Retour, pour certains…

Aujourd’hui nous retrouvons un peu de liberté et pour certains le chemin du travail. Qu’il plaise ou non, le métier que l’on exerce est un une nécessité. Pour ceux qui ont la chance de l’avoir choisi et de l’exercer avec  plaisir et avec passion, ce lundi se révélera comme une journée positive, si ce n’est que la crainte de devoir affronter un virus rampant et de nouveaux modes de vie, pourraient doucher quelques enthousiasmes.
Pour ce qui concerne le sport en général et les arts martiaux en particulier, il nous faudra encore nous armer de patience. En espérant qu’un jour nous pourrons reprendre des habitudes qui commencent à manquer aussi  bien aux élèves qu’aux professeurs, à fortiori quand pour ces derniers il s’agit d’un métier à plein temps, je sais de quoi je parle.
Ces deux mois auront été éprouvants pour tout le monde, certes à différents degrés, nous n’étions pas  tous logés à la même enseigne, que ce soit pour les conditions propres à ce confinement ou bien par rapport aux conséquences professionnelles.
Ces dernières semaines  nous avons découvert ou redécouvert de nouveaux mots et de nouvelles expressions : coronavirus, covid19, confinements, déconfinements, reconfinement (celui-là on espère qu’il ne devienne pas familier), gestes barrière, distanciation sociale (quelle horrible expression, lourde de signification, qui a bien pu l’inventer ?). Et puis, le mot « masque » qui n’a jamais du être autant prononcé. Même si cet objet semble indispensable, comme le sont les mesures sanitaires précitées, il ne faudrait pas que  ces éléments  nous imposent de nouvelles habitudes relationnelles. Espérons qu’elles n’altéreront pas de façon durable, et encore moins irréversible, notre manière de vivre en société et quelles ne deviennent pas uniquement la manifestation de la méfiance et de la peur de « l’autre », mais simplement la manifestation du bon sens et d’une entraide mutuelle qui nous fait parfois défaut.
Encore et  toujours, ne nous lassons pas d’espérer.
Bonne semaine et bon déconfinement.

eric@pariset.net

La lettre M de mon dictionnaire…

Comme Thierry Lhermite, allias Popeye dans « Les Bronzés », l’explique si bien : « Mawashi-géri est un coup de pied circulaire, parce qu’il est…circulaire ». Voilà une pédagogie simplifiée ! Et puis : «  ça vient de très loin, du Japon ». Trêve de plaisanterie, sinon : « on me retire ma licence » ! Ce passage culte de la leçon de Karaté, du film qui ne l’est pas moins, nous apprend aussi qu’il est utile d’avoir une certaine souplesse pour pratiquer cet atemi et qu’un bon échauffement s’avère indispensable !

Plus sérieusement, revenons à mawashi-géri ce « coup de pied » qui en plus d’être efficace est esthétique. Il demande peut-être plus de travail et davantage d’habilité que d’autres atemis ; il a ma préférence, c’est pour cette raison que je lui réserve la lettre M de mon dictionnaire.

Une fois bien assimilé, son efficacité est incontestable, surtout lorsqu’il est utilisé dans des situations particulièrement adaptées : en décalé par rapport à la ligne des points vitaux, par exemple.

Ce « coup de pied » on le retrouve dans différents arts martiaux et disciplines de combat sous d’autres appellations, ne serait-ce que dans notre boxe française sous le nom de « fouetté ».

L’esthétisme qui émane de cette technique, correctement appliquée, est aussi une des raisons de mon choix. La beauté du geste (qu’elle soit physique ou mentale) ne me laisse jamais indifférent. Pour l’acquérir elle impose de la rigueur dans la recherche du moindre détail et dans les efforts à fournir. La satisfaction du travail accompli et les résultats seront la récompense. Il s’agit de la recherche du geste parfait dans lequel se conjuguent efficacité et esthétisme.

