Montréal 1995 et…abominable actualité !

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Sur la photo, je suis en compagnie d’André Ohayon, (sur la droite de l’image), Jean Frenette, Olivier Hermeline et Laurent Rabillon (sur la gauche.)

Il était prévu de consacrer l’intégralité de ce billet à l’évocation des vingt ans de la démonstration que j’avais effectuée à Montréal en 1995. Cependant on ne peut mettre de côté les événements dramatiques que nous venons de subir et vaquer à nos occupations comme si de rien n’était. Ne pas oublier (comment le pourrions-nous??), mais aussi continuer à vivre normalement. En 1995, déjà, notre pays subissait une vague d’attentats meurtriers. Quelques jours après l’horreur que nous venons de vivre, il est désolant de constater que la violence et l’abominable ne nous lâchent malheureusement pas !

Bien que dans les moments que nous vivons, chaque mot peut se transformer en allusion inappropriée et surtout mal interprétée, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a là une raison supplémentaire pour lutter contre toute forme de violence dans tous les domaines y compris et surtout dans l’enseignement, la pratique et la promotion des activités physiques, dont les arts martiaux font partie !

Revenons donc à cet anniversaire et à Montréal.

Cela va faire exactement vingt?ans. C’était le troisième jeudi de novembre, celui du beaujolais nouveau?! Dans l’avion qui nous menait dans la belle province du Québec, nous avions d’ailleurs eu droit à un ballon de cette boisson qui partage les opinions. Il ne s’agit pas d’une chronique œnologique, mais cette évocation fait figure de point de repère. Le troisième jeudi du mois de novembre?1995, en compagnie d’Olivier Hermeline, d’André Ohayon et de Laurent Rabillon, je m’envolais pour Montréal afin de démontrer notre ju-jitsu outre-Atlantique. C’était à l’occasion d’un gala d’arts martiaux organisé par Jean Frenette, le karatéka champion de kata artistique qui avait véritablement enflammé Bercy quelques années auparavant.

En fait, ce jeudi-là, nous n’étions que trois. L’un de mes partenaires ayant oublié son passeport, il avait dû remettre son départ au lendemain. Le fait que l’on parle français à Montréal était sans doute la cause de cet acte manqué.

Comme toujours, lors de tels déplacements, l’activité principale n’est pas touristique. Outre la démonstration, nous sommes tributaires des organisateurs et des différentes obligations de communications qui leur sont imposées. Beaucoup de temps passé en car, dans cette mégapole dont les rues mesurent parfois plusieurs kilomètres.

Vers le 20 novembre, l’été indien est bel et bien terminé, l’hiver a largement pris ses quartiers. Quatre jours de froid intense avec en prime une belle tempête de neige dans la nuit du samedi au dimanche. A l’inverse de notre pays dans lequel quelques flocons peuvent entraîner une paralysie partielle et parfois totale, là-bas la vie continue normalement même avec un tapis de neige imposant.

Concernant le gala par lui-même, je n’ai plus souvenir de l’intégralité du programme proposé, mais Jean Frenette avait pensé le spectacle en deux parties, en «?panachant » intervenants français et nord-américains. Dans la délégation française figurait mon ami Christian Tissier, aux démonstrations d’aïkido toujours impeccables. Notre hôte était un peu la star de la soirée. Quant à nous, nous avons présenté la prestation qui était celle produite quelques mois auparavant dans l’enceinte de Bercy. Une petite entorse de la cheville en tout début de démo a ajouté une pression imprévue et c’est en serrant les dents dix minutes durant que j’ai pu assurer le spectacle.

La contrepartie fut une terrible boiterie pendant plusieurs jours et la conjugaison de cette blessure avec les trottoirs enneigés a donné à ce dimanche des allures de chemin de croix. Quatre jours éprouvants mais enthousiasmants, tout comme la qualité des souvenirs qui me reviennent vingt années plus tard.

