Carnets d’espoir et…d’espoirs

Manifestement nous sommes partis pour plusieurs semaines de confinement. Le Conseil scientifique, celui-là même qui affirmait que nous pouvions aller voter sans risque au premier tour des municipales, recommande six semaines d’un traitement qui nous a déjà mis à mal au bout de neuf  journées éprouvantes. Souhaitons deux choses. La première, et c’est l’essentiel,  qu’il s’agit de la bonne décision pour combattre le virus dévastateur. D’autant qu’il semble que tous les membres de ce conseil ne soient pas sur la même ligne. La seconde, que nous arrivions à nous habituer, sans dépérir, à cette nouvelle vie, même si ce nouveau mode ne semble pas définitif ! Heureusement puisque les toutes dernières études d’opinion montrent une chute impressionnante du moral des français.

Il faut dire que lorsque nous sortons, avec le tout nouveau laissez-passer, notre ville nous offre un spectacle de désolation. La cité n’est pas défigurée, les bâtiments et les immeubles sont en place, non elle est déshumanisée. Même le doux soleil des premières journées de printemps n’y peut rien, pire il accentue l’impression de désastre.

Il va donc falloir encore tenir le coup. Avec beaucoup d’espoir et un peu d’humour, cela devrait pouvoir se faire. Pensons au moment ou nous serons « libérés, délivrés ». Après ce sera le temps de tout reconstruire (ce qui sera reconstructible) et à ce moment là il nous faudra encore beaucoup d’espoir, de volonté et d’énergie.

Pour les fidèles des arts martiaux en manque d’activité physique (elle aussi  victime de restrictions plus sévères depuis peu), le jogging est toujours utile (autour de l’immeuble), ceux qui ont la chance d’avoir un jardin, ce qui est rare dans les grandes villes, peuvent se livrer aux exercices que je préconisai dans un récent article, histoire de garder la forme entre télétravail (pour ceux qui ont du travail), et école à la maison (pour ceux qui ont des enfants). Pour tous les autres, sportifs ou non, j’avais indiqué dans l’article précité quelques pistes toujours valables en l’occurrence celle de la lecture.

A titre personnel, je tente de me lancer dans la réalisation d’un projet qui me tient à cœur depuis bien longtemps, à savoir commencer l’écriture d’un livre. Pas un ouvrage technique, j’ai déjà beaucoup produit dans ce domaine, non un « vrai livre ». Il est évident que le moment est favorable, le tout est de réussir à fixer l’esprit sur du positif et du constructif, alors que le climat actuel n’y prédispose pas du tout.

Cette période est également propice pour établir le constat que dans certaines circonstances ont assiste au pire et au meilleur de l’humanité. N’oublions pas non plus à chaque fois que cela est possible de rendre hommage à tous ceux dont le dévouement à notre égard est remarquable. Une fois le virus terrassé, il ne faudra pas oublier. Il faut espérer que nos dirigeants sauront revaloriser un secteur largement sinistré des années durant.

A toutes et à tous, je souhaite encore et toujours bon courage pour la suite et je vous assure que je suis impatient que nous puissions nous retrouver dans des conditions normales, en pleine forme physique et mentale.

eric@pariset.net

Y comme…

 

 

 

 

 

 

 

Avant l’été, mon « dictionnaire des arts martiaux » s’est arrêté à la lettre X. On peut retrouver sur le blog et la page Facebook du club les autres articles consacrés à chaque lettre de l’alphabet. Ils expliquent en quelques lignes mes choix en matière de personnalités, d’événements, de lieux et de techniques ; ceux et celles qui ont marqué ma vie de pratiquant et de professeur.

Aujourd’hui il s’agit donc de la lettre Y. Pour cette avant-dernière lettre de notre alphabet j’ai choisi un personnage illustre et une technique de projection particulière.

