Le kumi-kata

KUMIKATA2Cet article fait suite à celui posté la semaine dernière sur ce blog ainsi qu’aux réactions engendrées.

A l’occasion des épreuves de judo des Jeux Olympiques de Rio, Il a beaucoup été question du kumi-kata et notamment durant la finale de Teddy Riner. Finale à l’issue de laquelle notre héros national est entré dans la légende et dans le club très fermé des judokas doubles médaillés olympiques.

Ce que l’on nomme kumi-kata, est tout simplement la saisie du judogi. La plupart des techniques du judo debout se réalisant à partir de ce que l’on appelle aussi « la garde » (Bien que certaines projections puissent se pratiquer « à la reprise ».) Il y a différentes façons de prendre ce kumi-kata ; chaque combattant ayant ses préférences, celles-ci correspondent aux techniques favorites et à son propre « système d’attaques ». Cela signifie qu’en judo on a tout intérêt à assurer sa prise de judogi favorite et à l’inverse d’empêcher l’adversaire d’imposer la sienne. Mais les règles d’arbitrage en vigueur sanctionnent certaines actions qui tendent à faire lâcher la garde de son adversaire, on comprend aisément l’importance que revêt cette première phase.

C’est ainsi que souvent, lors des compétitions et avant toute projection, on assiste à de belles empoignades, celle-ci ayant pour but d’imposer sa saisie favorite. Pour les non-initiés cela prend certaines fois des allures de « bagarres de chiffonniers ».

L’importance donnée à cette phase du combat induit quelques effets néfastes. Le premier consiste à ne plus utiliser ce que l’on appelle « l’attaque à la reprise » (évoquée plus haut.) En effet, la meilleure façon d’empêcher d’être verrouillé serait – aussi – d’attaquer immédiatement. Il existe des techniques adaptées à cette situation, même si, encore par la faute de nouvelles règles, l’arsenal en la matière se réduit ; interdiction du morote-gari et du kata-guruma, par exemple. Ensuite cela favorise inévitablement les plus forts physiquement : essayez donc d’imposer votre kumi-kata à Teddy Riner ! Quid du principe d’utilisation de la force de l’adversaire ? Et enfin comme nous avons pu le constater, la stratégie qui consiste à faire obtenir des pénalités à son adversaire en l’empêchant de prendre sa garde, – donc d’attaquer – est bien souvent abusive ! De tels comportements nous éloignent de l’esprit du judo qui doit être en priorité basé sur l’attaque. De plus, soit dit en passant, l’aspect self-défense, devient inexistant si l’on se doit d’imposer son kumi-kata avant de projeter son agresseur.

Les règles d’arbitrage dont il est question ci-dessus en vigueur de puis plusieurs saisons  et qui ont déjà fait couler beaucoup d’encre (et de sueur) avaient pour objectif de favoriser l’initiative, il n’est pas certain que celui-ci soit atteint. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas trop en vouloir aux combattants, ils tentent de s’adapter. Les enjeux sont importants, ils récompensent, entre autres, des années d’efforts. Malheureusement, il n’y a pas que dans ce domaine où les athlètes sont victimes de systèmes qui les dépassent, mais ceci est une autre histoire…

Site ju-jitsu Eric Pariset : www.jujitsuericpariset.com

Un « o-goshi à la bordelaise ».

BJJ%20O%20Goshi« Un o-goshi à la bordelaise » (et mes rapports avec le judo).

Pour le judo, les Jeux Olympiques sont terminés et le bilan est finalement bon, bien davantage que l’on pouvait le redouter à mi-parcours. Teddy Riner n’a pas failli, il faut reconnaitre qu’il possède une marge de sécurité par rapport à ses adversaires, et une belle surprise nous a été faite grâce à Emilie Andéol. N’oublions pas les autres médaillés. Les judokas français nous ont rarement déçus dans les grandes occasions.

J’ai pensé que c’est le bon moment pour évoquer mes rapports avec le judo. En effet, certains sont étonnés que bien que ju-jitsuka (et à l’extérieur de la FFJDA), je me passionne pour cette discipline (le judo), notamment au travers de partages réguliers – sur le célèbre réseau social – de belles phases techniques réalisées en compétition et que – par exemple – j’évoque les J.O. Autre étonnement lorsque l’on constate que je pratique et enseigne un ju-jitsu que certains appellent « très judo » et cela en étant également en dehors de la fédération…de judo ! La vie n’est pas avare en paradoxe.

