Aujourd’hui, c’est la lettre B de mon dictionnaire qui est abordée. Comme je l’avais expliqué il y a quinze jours, en alternance avec les articles habituels, je proposerai sur ce blog un résumé de ce que représente chaque mot ou nom qui me sont venus spontanément à l’esprit en déclinant l’alphabet. Un ouvrage plus détaillé sur chacune des lettres étant en préparation.
Donc, j’ai choisi B comme Bercy. Je n’ignore pas que cette salle, inaugurée en 1984, a troqué son appellation – « qui sentait bon un quartier populaire de la capitale » – pour une autre largement plus commerciale. En vérité son nom originel était « le Palais-Omnisport de Paris-Bercy », le POBP.
Dans cette salle, à la capacité d’accueil de 14 000 spectateurs, se déroule tous les ans le « festival des arts martiaux » organisé par le magazine Karaté-Bushido. C’est en 1986 qu’à eu lieu la première édition du plus grand rendez-vous mondial en la matière.
En 35 éditions (avec celle du week-end dernier) tous les arts martiaux ont été présentés, les meilleurs experts et champions ont foulé le tatami de cette salle qui devient, le temps d’une soirée, le plus grand dojo du Monde.
Cet endroit a sa place dans mon dictionnaire parce qu’il revêt un caractère particulier ; il a fait partie des grands moments de ma carrière, il a contribué à affirmer ma notoriété. J’ai eu la chance et l’honneur d’y démontrer le ju-jitsu à douze reprises.
Mes « années-Bercy » qui vont de 1986 à 2005 (ma dernière participation), m’ont permis de rassembler de nombreux souvenirs que je qualifierai d’excellents.
Pour être prêt le jour J, la préparation commence bien avant la date de l’évènement. Il y a d’abord les heures de répétitions sur plusieurs semaines, après avoir travaillé longuement sur la conception de la démonstration. Il faut à chaque fois faire preuve d’originalité tout en présentant un ju-jitsu efficace et spectaculaire. Le stress monte en puissance au fur et à mesure que la date approche ; il y a la hantise qu’un problème surgisse, une blessure par exemple, ce qui est arrivé en 1998 avec un ménisque du genou en manque de coopération. Enfin arrive le grand jour, avec cette fois un hyper-stress dans les heures qui précédent. Lorsque l’on est derrière le rideau juste avant d’entrer dans l’arène, la tension est à son comble.
Les deux moments vraiment très forts sont « pendant et juste après ». Chacun a ses propres réactions face à ce que l’on peut considérer comme une confrontation. J’ai toujours été surpris qu’une fois monté sur le tatami le stress s’évapore comme par miracle, et heureusement. L’inquiétude que l’on ressent juste avant n’est pas uniquement due à la peur de ne pas bien faire, mais que surgisse un souci quelconque, qu’un grain de sable vienne enrayer la machine ; un trou de mémoire, une blessure ou bien encore un problème avec la musique. J’évoque ces exemples pour la bonne raison que ce sont trois cas de figures auxquels j’ai été confronté. Dans la version longue de ce dictionnaire je ne manquerai pas de les expliquer dans le détail.
Une fois la démonstration exécutée, il y a cette incroyable sensation de soulagement. Si le spectacle a remporté le succès escompté et que l’on sort sous les applaudissements, une incroyable sensation de soulagement nous envahit, celle du contrat rempli, du métier bien fait. S’ensuivent des moments de douce béatitude. La tension retombe.
Lorsque la prestation s’effectue en première partie du spectacle, après une douche salvatrice et réparatrice, on rejoint le hall et si, comme ce fût le cas à plusieurs reprises, le club dispose d’un stand, on ne boude pas le plaisir procuré par la séance d’autographes. C’est là aussi un grand moment.
Quant aux souvenirs qui restent des démonstrations auxquelles j’ai pu assister, je n’évoquerai que les bons. Si globalement le spectacle a toujours été de qualité, sur plus de trente ans on ne peut éviter quelques ratés et mauvais excès. Heureusement la mémoire est sélective et l’on ne retient souvent que le meilleur. Parmi ce « meilleur » il y a eu 1989. J’ai l’impression que cette année a marqué un tournant. D’une suite de démonstrations d’arts martiaux très épurées lors des premières éditions, on passait à un réel spectacle, tout en conservant un esprit martial. C’est à cette occasion que la France découvrait le québécois Jean Frenette, époustouflant dans un superbe kata artistique. Tout au long de ces années, je me souviens aussi des prestations toujours impeccables de Christian Tissier en aïkido, des moines de Shaolin, des karatékas d’Okinawa, de Sylvain Guintard marchant sur les braises, de Dominique Valéra toujours très convaincant, etc. Je n’oublie pas non plus les interventions, disons « originales » de Jean-Claude Van Damme. J’ai aussi une pensée pour la Canne française, un art bien de chez nous, démontré à plusieurs reprises et de belle manière par Fred Morin et son équipe.
Concernant le jugement que je porte sur mes propres prestations, l’édition 1995 a ma préférence sur le plan technique ; du point de vue du spectacle, c’est l’année 2000 que je place en tête ; on m’avait confié la charge de proposer en quelques tableaux la fameuse « Légende du Grand Judo », qui avait en son temps fait l’objet d’un très beau film relatant une période de la vie de Jigoro Kano durant laquelle, s’inspirant de différents styles de ju-jitsu, il crée sa propre Ecole qu’il appelle JUDO. Il ignorait sans doute qu’à notre époque le sport prendrait l’ascendant sur la méthode d’éducation physique et mentale qu’il préconisait, mais c’est une autre histoire.