La semaine prochaine, nous continuerons à « disséquer » nos 16 techniques.

Anatomie des 16 techniques

C’est un billet, assez technique que je vous propose cette semaine.

Les « 16 techniques » ont été créées en 1982, pour les besoins d’une démonstration de ju-jitsu à l’occasion des deuxièmes championnats du monde féminins de judo qui se déroulaient à Paris. Sur ce blog, plusieurs articles ont été consacrés à l’histoire de cet enchaînement qui est l’un des piliers de notre enseignement. Aujourd’hui, l’intention est d’analyser de la façon la plus simple (mais pas simpliste) ce qui peut être considéré comme un de nos katas modernes.

Lors de cette première démonstration, face à la différence de gabarit entre TORI et UKE, il était indispensable de mettre en avant les grands principes de base du ju-jitsu. Utilisation de la force de l’adversaire, de la gravitation, suppression de points d’appuis, etc. Le tout à l’aide de techniques qui retiennent l’attention, donc spectaculaires.

Pour commencer cette étude, nous nous limiterons aux quatre premières.

En tout premier, UKE saisit le revers de TORI en exerçant une traction. La riposte consiste à ne pas résister et à aller dans le sens de l’attaque, en y ajoutant deux atémis (teicho au visage et shuto dans la saignée du coude) afin de renforcer la perte d’équilibre du à la non-résistance de TORI. Celui-ci obtenant un excellente opportunité pour appliquer o-soto-gari (grand fauchage extérieur).

Dans la deuxième technique (une saisie à la gorge de face en poussant), il s’agit de l’exemple parfait de l’utilisation de la force de l’adversaire par une technique de sacrifice de son propre corps afin de faire passer celui de l’agresseur « par-dessus ». C’est l’application de la fameuse « planchette japonaise », à savoir tomoe-nage.

Pour la troisième, sur une saisie arrière à la gorge, l’action consiste à faire passer l’adversaire par-dessus notre centre de gravité en nous plaçant juste en dessous du sien. Ainsi, grâce à un principe de bascule très simple, on applique une des plus fameuses techniques de projection, je veux parler d’ippon-seoe-nage.

Enfin, la quatrième technique consiste à supprimer purement et simplement l’unique point d’appui sur lequel UKE s’est placé en portant un coup de pied circulaire en direction des côtes de TORI. C’est une grande technique de jambe, o-uchi-gari qui projette l’attaquant sur l’arrière.

Ces principes sont le fondement même de notre discipline. Il est utile de les rappeler aux confirmés et indispensable de les inculquer aux débutants. C’est aussi apporter la preuve qu’à l’origine toutes les techniques sont faites pour qu’un moins fort physiquement puisse faire tomber un plus fort ! (Ce qui n’est malheureusement plus tout à fait le cas dans le judo moderne.) Lorsque l’on a compris de tels principes qui ne relèvent pas d’une énorme expertise en géométrie, l’apprentissage en est grandement favorisé, et par conséquent les progrès ne manqueront pas de suivre.

Ces explications peuvent paraître sommaires à certains, mais c’est un peu le but. Dans un premier temps, il est indispensable de globaliser afin de faciliter une rapide compréhension. Il sera toujours temps ? et même nécessaire ? d’entrer davantage dans les détails par la suite.

La suite, bientôt…

Bloc-notes

Le billet posté il y a quinze jours a suscité un intérêt phénoménal. Il traitait du projet (!?) de création d’une nouvelle progression par la FFJDA, dans laquelle serait inclus l’aspect self-défense du ju-jitsu. Relayé par Facebook, cet article a atteint cinq fois plus de personnes que la moyenne des autres billets sur ce réseau social. Pourquoi une telle audience?? Assurément le sujet (la self-défense) passionne. Mais, sans doute aussi la polémique qui découle de cette prise de conscience étonnante. Cela prouve, si besoin était, que tous ceux qui se reconnaissent depuis des lustres dans l’intérêt du développement du ju-jitsu sous son aspect premier ne sont pas des utopistes. Mais que de temps perdu ! Et puis, il sera intéressant de voir quelle sera la suite donnée à ce projet.