Avec un père judoka au palmarès et aux états de services conséquents, il ne pouvait pas vraiment en être autrement. C’est donc par le judo que j’ai commencé ma pratique des arts martiaux à l’âge de cinq ans. Par la suite je me suis spécialisé en ju-jitsu, tout en ayant jamais cessé d’être judoka. D’abord par plaisir. Ensuite pour l’intérêt que représente la finesse de certaines techniques. Mais aussi grâce à la stratégie qu’il faut mettre en place lors des combats ou des randoris (exercices d’entraînement). Enfin parce que dans ce « sport de combat » il n’y a aucune atteinte à l’intégrité physique, la violence en est bannie. Cela n’empêche pas, loin de là, un véritable engagement physique.

Ju-jitsu et judo sont de la même famille, l’un a donné naissance à l’autre. Ils ne sont pas adversaires, ils sont complémentaires. Ils ne se nuisent pas l’un l’autre, bien au contraire. Certes, Il existe des différences dont la principale réside dans le fait que le premier est un art martial et le second un sport de combat. Au début des années 1970, lorsque la méthode « atémi-ju-jitsu » a été mise au point, c’était précisément l’objectif que de proposer une « voie » différente de l’aspect compétition en offrant une forme de retour aux sources et à l’aspect self-défense. Cette méthode était « calquée » sur la progression du judo, afin de faciliter la tâche des enseignants. Les élèves pouvant pratiquer l’un ou l’autre des deux aspects, ou encore en changer sans difficulté. Cela permettait de conserver « tout le monde à la maison ». Ce n’était pas très compliqué à comprendre, mais malheureusement certains ont vu dans le ju-jitsu une concurrence au judo, ce qui était stupide dans la mesure où les objectifs n’étaient pas les mêmes. Par contre, développer l’aspect compétition en ju-jitsu a été une double erreur . Premièrement cela dénature l’art martial, celui-ci devant rester à but non-compétitif et deuxièmement, pour le coup, cela a créé une vraie concurrence avec les compétitions de judo !

Pratiquer les deux est souhaitable, pas indispensable, mais inévitablement un bon enseignement du ju-jitsu permettra de découvrir et de se perfectionner dans toutes les projections qui composent le patrimoine du judo.

En restant dans ce domaine et en rapport avec le titre de cet article, dernièrement on a beaucoup parlé de « l‘o-goshi de la jeune femme bordelaise ». En effet, celle-ci a réussi à projeter un agresseur avec cette technique qui signifie grande bascule de hanche. Preuve en est que les projections ont une efficacité redoutable, cela accrédite le billet publié sur ce blog il y a une quinzaine de jour. Qui pouvait d’ailleurs en douter ? J’émettrai deux réserves concernant les commentaires qui ont fait suite à ce fait divers. D’abord, certains ont critiqué l’agressée qui n’aurait pas été capable de se maîtriser en projetant son agresseur(?!). Deuxièmement, la jeune femme déclare que de ce fait, elle va se remettre à la pratique du judo ou plutôt d’une autre discipline qui revendique la simplicité dans l’apprentissage des techniques de survie, mais dans laquelle… o-goshi n’existe malheureusement pas. Dommage !

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Le secret de l’efficacité

 

muso_attackVacances pour certains, reprise pour d’autres, de toutes les façons en ce moment l’activité est réduite (sauf à Rio) et l’ambiance reste estivale. Le corps se repose un peu, mais l’esprit peut continuer à fonctionner et la petite histoire que je vous propose y contribuera. Petite histoire toujours extraite du livre « contes et récits des arts martiaux ». Bonne lecture.

Le secret de l’efficacité

Devenu un expert et un professeur renommé dans l’Art du sabre, Ito Ittosai était cependant loin d’être satisfait de son niveau. Malgré ses efforts il avait conscience que depuis quelques temps il ne parvenait plus à progresser.

Dans son désespoir, il décida de suivre l’exemple de Bouddha. Les sutras rapportent en effet que celui-ci s’était assis sous un figuier pour méditer avec la résolution de ne plus bouger tant qu’il n’aurait pas reçu la compréhension ultime de l’existence de l’univers. Déterminé à mourir sur place plutôt que de renoncer, le Bouddha réalisa son vœu : il s’éveilla à la suprême Vérité. Ito Ittosai se rendit donc dans un temple afin de découvrir le secret de l’Art du sabre. Il consacra sept jours et sept nuits à la méditation.

A l’aube du huitième jour, épuisé et découragé de ne pas en savoir plus, il se résigna à rentrer chez lui, abandonnant tout espoir de percer le fameux secret.

Après être sorti du temple, il s’engagea dans une allée boisée. A peine avait-il fait quelques pas que, soudain, il sentit une présence menaçante derrière lui. Sans réfléchir il se retourna en dégainant son arme.

C’est alors qu’il se rendit compte que son geste spontané venait de lui sauver la vie : un bandit gisait à ses pieds, sabre en mains.    