L’esthétisme que certains (dont je fais partie) apprécient, n’est certainement pas un gadget, comme indiqué plus haut ; il impose rigueur et travail, il différencie l’art martial de la simple méthode de défense. Les efforts que sa recherche impose seront autant de bienfaits pour l’efficacité. Sans cette quête « du beau », du geste parfait, je ne pense pas que j’aurais passé autant de temps sur les tatamis. A mon sens il s’agit d’une importante motivation qui vient s’ajouter aux autres : souplesse, approfondissement, recherche du détail, inlassables répétitions, etc. Autant d’éléments qui renforceront, de fait, l’efficacité. Et puis, à contrario (et n’en déplaisent à ceux qui critiquent cette recherche en arguant que seule l’efficacité compte et qu’il n’y a pas de temps à perdre en fioriture), ce n’est pas parce qu’une technique est esthétique qu’elle n’est pas efficace et à l’inverse (surtout lorsqu’elle est mal exécutée) ce n’est pas le manque d’esthétisme qui donne l’efficacité.

Enfin l’art martial ouvre d’autres horizons, d’autres perspectives, prioritairement en matière éducative ; comme j’aime l’affirmer, cette rigueur et ces règles imposées sur les tatamis pourront être transposées pour une vie sociétale harmonieuse.

Je précise à nouveau que le but de ce dictionnaire – que je me plais à réaliser – n’est pas de détailler les techniques élues, ou de faire une bio complète des personnalités choisies, mais d’expliquer pourquoi leur choix s’impose à moi ; ce qui m’a plu dans ces techniques et ces personnages et ce qu’ils m’ont apporté.

L comme Jean-Claude Leroy…un ami et bien plus !

Aujourd’hui je vous propose la suite de mon dictionnaire des arts martiaux avec la lettre L comme Jean-Claude Leroy.

A une époque où l’on efface encore plus vite que l’on encense, c’est faire preuve de la moindre des corrections que de ne pas oublier ceux qui vous ont marqué et aidé. C’est ce que je m’attache à faire avec mon dictionnaire personnel.

Aujourd’hui je vous parle d’un temps que beaucoup ne peuvent pas connaître. C’était en février 1973, le Service national existait encore et je venais d’être incorporé au Bataillon de Joinville qui, comme son nom ne l’indiquait pas, était basé à Fontainebleau. Ce régiment réunissait des judokas en âge d’effectuer leurs obligations militaires et qui possédaient les qualités requises pour accéder à ce prestigieux groupe. C’est là que j’ai fait la connaissance de Jean-Claude Leroy, un des judokas le plus talentueux que j’ai connu et qui n’a pas eu le palmarès qu’il aurait dû conquérir.

Il était devenu un ami, et peut-être même, parfois un grand frère. Il était mon aîné de deux années et dans beaucoup de domaines il bénéficiait d’une expérience plus importante que la mienne. Ceci étant, je le dis avec humour et sympathie, il n’était pas forcément utile de suivre tous ses conseils, mais il allait de l’avant ; le problème c’est que l’énergie dont il disposait n’était pas assez canalisée.

Ce n’est que mon avis, mais il aurait pu (et dû) devenir notre premier champion du Monde de judo dans les années 1970. Un uchi-mata à gauche dévastateur, un panel impressionnant de techniques autour de ce « spécial », une vitesse exceptionnelle, un sens du combat développé à l’extrême, et une classe folle. En France il a battu les meilleurs de sa catégorie (les « légers », les moins de 63 kilos de l’époque), mais jamais dans la compétition qu’il fallait. Alors que lui a-t-il manqué dans sa conquête du graal ? Peut-être tout simplement l’envie ! Il aimait sans doute trop de choses dans la vie pour se consacrer à une seule. Et puis la beauté du geste lui importait davantage que les reflets de la médaille. Il préférait perdre en ayant tenté de « jolies choses », que gagner « aux pénalités ». Je l’évoque au passé, puisqu’il nous a quittés bien trop tôt au milieu des années 1990.