Pour ce qui nous concerne, à l’EAJJ, un tel intérêt ne peut que nous conforter dans la poursuite de notre chemin, d’autant que nous possédons une belle avance en matière de contenu technique. De plus, le fait d’avoir rejoint la FEKAMT depuis quelques saisons nous donne davantage de poids et de moyens. L’assemblée générale et le rassemblement des 10 et 11 octobre derniers à Gien ont permis de confirmer qu’il y avait un intérêt certain à regrouper des arts martiaux qui ont en commun la passion d’une forme de pratique traditionnelle, tout cela avec une totale liberté quant au contenu des programmes techniques de chaque école.

Les 28 et 29?novembre prochains, à Monts, ce sera au tour de l’EAJJ de tenir son A.G. Un stage tous niveaux sera également proposé, ainsi qu’un passage de grades. Ce sera aussi l’occasion de réunir les membres de la Commission technique. Un week-end chargé en perspective.

Enfin, pour terminer ce billet en forme de bloc-notes, j’informe qu’un nouveau livre est en préparation. Il portera sur un enchaînement inédit de quinze techniques mettant en valeur l’atémi-waza et le katame-waza, avec en bonus, les articles du blog de cette année riche en événements, pour le moins?!

 

Kodokan Goshin-jitsu : une référence !

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Déménager a entre autres intérêts de devoir trier, classer et bien souvent c’est l’occasion de mettre la main sur des objets, des documents, des photos, etc. que l’on croyait disparus. Mieux encore, quelquefois on découvre des choses que l’on ne pensait pas posséder, sorte de cadeaux du ciel. C’est un peu le cas avec le document dont j’ai le plaisir de vous proposer un extrait. Il s’agit d’un petit opuscule paru en janvier 1957, sous le titre de Kodokan goshin-jitsu et je ne sais par quel miracle il a atterri dans un carton. L’illustration de ce billet présente la première technique du kata. On se doit d’opérer une « lecture inversée », aussi bien pour l’ordre des pages, lorsque l’on consulte l’ouvrage, que pour suivre les photos qui illustrent chacune d’entre elles. Il faut donc commencer par la photo qui est en haut et à droite, puis en bas à droite, en haut à gauche et en bas à gauche.

Ce document est précieux. Pour le pratiquant que je suis, il a une valeur inestimable. Tout d’abord pour son côté historique, le kata a été créé en 1956, nous sommes donc au plus près, il s’agit en quelque sorte de « la référence ». Ensuite, parce qu’à une période où d’incessants changements sont imposés, avec différents risques, dont celui de dénaturer le sens originel, cela permet de remettre les pendules à l’heure. Ces changements ne servant qu’à valoriser les personnes qui se targuent de détenir la dernière version !

Il faut en retenir le côté sobre, sans fioritures aucunes ; l’essentiel y est démontré. Cela nous laisse une trace pour que l’on se souvienne d’où nous venons.

Une technique par double page, à l’instar de celle qui est démontrée, et simplement quatre photos pour chaque phase du kata.

L’ouvrage date et paraît quelque peu vieillot quant à la qualité de l’impression, mais ce qui y est démontré suffit pour corroborer la conception qui est la mienne vis-à-vis de ces exercices que l’on nomme katas et pour celui-ci en particulier. Conception que je ne manque pas de faire partager très souvent par l’intermédiaire de ce blog. J’invite les nouveaux venus à ne pas hésiter à consulter les articles qui en font état !

Le kata est une mémoire et un exercice, avant tout !

