apporte ses propres sentiments. Du tout début de l’aventure lorsque l’on est dans la prospection avec les visites de locaux, jusqu’au tout premier cours que l’on assure, en passant par le suivi des travaux, notamment pour qu’il n’y ait pas de retard et que le dojo puisse être inauguré à la date prévue ; ce qui a été le cas au début du mois de juillet dernier.
Ensuite, même en plein été, tout va très vite, beaucoup de choses se passent ; des demandes de renseignements, des visites de curiosité, de politesse et d’amitié (qui font chaud au cœur et rendent insignifiantes les négligences et les coupables ingratitudes), les toutes premières séances dans lesquelles se mélangent novices et anciens ravis de retrouver « leur ju-jitsu », et je n’oublie pas la sueur sur tous les fronts, surtout l’été dernier ! Ensuite vient la rentrée, avec beaucoup de demandes de renseignements, d’initiations et d’inscriptions. Un brassage de population – aux niveaux techniques différents, représentant diverses professions, mais ayant en commun le désir de poursuivre ou de commencer la pratique d’un art martial accessible physiquement, et dans laquelle ne suinte aucune violence ! J’insiste sur ce point. En effet certains propos qui m’ont été rapportés sont édifiants ! Les mauvaises expériences sont légion et il est heureux qu’elles ne soient pas rédhibitoires pour la totalité de ceux qui les ont subies. Certaines pratiques font beaucoup de mal aux arts martiaux (et aux pratiquants) !
Une installation dans un nouveau quartier, même si celui-là ne m’est pas vraiment inconnu, ce sont de nouveaux voisins, une ambiance différente, de nouvelles habitudes, bref un environnement dans lequel il faudra se fondre.
Au bout de quelques semaines un rythme s’établit et l’on est heureux de voir s’élargir le cercle des élèves !
Certes, il ne serait pas objectif d’éluder les aspects négatifs, surtout que depuis le mois de décembre ils ne manquent pas. Des événements contre lesquels, tout du moins à notre modeste niveau, nous ne pouvons pas grand chose. D’abord la plus grande grève de l’histoire des transports en France et maintenant un virus « bizarre » ! Cela ne manque pas de perturber notre quotidien dans tous les domaines.
Quoiqu’il en soit, la volonté est une vertu qui ne manque pas à qui a consacré sa vie aux arts martiaux ; c’est dans cet état d’esprit que j’aborde la dernière partie de cette saison qui aura été celle d’un nouveau challenge que certains qualifiaient d’ambitieux (avais-je d’autres choix ?). Les obstacles sont faits pour être franchis et les problèmes pour être résolus. Lorsque l’on possède l’envie d’avancer et de créer, on avance deux fois plus vite. « Créer, c’est vivre deux fois ». Albert Camus.

eric@pariset.net  www.jujitsuericpariset.com

Randori

Il y a quelques semaines j’avais consacré un article aux méthodes d’entraînement. Parmi elles, il y a le randori, l’équivalent, en boxe, de l’assaut que l’on nommait aussi « l’assaut courtois », il y a un certain temps.

Le randori, ou l’assaut, c’est un peu la récompense de fin de séance. C’est le moment où l’on peut tester nos techniques dans un système d’affrontement très codifié et axé sur l’initiative, c’est-à-dire sur l’attaque ; l’aspect ludique ne doit jamais être absent de ces joutes respectueuses  avec lesquelles on perfectionne aussi la défense, puisqu’il est nécessaire de tenter d’esquiver les initiatives du partenaire.

Malheureusement, trop souvent le randori  est quelque peu dénaturé et confondu avec le « shai », c’est-à-dire le combat, la compétition (en judo, par exemple). C’est dommage. Ceci étant tout dépend des objectifs, ceux-ci ne sont pas les mêmes selon que l’on se situe dans une pratique loisir ou bien à l’occasion d’entraînements  de haut-niveau ; même si à ce stade là il devrait -aussi – être indispensable de ne pas négliger cet exercice.

En ju-jitsu on peut le pratiquer dans le domaine des coups (atemi-waza), des projections (nage-waza) et du sol (ne-waza).