Né d’une mère vietnamienne et d’un père français il avait un physique fait pour les arts martiaux, surtout au cœur des années 1970, en pleine « période Bruce Lee ». Et comme entre autres qualités il maitrisait parfaitement l’atemi-waza (le travail des coups) grâce à une souplesse naturelle et à son sens du combat déjà évoqué plus haut (sens du combat qui est transposable dans toutes les arts martiaux), il n’aurait pas manqué de briller dans les autres formes d’opposition.

Après avoir passé presque tout notre Service national ensemble, nous avons continué à nous fréquenter ; il habitait dans le Val d’Oise et appartenait à un très grand club : le J.C.V.B. (Judo-Club-Villiers-le Bel). Il est venu enseigner quelques temps au dojo de la rue des Martyrs et surtout il était avec moi au début de l’aventure de l’atémi-ju-jitsu, puisque nous avions été, lui et moi, les deux « acteurs » du premier livre – produit par la F.F.J.D.A. – qui proposait la progression par ceintures. Nous avions réalisé aussi quelques documents vidéo. Puis, comme cela lui arrivait souvent, il disparaissait. C’est sans lui que j’ai continué la croisade pour cette méthode de ju-jitsu.

Le rythme de nos rencontres s’est étiolé au fil des ans ; seul, ce que l’on appelait à l’époque le « Tournoi de Paris » (grand rendez-vous annuel du judo) permettait de nous retrouver en tant que spectateurs attentifs, jusqu’à ce que la maladie nous sépare définitivement. La lettre L de ce dictionnaire ne pouvait que lui être consacrée.

Offrons-nous un troisième K

Toujours dans le cadre du « dictionnaire » Offrons-nous un troisième K avec les Katas.

Il n’est pas inutile de revenir aux premières raisons d’être des katas, à savoir qu’ils sont avant tout des moyens d’apprentissage, des méthodes d’entraînement et qu’ils permettent de codifier et de transmettre les techniques.

Certains les considèrent comme une purge qu’il est nécessaire de s’administrer pour obtenir un grade, ou encore, toujours pour les examens et pour quelques jurys, un moyen d’exercer une autorité ! Que ces « formes imposées » intègrent un ensemble de contenus techniques d’évaluation, cela semble juste, mais ils ne sont pas que cela, heureusement.

Les katas permettent de rassembler dans un enchaînement des techniques par famille et/ou par thème et de leur faire traverser les âges, mais ils sont aussi et surtout de formidables méthodes d’entraînement. Il est dommage que bien souvent ils ne soient abordés et étudiés qu’à l’approche d’un examen. En effet, ils sont le reflet d’un combat, d’un combat codifié, pour des raisons évidentes de sécurité (un bon sens qui parfois échappe à certains), mais il s’agit bien du reflet d’un affrontement et c’est pour cela que les attaques de Uke doivent être sincères et fortes de façon à ce que les ripostes de Tori le soient tout autant ; mais aussi qu’elles soient  réalistes.

Le kata est également un exercice de style, c’est-à-dire qu’une certaine attitude doit être respectée. C’est ce qui différencie l’art martial de la simple méthode de combat ou de self-défense, même si cela ne doit pas être au détriment de l’efficacité, ce qui est parfois le cas.

Ils sont aussi, tout simplement une addition de techniques intéressantes à pratiquer une par une, il n’est donc pas nécessaire d’attendre que se profile à l’horizon un examen pour commencer à les étudier.

Un problème, et même un mystère, demeurent et entourent les katas : il s’agit des  incessantes modifications dont ils sont les victimes, surtout quand elles interviennent sur des détails, pour ne pas dire des broutilles, ce qui a pour effet de décourager bon nombre de pratiquants.