Prise de conscience ?

img047En feuilletant le dernier numéro du magazine de la Fédération de judo Judo mag, j’ai pu constater, dans les quelques pages consacrées au ju-jitsu, plus exactement au judo-ju-jitsu, qu’il y était évoqué la nécessité de ne pas négliger l’aspect utilitaire de notre discipline bien-aimée. Qu’il était par conséquent utile d’accoler le mot self-défense à celui de ju-jitsu et qu’une progression était en cours de réalisation. Les bras m’en sont tombés. Mieux vaut tard que jamais, me direz-vous ! Il était temps, mais cela ne manque pas d’appeler quelques remarques.

La première, pourquoi cette décision, et pourquoi maintenant ? La deuxième, ce projet va-t-il être suivi d’effet ? La troisième, de quelle façon ?

Reprenons et détaillons ces remarques.

Premièrement, cette décision doit faire suite à une prise de conscience. D’abord que le développement du ju-jitsu sous sa forme « combat » est un triple non-sens. Outre le fait qu’un art martial traditionnel ne peut se pratiquer en compétition d’affrontements directs, cette forme de travail ne permet pas de capter une population qui est intéressée par l’aspect utilitaire. Enfin, développer le « ju-jitsu combat », c’est proposer une forme de concurrence au judo. Concernant le travail technique actuel il aura quand même fallu vingt ans pour s’apercevoir qu’il ne correspondait pas à une certaine demande ! (La dernière progression mise en place datant de 1995.) La baisse notable des licenciés due, entre autres, à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires a sans doute déclenché une interrogation quant aux différents moyens d’enrayer cette inflexion. Le ju-jitsu bénéficie subitement d’un intérêt inattendu !

Deuxième point : cela va-t-il rester au niveau d’un projet ? Et troisièmement, s’il existe une vraie volonté, de quelle manière va-t-elle se concrétiser ? Il est indiqué sur l’article en question que la mise en place d’une progression française intégrant le ju-jitsu-self-défense est en bonne voie. Ce sera donc une nouvelle progression avec un nouveau programme. De quoi décourager quelque peu les professeurs qui devront à nouveau devoir faire face à d’incessants changements. En espérant que ce ne soit pas une autre « usine à gaz », comme celle mise en place il y a vingt ans et qui avait suscité la réprobation de certains dont je fais partie. En souhaitant aussi que les programmes de grades n’imposent pas des thèmes en inadéquation avec l’aspiration des élèves. En clair qu’ils ne soient pas surchargés de judo, et que le jour de l’examen, l’ensemble du  jury connaisse le programme ! Et puis, je ne vois pas trop ce qui pourrait être inventé de plus en matière technique. A toujours vouloir faire du nouveau on en arrive à faire, parfois, n’importe quoi !

Saluons quand même cette prise de conscience.  Tout comme il faut saluer le fait de reconnaître que ce qui avait été proposé en son temps n’était pas cohérent.

Pour ce qui nous concerne, avec l’EAJJ, sous l’égide de la FEKAMT, ces prises de conscience ne nous concernent pas, notre « boîte à outils » étant parfaitement garnie depuis bon nombre d’années. En témoigne la couverture de l’ouvrage présentée en accompagnement de cet article, datant de…1985 !

 

Haut niveau et traumatismes

unnamed (19)Dernièrement plusieurs articles ont été consacrés aux risques de traumatismes liés aux sports de haut niveau dans des disciplines de contact. Notamment, le journal Le Monde dans son édition du 5 octobre, au titre évocateur : « La grande broyeuse », à propos du nombre croissant de blessures lors de la Coupe du monde de rugby, mais surtout de la gravité de ces blessures. Le 22 septembre sur Europe 1, une chronique médicale se faisait le relais d’un sujet qui mettait en avant les risques liés à la répétition des chocs au niveau de la tête. Ces risques et ces accidents ont toujours existé, en l’occurrence dans les sports dits de « contact », et pas seulement dans les disciplines de combat. Le rugby et bien sûr le football américain ne sont pas épargnés. Mais pourquoi, statistiques à l’appui, assistons-nous à une telle progression de graves traumatismes ? Certes, il y a un nombre croissant de pratiquants, mais ce n’est pas le sport amateur qui affole les compteurs. Non, selon les analystes, il faudrait tout simplement aller chercher du côté de la professionnalisation de certains sports. Celle-ci rendant les obligations de résultat plus importantes, tout simplement, étant entourés d’enjeux financiers considérables, qui parfois les dépassent, les athlètes sont soumis à une pression que l’on pourrait qualifier d’inhumaine, rendant les matchs ou les combats d’une âpreté du même nom. Et puis, l’on parle des matchs, durant lesquels la majorité des blessures surviennent, mais il ne faut pas oublier que ces accidents sont parfois et même souvent la conséquence d’entraînements beaucoup trop intensifs.