Y comme Yamashita Yasuhiro. Voilà un champion de judo exceptionnel. Tout champion est exceptionnel, mais celui-ci un peu plus. Il effectua une fabuleuse carrière dans la catégorie des poids lourds et en « toutes catégories » (épreuve dont on peut regretter la disparition) ; il réalisa, entre autres exploits, celui de rester invaincu  neuf années durant, entre 1977 et 1985 en alignant 203 victoires consécutives et 7 victoires partagées.

Redoutable aussi bien au sol que debout, il était animé d’un véritable esprit de samouraï, comme en témoigne sa victoire aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984 ; alors blessé, c’est pour ainsi dire sur une jambe qu’il a réussit à venir à bout de ses derniers adversaires et par « ippon », s’octroyant ainsi un fabuleux sacre olympique. Aujourd’hui il occupe d’importantes fonctions au sein de la fédération internationale de judo.

Beaucoup aurait rêvé pouvoir assister à une confrontation entre cette légende et une autre du nom de  Teddy Rinner ; nous ne pourrons que l’imaginer.

Y comme Yama-Arashi. Voilà une technique particulière. D’abord par sa traduction qui signifie « tempête sur la montagne » ; les japonais savent avec talent allier efficacité et poésie. Ensuite, elle n’est pour ainsi dire plus enseignée, ni utilisée, ceci explique sans doute cela. On pourrait simplifier sa description en la comparant à une sorte d’eri-seoe-nage (bien que le pouce qui saisit le revers se place vers le bas et non pas vers le haut) pour la partie supérieur du corps et d’ harai-goshi pour le bas. Elle fût inventée par Shiro Saigo, élève de Jigoro Kano.

Ces anciennes techniques, même si elles ne sont plus pratiquées, ne doivent pas pour autant être oubliées, elles sont en quelque sorte un trésor inestimable que nous nous devons de préserver.

eric@pariset.net   www.jujitsuericpariset.com

Conscience professionnelle

La semaine passée était évoquée la rentrée coté élèves, cette fois c’est du coté des enseignants que j’aborde cette période de l’année qui, même après plusieurs décennies, ne manque pas de singularité pour un professeur d’arts martiaux. Il y a ce mélange de sentiments qui allient l’appréhension (il n’y a que les imbéciles qui ne doutent jamais), l’impatience et la joie de retrouver les « anciens », la perspective de partager à nouveau des moments privilégiés avec ceux qui nous sont fidèles depuis des lustres, même si la fidélité est une valeur qui n’est pas forcément en extension.

Ensuite, il y aura le plaisir de faire découvrir notre art et de partager notre passion auprès de personnes novices. Beaucoup de ceux-là « atterrissent » au dojo par le biais d’élèves déjà inscrits ; ils sont en partie convaincus, d’autres viennent d’emménager à proximité, mais il est quand même nécessaire de les convaincre et ensuite de les satisfaire en les faisant progresser pour qu’à leur tour ils puissent faire grossir le rang des fidèles. Enfin il y a ceux qui ne sont pas forcément à proximité, mais que la réputation du dojo incite à braver les distances.

Aucune lassitude et encore moins de désinvolture ne s’installent dans l’esprit de la majorité de ceux qui, comme moi, ont la chance d’exercer le métier de professeur d’arts martiaux, même après des années d’enseignement et même si on regrette de ne pas retrouver tout l’effectif de la saison passée. Il y a de bonnes raisons à cela, contre lesquelles nous ne pouvons rien : déménagement, problèmes personnels ou professionnels, etc. Il en existe aussi de moins bonnes parmi lesquelles le manque de volonté ; d’autres plus recevables, lorsqu’elles évoquent un besoin de changement ; dommage, parce que pour progresser dans un art martial, une saison ne suffit pas, puisque même après une vie de pratique nous pourrions apprendre encore et toujours. Ceci est un autre débat.

Personnellement, c’est aussi (et peut-être même surtout) avec une conscience professionnelle infaillible que j’aborde chaque rentrée, sur le plan de l’enseignement, mais aussi de l’environnement direct (propreté et l’entretien du dojo, etc.), mais également pour ce qui concerne le respect des règles de politesse et de comportement ; ces règles qui ne doivent pas simplement être affichées sur le mur du dojo, mais appliquées.