Lors de l’exécution d’un kata pour un examen, l’évaluation doit concerner, avant toutes autres considérations, l’efficacité ; ça passe par la sincérité des attaques et des ripostes. Ensuite, puisqu’il s’agit de formes imposées, il est nécessaire de respecter l’ordre de la présentation, les déplacements et emplacements, sans oublier l’attitude dans laquelle sont exclus désinvolture et relâchement corporel.

Pour conclure, je pense que pour faire apprécier le kata, il suffit simplement de le présenter comme partie intégrante d’une progression  et non pas comme un passage imposé pour accéder au grade supérieur.

En ju-jitsu nous étudions principalement le Goshin-jitsu-no-kata et le Kime-no-kata, qui nous vient presqu’en ligne directe des samouraïs. D’autres enchaînements comme les 16 techniques et ses variantes pourront peut-être, un jour, être considérés comme des katas, mais ayant moi-même eu le plaisir et l’honneur d’être à leur origine, je n’aurai pas la prétention de leur donner cette appellation que je considère comme réservée à des monuments techniques et culturels.

eric@pariset.net

K comme Kano Jigoro

« Rien sous le ciel n’est plus important que l’éducation : l’enseignement d’un maitre de valeur peut en influencer beaucoup et ce qui a été appris correctement par une génération pourra être transmis à cent générations. » Jigoro Kano

Aujourd’hui, retour à « mon dictionnaire ». Celui-ci n’a pas comme objectif principal de relater précisément la vie des personnages illustres que j’évoque, puisqu’il est aisé de le faire sur Internet, mais d’expliquer pourquoi je les évoque. Pourquoi ils m’ont marqué et ce qu’ils ont pu m’apporter dans mon parcours professionnel et plus largement dans la vie.

On peut juste rappeler que Jigoro Kano est le fondateur du judo. A partir de l’ancien ju-jitsu, il a souhaité créer une méthode d’éducation physique et mentale en développant des valeurs autres que celles liées au combat. Ces valeurs sont les fondations solides d’une véritable « Ecole de vie » .

A la lettre J de ce modeste dictionnaire j’avais expliqué que le mot « JU » signifiait « souplesse », dans le sens physique, mais surtout d’un point de vue comportementale. C’est cet aspect que Jigoro Kano a souhaité développer et mettre au service de l’éducation avec un grand E ; c’est pour moi ce mot qui caractérise le plus cet homme exceptionnel ; c’était son objectif majeur, sa « grande affaire ».

Pour moi, il a apporté trois éléments majeurs. D’abord, il a ressuscité – et adapté – le ju-jitsu, ensuite il en a fait une méthode d’éducation physique et mentale – en plus d’une méthode de défense – et enfin, il avait une conception intéressante de l’aspect sportif ou plus exactement de la compétition.

Sur le plan purement technique, de mon point de vue, son idée majeure aura été de conserver et d’améliorer les anciennes techniques de ju-jitsu en fonction de deux critères essentiels : efficacité et sécurité. Efficacité en cas d’affrontement et sécurité dans la pratique. La maîtrise d’une technique, donc son efficacité, s’obtient par de nombreuses répétitions ; or lorsqu’il s’agit de mouvements difficiles à contrôler, ces répétitions peuvent être génératrices de blessures. Pour être efficace il faut d’abord être en pleine possession de ses moyens et pouvoir s’entraîner régulièrement. Un art martial moderne ne doit pas être une entreprise de destruction, mais de construction. Construction d’une bonne condition physique, d’un bagage dans lequel se trouvent des techniques qui demandent davantage de finesse que de force, enfin un état d’esprit combatif et conquérant, mais pour de bonnes causes et dans le respect de valeurs humaines puissantes. Il ne voulait pas que sa méthode se limite au seul aspect utilitaire pensant sans doute avec raison que cela n’était pas sain. Il avait souhaité « hiérarchiser » les secteurs qui devaient être développés et préservés avec le célèbre précepte   shin-ghi-tai,( l’esprit, la technique et le corps).

