Ces périodes durant lesquelles certains ont la chance d’être en vacances sont propices à la publication de récits emprunts de sagesse et qui donnent à réfléchir. Celui-ci se nomme « Une bombe à retardement », il est issu du recueil « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon », dans lequel fourmillent de belles leçons.
« Depuis quelques semaines, un expert de boxe chinoise s’était installé dans un petit village isolé. Il commençait à s’y plaire car la crainte qu’il inspirait aux paysans lui permettait de se comporter en seigneur des lieux. Ce qu’il appréciait par-dessus tout, c’était de voir que personne n’osait lui résister, ni se trouver en travers de son chemin, jusqu’au jour où… un petit vieillard à barbe blanche, ne lui céda pas le passage et continua à marcher droit devant. Fidèle à son image de marque, l’expert essaya de bousculer le vieillard mais son corps poussa dans le vide car le vieil homme avait esquivé le geste. Furieux, le boxeur se jeta sur le vieux pour lui distribuer une série de coups. Dans la mêlée qui s’ensuivit, le vieillard tenta maladroitement de parer les coups et il réussit même à toucher légèrement la poitrine de la brute. Mais, ne faisant visiblement pas le poids, il finit par aller rouler dans la poussière. Satisfait de la correction, le champion laissa là le corps inanimé de ce vieil impertinent qui avait osé lui résister. Dès que la brute se fut éloignée, le petit vieux ouvrit un œil, puis deux, se releva, s’épousseta un peu et quitta le village d’un pas tranquille.
Plus les jours passaient, moins le boxeur se sentait en forme. Son corps s’affaiblissait, sa respiration et sa digestion devenaient difficiles et il avait des maux de tête de plus en plus fréquents.
Le jour arriva où, fiévreux et frissonnant, il du rester au lit. Il n’avait plus la force de bouger, il pouvait à peine parler.
Après avoir longuement réfléchi aux raisons de son état, il ne trouva qu’une explication probable : le léger coup que lui avait porté le vieillard avait certainement atteint un point vital et son effet avait agi à retardement. Comprenant finalement que c’était le vieil homme qui lui avait donné une leçon, il réalisa combien les apparences étaient trompeuses et combien, jusque-là, il avait vécu dans l’illusion de sa force. Pris d’un réel remord, il envoya chercher le vieillard pour lui demander pardon de son inqualifiable conduite et le remercier de lui avoir ouvert les yeux.
Le petit vieux, qui vivait dans un ermitage proche du village, ne tarda pas à arriver. Touché par le repentir sincère du voyou, il décida de le soigner lui-même. Après plusieurs séances de shiatsu (acupuncture digitale) et un traitement de plantes médicinales, le jeune homme fut remis sur pied. Habité d’un véritable besoin de reconnaissance, il supplia humblement le vieil ermite de l’accepter pour élève.
Il resta ainsi dans l’ermitage jusqu’à la mort de son Maître, et quand il redescendait dans le village, sa présence n’inspirait plus la crainte, mais un paisible respect.
En sport, cela peut paraitre étrange d’affirmer que lorsque c’est le plus fort qui gagne et que par conséquent l’échelle des valeurs est respectée, se manifeste parfois un manque d’intérêt . Pas tant que cela, finalement. D’abord, assister au renversement de l’ogre par le « le Petit Poucet » est toujours sympathique, et pour ce qui concerne les disciplines de combat comme le judo, que les principes de bases et les techniques affutées permettent à David de triompher de Goliath l’est tout autant.
L’épisode hivernal que nous venons de vivre a permis de constater que savoir chuter n’était pas inutile en dehors d’un dojo. Certes, on peut penser que lorsque l’on chute sur un tatami on doit « frapper » avec le bras et que par conséquent il ne sera pas possible de faire de même sur un sol dur ; sur ce point il faut préciser que ce serait un moindre mal, nous verrons pourquoi plus loin.