Dans la vie comme sur les tatamis, il est plus simple d’abandonner et de laisser filer, mais lorsque l’on est « responsable », un tel comportement n’est pas acceptable vis-à-vis des élèves, surtout des plus jeunes. Le mot « dojo » est quelques fois usurpé ; dojo signifie le lieu on l’on trouve la voie ! La voie technique, mais aussi la voie de la sagesse, de la politesse, de l’effort, de la rigueur et non pas celle du renoncement et de la désinvolture ; même s’il ne faut pas oublier que nous sommes aussi dans les loisirs, ce qui n’empêche pas de respecter certaines règles de bienséance. Un professeur d’arts martiaux n’est pas qu’un simple distributeur de technique (et encore, quand elle est bonne), il est aussi un éducateur physique et mental et… un exemple.

eric@pariset.net    www.jujitsuericpariset.com

Le premier professeur

Marie Agnès Gillot, ancienne danseuse Etoile à l’Opéra de Paris, déclarait récemment qu’elle allait confier les premiers pas de danse de son jeune fils à celui qui avait été son premier Maître. Il réside en Normandie et elle à Paris, mais elle considère que  le premier professeur est le plus important. Cette affirmation me conforte dans mon point de vue. Ce n’est peut-être pas forcément vrai pour toute les disciplines, mais dans certaines, où la forme de corps est essentielle, l’enseignant qui dispense les bases techniques est déterminant.

Je me plais fréquemment à faire un parallèle avec la construction d’une maison ; si les fondations ne sont pas bonnes, même avec de beaux matériaux hors sol, la maison ne tiendra pas longtemps.

A titre personnel j’ai été gâté ; j’ai eu la chance que ce soit mon père, Bernard Pariset, qui me fasse enfiler mon premier judogi (ou jujitsugi). Il a été un exceptionnel champion mais il était aussi un très bon enseignant doté d’une pédagogie innée ; à son époque les « écoles des cadres » ou autres centres de formation, n’existaient pas. Avec des explications concises et concrètes, sans de longs discours qui entament inutilement le temps de pratique, l’apprentissage « coulait de source » et les progrès étaient réalisés grâce à de nombreuses répétitions au travers desquelles les « fondamentaux » étaient valorisés ; la priorité était donnée à la pratique. Certaines personnes sont dotées de qualités naturelles, intrinsèques et ne confondent pas la dispense d’un cours avec du « stand up » (Facebook nous « gâte » dans ce domaine).

J’ai eu aussi comme professeur pendant un temps, l’alter-ego de mon père, en la personne d’Henri Courtine. De ce fait, mes kyus (ceintures de couleur) ont été signés par les deux plus hauts gradés.

Pour montrer l’influence que peut avoir le professeur, je raconte souvent la petite anecdote qui suit. Un jour, un dirigeant d’une célèbre fédération se rend en province pour rencontrer un ami qu’il n’avait pas vu depuis longtemps. Il va directement à son dojo et constate qu’à côté du groupe de judokas il y a un autre groupe qui pratique l’atemi ju-jitsu. Il dit à son ami : « Tu as ouvert une section ju-jitsu, et c’est avec un élève d’Eric Pariset ! » ; effectivement, il s’agissait d’un ancien étudiant qui avait été muté dans le Centre de la France. Technique et mimétisme ? Sans doute !

Le choix du premier professeur est donc d’une importance capitale et de ce fait on peut poser la question suivante : « À quoi reconnaît-on un bon professeur ? », tout simplement à la qualité technique de ses élèves. (Attention, il y a toujours quelques exceptions pour confirmer la règle !)