Ce qui me semble important aussi, c’est la vision de l’aspect sportif qui était la sienne, je veux parler de la compétition. Il n’était pas contre, tout en considérant qu’elle n’était qu’un passage et qu’un aspect de la discipline. Si cette conception avait été davantage suivie, peut-être qu’un nombre moins important d’abandons se produiraient à l’issue de carrière de compétiteurs venant de clubs ne jurant que par « la compéte ». Ceci est valable pour tous les sports, mais justement il ne voulait pas en faire « qu’un sport ». L’option ultra-sportive dans laquelle s’est installé le judo l’aurait sans doute interpellé.

Enfin, toujours concernant l’aspect sportif, et qui rejoint celui de l’éducation, il était catégorique sur le fait que certaines techniques ne pouvaient pas être pratiquées en opposition, mais simplement en répétitions conventionnelles. Toujours habité par l’idée de limiter le risque de blessures. C’est pour cette raison que la compétition d’affrontement direct en ju-jitsu n’est pas concevable, ou bien ce n’est plus du ju-jitsu.

Jigoro Kano était un homme moderne, dans le sens où l’éducation était la priorité dans une société qui se dit civilisée. En avons-nous (ou pas) la preuve au quotidien !

eric@pariset.net  www.jujitsuericpariset.com

Anniversaire, ou pas ?

Dans une semaine, si tout va bien, nous devrions retrouver un tout petit peu de liberté et pour certains du travail.

Par contre et bien malheureusement, si on en croit les dernières infos, il est acquis que pour les arts martiaux et les sports dit de contact la reprise ne pourra pas se faire avant la rentrée prochaine, au mieux. J’ai évoqué à plusieurs reprises les fâcheuses conséquences, je n’y reviendrai pas ce matin.

Dans deux mois exactement nous aurions du, avec mes élèves, fêter le premier anniversaire du dojo, mais à moins d’un miracle et devant l’interdiction de nous rassembler, cela semble compromis. Je sais que cela peut paraître dérisoire au regard des événements, mais la vie est aussi faite de quelques futilités et de petits bonheurs ; sinon, vaut-elle la peine d’être vécue ? Et enfin, à titre personnel, le dojo c’est aussi mon métier !

Cela ne m’empêche pas, bien au contraire, de vous souhaiter un très bon dimanche, avec quelques fleurs de saisons. A défaut de pouvoir les cueillir, il est toujours agréable de les regarder.

eric@pariset.net     www.jujitsuericpariset.com

Déception et des questions

A défaut de pouvoir cueillir quelques brins de muguet le 1er mai nous pensions pouvoir bénéficier « d’un brin de liberté » le 11 mai ! Ce sera un maigre brin !

Pour certains départements classés «rouges», c’est pratiquement le même confinement qui sévira, avec les dommages que nous endurons depuis deux mois. Est-ce un test sur nos capacités de résistance ? Elles ont forcément des limites, nous ne sommes pas des machines. Surtout quand les conditions de confinement ne sont pas les meilleures (appartement, solitude, etc.). Pour Paris, par exemple, ça se limitera donc très souvent à… Paris (avec les parcs sans doute toujours condamnés)  !

Et puis il y a cette menace de continuer et/ou de reprendre la privation de circuler librement.

Comme nous pouvions nous y attendre, nous n’avons donc pas beaucoup progressé et certaines mesures ont des allures d’usines à gaz, comme seuls des technocrates déshumanisés et éloignés du terrain savent nous en imposer. Les mesures attachées à l’école, par exemple. Quant aux transports en commun ça se passe de commentaires.

Certes il nous faut  combattre un redoutable adversaire et il n’est sans doute pas utile (pour le moment) de revenir sur les moyens préventifs qui auraient du être mis en place et dont les carences nous distinguent de beaucoup de nos voisins européens. Et puis il faut espérer que le fait de continuer à limiter certains rassemblements ne cache pas d’autres intentions.