Le but du randori est avant tout de se perfectionner et d’essayer (en fonction du secteur dans lequel on souhaite le faire) de « passer » des techniques, d’aboutir et de résoudre différentes situations d’opposition ; pour les projections, de tenter de faire tomber un partenaire qui s’oppose intelligemment. C’est volontairement que j’utilise le mot de partenaire et non pas d’adversaire. Du latin par (avec) et ad (contre). C’est-à-dire que dans le randori, le partenaire travaille avec moi et non pas contre moi, il m’aide à progresser en proposant une opposition raisonnée, m’obligeant à travailler ma vitesse d’exécution, ma réactivité, ma condition physique, mais aussi – fatalement –  un système de défense axé exclusivement sur les esquives et non pas à l’aide de blocages qui annihilent toute initiative et par conséquent tout progrès. Imaginons deux joueurs de tennis à qui on « confisque » la balle !

Dans certains randori de projections ont peut même exclure toute technique de « contre direct » et n’autoriser que les contres répondant à l’appellation « go-no-sen » (l’attaque dans l’attaque). Le contre peut faire des dégâts physiques, mais aussi phycologiques en  limitant les initiatives de peur de subir un contre ravageur ; ce qui limitera obligatoirement les progrès.

Il y a très longtemps je bénéficiais de l’enseignement d’un professeur de boxe française, Marcel Le Saux, qui comparait l’assaut poing-pied à une conversation. Chacun s’exprimant à tour de rôle en développant ses arguments, évitant de parler en même temps et trop fort, pouvant couper la parole poliment si l’opportunité se présente, mais surtout en ne proférant ni invective, ni grossièreté. Belle métaphore.

eric@pariset.net   www.jujitsuericpariset.com

Mars et martial

Mars et martial

L’adjectif martial se rapporte au combat, au Dieu Mars, le Dieu romain de la guerre ; les arts martiaux sont donc bien les arts du combat (même si ce sont des disciplines d’affrontement qui visent aussi bien au développement externe qu’interne du pratiquant). Peut-on en conclure que le mois de mars est celui des arts martiaux ? En tout cas, c’est dans le courant de ce mois de mars que se tient à l’hôtel Accord Aréna, l’ex-Bercy, le festival des arts martiaux. Quel malheur d’avoir remplacé un nom qui évoquait un quartier historique parisien par une appellation purement commerciale. Bref, comme chaque année depuis 35 ans, le magazine « Karaté-Bushido » propose un rendez-vous auquel presque tous les experts nationaux et internationaux ont participé et où tous les arts martiaux et toutes les disciplines de combats ont pu se produire, dans un lieu qui devient, le temps d’une soirée, le plus grand dojo du monde.

J’ai eu le plaisir d’y démontrer le ju-jistu à douze reprises. C’était à chaque fois un honneur, beaucoup de responsabilités et bien sûr un inévitable stress avant d’entrer dans cet endroit qui réserve des sensations uniques ; mais une fois la prestation terminée, c’était alors la satisfaction du devoir accompli, et sans doute relativement bien accompli, si j’en crois les commentaires qui suivaient. Ceci étant, rien n’était laissé au hasard ; c’est trois mois avant que commençaient les répétitions. Parmi les douze prestations, j’ai une préférence pour l’année 1995 ; c’est d’ailleurs la vidéo de cette édition qui est proposée pour illustrer cet article.

Au fil des années le festival a évolué. Je me souviens de la première édition, en 1986, quand toutes les démonstrations se faisaient sans musique et avec un éclairage unique. L’aspect spectacle, pour ne pas dire « show » s’est davantage imposé ; comme dans tout changement, il y a du positif et du moins positif, avec parfois des prestations légèrement décalées, parfois folkloriques et avec des personnes qui n’ont pas forcément leur place. On peut regretter que certaines disciplines (disons, plus traditionnelles) ne soient pas (ou plus) représentées. Quoiqu’il en soit cette « soirée arts martiaux », dont le plus grand mérite réside dans son institutionnalisation, est devenue un rendez-vous auquel – en tant que pratiquant – on doit se rendre au moins une fois dans sa vie. Je note et regrette que, une fois encore, le ju-jitsu ne soit pas de la fête. Un jour peut-être !

Le festival des arts martiaux 2020 se déroulera le samedi  21 mars. Renseignements directement sur le site du journal Karaté-Bushido.

eric@pariset.net     www.jujitsuericpariset.com

 

Un premier billet et deux sujets…

Pour ce premier billet de l’année, j’ai choisi d’aborder deux sujets. Un sujet d’actualité et un autre plus technique.