Avec le nouveau dojo qui ouvre ses portes la semaine prochaine, je vais pouvoir renouer au quotidien avec ce métier qui est le mien depuis des années, des décennies ; ce métier qui me passionne toujours autant et peut-être même davantage. Ce métier qui tend, malheureusement à être « déprofessionnalisé ». A cette occasion je sais que je vais retrouver un groupe de fidèles hauts-gradés, je vais aussi pouvoir faire partager ma passion à des néophytes que j’espère bien convaincre et faire progresser, mais aussi les voir se réaliser et s’épanouir techniquement, physiquement et mentalement dans un art martial à traditions.

eric@pariset.net   www.jujitsuericpariset.com

Apaisant

Je ne résiste pas à l’envie de proposer de temps à autre des petits contes, toujours issus du même recueil : Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon. Dans cette période durant laquelle certains profitent d’un peu de repos, ce qui est toujours propice à la réflexion, je vous invite à savourer le (court) texte ci-dessous.
Un samouraï se présenta devant le maître zen Hakuin et lui demanda :
— Y a-t-il réellement un paradis et un enfer ?
— qui es-tu ? demanda le maître.
— Je suis le samouraï…
— Toi, un guerrier ! s’exclama Hakuin. Mais regarde-toi. Quel seigneur voudrait t’avoir à son service ? Tu as l’air d’un mendiant.
La colère s’empara du samouraï. Il saisit son sabre et le dégaina. Hakuin poursuivit :
— Ah bon, tu as même un sabre ? ! Mais tu es sûrement trop maladroit pour me couper la tête.
Hors de lui, le samouraï leva son sabre, prêt à frapper le maître. A ce moment celui-ci dit :
—  Ici s’ouvrent les portes de l’enfer.
Surpris par la tranquille assurance du moine, le samouraï rengaina son sabre et s’inclina.
— Ici s’ouvrent les portes du paradis, lui dit alors le maître…
Site du club de ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com

Bercy 1995

Samedi prochain aura lieu le 30e festival des arts martiaux organisé par le magazine Karaté Bushido. Pour cause de rénovation de Bercy, c’est le Palais des congrès qui accueillera l’événement. Avec une capacité d’accueil largement inférieure, il est certain que la salle de la porte Maillot fera beaucoup moins d’heureux. À douze reprises j’ai eu le plaisir de présenter notre discipline dans ce qui devenait une fois par an et l’espace d’une soirée, le plus grand dojo du monde. Chacune de ces participations fut un grand moment. Parmi celles-ci, j’ai une préférence pour l’édition de 1995. Il se trouve que cela fait juste vingt ans. J’ai pensé fêter cet anniversaire en vous proposant de la découvrir ou d’en profiter une nouvelle fois. Mes partenaires étaient Laurent Rabillon, André Ohayon et Olivier Hermeline. Je les remercie une nouvelle fois pour leur collaboration. D’un naturel assez critique, non pas par plaisir, mais par exigence, autant vis-à-vis des autres, mais encore plus de moi-même, j’ai une tendance à remarquer les imperfections, plutôt que de sombrer dans une béate admiration qui n’engendre pas de remises en question. Cela étant, je sais aussi apprécier ce qui est réussi, surtout chez les autres, d’ailleurs. La préparation de ces démonstrations demandait beaucoup de travail. Élaboration d’un scénario qui serait prétexte à la démonstration technique. En ayant comme objectif de démontrer un maximum de situations d’attaque. En face desquelles nous devions proposer une bonne représentation de l’arsenal technique appartenant au ju-jitsu, sans oublier qu’il s’agissait aussi d’un spectacle. Et à ce titre, la nécessité de sélectionner ce qui offrait à la fois de l’efficacité et du démonstratif s’imposait. Pour un bon résultat, il était absolument indispensable de procéder à d’inlassables répétitions, pour des raisons d’automatisme, mais aussi, tout simplement de condition physique. Les pratiquants comprendront. Pour conclure, j’espère que les spectateurs passeront une bonne soirée samedi prochain, même si, apparemment, une nouvelle fois, le ju-jitsu traditionnel sera absent du plateau.
Site du club de ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com