Dans tous les cas les combats que nous devrons mener dans les semaines et les mois à venir ne sont pas moins redoutables. les premières conséquences de l’arrêt de l’activité sont apparues, elles sont effrayantes sur le plan social et sur l’accentuation de la misère, tout cela engendrera une crise sanitaire sans précédent.

Pour ce qui concerne le sport et les arts martiaux, le secteur qui nous concerne, rien de nouveau, toujours cette incertitude lancinante et malfaisante.

Avant-hier j’évoquais le problème d’une dé-fidélisation possible dans nos disciplines, certains me faisaient remarquer que les vrais fidèles seront toujours présents au moment de la reprise, mais cela suffira-t-il pout faire vivre les structures ? Le vrai problème, si les clubs ne peuvent pas ouvrir, c’est qu’ils ne bénéficieront pas de nouvelles vocations, par la force des choses. Et même si une ouverture se profilait, les conditions qui l’accompagneront s’annoncent aussi draconiennes que dissuasives. Or, on sait qu’il en est des clubs comme d’une population, s’il n’y a pas de nouveaux, il y a forcément extinction.

Il faut savoir que les statistiques des fédérations font état d’environ 50% d’abandons à chaque nouvelle saison ; et cela en temps de normal. On peut facilement envisager les dégâts dans la période trouble que nous traversons.

Au moment où l’on nous donnera une date de réouverture, il nous faudra un grand pouvoir de persuasion pour convaincre de futurs samouraïs ! Nous n’en sommes pas démunis, en espérant qu’il ne sera pas trop tard !

Les principales victimes de ce déconfinement sont : la culture, le sport et les lieux de convivialités. La conjugaison de leur fermeture est inédite, à ma connaissance ! Souhaitons qu’elle soit la moins longue possible !

(L’illustration est l’œuvre d’Utagawa Toyokuni)

H comme Honneur…(reprise du dictionnaire)

Reprise du « dictionnaire » (et rediffusion) avec la lettre H. H comme Honneur.

Pour les samouraïs il s’agissait d’une valeur qui n’avait pas de prix ; presque systématiquement sa perte les conduisait à l’acte ultime, le hara-kiri ou seppuku. Il est vrai que leur rapport à la mort était différent de celui qui est le nôtre. Il n’empêche, l’honneur est une des plus fortes valeurs que nous nous devons de défendre, à fortiori pour un pratiquant d’arts martiaux. Elle est inestimable et ne pas la respecter, surtout pour un éducateur, c’est commettre une faute inqualifiable.

Même dans notre beau pays, et jusqu’au siècle dernier, lorsque l’on estimait qu’il était bafoué, il était fréquent (et autorisé) de demander réparation à l’occasion d’un duel à l’épée ou au pistolet.

La définition qu’en donne le Larousse est la suivante : « Ensemble de principes qui incitent à mériter l’estime de soi et des autres ». Quels sont ces principes ? Et quelle est l’estime la plus précieuse, entre celle que l’on a de soi et celle que les autres nous portent ?

Les principes, d’abord. Dans le code moral du judo-ju-jitsu affiché dans tous les dojos (mais pas toujours appliqué) on peut lire à propos de l’honneur : « C’est être fidèle à la parole donnée ». Cela m’inspire trois remarques. D’abord l’honneur devrait figurer en première place et non pas en quatrième, comme c’est le cas, ensuite il pourrait tout simplement s’appeler le Code d’honneur, il existe bien le Code d’honneur des samouraïs ! Enfin, même si la fidélité peut englober un ensemble de principes, on peut être plus généreux dans l’énumération des qualités qui correspondent à l’idée que l’on se fait de l’honneur. L’honneur, c’est aussi le respect des autres (ceux qui le mérite), de son métier, de ses convictions, du gout de l’effort et de la rigueur. Parfois il s’agit d’un dépassement de soi lorsque cela est nécessaire, notamment face à l’adversité. Effectivement, c’est aussi le respect de la parole donnée, un comportement dans lequel sont exclues lâcheté et traitrise (ce qui n’est pas facile pour certains). .