Cette pression, on la doit, une fois de plus, à des enjeux financiers, dictés par des personnes qui, elles, ne sont pas sur le terrain et qui connaîtront une meilleure vieillesse que ceux qu’ils ont poussés outrageusement dans l’arène.

Il ne faut pas oublier que l’une des définitions de l’activité physique est la suivante : « Le sport améliore l’homme » ! En sommes-nous convaincus à la lecture d’un commentaire du président de Provale (syndicat des joueurs de rugby du championnat de France), Robins Tchale-Watchou, (dans l’article du Monde) : « Quand tu n’as plus de cartilage aux deux genoux, tu ne peux même pas faire un tour de vélo avec tes gamins, tout ton quotidien change. » Je suis assez bien placé pour approuver cette analyse. Bien qu’à mon époque la pratique était davantage « civilisée », les contraintes n’étaient pas les mêmes. Imaginons les athlètes d’aujourd’hui, dans quelques décennies, notamment ceux que l’on met dans les cages !

Ju-jitsu et judo

Kano_JigoroDe par leur histoire, ju-jitsu et judo sont intimement liées. L’un ayant donné naissance à l’autre. Jigoro Kano a créé le judo à partir du ju-jitsu. Pour cela il a épuré la méthode de combat des samouraïs en fonction de raisons bien précises, en conservant les techniques qui regroupaient les critères suivants : efficacité et sécurité. Efficacité en combat et sécurité lors de la pratique, de l’entrainement.

A l’époque des samouraïs, seule l’efficacité comptait, bien qu’existait quand même un code d’honneur. Maitre Kano a souhaité aller plus loin et faire en sorte que l’art de combat soit aussi une façon de s’éduquer physiquement et mentalement. Combattre, si possible, une violence intrinsèque et plus largement, par l’étude de principes « intelligents », contribuer indirectement – et même directement – à une meilleure vie en société. On peut incontestablement qualifier cet homme d’humaniste.

Lors d’un voyage en France, lui fut présentée une méthode de self-défense – inspirée du judo – conçue par Moshé Feldanfrais, un disciple de Maitre Kawashi (voir ce blog en date du 28 novembre 2013.) L’auteur demanda à Jigoro Kano de bien vouloir préfacer l’ouvrage qui allait proposer la méthode en question. Ce dernier accepta en insistant sur le fait que ce n’était pas l’idée qu’il se faisait du judo, que pour lui, l’aspect utilitaire s’apparentais à une présentation réductrice, mais que si cela pouvait permettre aux étudiants, au travers de cette pratique, de se rapprocher d’une quête plus large, il n’y voyait pas d’inconvénient.

Malheureusement, par la suite, le judo est devenu, pour beaucoup, un sport de compétition en perdant à la fois de son sens utilitaire et n’hésitons pas à dire le mot, son aspect philosophique.

Au même titre que Jigoro Kano en 1882 changea le nom de ju-jitsu en judo, pour marquer les esprits et élargir l’éventail des bienfaits de sa pratique, il fut nécessaire, à la fin des années 1960, devant l’ampleur de la dérive compétitrice du judo, de revenir à l’appellation ju-jitsu afin d’insister sur le fait qu’existait une autre voix – parallèle – à celle axée sur la recherche de médailles.

