Neuf mois, triste période…

Neuf mois d’une vie particulière et ce n’est pas fini, puisque  une troisième vague nous est annoncée, à moins que – plus précisément – ce soit la première qui n’en finisse pas. Quand ce cauchemar cessera-t-il ? Une vague impression nous submerge, celle de constater que plus sont restreintes nos libertés, plus le virus progresse. A quand une vie normale ?
Si toutefois c’est possible pour ceux dont la vie a basculé en une soirée de mars 2020, suite à une injonction présidentielle.

Évoquer sa grand-mère n’est pas réservé au Ministre Darmanin (il cite souvent son aïeule), la mienne disait : « Chacun voit midi à sa porte ». Il est évident que les conséquences de cette crise ne sont pas identiques pour tout le monde, il en est donc de même pour les réactions.

Qui pourrait supporter neuf mois sans revenu ? Qui ? C’est pourtant c’est ce qui arrive à bon nombre de petits entrepreneurs qui vont être projetés dans  la précarité, dans la désespérance et puis dans la misère. Il ne faut pas nier la gravité de la crise sanitaire que nous vivons, mais il n’est pas utile d’être un grand devin pour pronostiquer d’autres conséquences sur le plan de la santé ; elles seront (et sont déjà)  d’une extrême gravité, celles engendrées par la destruction d’une carrière professionnelle. Ce ne sont pas des  conséquences indirectes, mais  des conséquences directes, elles sont liées à la perte de ce que l’on appelait dans le temps « le gagne-pain ». Cette expression populaire est expressive à souhait. Je n’ose pas imaginer les réactions que cela pourrait susciter dans des secteurs mieux défendus. Les travailleurs indépendants ne bénéficient ni de syndicats ni de chômage.

Certains ont été touchés directement  dans leur chair par le virus, d’autres vont l’être directement par la perte de ce « gagne-pain ».

Je sais qu’il est difficile d’imaginer ce que représente l’interdiction d’exercer son métier et par conséquent de gagner sa vie. Une interdiction mise en place brutalement, au nom d’une solidarité, de toute évidence à sens unique ; sans retour d’ascenseur. Une partie de la population a été sacrifiée, je n’exagère pas la formule.

On a beau être des combattants de par la discipline que nous pratiquons, mais si l’on casse les pattes de n’importe quel mammifère, avec la meilleure volonté du monde, il ne peut plus avancer.  Quant à entrevoir la possibilité d’une reconversion, en période de crise économique, c’est loin d’être gagné.

A cette misère annoncée, suffisante pour « craquer », il y a le terrible sentiment que le sport en général et bien plus encore nos disciplines dites de contact sont marginalisées, stigmatisées et même sacrifiées. Leur enseignement est pourtant d’une haute valeur éducative et une passion dont il est difficile de se passer.

D’autre part,  s’il est indispensable d’interdire des activités jugées trop dangereuses pour être autorisées en période de pandémie, il faut le dire clairement. Or ce n’est pas le cas. Un seul exemple : jeudi dernier le Premier Ministre déclare que toutes les pratiques en intérieur seront interdites y compris pour les mineurs et le lendemain matin on nous annonce le contraire. Comment comprendre et interpréter ces incessants revirements ?  On voudrait jouer avec les nerfs des personnes concernées, on ne s’y prendrait pas autrement. Si l’on ajoute qu’il est précisé que les activités de contact devront se faire…sans contact, c’est à se demander si nous ne sommes pas considérés comme des imbéciles.

Dans certains secteurs les solutions palliatives et/ou de rebond ne sont pas faciles à mettre en place, pour ne pas dire impossibles.  Certains de façon courageuse, qu’il faut saluer, tentent de garder le contact avec des animations en ligne, mais elles ont leurs limites. Il n’est pas difficile de comprendre  que faire de la natation, pratiquer l’équitation ou le judo tout seul chez soi est tout simplement impossible. Ce qui a justifié mon commentaire accompagnant la vidéo mise en ligne samedi matin.

Ils sont nombreux aussi, ceux qui de façon toute aussi courageuse annoncent qu’ils ne « lâcheront rien », mais c’est nous qui sommes lâchés !

Oui, un jour nous pourrons vraisemblablement pratiquer à nouveau. Mais tout d’abord, quand ? Et lorsque cela sera enfin possible, il faudra reconstruire sur un champ de ruines et être doté d’une longue et terrible patience. Sans doute des années seront nécessaires pour retrouver un fonctionnement équilibré. Encore faudra-t-il qu’il ne soit pas trop tard.

A grand renfort de communication on nous annonce que des milliards d’aides sont versés aux entreprises en difficulté. Mais ces aides seront largement insuffisantes par rapport aux dégâts,  quand il ne manquera pas des cases qui vous exclurons des bénéficiaires par rapport aux aides en question. Et qu’en est-il pour les entreprises qui sont déjà fermées ? Celles qui ont déjà mis la « clef sous la porte » (encore une belle « expression expressive ») à l’occasion de la première vague du printemps.

Tout le monde n’étant pas frappé de la même manière, nous assistons à un début d’affrontement entre deux France. Avec d’un côté ceux qui n’ont rien perdu (tant mieux pour eux) et de l’autre ceux qui vont tout perdre, ou qui ont déjà tout perdu. Cette réflexion n’est pas l’émanation d’une quelconque jalousie, mais de l’incompréhension et de la colère face à une forme d’injustice dans la mesure où seulement quelques secteurs subissent la charge et les conséquences de cette pandémie.

eric@pariset.net