Il ne faut pas confondre honneur et héroïsme. Se montrer héroïque mérite les honneurs, mais le bon accomplissement de notre vie quotidienne, sans faillir, est aussi « tout à notre honneur », comme la réalisation d’une mission qui nous a été confiée.

L’honneur, c’est tout simplement pouvoir se regarder dans la glace en toute sérénité. Personne ne peut revendiquer la perfection, tout le monde a sa part d’ombre et ses défauts, mais il y a des actes et des agissements qui font baisser le front.

Ensuite, entre l’estime que l’on a de soi et celle des autres vis-à-vis de nous, quelle est la plus importante ? Sans hésiter, celle envers soi-même. Traiter avec sa propre conscience est difficile. Quant à l’estime des autres, cela dépend de « qui sont les autres » ; une simple remarque d’une personne que l’on respecte est mille fois plus importante que les déblatérations d’un individu que l’on méprise et/ou qui n’a rien accompli de convenable, ce qui va souvent de paire.

Pour conclure, je pense que la défense de son honneur ou de celle d’une personne que l’on aime, que l’on admire et que l’on respecte est un devoir.

Le but de cet article est de donner en quelques lignes mon avis sur une valeur qui mérite davantage de développement, ce qui ne manquera pas d’être fait à l’occasion de la parution future – du moins je l’espère – de « mon dictionnaire (complet) des arts martiaux ».

eric@pariset.net

Les arts martiaux menacés ?

Je ne reviendrai pas sur le confinement, si ce n’est pour dire qu’il est temps qu’il s’arrête et que nous puissions passer à la suite, mais quelle suite et dans quelles conditions ? Surtout qu’à priori, ce n’est pas encore une « vie normale » qui nous attend le 11 mai, loin de là.

Il ne viendrait à l’idée de personne de sous-estimer les graves conséquences qui nous attendent . Bien malheureusement, peu de secteurs seront épargnés, nous allons connaître une crise sociale dévastatrice débouchant elle-même sur une crise sanitaire qui ne le sera pas moins ; nous commençons déjà à en ressentir les premiers effets.

Certains domaines seront plus touchés que d’autres. En premier lieu ceux qui subissent un arrêt total d’activité depuis le 16 mars, sans date précise de reprise, ce qui entretien une terrible incertitude qui ne calme pas l’inquiétude.

Parmi les nombreux secteurs impactés il y a la restauration, l’hôtellerie et les bars. Mais aussi les cinémas, les théâtres, tous ces lieux de rassemblements culturels (d’ailleurs il n’y a pas que sur le plan économique que cela interpelle).

Et il y en aura bien d’autres, notamment un domaine qui me concerne particulièrement, celui du sport en général et des arts martiaux en particulier. Certains médias ont évoqué la disparition des arts martiaux, tout du moins l’impossibilité de les pratiquer durant une période relativement importante. Ce qui engendrerait chez les élèves une « défidélisation » temporaire et peut-être définitive.

Plusieurs aspects doivent être pris en considération. Nous savons que l’activité physique est essentielle et préventive, que le loisir est bon pour le moral. Ensuite sur le plan économique ; il faudrait être irresponsable pour ne pas l’évoquer. Sans ignorer l’aspect psychologique dévastateur qu’entraîne la mise au rebut d’une activité pratiquée avec passion depuis des années. Mais  comment pouvoir appliquer les fameux « gestes barrières », dans des disciplines qui par définition demandent un contact inévitablement rapproché entre deux partenaires ?