Décidément ce qui touche à la self-défense ne laisse pas insensible. L’article de la semaine dernière a rencontré un beau succès et a suscité quelques réactions qui m’inspirent ce nouveau billet.
Récemment j’ai été interpellé par le contenu d’une affiche sur laquelle était proposée – entre autres thèmes – de la « self-défense » au programme d’un stage de ju-jitsu. Cela sous entend (volontairement ou involontairement) que le ju-jitsu n’est pas une méthode de défense (à moins que ce soit dans un souci approximatif d’information destiné aux néophytes). C’est surprenant dans la mesure où je pensais que lorsque l’on pratiquait cette discipline on pratiquait forcément de la self-défense. Certes le ju-jitsu a l’avantage de ne pas se limiter au simple aspect utilitaire ; on travail le physique et le mental – qui ne sont pas incompatibles avec l’efficacité, bien au contraire -, mais il s’agit avant tout d’un art de combat. Ses principes et la majorité de ses techniques possèdent des spécificités qui sont la non-opposition, l’utilisation de la force de l’adversaire, la recherche du contrôle de l’adversaire, mais aussi celle du détail qui tente de conduire à la perfection, partant du principe que « qui peut le plus, peut…le plus ». Même si pour différentes raisons – éthiques et éducatives -, son enseignement et sa pratique ne se limitent pas à l’aspect utilitaire, chaque technique étudiée, chaque méthode d’entraînement travaillée et chaque kata exécuté ont comme principaux objectifs de progresser et de renforcer l’efficacité dans l’art du combat. Et puis surtout n’oublions pas que dans l’arsenal technique existent des projections et des coups qui peuvent être fatales (ne pas l’ignorer n’est pas superflu, à bien des égards). Tout cela pour affirmer que la self-défense est l’ADN du ju-jitsu.
C’est au début des années 1980, dans la suite logique des 16 techniques et des 16 bis que l’enchaînement des « 16 Ter » a vu le jour. Si son appellation n’est pas originale son contenu l’est assurément.
On ne combat pas le feu avec le feu, ni la violence par la violence. Au risque de me répéter, je ne me lasserais jamais de militer pour un enseignement éducatif dans lequel l’apprentissage des techniques de défense sera essentiellement axé sur la maitrise de l’agresseur et non pas sur son extermination. Si abjecte que soit l’agression et nous n’en sommes pas privés, la répression, tout comme le maintien de l’ordre (en dehors du dojo) n’est pas la mission d’un éducateur, mais celle des services spécialisés dans ce domaine. Que l’on ne s’y méprenne pas, je ne suis pas habité par un idéalisme béat ni par un angélisme inapproprié, mais par une responsabilité professionnelle. Il n’est pas question non plus de « mollesse », ni dans le comportement, ni dans l’entraînement, ni dans une réaction indispensable en cas d’agression et d’une sanction à la hauteur du délit par la justice. Mais il existe une différence entre apprendre à se défendre et apprendre à détruire. La personne qui souhaite légitimement pouvoir se sortir d’une mauvaise situation ou aider quelqu’un à le faire, n’a pas forcément l’envie (et le droit, la notion de légitime défense ne devant pas être ignorée) de se transformer en « exterminator ».
Afficher en bonne place le Code moral sur un mur du dojo mais ne pas l’appliquer ne sert à rien. A moins que ce soit pour se donner bonne conscience ou encore revendiquer des principes sans les mettre en pratique. Heureusement, ces comportements ne sont pas (encore) majoritaires.
Parmi les évènements de cette nouvelle année, dans quelques semaines, fin mars précisément, se tiendra la 33ème édition du Festival des arts martiaux. Comme tous les ans depuis 1985, ce grand rendez-vous se tiendra à Bercy. Oui, j’ai encore des difficultés avec le nouveau nom : Accord Hôtel Aréna . Nous devrons nous y faire, puisqu’avec les J.O. une certaine pollution publicitaire devrait nous être imposée dans la capitale. Mais ce n’est pas le sujet du jour.