De la tenue

Depuis quelque temps on assiste à une forme d’abandon, pour ne pas dire de reniement, de ce qu’on appelle familièrement le kimono (bien que ce nom désigne plus spécifiquement une tenue  d’intérieur) et conjointement de disciplines qui adoptent cette tenue.

Cette tenue et ces disciplines seraient-elles considérées comme ringardes, dépassées, has been ? Je ne le pense pas, elles ont la force de leur histoire.

Si j’accepte les évolutions, et respecte de nouvelles tendances, ce n’est pas pour autant que je renie nos racines et que je retournerai ma veste (de judogi).

Autre cas de figure, quand à l’occasion  de certains entraînements se mélangent kimonos et tenues utilisées dans d’autres sports.

Ne s’agit-il pas d’une forme de négligence et de reniement, par rapport à des traditions qui sont respectés dans d’autres sports ? Short et tee-shirt pour la plupart des sports collectifs, tenue spécifique pour l’escrime, maillots de bain pour la natation, etc. Peut-être serais-je convaincu lorsque je verrais sur les pelouses ou les parquets des gens en judogi.

On peut pratiquer plusieurs disciplines, bien qu’il ne soit pas conseillé de se disperser, mais lorsque l’on en pratique une, on adopte et respecte sa tenue.

C’est l’occasion de rappeler, comme je le fais régulièrement, les avantages de la notre et le fait que si dans nos disciplines à traditions, nous ne la respectons pas, où le fera-t-on ?

Commençons par les véritables appellations.  Il en existe plusieurs qui définissent ce que l’on revêt dans un dojo ; parmi les plus répandues on trouve le judogi, le karategi, le keikogi. Le « jujitsugi » est très peu évoqué. Pour les principaux arts martiaux japonais on peut le nommer tout simplement le « dogi ». En Taekwondo, art martial coréen, c’est le dobok.

Ensuite, notamment pour le judogi, grâce à sa texture, cette tenue est pratique et hygiénique. Elle est résistante aux différents assauts qu’on lui fait subir. Elle est hygiénique, elle permet d’absorber les litres de sueur produits lors des entraînements. Et cette tenue blanche à une signification, elle représente entre autre une forme d’humilité, de simplicité et pourquoi pas de pureté.

Elle possède également comme vertu celle d’effacer toute distinction sociale. On ne frime pas vraiment dans un « gi ». Nous sommes tous égaux pour ces moments d’étude et de partage. Dans certains cas, elle permet d’oublier quelques complexes physiques.

Enfin, dans le combat rapproché, notamment au sol, elle évite une proximité qui peut être parfois gênante et même rebutante pour certains et certaines.

Enfin, sur le plan de la self défense, donc de l’efficacité, et à ceux qui affirment avec raison que dans la rue nous ne sommes pas en judogi, on peut répondre que dans la rue nous ne sommes pas non plus torse nu, ou très rarement et qu’un morceau de tissu, un blouson, une veste peuvent remplacer le judogi pour appliquer certaines techniques. D’autres pouvant d’ailleurs se réaliser avec ou sans vêtement, quel qu’il soit.

Cette tenue, je la respecte au plus haut point ; n’est-elle pas mon principal « outil de travail » ? Elle est aussi devenue au fil des années ma « deuxième peau ». Parfois elle a même été mon « bleu de travail ».

S’affranchir de toutes les traditions au nom d’une prétendue modernité ou même d’une soi-disant liberté pourra être sans limite. Si on ne respecte pas un symbole tel que celui-là, pourquoi pas, tant que nous y sommes, ignorer d’autres signes de respect.

Bannir ces coutumes c’est céder à la facilité, à un manque de rigueur pourtant indispensable dans bien des circonstances et pas simplement dans un dojo.

Au début des années 1970, à l’initiative de l’immense champion de judo néerlandais Anton Geesink, il y eut une tentative de kimonos de couleurs (de toutes les couleurs), qui n’a pas vraiment connu le succès.

Ensuite, au début des années 1990, le kimono bleu est apparu lors des compétitions de judo, dans le but de faciliter la compréhension des combats. Dans le même esprit, j’ai moi-même opté pour cette couleur dans mes démonstrations et dans des ouvrages. Ça m’arrive encore pour des photos au sol.

Quelques professeurs l’utilisent à l’occasion de leurs cours, cela a été mon cas durant un temps, pour « aérer » mes ju-jitsugis de démonstration, à l’époque où j’en faisais.

Une fois cette époque passée, je suis revenu à la pure tradition. Et puis un enseignant doit pouvoir se distinguer davantage par son savoir et son aura que par la couleur de sa tenue.

Dans cet article j’évoque les arts martiaux, mais d’autres sports de combats possèdent leur propre équipement (boxe, lutte, etc.), que les pratiquants arborent fièrement.

Enfin, l’utilisation de la « tenue de ville » (adaptée) pourra être considérée comme un complément à l’étude de la self défense, dans des cours spécifiques. Ça peut  être aussi une approche et une étape avant de rejoindre le monde des budos. Alors : un peu de tenue !

www.jujitsuericpariset.com