Certes, nous ne manquons ni de méthodes d’entraînement, ni d’exercices que l’on peut pratiquer en solo ; beaucoup s’y adonnent d’ailleurs depuis maintenant deux mois.
Mais pour progresser et s’épanouir dans les projections ou dans le travail au sol, l’ours en peluche à qui certains ont attribué le rôle d’Uke a atteint ses limites, il fatigue.

Dans nos disciplines l’aboutissement qui est la maîtrise (pacifiste) du partenaire en le projetant ou en le forçant à l’abandon à l’aide d’une clef, par exemple, implique forcément un contact entre les protagonistes.

D’autre part, ne plus pouvoir pratiquer une méthode de combat qui donne confiance en soi et permet, le cas échéant, de se défendre paraît « bizarre ». Il existe dans le passé quelques exemples que l’on voudrait chasser de notre esprit.

Je sais, en tant que combattant, qu’il ne faut jamais abdiquer, qu’il ne faut jamais  « baisser les bras », qu’il faut y croire jusqu’au bout, relever les défis, mais là le combat est d’une inégalité patente. Combattre à mains nues, c’est un peu dans l’ADN de la plupart des arts martiaux, dont le ju-jitsu, mais en ce moment, nous combattons en toute impuissance, pieds et poings liés, attachés à un poteau d’exécution ! Pas facile de réagir dans telles conditions, si ce n’est d’attendre un sauveur, un justicier « masqué », par exemple !

Il faudra pourtant que les survivants survivent !

eric@pariset.net

L’école du combat sans arme…

Une petite pause dans la présentation du dictionnaire avec une courte histoire extraite, une fois de plus, du recueil « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon ». L’art de vaincre sans combattre. L’intelligence au service de la victoire.   :

« Le célèbre Maître Tsukahara Bokuden traversait le lac Biwa sur un radeau avec d’autres voyageurs. Parmi eux, il y avait un samouraï extrêmement prétentieux qui n’arrêtait pas de vanter ses exploits et sa maitrise du sabre. A l’écouter, il était le champion toutes catégories du Japon. C’est ce que semblaient croire tous les autres voyageurs qui l’écoutaient avec une admiration mêlée de crainte. Tous ? Pas vraiment, car Bokuden restait à l’écart et ne paraissait pas le moins du monde gober toutes ces sornettes. Le samouraï s’en aperçut et, vexé, il s’approcha de Bokuden pour lui dire : «Toi aussi tu portes une paire de sabres. Si tu es samouraï, pourquoi ne dis-tu pas un mot » ? Budoken répondit calmement :

-« Je ne suis pas concerné par tes propos. Mon art est différent du tien. Il consiste, non pas à vaincre les autres, mais à ne pas être vaincu. »

Le samouraï se gratta le crâne et demanda : –

– « Mais alors, quelle est ton école ? »

– « C’est l’école du combat sans armes. »

– « Mais dans ce cas, pourquoi portes-tu des sabres ?

– « Cela me demande de rester maître de moi pour ne pas répondre aux provocations. C’est un sacré défi. »

Exaspéré, le samouraï continua :

-« Et tu penses vraiment pouvoir combattre avec moi sans sabre ? »

– « Pourquoi pas ? Il est même possible que je gagne ! »

Hors de lui, le samouraï cria au passeur de ramer vers le rivage le plus proche, mais Bukuden suggéra qu’il serait préférable d’aller sur une île, loin de toute habitation, pour ne pas provoquer d’attroupement et être plus tranquille. Le samouraï accepta. Quand le radeau atteignit une île inhabitée, le samouraï sauta à terre, dégaina son sabre, prêt au combat.

Budoken enleva soigneusement ses deux sabres, les tendit au passeur et s’élança pour sauter à terre, quand, soudain, il saisit la perche du batelier, puis dégagea rapidement le radeau pour le pousser dans le courant.

Budoken se retourna alors vers le samouraï qui gesticulait sur l’île déserte et il lui cria – « Tu vois, c’est cela, vaincre sans arme ! »