Commençons par l’actualité avec les bons vœux et les bonnes résolutions. Concernant les vœux, certains n’y accordent peu ou pas importance, au point de ne pas s’y soumettre. C’est dommage, même s’ils peuvent sembler conventionnels, ils sont une tradition qui doit être respectée, ne serait-ce que pour une question de simple politesse. Et puis si – en tant que pratiquants de disciplines dites « à traditions » – celles-ci ne sont pas respectées, nous sommes dans un non-sens teinté de muflerie. A titre personnel, j’attache une grande importance à ce que l’on doit aussi considérer comme une marque de respect. Cette conception n’est malheureusement pas toujours partagée. Peut-on dans ces conditions continuer à se réclamer du titre d’éducateurs ?

Quant à la prise de  bonnes résolutions, certes voilà encore un acte symbolique et relatif, puisqu’il n’est pas forcément indispensable d’attendre cette période pour les prendre. Mais se fixer, ce que l’on appelle une « date-line » peut s’avérer déterminant pour faciliter la réalisation d’une ou plusieurs bonnes décisions. Tout ce qui permet d’avancer et de s’améliorer ne doit pas être négligé.

Avec le second sujet nous abordons un domaine technique.

En ju-jitsu, trois grands groupes (les coups, les projections et les contrôles) font de cet art martial une discipline particulièrement complète et efficace ; à la condition évidente de maîtriser les techniques mais aussi d’être en capacité de les enchaîner avec fluidité et habileté.

En 2015, à l’aide d’un enchaînement structuré, j’ai souhaité mettre en avant l’atemi-waza (les techniques de coups) et le katame-waza (les techniques de contrôles).

Les coups existent dans de nombreuses disciplines de combat, souvent ils en sont la finalité. Les contrôles, quant à eux, sont pratiqués dans beaucoup de styles avec plus ou moins d’importance.

Dans notre discipline, si l’atemi-waza n’est que rarement une finalité, il est un moyen d’y parvenir ! Le katame-waza, quant à lui, est « modulable », dans la mesure où il peut être redoutable et même fatal ; à l’inverse il permet de maîtriser quelqu’un sans forcément mettre ses jours en danger ; la légitime défense et – tout simplement – le respect de toute vie ne sont pas des options !

Dans notre art, il est aussi important de maîtriser les techniques que d’être à l’aise dans leur liaison. Le ju-jitsu n’est pas une « salade composée », mais bien une entité faite d’éléments qui doivent être liés. Chacun a son domaine préféré. Cette préférence est souvent due à des prédispositions naturelles, mais aucun groupe de techniques ne devra être négligé ; c’est la garantie d’améliorer sa propre efficacité et de maîtriser une « science du combat » complète.

A l’occasion du prochain stage qui se déroulera à Paris le 2 février, cet enchaînement sera au programme, entre autres thèmes.

Je conclurai en souhaitant à nouveau à toutes et à tous une merveilleuse année 2020 avec la concrétisation de leurs désirs et la tenue de quelques bonnes résolutions.

(C’est la couverture du livre paru en 2015 qui sert de photo d’illustration)

eric@pariset.net www.jujitsuericpariset.com

Les grades

Dans les arts martiaux, les grades occupent une place importante. Cependant, il ne faut ni les surévaluer, ni les négliger.

Essentiellement, ils permettent de situer le niveau de maitrise technique du pratiquant, cela en fonction de la couleur de la ceinture qu’il porte autour de la taille.

Au début, les ceintures de couleur n’existaient pas, seules la blanche, la marron et la noire « tenaient » la veste du judogi. C’est à l’initiative de Maître Kawaishi , lorsqu’au milieu du siècle dernier il prit en main le judo français, que les ceintures de couleur ont fait leur apparition. Il avait bien compris l’esprit européen (et français en particulier) toujours friand de reconnaissances à arborer.

Jigoro Kano, fondateur du judo en 1882, avait tenu à hiérarchiser les valeurs pour l’accession à ces différents niveaux. Shin-Ghi-Tai ! Ce qui signifie : l’esprit, la technique et le corps. L’ordre établi n’est pas le fruit du hasard. L’esprit (le mental) arrive en premier, il nous habite jusqu’à la fin de notre aventure sur terre. Ensuite, il avait placé la maitrise technique, que l’on peut démontrer assez longtemps et enseigner tout le temps. C’est assez logiquement que le corps (le physique) arrive en dernier ; malheureusement avec l’âge même si on en prend soin, le déclin est inéluctable.