Ces deux aspects (judo et ju-jitsu) pouvant très bien coexister, mais à la condition d’en avoir la volonté et d’être dotée d’une certaine ouverture d’esprit. En France, ce ne fut pas le cas, ou bien alors en proposant une forme de ju-jitsu, également orientée sur la compétition (incompatible avec un art martial traditionnel), et qui, par certaines techniques et formes de corps, s’opposait à une complémentarité pourtant naturelle.

Bon nombre de pratiquant d’un ju-jitsu traditionnel se sont trouvés désemparés, expliquant ainsi la multitude de styles en recherche d’identité et surtout de reconnaissance au sein d’une structure indispensable au bon développement de toute discipline. Notre école, l’EAJJ, partant du principe que l’union fait la force, a rejoint, il y a quelques années la fédération européenne de karaté et d’arts martiaux traditionnels (FEKAMT), espérant ainsi évoluer en toute sérénité et œuvrer pour une reconnaissance des styles à but non-compétitifs. C’est également une manière de stopper l’éradication programmée d’une forme de ju-jitsu.

Ce week-end se tient à Gien dans le Loiret, l’assemblée générale de cette institution, ainsi qu’un stage au cours duquel interviendront les principaux experts des disciplines appartenant à la FEKAMT. J’aurai le plaisir d’y apporter ma contribution.

Un dernier avis, sur la complémentarité du judo et du ju-jitsu. Au début des années 1970, au moment de ce que l’on a appelé d’une terme un peu lourd « la relance du ju-jitsu », l’idée était toute simple, il s’agissait de proposer deux pratiques, judo et ju-jitsu, avec des passerelles, chacune respectant l’autre et ses spécificités. Celles-ci devant d’ailleurs être considérées davantage comme des complémentarités que comme des différences. Mais sans doute était-ce trop simple !

 

2005…et la rue des Martyrs

imagesWON2G4F8Après 1995 le 17 avril dernier et 2015 le 15 juin, c’est l’année 2005 que je souhaite évoquer aujourd’hui et poursuivre ainsi la saga des années qui se terminent par le chiffre 5 et qui, à titre personnel et professionnel, ont été toutes marquées par un ou plusieurs faits majeurs.

2005 n’a donc pas échappé à la règle. L’événement aura été la fermeture du mythique dojo de la rue des Martyrs. Celui dans lequel mon père a commencé la pratique du judo en 1947, puis en a assuré la direction à partir de la fin des années 1960, jusqu’à sa disparition quelques jours avant 2005.

Cette salle avait été ouverte en 1944 par Roger Piquemal. Professeur de « culture physique » de son état, il était aussi un des pionniers du judo français.

A l’origine le club s’appelait « Club français de jiu-jitsu », ensuite il est devenu le « Club français de judo ». On l’appelait simplement le « Club français ». A la simple évocation de ce nom, tout le monde savait de quoi il s’agissait.

Situé dans l’une des rues les plus attachantes de Paris, la rue des Martyrs, il jouissait d’un emplacement exceptionnel. Ce qui devait avoir été un lavoir, ou des écuries, était devenu, au fil des années, un lieu incontournable dans le monde du judo, puis des arts martiaux. Une certaine vétusté rajoutait au charme de ce lieu inoubliable pour tous ceux qui l’ont fréquenté. Nous étions très loin de l’ultra-modernité des salles de gym de notre époque.

Des personnalités exceptionnelles y sont passées, il représentait une immense partie de l’histoire du judo et des arts martiaux français.

Personnellement, il m’est impossible de l’oublier. Pour ce qui est écrit ci-dessus, qui n’est qu’un résumé de ce qu’il a vraiment représenté, mais aussi parce que c’est là que j’ai enfilé mon premier kimono. C’est là que j’ai étudié le judo et le ju-jitsu, sous la direction de mon père, c’est dans ce lieu que j’ai appris mon métier et que je l’ai exercé jusqu’en 1989, date à laquelle j’ai quitté « le nid », pour voguer sur d’autres sites. Cela ne m’empêchait pas d’y revenir régulièrement.