Aujourd’hui, pour retrouver ces passages à Bercy, il reste les vidéos qui permettent de les revivre, sans aucune nostalgie. Ils font partie des grands moments de ma carrière. J’ai participé à de nombreux galas en France et à l’étranger, mais aucun endroit ne procure de telles sensations, que ce soit le trac avant, la pression pendant et l’immense satisfaction juste après.
eric@pariset.net www.jujitsuericpariset.com
Aujourd’hui, c’est la réponse à une question posée par un pratiquant résidant en Belgique qui fera office de billet hebdomadaire.
Les rendez-vous parisiens se déplacent un peu à l’Est pour devenir « montreuillois », du nom des habitants de la commune de Montreuil, qui est la deuxième ville la plus peuplée du département auquel elle appartient, la Seine-Saint-Denis. C’est également la cinquième de l’Ile-de-France. Appelée aussi Montreuil-sous-Bois (quand il y avait des bois, sans doute), la ville est limitrophe du XXème arrondissement parisien, son accessibilité est très facile ; avec le métro par la ligne 9, station Robespierre, en voiture par la sortie périphérique Porte de Montreuil. Ce petit cours de géographie pour présenter l’endroit où se déroulera le 24 mars le prochain stage.
Il y a quelque temps un de mes anciens élèves, qui se reconnaitra, m’avait suggéré de réaliser un dictionnaire des noms et des mots qui ont marqué ma carrière. J’avais mis de coté cette idée, aujourd’hui elle me revient. Aussi, j’ai commencé à établir une liste alphabétique des personnes et des sujets qui me venaient assez spontanément.
Un formateur d’enseignants à l’occasion d’une séance qui n’hésite pas à utiliser un qualificatif déplacé pour interpeller et faire remarquer son retard à un futur professeur (quel exemple !), un autre (ou le même) qui informe les futurs enseignants qu’ils ne doivent pas espérer faire une activité professionnelle, même partielle, de la dispense de leurs savoirs et encore moins que celle-ci puisse un jour devenir leur métier (quelle motivation !). Voilà des faits qui sans doute ne reflètent pas une majorité, mais qui se sont déroulés dans un lieu où doivent être « formés » les futurs professeurs. Ceux qui dispenseront leurs connaissances techniques et qui donneront l’exemple en matière de politesse, de respect, bref d’éducation et à qui il reviendra donc la tâche de faire appliquer le fameux code moral affiché dans les dojos.
Ces périodes durant lesquelles certains ont la chance d’être en vacances sont propices à la publication de récits emprunts de sagesse et qui donnent à réfléchir. Celui-ci se nomme « Une bombe à retardement », il est issu du recueil « Contes et récits des arts martiaux de Chine et du Japon », dans lequel fourmillent de belles leçons.
En sport, cela peut paraitre étrange d’affirmer que lorsque c’est le plus fort qui gagne et que par conséquent l’échelle des valeurs est respectée, se manifeste parfois un manque d’intérêt . Pas tant que cela, finalement. D’abord, assister au renversement de l’ogre par le « le Petit Poucet » est toujours sympathique, et pour ce qui concerne les disciplines de combat comme le judo, que les principes de bases et les techniques affutées permettent à David de triompher de Goliath l’est tout autant.
L’épisode hivernal que nous venons de vivre a permis de constater que savoir chuter n’était pas inutile en dehors d’un dojo. Certes, on peut penser que lorsque l’on chute sur un tatami on doit « frapper » avec le bras et que par conséquent il ne sera pas possible de faire de même sur un sol dur ; sur ce point il faut préciser que ce serait un moindre mal, nous verrons pourquoi plus loin.
Décidément ce qui touche à la self-défense ne laisse pas insensible. L’article de la semaine dernière a rencontré un beau succès et a suscité quelques réactions qui m’inspirent ce nouveau billet.
Récemment j’ai été interpellé par le contenu d’une affiche sur laquelle était proposée – entre autres thèmes – de la « self-défense » au programme d’un stage de ju-jitsu. Cela sous entend (volontairement ou involontairement) que le ju-jitsu n’est pas une méthode de défense (à moins que ce soit dans un souci approximatif d’information destiné aux néophytes). C’est surprenant dans la mesure où je pensais que lorsque l’on pratiquait cette discipline on pratiquait forcément de la self-défense. Certes le ju-jitsu a l’avantage de ne pas se limiter au simple aspect utilitaire ; on travail le physique et le mental – qui ne sont pas incompatibles avec l’efficacité, bien au contraire -, mais il s’agit avant tout d’un art de combat. Ses principes et la majorité de ses techniques possèdent des spécificités qui sont la non-opposition, l’utilisation de la force de l’adversaire, la recherche du contrôle de l’adversaire, mais aussi celle du détail qui tente de conduire à la perfection, partant du principe que « qui peut le plus, peut…le plus ». Même si pour différentes raisons – éthiques et éducatives -, son enseignement et sa pratique ne se limitent pas à l’aspect utilitaire, chaque technique étudiée, chaque méthode d’entraînement travaillée et chaque kata exécuté ont comme principaux objectifs de progresser et de renforcer l’efficacité dans l’art du combat. Et puis surtout n’oublions pas que dans l’arsenal technique existent des projections et des coups qui peuvent être fatales (ne pas l’ignorer n’est pas superflu, à bien des égards). Tout cela pour affirmer que la self-défense est l’ADN du ju-jitsu.