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Teddy Riner, J.O. et projections.

jo-2016-teddy-riner-porte-drapeau-de-la-france-rioNotre pays et la délégation française aux jeux olympiques de Rio se sont dotés d’un superbe porte-drapeau en la personne de Teddy Riner. C’est une consécration pour l’athlète mais aussi pour le judo. A noter qu’il existe deux précédents pour la discipline avec Angelo Parisi en 1984 à Los Angeles et David Douillet en 2000 à Sydney.

Cette information m’a donné l’envie d’évoquer un groupe de techniques que j’apprécie particulièrement et qui est commun au judo et au ju-jitsu, je veux parler des projections, le nage-waza. Le ju-jitsu étant à l’origine du judo les techniques de cette « famille » sont absolument les mêmes sur la forme, mais avec une finalité différente. Identiques dans la forme et avec le même but, à savoir : « faire chuter l’autre ». L’adversaire en compétition de judo, le partenaire à l’entraînement (pour les deux disciplines) et un éventuel agresseur en cas de fâcheuse rencontre. Certes, dans ce domaine, quelques adaptations propres à la compétition ne peuvent être appliquées  A l’inverse, elles ne sont pas semblables dans l’esprit, dans la mesure où d’un coté nous sommes en présence d’un sport et de l’autre d’un art martial à but non-compétitif, tout du moins pour la forme de ju-jitsu que je pratique et enseigne.

Les projections demandent sans doute beaucoup plus de travail que les autres secteurs, peut-être même quelques prédispositions naturelles. Il ne faut pas être avare d’heures d’apprentissage, de répétitions, de transpiration, mais aussi parfois d’abnégation. Un peu de talent ne gâchera rien. Le tout devant être entouré par un bon enseignement. Mais elles procurent aussi énormément de satisfactions. Par exemple, chercher la finesse d’une technique en supplément de ses principes de bases et la maîtriser ! Cela relève de la quête du graal.

Certes, avec les catégories de poids les projections ont perdu un peu de leur caractère exceptionnel et même magique, par exemple lorsque dans les épreuves « toutes catégories » un combattant beaucoup plus petit projetait un adversaire beaucoup plus grand et beaucoup plus fort physiquement avec une superbe technique d’épaule. Il n’empêche que lorsque l’on assiste à une compétition certains « pions » nous offrent un spectacle dont on ne peut se lasser. D’abord, il y a de l’esthétique. Ensuite, lorsque l’on est pratiquant on mesure la somme de travail et de talent qu’il faut rassembler pour réaliser ce qui peut paraître assez naturel aux yeux d’un néophyte.

Côté entraînement et à l’occasion de la pratique du randori, faire chuter la personne qui est devant nous procure une très grande satisfaction, sans intention de l’humilier et encore moins de la blesser. S’y rencontrent alors la notion d’efficacité, avec celle d’une forme de jeux par la grâce d’un affrontement totalement dépourvu de violence et sans atteinte à l’intégrité physique (ces exercices se pratiquant sur un tatami et avec une personne maîtrisant parfaitement l’art de la chute.)

Quant aux projections et leur rapport avec la self-défense, il est indéniable qu’elles ont une efficacité phénoménale (imaginons un o-soto-gari, sans tatami et avec la complicité d’un rebord de trottoir.) Certes, comme expliqué plus haut, elles demandent davantage de travail, mais elles sont indispensables dans certaines situations, contre des saisies par exemple. Et puis, du travail et des répétitions il en faut dans tous les domaines et bien plus encore dans celui de l’auto-défense. « Apprenez à vous défendre en dix leçons » cela n’existe pas ! Une méthode dite simple et qui va à l’essentiel, pourquoi pas, mais on ne peut échapper d’une part à l’apprentissage de défenses sur toutes les formes d’attaques et d’autre part (au risque de me répéter) au fait que l’efficacité passe par l’apprentissage mais aussi et surtout par d’inlassables répétions.

A l’inverse, si on ne maitrise pas correctement « l’art de la projection » un complexe s’installera et entraînera une forme de rejet ainsi que des critiques injustes à son égard (il est plus facile d’incriminer l’outil que de se remettre en question.) Encore une fois, la solution à ce problème s’appelle le travail. « On ne peut rien contre l’entraînement ». Cette citation, maintes fois utilisée sur ce blog est un nouveau petit clin d’œil à un ancien élève qui se reconnaitra, il en est un bel exemple !!! N’oublions pas non plus la catégorie composée de ceux qui aiment faire chuter, mais qui n’aiment pas chuter, que ce soit en démonstration, à l’entraînement et bien évidemment en compétition. Il s’agit d’un sentiment assez naturel, mais, sans Uke (celui qui chute) pas de Tori (celui qui fait chuter.)

Pour conclure et en lien avec le début de cet article, je pense que nous souhaitons tous, judoka ou pas, amoureux des projections ou non, un nouveau sacre olympique à notre merveilleux champion pourvu d’une personnalité aussi forte que son o-soto-gari !

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