Et puis, à la fin de l’année 2004, il y eut la terrible disparition de mon père et m’est revenu la très lourde tâche de devoir gérer la succession. Cela n’a pas été simple, preuve en est qu’après six mois d’exploitation en parallèle avec le dojo de la Bastille, que je venais d’ouvrir, j’ai été contraint de procéder à la fermeture définitive de ce lieu sacré. En effet, des règles de sécurité de plus en plus sévères empêchaient de poursuivre une exploitation normale sauf à faire des aménagements qu’ils m’étaient absolument impossible de réaliser, sur un plan purement technique.

C’est, selon l’expression consacrée, c’est « la mort dans l’âme » que je me suis résigné à me livrer à un acte qui ne pourra quitter ma mémoire.

Il n’aurait pas été facile de gérer de front les deux établissements et s’il avait fallu choisir, pas un seul instant je n’aurais hésité, c’est pour «la rue des Martyrs » que j’aurais opté.

En 2005, ce fut aussi ma dernière participation au festival des arts martiaux de Bercy. A douze reprises j’eus l’honneur de présenter notre discipline à l’occasion du plus important festival des arts martiaux. Toujours un grand moment.

Les fins de cycles sont douloureuses par nature, la consolation se trouve dans les bons souvenirs que nous laissent ces lieux et ces événements que nous avons eu la chance de fréquenter et de vivre ; ils nous ont fait vibrer et ajouter du sens à notre vie. D’autres viennent – ou viendront – en remplacement.

Septembre et projets

DSC03768Le mois de septembre touche à sa fin et lorsque l’on a en charge la gestion d’un club de sports et/ou d’arts martiaux, on peut déjà tirer un premier bilan et faire un pronostic sérieux pour le reste de la saison. C’est ce que j’ai connu pendant plus de quarante ans. Ce n’est pas le cas cette année, pour des raisons évoquées à plusieurs reprises sur ce blog. Affirmer que cela se vit dans une parfaite indifférence serait mentir ! Un inévitable manque est ressenti. D’autant plus que ce mois de septembre, à titre personnel, devait être celui d’une rééducation faisant suite à une intervention chirurgicale au niveau de l’épaule. Un contre-avis, qu’il a sans doute été prudent de suivre, a annulé purement et simplement l’opération. Du coup le trimestre ne présente plus la même physionomie en termes de planning. Est-ce que cela se classe dans la colonne bonne ou mauvaise nouvelle ? C’est une autre histoire ! En tout cas, cela accélère la réorganisation sur le plan personnel et professionnel.

A court terme, quelques projets sont en gestation. Sur le plan de la communication, comme vous avez pu le constater, le blog n’a pas pris de vacances. Le site Internet se transforme, il va devenir, dans un premier temps, un site dédié au ju-jitsu et principalement à notre méthode. Informations sur les manifestations, telles que stages privés et fédéraux (EAJJ/FEKAMT), coupes techniques. Mais aussi, des pages techniques, des vidéos, des infos sur de prochaines parutions, sondages, etc. Il n’est pas encore opérationnel à 100 %, loin de là mais vous pouvez déjà aller le visiter : www.jujitsuericpariset.com . Et puis, sans doute, la création d’une sorte d’amicale de mes élèves (anciens et futurs.)

Concernant le blog sur lequel vous vous trouvez, il va perdurer avec quelques innovations. J’ai pensé faire appel à certains intervenants extérieurs, des pratiquants gradés qui ouvriront l’information et la réflexion sur des sujets divers, en rapport avec notre art. La légitime défense, par exemple, mais aussi des sujets différents, comme le rôle qu’une discipline, telle que le ju-jitsu et les arts martiaux en général, peuvent avoir dans la société et les relations humaines. Les sujets ne manquent pas, les talents non plus !