Il est vrai que mis à part les « grades compétitions » décernés à l’issue de combats qui favorisent malgré tout l’aspect physique des candidats, la délivrance des grades techniques est forcément subjective puisque c’est du jugement humain qu’elle dépend.

L’expérience qui m’anime me fait dire qu’il y a deux ceintures très importantes dans la vie d’un budoka : la ceinture jaune et la ceinture noire. La ceinture jaune, tout simplement parce que c’est la première et la ceinture noire parce que, malgré les années et un nombre sans cesse plus important de 1er dan, elle représente toujours un symbole très fort. Une sorte de graal ! Cependant, il ne faut pas oublier qu’elle n’est pas une finalité, mais une étape très importante. Elle est une belle récompense, la preuve d’une pratique qui s’est inscrite dans la durée, synonyme de rigueur. Mais elle doit être aussi une sorte de contrat signé avec l’art martial que l’on pratique et… avec soi-même. Un engagement qui signifie que l’on se doit de ne jamais abandonner les tatamis, sauf cas de force majeur.

Les grades sont des encouragements à ne pas lâcher la pratique et même à la renforcer dans la dernière ligne droite de chaque préparation.

Certains les assimilent à des hochets (distribués parfois généreusement ; grades de « copinage » ou d’asservissement) et les négligent. Mais nous sommes dans un système où ils existent et nous nous devons de les accepter. Peut-être que leur valeur prend vraiment son sens par rapport à l’organisme ou la personne qui les décernent.

L’obtention d’un grade (mérité) est de toutes les façons une grande satisfaction pour l’ensemble des pratiquants d’arts martiaux.

eric@pariset.net   www.jujitsuericpariset.com

A propos des 16 techniques (la suite)…

Cet article fait suite à celui de la semaine dernière qui traitait et présentait les « 16 techniques ».

Les réactions suscitées par ces quelques lignes m’ont inspiré plusieurs commentaires.

Tout d’abord beaucoup reconnaissent, à juste titre, qu’il s’agit d’une bonne base de travail. Comment pourrait-il en être autrement dans la mesure où il est question de grandes techniques appartenant au patrimoine du ju-jitsu originel ? De mon point de vue, il s’agit non seulement d’une base, mais tout simplement d’un travail dans lequel sont étudiées plusieurs grandes techniques de notre discipline et, ce qui n’est pas de la moindre importance, les liaisons entre les différentes composantes.

Ensuite, certains parlent de « souvenirs » ; c’est touchant et sympathique, mais pour ce qui me concerne, ce ne sont pas des souvenirs, puisque cet enchainement est toujours inclus dans mon enseignement. Les souvenirs font partie du passé, or les « 16 techniques » appartiennent à mon présent.

Enfin, je ne partage pas le point de vue de ceux qui pensent que ce qui est étudié et pratiqué au travers de cet enchainement n’est pas réalisable « en vrai ». C’est le cas uniquement dans la mesure où on ne se donne pas la peine de répéter suffisamment afin d’améliorer, de peaufiner, de rechercher le détail, le geste parfait exécuté avec détermination, précision, vitesse, tout cela en étant capable de réagir, de s’adapter à la situation. Cela s’appelle l’entraînement.

C’est vrai que dans mon enseignement du ju-jitsu, une fois que les bases sont assimilées, la recherche permanente du perfectionnement technique en tentant de s’approcher du meilleur sera une quête qui peut avoir un effet rebutant chez certains.

Il est évident que beaucoup de techniques demandent du temps pour être efficaces, donc de la patience et de la détermination, autant de qualités qui doivent animer l’esprit d’un samouraï des temps modernes. Cependant certaines ripostes de base sont applicables très rapidement.

En effet, je ne parle pas pour moi, qui ai la chance de ne pas avoir été confronté à une agression, mais je pense à de nombreux témoignages venant de personnes de différents niveaux, âges, hommes et femmes, qui, grâce à des techniques de base du ju-jitsu se sont sorties d’une ou de plusieurs mauvaises et même très mauvaises situations.

Simplement, comme dans beaucoup de domaines, le miracle n’existe pas, encore moins « apprenez à vous défendre en dix leçons ». Il n’existe qu’une seule vérité, celle du travail qui, dans notre domaine s’appelle « étude et répétitions ».

eric@pariset.net  www.jujitsuericpariset.com