Facebook et Twitter continueront à se faire les relais du site et du blog, mais aussi, ponctuellement à proposer des réflexions disons, plus personnelles.

J’imagine que pour la plupart des aficionados des arts martiaux, le chemin des dojos a été repris et que pour ce qui concerne certains qui me sont plus proches, après un moment de désappointement, il en a été de même. Je m’adresse à eux, plus particulièrement, en leur confirmant que le désappointement est partagé. Mais, comme je l’avais assuré dans un précédent article à l’aide d’une formule qui n’avait pas laissé insensibles certains : « Nous nous reverrons, ici ou là. » (Renaud) Il est important de toujours citer les auteurs, ce que j’avais omis de faire en son temps.

Bonne continuation et à bientôt.

 

Ju-jitsu et self-défense

unnamed (4)De mon point de vue, ju-jitsu et self-défense sont indissociables. Il existe juste une différence dans le fait que la self-défense est un des aspects du ju-jitsu. Ou bien, formulé différemment, que le ju-jitsu est une méthode de défense, mais pas que ! Puisqu’il est aussi une méthode d’éducation physique et mentale. Le côté utilitaire n’est pas la seule recherche au travers de son étude. Les personnes intéressées uniquement par cet aspect font très souvent l’impasse sur la tenue, les grades, les rituels, les protocoles, etc. Mais je crois sincèrement que le contraire n’est pas juste, on ne peut affirmer que lorsque l’on pratique le ju-jitsu, la défense personnelle ne nous concerne pas. (Sans pour autant que cela devienne une obsession.) D’abord parce qu’elle est le fondement de tout art de combat et le ju-jitsu en fait partie, ô combien, et ensuite on ne peut se permettre d’apprendre une technique qui ne requiert pas le critère d’efficacité. Surtout quand dans notre enseignement existent les défenses contre armes. Il serait irresponsable de ne pas prendre en compte le fait qu’une technique démontrée, enseignée, et qui va être ensuite répétée par les élèves ne possède pas comme principale qualité d’être efficace. Après, il est vrai que ce qui nous différencie peut-être des méthodes dites purement utilitaires, c’est la recherche d’un développement physique harmonieux, d’une formation morale empreinte de respect, de maîtrise (indispensable pour une parfaite réaction liée aux raisons de proportionnalité de la riposte), bref de l’application du code moral des budos et aussi, et c’est très important, d’une pureté technique, de la recherche du geste parfait. Ce dernier point ne nuisant absolument pas à une bonne efficacité, ni à une perte de temps, partant de l’adage : « Qui peut le plus, peut le moins. » Plus un mouvement sera répété, peaufiné, maîtrisé, plus il sera efficace. Je ne prétends pas non plus que toutes les méthodes purement utilitaires occultent totalement de telles données.

Ce billet vient en complément du précédent qui traitait des katas et de mon étonnement quant à constater que les modifications apportées, contre toute logique, n’allaient pas dans le bon sens. Au risque de me répéter, pour moi les katas sont – et dans l’ordre d’importance – premièrement la représentation d’un combat, certes codifié, mais il s’agit d’un affrontement quand même. A ce titre ils pourraient être considérés comme des méthodes d’entraînement (aux automatismes, entre autres). Deuxièmement, il s’agit d’exercices de style dans le sens où la précision et le geste parfait seront recherchés. Troisièmement, une rigueur d’attitude (utile dans d’autres domaines) sera demandée lors de leur présentation. Pour conclure, et pardon d’avoir déjà insisté sur ce point, je pense qu’il serait regrettable de considérer les katas uniquement comme des « purges » qu’il faudrait s’administrer avant un passage de grade. Même s’ils servent aussi de solides moyens d’évaluation pour gravir ces échelons, ce n’est pas leur unique vocation, loin de là !

Site ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com